[Terminé] Home sweet home ft. Amor

La flotte ne semble pas vouloir s’arrêter. Le regard posé sur les gros nuages noirs qui ne veulent définitivement pas se barrer, je soupire longuement en maugréant dans ma barbe. Même si je suis allergique au soleil - comme tous mes petits camarades en fait - vivre constamment sous la pluie a tendance à m’emmerder au plus haut point. Pourquoi se pointer en Ecosse alors ? Ce pays réputé pour avoir de vastes plaines vertes…et une pluviométrie plus élevée que la moyenne ? HA ! Si j’avais seulement le choix !

Je n’en veux pas à Amor de s’être paumé dans ce pays de merde. En fait, je ne sais même pas si je le trouve si merdique que ça, pour être honnête. Je viens à peine d’atterrir et les heures de voyage m’ont épuisé, alors être accueilli par la flotte…on va dire que c’est la goutte d’eau qui fait déborder le vase. Goutte d’eau, pluie, vous saisissez ?

Quoi qu’il en soit, je soupire encore une fois avant de me redresser légèrement sur mon siège, histoire de faire circuler le sang dans mon fessier sur lequel je me suis assis pendant bien trop longtemps aujourd’hui. La luminosité est basse - est-ce parce que le soleil se couche, ou parce qu’il fait vraiment SUPER MOCHE ? Franchement, j’en sais rien à ce stade. Entre la météo et le jetlag, je ne sais même plus quel jour on est et quelle heure il est. Heureusement, je ne suis pas solo dans cette aventure.

Amor ne sait pas la fermer, mais c’est peut-être pour ça que je l’aime autant. Il fait la conversation pour deux, à déblatérer une série d’informations plus ou moins importantes dans un mélange d’anglais et d’espagnol que je ne comprends absolument pas tant mon cerveau est plus lent qu’à l’ordinaire - ce qui est déjà beaucoup, puisque je ne suis apparemment pas le plus vif des hommes sur terre. Bref. Je ne réagis qu’en le regardant avec des yeux ronds quand son anglais vire sur quelque chose que je ne connais pas, qu’il s’agisse de termes espagnols ou…je suppose d’ici ? Il n’y est pas depuis très longtemps pourtant en Ecosse, et déjà il a pris le pli. Comme quoi, c’est une véritable pâte à modeler, lui aussi. Est-ce que je vais causer écossais dans deux ou trois mois, moi aussi ?

“Mi Amor, j’ai rien capté…je suis lent ce soir. Ce matin ? Cette aprem ? Putain, on est quand ? Tu sais quoi, on va dire que c’est le soir.”

Les yeux rivés en face cette fois, je concentre ma magie et tend légèrement le bras devant moi. Aussitôt, la luminosité semble baisser un peu plus encore, et de petites lumières colorées flottent dans les airs avant de disparaître à chaque fois que le véhicule s’en approche. L’ambiance est plutôt cosy, un début de soirée tranquille et sympa…du moins il serait sûrement plus sympa si le ciel n’avait pas décidé de nous balancer la sauce.

“J’espère que tes bestioles n’essaieront pas de me bouffer, je suis pas sûr de gagner contre elle en 1 v 1.”

Amor, l’amoureux des petites bêtes, m’a déjà prévenu que son cher cottage était un véritable refuge pour araignées et…probablement d’autres trucs tout aussi peu ragoûtants. Pour l’avoir côtoyé pendant des années, lui et sa chère Marisol, je sais déjà de quoi il est capable. Je soupire longuement, et agite un peu plus la main pour décorer l’extérieur avec un peu plus de lueurs étranges. Je me demande s’il les voit avec autant d’intensité que moi, tiens…

“Tu me dis si ça t’emmerde pour conduire, j’ai pas envie de finir entre quatre planches alors que je viens de me taper treize heures d’avion.”

C’est quand même plus classe de crever d’un crash d’avion qu’un accident de voiture, hein…

Crédits : Mayfare group ; Jessica Johnson

La vie c'est parfois plutôt drôle. C'est souvent un enchaînement d'évènements qui mènent à un moment précis. Tout a commencé en 1994, quand Amor est né. L'histoire serait trop longue à raconter dans les détails mais le voici réuni avec le frère qu'il n'a jamais eu. A brother from another mother Un frère d'une autre mère, comme l'exprime si bien cette expression toute faite. Amor aimerait croire qu'elle a été crée spécialement pour Sky et lui, tant elle leur correspond si bien. Cette expression d'ailleurs, sans lui, il ne l'aurait jamais connue l'Anglais n'étant pas sa langue natale. C'est ce que le Zoomancien essaye d'expliquer dans son monologue mélangeant l'Anglais et l'Espagnol par habitude. Plaçant quelques mots dans une langue latine pour ponctuer ses phrases, employant le therme Hermano plutôt que Frérot. Mais les mots se mélangent et le voilà à sortir une expression tympiquement écossaise en plein milieu, semblant perturber son ami :

