[Terminé] You Spin Me Around

TW : mention légère d'arme à feu

C’était son 3e cours de la semaine et à chaque coup de pédale, Gabriel se rappelait pourquoi il avait tant aimé ce boulot, durant sa vingtaine. En ce moment, il remplaçait l’une des coachs en arrêt maladie suite à des douleurs aux tendons devenues persistantes au fil des mois. S’il n’était qu’un sportif parmi d'autres, écumant la salle de fitness chaque soir de semaine depuis bientôt 13 ans, il lui avait fallu longtemps pour informer la propriétaire que dans une autre vie, il avait aussi donné des cours de cycling (ou RPM ou spinning, en fonction du nom qu'on lui donnait). L’information avait été bien entendu et depuis 2 ans maintenant, quand il y avait besoin, Gabriel rempilait pour des contrats courts pour son plus grand bonheur et celui des adhérent·es. Si lors de son retour, il avait bien hésité à reprendre le même poste à Édimbourg, un relent nauséeux avait fait taire l’idée en une poignée de minutes. Le lien privilégié que le cycling et le rôle de coach maintenaient avec sa vie d’avant restait encore bien trop douloureux à l’époque pour que l'écossais continue sur cette même carrière. Et puis, coach sportif n’était pas vraiment un avantage pour sa seconde activité officieuse. Mais maintenant… Oh, les souvenirs avaient été enterrés si profondément que même les litres de sueur perdus à chaque séance ne pouvaient les faire remonter.

“Bravo ! Vous avez été excellent, la prochaine fois… On tournera d’un quart en plus la résistance.”

Tout sourire, sa proposition fut accueillie par des souffles amusés, des rires épuisés et surtout, des applaudissements. Cela faisait partie intégrante des cours de cycling, cet aspect évènementiel où la musique et les cris des sportif·ves faisaient vibrer les coeurs pendant que les pieds fendaient l’air.

Descendant de son vélo, ses mains étaient moites, ses yeux brillants et des mèches blondes humides lui retombaient devant les yeux. Prendre un cours de cycling, c’était comme danser toute la soirée en boite de nuit, sans l’odeur d’alcool imbibant votre t-shirt préféré. Applaudissant à son tour, il n’y avait bien que dans cette salle que Gabriel laissait des félicitations glissées d’entre ses lèvres, habituellement bien serrées dès lors qu’il était question de complimenter. À ses yeux, il y avait toujours mieux et toujours plus alors pourquoi perdre du temps à flatter ? Mais entre ses murs, quand les poids libres remplaçaient les armes et la selle d’un vélo, la chaise de son bureau, quelque chose se déliait en lui, comme une corde nouée qui retrouvait un peu de mou.

Il avait sa gourde en main et finissait de saluer les adhérent·es quand il nota du coin de l’œil qu’un prenait plus de temps que les autres à quitter son vélo. Lucius ou, de son petit nom, la grande asperge. Petit nom que Gabriel se gardait bien de lui partager : lui n’aurait pas apprécié qu’on l’appelle la blette, avec ses nervures évoquant des muscles dessinés et sa saveur détestée par 3/4 de la population mondiale (et non personne ne l’avait jamais surnommé la blette, Gabriel s’était juste demandé un matin à quel légume il ressemblait le plus).

“T’as sacrément bien pédalé ce soir, Lucius. Je ne sais pas à quoi tu pensais, mais…”

Il se rapprocha du jeune homme en sifflant sa stupéfaction : si Gabriel ne voyait pas toujours ce qui se passait devant lui pendant les séances, il s’était surpris à remarquer le rythme très soutenu du brun, surtout sur les parties où la force comptait plus que la vitesse. S’appuyant sur un vélo vide, il lui adressa un sourire complice avant de reprendre.

“Ça t’a fait du bien ?”

Car il y avait seulement deux choses qui expliquaient une telle énergie pendant un cours de cycling : une journée merdique ou de la colère à répudier.