You look a little bit peely wally Tu as l'air un peu pâle, mot d'argot écossais qu'il entend régulièrement quand il annonce être Portoricain aux locaux d'Edimbourg. Rigolant à la réflexion de l'Oniromancien, le voilà qui hausse les épaules tout en attendant au feu rouge :

« Ce midi Hermano. C'était une expression écossaise pour dire que t'as l'air un peu pâle. Mais ouais, ça doit être la fatigue ! T'as fait un long voyage. Moi aussi quand je suis arrivé, j'étais fatigué d'un coup ! Le pire, c'est pour dormir les premiers temps. Je me réveillais en plein milieu de la nuit en croyant que c'était le matin. Il parait que le jetlag c'est plus difficile à réguler quand on va d'ouest en est que l'inverse. Mais t'inquiètes, j'ai du thé au gingembre à la maison on m'avait conseillé ça comme remède de grand-mère et ça avait bien fonctionné pour me caller sur le fuseau horaire écossais. »

En parlant des bêtes, Amor se met à rire de bon cœur alors que la voiture redémarre pour s'engouffrer sur l'autoroute. L'attente a été longue à la sorte de l'Aéroport, bondé comme bien souvent. Ils ne sont pourtant pas au bout de leur peine, en pleine pause de midi les routes sont fréquentées du côté humain. Tout autant du côté sorcier, mais ils ont encore un certain temps avant d'y arriver : encore un bon quart d'heure si ce n'est plus.

« C'est jamais la petite bête qui a mangé la grosse tu sais. J'ai rien de réellement dangereux à la maison en réalité. Faut juste pas que tu descendes à la cave, tu fais bien d'en parler j'avais oublié. J'ai des tégénaires qui se sont installées là, elles sont un peu spéciales au niveau du caractère. Mais même comme ça, leurs crochets sont trop petits pour mordre un humain ! »

C'est d'ailleurs intéressant pour lui à étudier, cette mafia qui s'est formée au sous-sol de son cottage. Habituellement, l'espèce est solitaire mais là elles se sont rassemblées. Tout en restant chacune dans son coin, mais coopèrent pour faire régner la peur au près des autres arachnides sauvages et insectes présents.

« Non bro, je suis bien réveillé moi t'en fais pas pour ça ! J'ai pas trop dormi cette nuit, parce que j'avais trop hâte de venir te chercher, mais ça va t'inquiètes ! T'as faim d'ailleurs ? Tu préfères qu'on cuisine un truc à la maison ou on s'arrête au Drive ? Histoire de pas te dépayser d'un coup, on peut se faire un Macdo si tu as envie, à moins que tu préfères une immersion totale dans la culture locale. »

Amor se stop un instant, fronce les sourcils à sa phrase précédente :

« Que dalle en fait, Hermano. Je sais pas cuisiner les trucs écossais, je t'ai raconté de la mierda. »

Mettant son clignotant en route d'un coup de main agile, le Zoomancien rectifie donc les informations :

« Macdo ou je te cuisine un bon petit plat pas écossais alors ? Promis, je te fais pas un truc trop épicé, même si ça te réveillerais pour le coup. Ou ça te plongerais dans le coma. »
Crédits : Mayfare group ; Jessica Johnson

Midi, hein ? J’ai vraiment complètement perdu la notion du temps, il faut croire. Ca explique pourquoi mon estomac se met à grouiller, comme s’il avait compris que “midi” signifiait “manger” dans l’immédiat. Je n’avais pas faim il y a encore quelques secondes, mais c’est une réaction psychologique je crois. Je suis un homme simple, avec des besoins simples.

“Peely…wally.”

Sans écouter la moitié de ce que me raconte Amor - comme d’habitude, mais il ne m’en veut pas, je crois - je répète cette expression comme si elle était absolument importante pour ma vie ici, et esquisse un sourire amusé devant cette sonorité particulière. Je raccroche donc les wagons de notre conversation, satisfait de ce que je viens d’apprendre, pour entendre mon ami parler…de bouffe. C’est mon estomac une fois de plus qui répond à ma place, et je laisse échapper un petit rire.

“J’en sais rien…”

Manger un mcdo ou tester la cuisine d’Amor ? Je ne sais même pas ce qui sonne le mieux dans cette histoire. Honnêtement, c’est pas parce qu’il s’agit de mon pote, mais j’ai pas méga confiance en ses talents de cuisinier. Peut-être parce que je projette un peu de moi en lui ? J’ai jamais fait l’effort d’apprendre quoi que ce soit de spécial, même lorsque c’était à moi de faire la bouffe à la maison pendant la pandémie. Tous les plats que je faisais, c’était des trucs tout simples, rien de très traditionnel. Tout ce qui importait, c’était de nous nourrir…qu’elle soit de bonne humeur pour son shift.

Mon regard s’assombrit malgré moi tandis qu’une étrange mélancolie me submerge tel un tsunami d’émotions contradictoires. Je devrais y être habitué depuis le temps, c’est toujours ce que je ressens lorsque Veronica s’impose à mon esprit. Malgré le temps qui passe, les nombreux mois depuis notre rupture, je peine encore à songer à notre vie d’avant. J’ai refusé le contact, effacé tout ce que je pouvais d’elle, et pourtant…c’est encore son visage dans mon esprit qui me blesse aujourd’hui.

“Hmm…”

Un pâle sourire se dessine sur mon visage alors qu’Amor comprend tout seul qu’il n’est pas de taille face à la cuisine d’ici. Mon illusion s’efface peu à peu devant moi, les couleurs devenant plus fades, plus ternes. C’est avec un pincement au coeur que je les vois disparaître une à une, et je lâche un soupir de déception avant de me redresser sur mon siège.

“Si tu me promets de pas essayer de m’empoisonner, je suis d’accord pour tester tes…compétences culinaires. Pis j’ai pas une thune bro, je peux même pas me payer un mcdo là. J’ai pas envie de te devoir des millions.”

J’exagère un peu en parlant de millions, mais l’idée est là. J’ai pris l’habitude d’une vie austère depuis que la mienne s’est effondrée, appris à compter les pennies pour être sûr de ne pas trop galérer financièrement. Alors je ne vais pas dépenser inutilement dès mes premières heures passées sur le sol écossais !

Crédits : Mayfare group ; Jessica Johnson

« Je sais bien que t'as pas une thune. »

Est-ce que c'est un reproche ? Non, absolument pas. Amor n'est pas comme ça. Pour lui, ce n'est pas quelque chose de grave. D'ailleurs, rien n'est jamais réellement grave avec le Portoricain, tant qu'on est encore en vie et qu'on n'a fait de mal à personne. Ou à un animal innocent. Tant que l'on est moralement une bonne personne, pour lui, il n'y a jamais de soucis. Qu'importe que Sky n'ait pas d'argent : lui a assez pour payer les courses pour deux le temps qu'il se remette financièrement. Qu'importe que Sky n'ait pas encore de logement ou de papiers : Amor a un canapé convertible utilisable le temps qu'il faudra. Son cottage n'est pas bien grand, mais suffiras amplement. Et puis, ça leur rappelleras leurs jeunes années à l'Académie Texane, lorsqu'ils partageaient leurs chambres.

D'ailleurs, une fois passés par le portail, il ne faut pas rouler bien longtemps pour voir le dit cottage se dessiner en haut d'une petite colline. Isolé sans l'être réellement, on y voit autour d'autres petites maisons semblables, toutes séparées d'un jardin plus ou moins grand et plus ou moins bien entretenu. Lui n'a pas réellement de voisins : le cottage en contrebas de sa colline est inhabité, depuis qu'il habite ici il n'a jamais vu personne y aller. Le champ de coquelicot prolifère donc sans doute plus qu'il ne le devrait, mais le Zoomancien préfère les pavots aux pavés.

Garant donc finalement sa voiture dans l'allée de la maisonnée, Amor s'empresse de sortir ses clefs pendant que son ami récupère sa valise. C'est dingue de se dire que toute une vie peut tenir là-dedans. C'est un peu ce qu'il a fait lui aussi en arrivant ici, les araignées ne sont venues qu'une fois installé convenablement. Il faut dire qu'avant de venir à Edimbourg, le portoricain vivait dans la forêt Amazonienne... Alors forcément, il n'y avait pas de meubles à rapatrier en urgence du brésil. Non, seulement lui, Marisol et quelques vêtements. En rejoignant le foyer familier d'ailleurs, la tarentule s'empresse de sortir pour rejoindre la table du salon où elle trône fièrement.

« On feras les présentations au fur et à mesure, il y a du monde. Mais personne n'est dangereux, à part dans la cave comme je te disais. Le truc le plus venimeux de la maison, ça doit être moi finalement ! En fonction des jours et des humeurs... »

Les tarentules, ça peut faire mal, rendre très malade en fonction des espèces. Mais ça n'est jamais mortel. Les tégénaires elles, sont juste mal lunées bien qu'incapables de mordre un humain à cause de leur taille. Amor lui par contre, s'il le voulait... Pourrait très bien se transformer en veuve noire ou en Atrax robustus s'il le voulait. Rejoignant sa cuisine après avoir jeté ses basket dans son entrée encombrée et ses clefs près de sa mygale (n'est-ce pas le meilleur anti vol de tous les temps ?) le voilà à fouiner dans son réfrigérateur à la recherche d'un plat rapide à préparer. C'est qu'il manque souvent d'idées, lorsqu'il est confronté à la réalité...

« Euh, un Mac and Cheese Sky ? »
Crédits : Mayfare group ; Jessica Johnson

La baraque que je vois se dessiner au loin a l’air adorable, super cosy, et d’un coup je me sens beaucoup mieux pour une raison obscure. Peut-être parce que même si j’ai accepté facilement de venir ici et que je sais être le bienvenu, je n’étais pas certain d’avoir opté pour la meilleure solution. Dans ma tête, mon cher ami vivait à moitié dans un squat…ah, je m’en veux d’avoir eu ces préjugés. Maintenant que je vois la véritable maison dans laquelle je vais squatter quelques mois, je me rends compte qu’il est vraiment bien installé, et que la nature autour ainsi que le fait d’être un peu isolé du reste de la société sera une bonne chose pour moi.