Des moyens de se détendre, il y en a tout un tas : Certains méditent ou prennent un bain pour se relaxer. Font du Yoga pour aligner leur chakras ou mangent une tablette de chocolat. Il y en a d'autres qui cognent des murs ou dans le meilleur des cas, des sacs à la salle de sport. C'est ce qu'il aurait pu faire, encore une fois, Lucius. Taper dans un sac, pas dans un mur, jamais. Le mur ne lui a rien fait et puis ensuite, il faudrait payer la caution de son appartement ou expliquer à son patron pourquoi il y a soudainement un trou dans le placo de la réserve du fleuriste. Mais aujourd'hui ce n'est malheureusement pas la journée de son cours de boxe. Il a pourtant besoin d'évacuer, de se calmer d'une manière ou d'une autre pour retourner à la normale. Et lorsqu'il arrive à la salle avec son sac de sport sur l'épaule, on lui propose juste ce qu'il lui faut : aujourd'hui c'est Gabriel qui se charge de la séance de cycling. Alors, ni une ni deux le voilà avec une gourde dans une main, une serviette dans l'autre en route vers l'atelier qu'il connaît bien. Heureusement que la réceptionniste le connaît et sait qu'il est l'un des rares à vouloir spécifiquement suivre les cours de Gabriel plutôt que ceux de l'instructeur habituel.

C'est exactement ce qu'il lui faut et l'Oniromancien au fur et à mesure de la séance sent l'effet du vélo sur les muscles de ses jambes. Il ne bronche pourtant pas, tiens le coup en serrant la mâchoire et en gardant la tête baissée tout en continuant de ruminer intérieurement. Est-ce que c'est normal de se mettre dans des états pareils quand on est dans une relation amoureuse ? Ah, il aurait du écouter sa meilleure amie et ne pas s'engager là-dedans. Elle l'a prévenu qu'il allait en souffrir quand elle lui a tiré les cartes. Il aurait du se trouver une gentille fille, ou rester tout seul au lieu de vouloir essayer quelque chose de différent sous prétexte de se découvrir, de chercher qui il était. Qui se cherche encore à son âge ? Lui, visiblement à vingt neuf ans. Est-ce que c'est une crise de la trentaine un peu en avance ? Jager n'a après tout pas fait de réelle crise d'adolescence quand on y réfléchit cinq minutes : il n'a pas eu de réelle rébellion et a simplement parlé avec ses parents de son besoin de s'exprimer avec des tatouages avant d'avoir l'âge légal d'en faire. Sa seule bêtise il la regrette et n'en a jamais parlé à sa famille de peur de les décevoir et de leur faire honte, il n'y a qu'Armand chez les adultes qui soit au courant. Lucius est un gentil garçon, bien sous tout rapport qui lorsqu'il se retrouve dans des situations délicates ne l'a généralement pas cherché. ça lui est juste tombé dessus, parce qu'il n'a pas osé dire non ou parce qu'il est d'une nature trop naïve. Lucius, c'est le genre à pleurer quand un policier l'arrête pour simplement lui signaler que son feu arrière merde alors qu'il n'a rien fait de mal et conduisait -pour une fois- correctement. Juste par trouille d'avoir des emmerdes.

Les embrouilles, il ne les cherche jamais sachant très bien qu'il serait incapable de les gérer même si sa vie en dépendait. Quoi que, il n'a jamais été dans ce genre de situations. N'a perdu le contrôle qu'une fois dans son existence, quand un client peu agréable s'est montré raciste et sexiste en vers lui et sa collègue qui essayaient juste de l'arranger comme ils le pouvaient. Et ça aussi, il le regrette. Au moins, Jager aura appris une leçon : la violence ça ne résout rien et ça ne lui ressemble pas non plus. Mieux vaut faire du vélo.

Les muscles engourdis à la fin de la séance, occupé à s'éponger alors qu'il sait que c'est perdu d'avance et que rien n'y fera à part une longue douche il lui faut un instant pour se rendre compte que l'on s'adresse à lui. Relevant le visage, se forçant à sourire à Gabriel, Lucius lâche un petit rire :

« Ah, oui, je crois... ça m'a permis de réfléchir un peu.  »

De conclure que Nero et lui doivent avoir une conversation dès que possible. Une discussion qui décideras de la suite.

« Merci en tout cas, pour le cours... C'est quand le prochain ? C'est ce que j'ai trouvé de mieux pour le leg day, de venir te voir. »

TW : none

“Ah, oui, je crois... ça m'a permis de réfléchir un peu.”

Donc, journée merdique. Peut-être même une prise de tête avec quelqu’un d’assez proche pour lui donner envie d’aller suer des litres dans une salle bruyante et bouillante. Gabriel ne pouvait que comprendre : le sport était aussi l’un de ses exutoires, l’aidant à cadenasser ses émotions quand les évènements ne se passaient pas correctement. Professionnels ou de l’Ordre, familiaux ou sentimentaux, les rouages de ses (trop) nombreuses mécaniques n’étaient pas tout le temps bien huilés et ripaient bien plus souvent que le Garde l’aurait souhaité. S’il en fallait beaucoup pour que Gabriel sorte de ses gonds, ce contrôle n’était pas seulement dû à une éducation merdique, mais bien à des activités qui régulaient son système nerveux. Musculation, HIIT et broderie. Le triumvirat protecteur de la santé mentale du Garde pouvait passer pour une hygiène de vie un poil trop excessive quand on connaissait le nombre d’heures accolées à chaque activité. Mais c’était ça, ou exploser là où on lui demandait uniquement de la stabilité. Et puis, passer des heures ici, c'était aussi moins de temps passé aux côtés de celleux qu'il avait appris à abhorrer.

“Merci en tout cas, pour le cours... C'est quand le prochain ? C'est ce que j'ai trouvé de mieux pour le leg day, de venir te voir.”

Gourde fermée, il la posa au sol avant de se relever pour s’accouder au guidon du vélo. C’était son seul cours du soir, mais après un rapide footing matinal, une journée de boulot éreintante et une séance pectoraux et dos, il le sentait passer. Gabriel était tout sauf un surhomme et la fatigue musculaire et nerveuse commençait à poindre. Les yeux légèrement plissés, le rythme cardiaque qui revenait plus lentement à la normal, les picotements dans les mollets... Gabriel avait ce talent de connaitre parfaitement ses limites, à l'écoute du moindre signal. Si avoir conscience de son corps et de ses besoins n'avaient rien d'anormal, en être à ce niveau de clarté révélait bien plus que ce que Gabriel n'oserait jamais avouer.

”Après-demain. Je remplace Leslie jusqu’à son retour donc tu devrais me trouver à ce poste encore quelques semaines. Et si besoin de conseils pour bosser tes quad’, je suis aussi dispo.”

Sourire affable, de ceux qu’il ne dévoilait que dans ce sanctuaire, Gabriel se préoccupait sincèrement des personnes qui venaient à ses cours. Il avait l’agréable sensation qu’on s’y rendait pour ce qu’il offrait et pour ce qu’il dégageait, bien loin de ce qu’on attendait de lui dans ses autres activités professionnelles. N’être que Gab, coach sportif aux entrainements vivifiants, lui convenait parfaitement. Pas de monsieur suivi d’un ton colérique en apprenant les résultats d’un contrôle fiscal, pas de Selvaggi accolé à une future mission où l’erreur était synonyme de conclusion, pas de Gabriel soufflé dans un sanglot auquel il n’arrivait pas à répondre. De ses multiples identités, celle-ci était de loin sa préférée.

”Ou si besoin de parler… Je sais que parfois, s’ouvrir un peu à des personnes externes à une situation peut aider. C’est pas facile, mais ça a le mérite de donner des pistes de réflexion auxquelles on n’aurait pas pensé.”

Et si lui se laissait rarement aller à des confidences empêtrées dans des mensonges pour éviter de dévoiler les secrets familiaux, les fois où Gabriel n’avait pas réussi à contenir la violence qui plantait ses crocs dans son palpitant, la réponse en face avait été rassurante. Pas de solution toute faite, ni de requête de détailler. Simplement des mots encourageants, doux ou même parfois, des silences, accompagnés d’étreintes qui criaient “laisse-toi aller, je suis là”. Quand lui ne gérait plus, il n’y avait bien que des bras enveloppants pour remplacer la fureur par le calme. Finalement, il n’y avait pas que le sport et la broderie qui épongeaient la terreur et la culpabilité de l’écossais.