“Ok, j’avoue, c’est méga cool chez toi, bro.”

Cette fois, un sourire ne semble pas vouloir se décrocher de mon visage. Je récupère mes affaires, la fatigue encore pesante sur les épaules mais l’excitation de changer de vie prenant vite le dessus. En prime, la flotte s’est définitivement arrêtée ; je peux donc débarquer chez lui sans ressembler à une vieille chaussette mouillée, c’est un bon début non ?

Amor me confirme qu’il y a bel et bien du monde chez lui, et ça ne m’étonne même pas. En réalité, je m’attends déjà à débarquer dans une espèce de zoo un peu alternatif, plein de bestioles que tout le monde déteste. Déjà parce que j’ai vu l’intérieur de sa baraque il y a quelques semaines, lors d’une visio avec lui ; ensuite, parce qu’il m’envoie des photos de ses petits amis parfois, ne laissant pas tellement de place pour la surprise. Mais je suppose qu’elle sera toujours là, la surprise, quand je me retrouverai devant un gros truc poilu avec trop de pattes.

“Tant que tu me bouffe pas la tronche quand t’es transformé en, je sais pas, cobra venimeux, ça me va.”

J’entre enfin dans son antre, et d’un coup, je comprends que je me suis fourvoyé. Comment ça, pas de surprise ? Bien sûr que je suis surpris de voir un salon aussi…euh…blindé de trucs que personne n’oserait approcher de près ou de loin ! Je frissonne en avançant, ma valise à la main, le sac sur une épaule, à fixer toutes ces bestioles qui traînent un peu partout. Une en particulier d’ailleurs, qui semble vraiment intéressée et s’est entièrement plaquée contre la vitre de son terrarium pour me fixer de ses trop nombreux yeux. Tiens, d’ailleurs…je croyais que les araignées étaient aveugles ?

“Hmm…t’as l’air vachement curieuse, toi.”

Je pose mes affaires en vrac sur le canapé, déchausse immédiatement mes chaussures pour les ranger dans l’entrée, et rejoins mon ami dans sa cuisine les mains dans la poche de mon sweat. Je hausse les épaules à sa question, et esquisse un sourire en coin.

“Magnifique repas typique du pays, ouais…tu veux pas me dépayser avoue.”

Je lui donne un coup de coude, avant de passer mon bras autour de ses épaules en souriant en coin.

“Nah, va pour le mac & cheese. Franchement à ce stade je crois que je boufferais n’importe quoi.”

C’est que ça creuse, l’avion ! Je lâche Amor pour le laisser sortir le nécessaire, restant debout de manière un peu awkward au milieu de sa cuisine. C’est que je sais vraiment pas où il range ses trucs, alors pour l’aider…mais au moins, je peux lui faire la conversation !

“T’as une grosse araignée qui a l’air super intéressée par moi, dans le salon. Je suis sûr qu’elle pourrait facilement ouvrir sa boîte pour me grimper dessus.”

Crédits : Mayfare group ; Jessica Johnson

Une grosse araignée, c'est une description assez générique et même totalement confusante au sein de la maisonée du Zoomancien. Des araignées, il n'y a que ça et grosse est un adjectif relatif et propre à chacun. Pour certaines personnes, une faucheuse, c'est déjà considéré comme gros à cause des longues pattes. Réfléchissant en mettant l'eau des pâtes à chauffer et en sortant son fromage, le Zoomancien se gratte le menton. Sky le connaît depuis assez longtemps pour ne pas qualifier quelque chose de gros sans raison, quand il s'agit d'araignée. L'indication du Salon le fait également déduire qu'il ne s'agit pas de Pablo sa mygale Goliath. Ce n'est pas non plus Esmeralda la mygale Banane qui possède les pattes les plus longues.

« C'est... Peut-être Roberto ? »

Cette mygale est relativement curieuse, alors ça ne le surprendrait pas. Pourtant, il n'est pas si gros : non seulement il n'a pas encore sa taille adulte mais en plus, c'est une mygale de taille moyenne.

« Est-ce qu'il avait les fesses rouges ? C'est un Thrixopelma Ockerti, l'espèce n'est pas agressive mais les poils sont urticants s'il se sent en danger. Puis... Désolé de te dire ça bro, mais il n'a pas encore fini sa croissance. »

Occupé à raper son bloc de fromage d'un geste vif et expert trahissant son habitude de cuisiner du mac and cheese à n'importe quelle occasion -et surtout par flemme, Amor rigole :

« Il est Péruvien. »

Comme si le détail avait son importance dans l'histoire. En réalité, oui, du moins pour Amor qui par conséquent communique en Espagnol à l'arachnide. Toutes sont hispanophones, en dehors des araignées domestiques trouvant refuge dans sa maison comme les tégénaires et quelques petites faucheuses inoffensives.
Crédits : Mayfare group ; Jessica Johnson

"Roberto ?"