TW : none

“Ah, une dispute avec ma copine... ça va s'arranger, comme d'habitude. ”
Ah. À vrai dire, Gabriel s’en doutait un peu. Il n’y avait bien que l’amour et la famille pour donner envie de se brûler les quadriceps et les mollets sur un vélo, entouré de quinze autres personnes suant à grosses gouttes sur le sol. Et il ne pouvait que comprendre Lucius, lui qui était réputé pour préférer prendre le large (parfois littéralement) au lieu de discuter proprement quand les choses s’envenimaient. Que ce soit avec ses exs ou avec sa famille, Gabriel avait cette fâcheuse habitude à fermer son clapet quand on attendait de lui le contraire. S’il n’était déjà pas très loquace habituellement, à chaque fois que le ton montait pour de bonnes raisons ou qu’on lui demandait de s’exprimer, l’heure était aux valises ou au sac de sport.

Mais la suite… Oh la suite, il ne s’y attendait pas. Pas avec autant de détails, pas avec autant de drama, pas avec autant de… attendez, mais c’était une vraie naze sa meuf ? Même sans savoir ce qu’était une Karen, Gabriel comprenait aisément que le noeud du problème, c’était elle et pas Lucius, avec son air de chaton mouillé. À mesure que les informations dévalaient la langue du jeune homme, Gabriel fronçait de plus en plus des sourcils. Il finit par changer de posture et fermer ses bras contre son torse. Rien n’allait. Et si lui s’en rendait compte, c’était vraiment que rien n’allait.

”Ah ouais. Waouh, c’est… waouh.”

Il en restait estomaqué. S'il était déjà sorti avec des femmes bien plus aisées financièrement que lui - et ce n’était pas difficile à une époque - jamais il ne s’était retrouvé dans une situation comme celle-ci, où l’irrespect se mêlait à de la méchanceté pure et dure. D'où elle se prenait pour une marquise au taff de ce pauvre Lucius ?

”J’imagine que vous avez déjà parlé ? Enfin, ce serait la première chose à faire pour… que tu lui expliques à quel point ça t’a touché, car ça, mec, c’est… Non ? Juste non.”

Argumentaire, zéro pointé mais il n’en revenait pas qu’on puisse traiter un gars comme Lucius ainsi ? N’importe qui enfait ? Avec un raisonnement datant de l’an 1800 en plus ! Après, devait-il être vraiment étonné que certaines relations se passent encore ainsi ? Si l'Ordre de Saint Patrick n'était pas vraiment un ordre d'aristo', bons nombres de familles qui y étaient implantés remontaient au moins aux temps des Cathédrales - Oui, Gabriel aimait beaucoup les comédies musicales françaises, un détail qui avait son importance.

”Tu dis si j’vais trop loin dans mes conseils, mais à une époque, je sortais avec cette fille, Maria. Ça n’a pas duré, mais vraiment, c’était très cool. Sauf que j’ai tendance à… un peu me refermer quand il faut parler de choses importantes. Ou alors à vite m’agacer quand on essaye de me tirer les vers du nez. Tout ça pour dire que Maria m’avait proposé que, dès que je me mettais à bouder alors qu’on devait parler sérieusement ou à m’énerver pour un rien, elle sortait un mot qu’on avait choisi ensemble. Un peu comme un…”

Il cherchait ses mots, dodelina de la tête avant de se rappeler d'un terme qui convenait parfaitement à la situation.

”Un safe-word. Mais pas le type de safe-word de Fifty shades of grey là, juste un mot pour me faire comprendre que je merdais. Ce mot, c’était "pédoncule". Dès qu’elle le balançait, ça me sortait tellement de mon boudin, que j’étais capable d’avoir une discussion d’adulte avec elle ensuite. Peut-être que ça pourrait être une astuce pour ta copine, quand elle part un peu trop loin dans son délire d’aristocrate là ? Tu sors un “coquelicot” et elle captera qu’elle merde. Bon, préviens la avant, sinon elle va juste penser que tu te fous de sa tronche.”

Mince sourire adressé à Lucius, qui se voulait encourageant. Gabriel préférait taire la suite de l'histoire : Maria avait fini par en avoir marre de ses silences et de ses difficultés à s'ouvrir sur des sujets qui méritaient un minimum d'échange, et avait claqué la porte après un pédoncule de trop dans leur relation.

TW : société hétéronormative ; acephobie intériorisée ; mention de parricide ;

Il avait remarqué les rougeurs sur les joues de Lucius, ne s’était pas attendu à ce que la mention de Fifty Shades of Grey rehausserait encore plus le teint du sportif après une telle séance de cycling. Gabriel était un lecteur assidu, bon public aussi, qui aimait autant suivre les tendances littéraires que dénicher une autrice inconnue au bataillon qui savait manier les mots comme lui les mensonges. Si E.L James était passée par sa pile à lire, c’était plus par curiosité que par intérêt pour le sujet du livre. Et aussi car on le lui avait vendu comme un aphrodisiaque efficace, bien utile pour lui qui n’avait jamais compris pourquoi son désir peinait tant à apparaitre malgré tous ses rencards avec de très jolies jeunes femmes. Fifty Shades of Grey n’avait rien réglé du tout, pire, l’histoire avait laissé dubitative le Garde. S’il s’était laissé avoir par le second tome, ”pour la science” comme il aimait le dire, il n’avait pas fini la trilogie, fatigué d’arquer les sourcils toutes les dix pages et de s’énerver sur les protagonistes. Si la romance avait toujours été un des genres littéraires préféré de Gabriel, ce livre n’avait tout simplement rien de romantique - et encore moins d’aphrodisiaque.

Retrouvant le guidon comme oreiller, il hocha de la tête face à la réponse de Lucius. Oui, il valait mieux éviter un terme qui avait déjà son bagage émotionnel. Ce serait dommage d’enterrer le peu de ce qui semblait positif dans la vie de cette jeune femme, au vu du caractère irrespectueux qu’elle empruntait face à son petit ami. Quant à a suite… Gab eut toutes les peines du monde à ne pas sourire. Cataplasme. Rien de mieux pour arrêter une conversation épineuse et la transformer en un long échange de regards qui se conclurait par un fou rire.

- C’est un chouette mot, cataplasme. Si avec ça, elle n’a pas un petit sourire amusé…

Il faillit ajouter un “il faudrait lui acheter un sens de l’humour”, mais de un, c’était de trop dans la conversation et de deux, Gabriel était le premier à qui on rappelait que son humour à lui, n’avait rien de drôle ou de sympathique. Et puis, il aimait bien Lucius et n'avait pas envie de le mettre encore plus mal à l'aise qu'il semblait l'être dans ses explications.

- Mais en tout cas, n’oublie pas que, quelle que soit la fortune ou le titre de ta copine, elle n’a pas à te parler ainsi. Si elle ne se sent pas d’expliquer à ses parents qu’elle aime un gars sympa et sportif comme toi juste parce que tu ne fais pas partie de son monde, et bien…

Petite pause alors que le Garde prit subitement conscience qu’il n’avait JAMAIS présenté une seule femme à sa famille. Heureusement, personne ne le tannait pour ça et il avait bien assez d’adelphes pour continuer la lignée viciée des Selvaggi. Même si, si on lui demandait, Gabriel préférerait que le patronyme disparaisse avec cette génération. À son plus grand damn, les cafards résistaient toujours aux exterminations les plus poussées et il faudrait un miracle - ou une entente secrète entre adelphes - pour éviter aux parents d’entendre un jour une petite voix babiller un “papi, mamie”. Si devenir père ne dérangerait pas Gabriel, bien au contraire même, jamais il ne laisserait un enfant dans le giron familial. Jamais il n'accepterait que son éducation soit similaire à la sienne ou à celles de ses adelphes, sous prétexte que les sorcier·es ne feraient qu'une bouchée d'eux quand iels se décideraient à attaquer frontalement. Florence avait bien été le seul endroit où le Garde s'était senti en sécurité et loin de tout ça, pour être en capacité d'ouvrir grand les bras au lieu de les maintenir en position d'attaque, prêt à dégainer.