Je regarde Amor avec des yeux ronds, avant que la vérité me frappe en pleine tronche : évidemment que mon ami aura donné des noms à toutes ces bestioles...et évidemment que ces noms ne peuvent pas être des idioties comme n'importe quel autre gamin serait capable d'inventer, du genre "Fluffy" ou "Médor". Je soupire longuement, et accepte ce destin qui est le mien : une araignée possède un prénom humain, et cette fameuse araignée semble avoir un intérêt certain pour moi. C'est...bizarre, quand on y pense plus de deux minutes.

"Non mais Amor, je vais pas mater le cul d'une araignée, ça se fait pas en plus !"

C'est toujours un peu étrange de naviguer autour d'un zoomancien. Parce que quand on est normal (aka : incapables de communiquer avec d'autres trucs que les humains et familiers), on pense la plupart du temps aux animaux comme des êtres à part, un peu comme les plantes ou les cailloux. Genre, des objets avec un peu de conscience quoi, pas comme de vraies personnes. Mais ces foutus zoomanciens viennent faire basculer le tout, et voilà que je commence à me demander combien d'araignées ont involontairement vu mon cul pendant que je prenais une douche ou que je piquais une tête dans un lac en étant à moitié bourré. D'un coup, me voilà méga perturbé...mais ça va passer.

"Putain il fait déjà la taille de ma main...il fera quelle taille après ? Genre...ta grosse tête ?"

L'amour d'Amor pour les araignées, surtout les plus grosses et bizarres, ne s'explique pas. C'est juste un autre taré de plus, mais celui-là, il est à moi. Je fouille les placards pour trouver deux bols et deux cuillères, la vaisselle parfaite pour le mac & cheese, et laisse Amor terminer sa magnifique cuisine pour ramener le tout sur la table du salon. La fatigue s'est un peu levée chez moi, même si je suis encore mou - mais je suis TOUJOURS mou, ça ne change absolument rien. Au moins je ne risque pas de m'endormir dans mon bol de pâtes, c'est un début !

"Ok bro, t'as une tonne de trucs à me dire je crois !"

Amor et moi, on est resté en contact régulier quand même. Récemment pourtant, la vie a fait que prendre des news était compliqué, et nos conversations se résumaient parfois à un simple échange de memes sur tiktok ou instagram, la plupart du temps des conneries sans queue ni tête. Moi aussi, j'ai beaucoup à lui raconter...mais je ne suis pas certain de vouloir le faire. J'ai occulté pas mal lors de nos derniers échanges, et même si je sais qu'il va chercher à me tirer les vers du nez, j'ai la flemme d'avance d'aborder ces sujets-là.
Crédits : Mayfare group ; Jessica Johnson

« En théorie, c'est pas vraiment ses fesses et tu le sais très bien, je t'ai tout appris quand on était petits. »

Tout ça parce que Sky avait appelé l'abdomen de Marisol des fesses. Il n'a jamais été possible de faire taire Amor à propos des bestioles à huit pattes, le gamin a toujours apprécié les mygales en particulier allant même jusqu'à chercher les espèces natives Texanes. Surtout les Aphonopelma anax, dont il ne connaissait à l'évidence pas le nom latin lorsqu'ils avaient huit ans. Peinait à les différencier les unes des autres, mais entraînait Sky régulièrement dans ses expéditions à la recherche de pattes velues. Les plus petites, il les aime aussi. Mais force est de constater qu'il préfère les grosses bêtes. Le Zoomancien dit d'ailleurs souvent que les araignées, c'est un peu comme les chiens dans le fond (avec plus de pattes, mais) : les petites sont vicieuses et les grosses sont plus tranquilles. Il n'y a que très peu de mygales qui soient mortelles pour un homme adulte en bonne santé. Des petites araignées Pa contre ?... ça c'est une autre histoire. La Mygale va faire mal, très mal si elle mord. Mais prévient toujours avant en adoptant une posture défensive afin de signaler qu'il ne faut pas trop la faire chier. Les poils de certaines espèces sont urticantes également, surtout celles du nouveau continent. Celles en dehors des Amériques n'ont pas cette particularité. Mais ça aussi, Sky le sait : Amor lui a tout de suite dit que Marisol n'était pas dangereuse. En théorie. La bête fait plus peur qu'autre chose et souvent sans raison apparente.

« T'abuses pas un peu non plus ? Non, il sera un peu plus petit que Marisol une fois adulte, ça va. »

Enfin, ça va... tout est relatif. Rentrer ici serait le pire cauchemar des arachnophobes.

Ses mac and cheese d'une qualité exceptionnelle prêts, le voilà qui retrouve Sky en trottinant, bouteille de coca cola fraiche sous le bras. On ne change pas ses habitudes en déménageant de pays, ou pas totalement.

« Bien sur que j'ai plein de trucs à te raconter, mais toi aussi. A commencer par ton exe là, la blonde que j'ai jamais aimé. »

Les pieds dans le plat. Ou plutôt, la louche dans la casserole qui remplit copieusement le bol de l'Oniromancien sur la table basse, entre deux cendriers à moitiés pleins qu'il n'a pas pensé à vider. Amor a déjà pris le temps de faire un brin de ménage avant que Sky n'arrive, mais n'a visiblement pas pensé à tout.

Crédits : Mayfare group ; Jessica Johnson

Merde. J'aurais dû me douter que lancer ce sujet allait le faire retourner la question de mon côté. Je serre la mâchoire, grimace même à sa question, et hausse les épaules. J'ai omis volontiers des informations c'est vrai, mais je ne pouvais pas admettre ma défaite auprès de mon ami le plus cher. Déjà parce que je voulais éviter les "je te l'avais dit !" qu'il serait incapable de ne pas prononcer, mais aussi par ego. Je ne veux pas admettre ma défaite, c'est tout. Je soupire donc longuement, et marmonne dans ma barbe.

"J'ai pas envie d'en parler, bro..."

C'est difficile comme sujet, et certainement pas quelque chose à aborder en étant sobre. Mais le connaissant, il a plus d'herbe que d'alcool chez lui...et je ne lui fais absolument pas confiance pour charger un joint "décemment". Depuis le temps, je suis persuadé qu'il a de la weed en intraveineuse maintenant ! Je mâchonne mes pâtes, évitant son regard comme je sais si bien le faire. Mais il ne va pas lâcher l'affaire, n'est-ce pas ? Il va bien falloir en parler un jour...

"Ecoute bro...ouais, t'avais raison à son sujet. C'était une connasse. Enfin, je devrais peut-être pas dire ça, elle était cool quand même...mais...j'aurais dû t'écouter, mais...on a passé de bons moments, elle et moi."

Quand je me remémore ma vie à ses côtés, je me rappelle soudainement de ces fameux bons moments teintés de nostalgie. Est-ce qu'elle était si malheureuse avec moi pour aller chercher du réconfort dans les bras d'autres hommes ? Est-ce qu'elle me trompait déjà, à cette époque...? Putain, j'ai pas envie d'y penser. Ca va me déprimer, et j'ai pas envie d'être déprimé ce soir. Pas alors que j'ai retrouvé mon meilleur pote.

"Au moins, c'est derrière moi. Et je sais quoi attendre d'une meuf maintenant, je sais qu'il faut que je m'affirme dès le départ pour pas me faire rouler dans la farine. Mais au moins, moi, j'avais une meuf !"

Je donne un coup de coude à Amor, rigole en le voyant échapper sa fourchette pleine de pâtes. Je le taquine bien sûr, mon grand romantique. Mais c'est lui qui a abordé le sujet des conquêtes, alors je ne vais pas le lâcher maintenant !

"Toi, t'as personne en vue en ce moment ? C'est pas ton genre mi Amor, généralement t'es toujours en train de simp sur une jolie fille qui pourrait faire modèle OnlyFans."

Comme quoi, certains peuvent se permettre de viser le haut du panier, hmm ?

Crédits : Mayfare group ; Jessica Johnson

« J'ai forcément raison, hermano, j'ai un sixième sens comme les animaux. »

Littéralement, comme les animaux. Les Zoomanciens étant capables de sentir le danger approcher et ce même de loin dès leur enfance. Le danger, ça peut prendre différentes formes, mais Amor lui, l'a senti tout de suite que quelque chose n'allait pas chez Veronica. Oh, c'est pas le fait qu'elle était jolie. Parce que pour le Portoricain ce genre de choses ça ne compte pas, on peut s'aimer même si on est mal assorti physiquement, que Sky ne soit pas un mannequin baraqué d'un mètre quatre vingt dix au sourire étincelant et aux abdominaux ciselés, ça ne change rien. Tout le monde est beau, à sa manière. Mais vraiment, depuis qu'il a rencontré cette fille, il ne l'a jamais appréciée. Il l'a sentie fausse, dès le premier jour. A toujours été persuadé qu'elle lui briserait le cœur d'une façon ou d'une autre et ça, Amor ne peut pas le pardonner ni l'ignorer. Si personne ne mérite d'avoir une peine de cœur, Sky surtout, ne le mérite pas. Parce que son frère est une bonne personne. Qu'il a ses défauts certes, mais il n'a pas une once de méchanceté en lui. Sky il est toujours correct comme garçon. Dans le pire des cas, il sera en retard à un rendez-vous mais jamais il ne posera un lapin. C'est pas non plus le genre de type à mal maîtriser ses émotions comme certain, il sait que son ami est même un peu sensible, avec son âme de rêveur et d'artiste. Double peine, certes, l'Oniromancien n'est pas facilement blessé mais ça l'embête tout de même cette histoire Amor.

Il a souffert, sans doute plus qu'il ne l'a laissé paraître, d'être blâmé pour ne pas avoir de familier quand ils étaient petits. Le Zoomancien l'a protégé, pendant un temps même, son ami a eu un verre de terre -semi domestiqué- pour feindre d'en avoir un. Encore une (brillante?) idée d'Amor. Un triste matin de Mars cependant, le verre de terre avait disparu. Il a toujours soupçonné le familier de leur camarade de dortoir à l'époque de l'avoir croqué et de mentir ensuite en se prétendant innocent. Avoir envie d'un petit encas à minuit, ça concerne tout le monde : sorciers comme familiers. Toute cette situation, a probablement aider Sky à se forger un caractère en grandissant. Celui de ne jamais rien prendre personnellement et de laisser glisser la plupart du temps. C'est un avantage certain : au moins, il n'est jamais fâché. Mais l'autre côté de la pièce, c'est qu'il laisse justement glisser trop de choses.