Pour en revenir aux présentations, et même si les raisons étaient différentes et qu’il prétextait un besoin de les préserver de l’ennuyeuse famille Selvaggi, Gabriel était loin d’être un exemple à suivre en ce qui concernait les relations romantiques ! Entre ses difficultés à converser, sa facilité à prendre la poudre d’escampette, ses erreurs dans les prénoms de certaines conquêtes (celle-là, il en avait été vraiment gêné) et surtout, sa conscience d’un comportement hautement merdique, il n’avait rien de l’homme qu’il laissait imaginer dans ses remarques. Mais bon, tant que ça aidait le brun en face de lui… Il n’y avait pas de mal à lui servir des conseils sur un plateau d’argent, même si le dit plateau était terni et fissuré depuis une bonne décennie.

- Peut-être qu’elle devrait juste s’éloigner de sa famille ? Ça me semble être eux, le nœud du problème. Même si ta copine est responsable de son comportement, parfois, briser les liens familiaux aide à régler bon nombre de soucis.

Si on n’y revenait pas en courant ensuite. Vraiment, cette conversation prenait des allures de psychothérapie.

TW : mention de relation toxique

Face aux remarques de Lucius, Gabriel ne put qu’hocher de la tête : oh oui, il valait mieux en parler, tenter un échange constructif pour expliquer à l’autre les problématiques tout en montrant qu’on était présent même si vu ce que lui expliquait Lucius... La rupture serait préférable ! Tout semblait plus simple, lorsqu’on conseillait au lieu d’exercer soi-même les conseils donnés. Tout semblait à portée de main, quand on évoquait une situation sans en vivre les conséquences directes. Gabriel savait pertinemment qu’il aurait été incapable d’être à la place du grand brun et aurait déjà fermé la porte de la relation à peine le comportement de sa partenaire aurait dérapé. Pas de place pour les explications, encore moins de temps pour prendre de la hauteur et tenter d'en comprendre les raisons. Le Garde préférait clore les histoires compliquées plutôt que de se laisser entrainer dans une relation où les coeurs devaient s’ouvrir même quand il n’y avait rien de positif à s’avouer. Si Gabriel voyait davantage le verre à moitié vide que plein, il se répétait inlassablement que sa vie était déjà bien assez chaotique et violente pour s’empêtrer dans une relation où l’Autre serait dans un même merdier. Gabriel oubliait simplement que l’amour n’était pas tout le temps simple et que le grand A n’avait de grand que lorsqu’on prenait le temps de le gravir sans avoir peur de tomber.

Et encore, dans son cas, le Garde ne s'imaginait que des mots balancés qu'on ne pensait pas vraiment ou une engueulade pour un silence de trop. Dans le cas de Lucius, Gabriel lisait dans les bribes de la relation évoquée une toxicité qui aurait suffi comme argument pour arrêter la relation, sans avoir à en discuter au préalable. Comme un roman qu'on refermait après six chapitres à grimacer, souffler ou froncer des sourcils. En résumé, Lucius ne devait pas faire comme lui avec Fifty shades of grey et continuer "au cas où ça s'améliorerait". Mais bon, il n'était que son coach de cycling, pas un pote et encore moins un ami. Conseiller, oui, l'aider.......... Il ne fallait pas trop en demander.

Se relevant un peu pour suivre le brun dans ses étirements, il commença par l’arrière des cuisses en se penchant en avant.

- Un semi-gastro ? Hmmm. J’ai surtout des reco’ végétariennes, mais David Bann, sur St Mary Street est bien. Le cadre est classique mais leurs plats sont délicieux. Tu as aussi Sora Lella vers Brougham, si tu apprécies la cuisine italienne. Ce n’est pas gastro mais le lieu est agréable et le service aux petits soins.

Et ils avaient une carte des allergènes précise que Gabriel appréciait particulièrement en plus d'une vraie cuisine italienne ! Au tour de ses quadricreps de retrouver un peu de longueur, en se tenant sur un pied, jambe pliée en arrière. Le coach appréciait faire des étirements légers juste après un cours, avant de réaliser une plus longue séance, le soir en rentrant de chez lui pour éviter de casser davantage les fibres musculaires.