En aimer plusieurs à la fois, c'est une possibilité. Encore faut il être honnête dès le début avec l'autre personne, pour ne pas risquer de lui faire de mal. Mais Veronica était elle réellement polyamoureuse ou profitait simplement de la stabilité que lui apportait Sky pour s'en aller avec un autre derrière son dos ? Amor doute de la sincérité de l'exe.

Toujours dans l'humour et s'en voulant un peu de lui avoir balancé un "je te l'avais dis" dans les dents comme ça, le voilà qui donne un coup de main amical dans le dos de son ami :

 « Regardes, j'ai des antennes. »

Oups. La transformation est mal maîtrisée. Lui qui voulait simplement une paire d'antennes de fourmi pour ressembler à Mantis dans les gardiens de la galaxie, se retrouve totalement changé en gigantesque fourmi. Même au jurassique quand les incestes étaient énormissimes, il n'est pas certain qu'elles aient été aussi grosses. Se rendant compte en voyant une paire de mandibules au lieu d'un nez, Amor se recule et secoue la tête pour reprendre forme humaine. Adieu l'horrible chimère cauchemardesque, digne des pires rêves de l'Oniromancien, homme à la tête de fourmi.

 « Oh putain désolé j'ai merder. »

Il en rigoleras, d'ici cinq minutes. Mais pour l'instant il s'en veut d'avoir manqué de faire faire une crise cardiaque à son meilleur ami. Au moins, le thème de l'amour revient sur la table. Et c'est le moment de tourner l'incident au ridicule, comme le Portoricain sait si bien le faire :

 « J'ai essayé, mais elle a pris peur quand j'ai foiré ma transformation en mille pattes, j'ai tout un tas de bras qui ont poussé ça a dû l'impressionner. J'ai pourtant argumenté qu'avec autant de bras, je pourrais faire le ménage plus vite, mais elle a rien voulu entendre... Elle est partie en courant et m'a pas rappelé ensuite, puis tout le monde au restaurant a hurlé, y a juste un gamin de treize quatorze ans qui m'a dis que j'étais trop metal. »

Bien entendu, ça n'est jamais arrivé. Amor vient de l'inventer pour dédramatiser sa tête de fourmi horrible.

 « Plus sérieusement, y a quelqu'un que j'aime bien, oui. Mais on verra comment ça se goupille. Elle est pas du tout comme les autres, en plus. Elle est super gentille, je saurai pas dire exactement mais... Tu vois, elle est douce et un peu naïve j'ai l'impression. Vraiment, un sucre cette nana. On s'entend déjà super bien tous les deux, donc... Je sais pas, on verra ? Je suis pas du genre à forcer le destin pour ce genre de choses, tu me connaît. Je laisse la nature faire. »
Crédits : Mayfare group ; Jessica Johnson

Parler de cette histoire, ça me blesse plus que j'aimerais l'avouer. J'ai beau me dire que c'est du passé, que tout a changé mais que je suis sur le point de me reconstruire, il n'empêche que penser à Veronica et à ce qui est arrivé dans notre couple me fait mal au coeur. Si bien que je perds immédiatement l'appétit, et grignote mes pâtes sans grande conviction. Je ne veux pas inquiéter Amor, mais...c'est quand même dur de revenir sur les échecs d'une vie. Je soupire donc, sans répondre, et finis par lâcher ma fourchette en me tournant vers lui.

"WHAT THE FUCK ?!"

C'est sorti tout seul, là ! J'amorce un mouvement de recul en voyant la tronche de mon ami, transformée en bestiole énorme et absolument dégueulasse. Parfois, j'oublie qu'il s'agit de son pouvoir...et je crois que lui aussi, ne s'en rend pas toujours compte. L'énorme tête de fourmi donne l'impression de vouloir me dévorer ; celle-là, je suis sûr de la revoir dans mes rêves cette nuit ! Non mais à quoi est-ce qu'il pense, celui-là ?!

"Putain Amor, ça va pas de faire des trucs pareils ?"

Même si mon coeur bat encore à toute vitesse de la frayeur qu'il vient de me donner, j'éclate de rire en le voyant galérer à retrouver forme humaine. Un rire qui ne cesse pas à son anecdote de date d'ailleurs, et les images mentales qu'il me fourre dans le cerveau ne font qu'aggraver la situation. Pourquoi est-ce qu'il a même tenté de faire un truc pareil, vraiment ? Je sais qu'il n'est pas très doué avec les filles, c'est d'ailleurs un de nos points communs, hum. Mais même moi je trouve ça abusé. Si abusé d'ailleurs, que je doute qu'il s'agisse d'une véritable anecdote...mais connaissant mon frère de coeur, tout est possible dans sa vie.