- Après, si elle a peur d’être vu avec toi et… Ça m’énerve rien que de dire ça. M’enfin, si elle a peur d’être vu avec toi et qu’elle est de la Haute, vaudrait peut-être éviter ce type de restaurant ? Les familles aristocratiques d’ici se connaissent un peu toutes, même de vue. Peut-être que tu peux tenter une livraison à domicile d’un bon traiteur ? Et puis comme ça, vous aurez le confort de votre appart’ sans les désagréments d’un restaurant. Attention à ton bas du dos là, tu y mets beaucoup de tension.

Conseil donné au détour d’un autre éclair de génie qui venait tout droit de sa propre expérience : à nouveau, pas de sang aristocratique dans les veines de Gabriel mais une connaissance aiguisée du fonctionnement de ces personnes qui étaient partout, surtout là où on se pensait protégé.

Des recommandations végétariennes, ça ne dérange pas plus que ça Lucius. Il lui faut même un petit instant pour réaliser que du côté humain d'Edimbourg, ce n'est pas aussi courant que chez les sorcier.ère.s. En effet, en ayant de nombreuses connaissances amicales chez les enfants des Vergers, le Vagabond est habitué à aller dans des restaurants ou des cafés végétariens ou vegan. Les sorcier.ère.s se sont plus vite adaptés que les humains sur ce point semblerait-il. Le régime végétarien semble toujours avoir fait partie des habitudes du Coven, aussi loin qu'on s'en souvienne de mémoire d'homme. Pour les non magiques pourtant, c'est un concept relativement nouveau. Un mode de vie encore marginal dans leur population, de ce qu'il en sait.

« Italien, ça pourrait lui plaire. »

Du moins, il suppose que ça plairait à Nero. C'est une cuisine relativement traditionnelle, qui se mange avec un couteau et une fourchette contrairement aux burgers qui avaient grandement surpris l'Aéromancien. Manger avec les mains était un concept totalement étranger à son petit ami, avant qu'il ne le fréquente.
Prenant garde à son dos et hochant la tête en lâchant un petit « Merci. » lorsque le coach lui fait la remarque, Lucius lève les yeux au ciel en levant lui aussi la jambe pour éviter son vis à vis dans la détente des muscles après l'entraînement.

« Mh, c'est ce qu'on fait le plus souvent, oui... »

Malheureusement, le fleuriste ne peut pas avouer à Gabriel qu'ici, personne ne risque de reconnaître Nero. Premièrement parce que les humains imaginent Lucius avec une femme. Deuxièmement, parce que le nom des Karlsson n'a aucune importance de ce côté là de la barrière. Nero n'est personne, qu'un type parmi tant d'autres et il serait difficile de le reconnaître comme étant une figure importante de la ville et appartenant à une famille influente. Mais effectivement, Gabriel a raison : c'est ce qu'ils font du côté de l'Edimbourg sorcier. Il utilise sa fidèle application Uber Witch pour qu'on lui livre des petits plats à domicile, lorsqu'il est avec Nero et n'a pas spécialement envie de cuisiner. Certes, il a toujours des choses dans son congélateur, en grand amateur de surgelés pour leur praticité évidente. Mais parfois, on a juste pas envie d'avoir de la vaisselle et personne ne pourrait le blâmer pour ça.

Seulement ici, justement, comme personne ne risque de les reconnaître, le fleuriste a naïvement pensé que ce serait une bonne idée de sortir, pour une fois. D'aller sur place pour se rencontrer et passer un moment ensemble. ça ne leur arrive jamais. Parfois, ils se croisent aux célébrations sorcières publiques et s'efforcent d'être discrets. Autrement, ils se retrouvent par défaut dans son appartement d'Old Town à l'abri des regards. Mais leur premier rendez vous galant s'est passé chez les humains. Pour la discrétion, pour toutes ces raisons là. Alors, peut-être qu'ils devraient retenter l'expérience ? Pour raviver la flamme, ou quelque chose du genre comme disent les gens.