"J'aurais été comme le gosse. Franchement elle te méritait pas si elle pouvait pas voir les avantages de tes transformations !"

Au moins, parler de cette anecdote lui délie la langue. Et d'un coup, me voilà intéressé par ce qu'il me raconte. Une meuf en vue, hein ? Mais comme d'habitude, il ne fera pas le premier pas...laisser la nature faire, mon cul oui ! Il a juste la trouille de se prendre un râteau. Alors qu'il est objectivement mignon et sympa à vivre. No homo bien sûr.

"La nature elle va finir par te piquer ta gonzesse si tu la laisses faire. Pourquoi t'essayes pas de tâter le terrain, voir ce qu'elle pense de toi ? T'as qu'à l'inviter ici, tu me dis et je me barre pendant quelques heures hein ! Comme ça t'es tranquille avec elle, sur un terrain que tu maîtrises. C'est une technique qu'on m'a donné. Bon, j'ai jamais appliqué mais il paraît que c'est efficace, vu que la personne qui me l'a donné arrêtait pas de pécho tout ce qui bouge."

Certes, la pseudo célébrité de notre groupe y faisait beaucoup aussi, mais il n'empêche que notre guitariste avait toujours une nouvelle meuf à son bras, et certains étaient incroyablement jaloux de le voir pécho si facilement ! Pas moi, bien sûr. Pas à cette époque en tout cas, parce que j'avais autre chose à foutre. Dans mon adolescence j'aurais été un peu jaloux oui...mais c'est une autre époque. Et le groupe aussi d'ailleurs, c'est une autre époque. D'un coup, la nostalgie me prend en y repensant. Je soupire longuement, et m'avachis sur le canapé en fixant le vide.

"Profite avant qu'un autre en profite, c'est tout ce que j'ai à te dire. Parce que tu sais jamais ce qui va te tomber sur le coin de la gueule, hmm ?"

Crédits : Mayfare group ; Jessica Johnson

«  C'est foutu bro, tu sais qu'on ne me changeras plus maintenant. »

Sky n'a pas non plus totalement tord, de lui dire que la nature risque de lui jouer des mauvais tour. Mais a ce moment-là, Amor iras dire que c'est le destin qui en a voulu ainsi : mauvais timing, c'était voué à rester ainsi pour le moment. C'est qu'il est rarement inquiet, le Zoomancien. C'est même énervant, voire maladif chez lui, de toujours se dire que rien n'est grave. Tant qu'on a un toit sur la tête et de quoi manger, ce n'est pas la fin du monde. Même dans la situation de Sky, qui n'a plus de copine, pas une thune et plus de travail : c'est temporaire, Amor lui a promis qu'il pourrait compter sur lui le temps de se remettre. A rajouté "tu me revaudra ça t'en fais pas" quand Sky à l'autre bout du fil lui a dit qu'il le rembourserait après. Il n'y compte pas, le Portoricain. S'en fout bien de payer un peu plus cher sa facture d'eau ou de faire un peu plus de courses que d'habitude pour un mois ou deux. ça ne change rien à sa vie, ça lui couteras peut être une ou deux centaines de pounds supplémentaires mais qu'est-ce que ça représente, l'argent ? Au final, pas grand chose. On pourrait vivre sans. Il préfèrerait d'ailleurs que le monde puisse tourner autrement qu'avec des échanges monétaires. Ils sont les seuls animaux à payer pour vivre sur cette planète, dans le fond, clairement, ils ne sont pas les plus malins.

Egaré dans ses pensées, à râcler le fond de son bol de mac and cheese, boucle d'Or hausse les épaules :

« Je me dis que ça vaut la peine de prendre mon temps avec elle. Tu comprendrais, si tu la connaissait. »

Et tant pis s'il y a quelqu'un d'autre. Comme ils se le sont avoué l'un à l'autre, aucun des deux ne serait fâché si l'autre tombait amoureux. Sachant que pour Amor, ça n'empêche rien non plus. Il a expliqué à Sky, vaguement, qu'il avait compris quelque chose le concernant. Qu'il était probablement polyamoureux, capable d'aimer plus d'une personne. C'est un peu étrange, les gens ont souvent du mal à comprendre. Il sait pourtant que ce ne sera pas son frère qui le jugeras. Alors... Qu'importe, s'il se fait passer devant par un autre. ça ne veut pas dire qu'on ne peut pas s'aimer à plusieurs, si tout le monde est d'accord. Peut-être même que ce type et lui finiraient par devenir potes.

« Faut que j'te montre pour ouvrir le canapé, d'ailleurs. Je doute que t'ai envie de pioncer dans mon lit... Tu sais que je m'étale en plus. »

Il faudra bien l'installer, le petit Sky. Lui montrer comment déplier le canapé lit, lui montrer qu'il lui a libéré de la place dans son armoire pour qu'il y range ses fringues. Plus encombrant que les inombrables myagles qu'Amor récupère de diverses façons, mais sacrément plus causant, la présence de Sky finalement... S'avère être tout l'inverse d'un poids.
Crédits : Mayfare group ; Jessica Johnson