« Puis c'est pas vraiment qu'elle a honte de moi, c'est plus compliqué... Elle a juste peur des conséquences que ça pourrait avoir si sa famille savait. »

Une demi vérité encore une fois, servie au coach sportif. Le fleuriste qui préfère taire les détails sinistres, rester vague pour que son vis à vis pense simplement qu'elle pourrait se faire répudier et déshériter et lui perdre son travail dans le pire des cas.

« Vraiment, on est dans le scénario de la belle et le clochard. Sauf que je ne pense pas que sa famille m'adopte à la fin en mode happy ending de Disney. »

ça fait longtemps, qu'il n'a pas vu de dessin animé. Sans doute une vingtaine d'années si ce n'est plus. Mais la fin, est probablement heureuse comme toujours chez Mickey et ses amis.

TW : mention d'arme à feu, de violence intrafamilale

Les bras en l’air et la tête dans le même alignement, pour détendre les muscles de son dos et de ses épaules, Gabriel se remercia intérieurement d’avoir choisi cet ordre d’étirement en entendant la réponse de Lucius. Des conséquences si ça se savait… Mais, c’était qui, sa meuf ? Une fille de mafieux ou quoi ? À l’entendre, leur relation était digne d’un pitch de film de Scorsese - qui entre nous comportait tellement d’erreurs en termes d’usage des armes et de stratégies offensives que Gab espérait sincèrement que la relation de Lucius avait un peu plus de logique.

Soufflant longtemps, sans savoir lui-même si c’était pour s’étirer plus profondément ou par agacement face aux explications du plus jeune, il reprit une posture plus habituelle à l’évocation du célèbre Disney aux spaghettis. Ce dessin animé, Gabriel le connaissait parfaitement, l’ayant regardé un bon nombre de fois enfant et adolescent, avant de partager ce doux moment avec ses adelphes. Il en aimait la poésie, les couleurs, la simplicité qui s’en dégageait, malgré une vie compliquée pour le Clochard et des difficultés pour Lady à sortir du carcan de ce qu’on attendait d'elle. Pendant longtemps, Gabriel s’était beaucoup identifié à la petite chienne, incapable de dévier de la trajectoire donnée par ses parents, bien heureux de lever la tête, d’acquiescer face aux règles et d’appuyer sur la queue de détente quand l’Ordre le lui demandait. Mais si Lady avait réussi à avoir une jolie vie après s’être rebellée pour se faire écouter, tout en étant aimée pour qui elle était, sa vie à lui avait déraillée comme la bobine d’une casquette qui s’emmêlait. Plus de Lady, plus de Clochard, plus heureux de lever la tête et d’acquiescer sans broncher, mais les doigts toujours bien ancrés sur la crosse du Glock-17. Heureusement, il restait toujours les spaghettis. Elles au moins, elles restaient pareilles à elles-même.

-Euh… Écoute, c’est pas vraiment ma place de dire ça, mais tu es sûr que ça vaille le coup ? Je ne dis pas que ta copine n’est pas quelqu’un pour qui tu ne dois pas te battre, mais entre son comportement et sa famille qui semble... un poil excessive…

Gabriel avait perdu le côté solaire propre à son rôle de coach, les sourcils froncés et l’air dur du grand frère qui tentait d’aider sans jamais opter pour la bonne solution.

- Pas que je m’inquiète pour toi, mais ça me semble vraiment pas sain comme relation. Et sans vouloir calquer ta vie sur la mienne… Je m’y connais en relations pas saines.

Il n’en dira pas plus, n’expliquera pas qu’il était à la fois survivant et bourreau, gardera pour lui la vérité sur ce que c’était, d’être un Selvaggi incapable de retirer sa médaille autour du cou dont un jour, lui aussi avait été fier. Tout comme Lady.

Tw: relation toxique
« C'est la question qu'on me pose depuis le début. »

Et la vérité, c'est que Lucius n'a rien d'autre à ajouter sur cette situation au mieux désastreuse au pire, carrément toxique dans laquelle il se trouve. On lui demande à chaque fois pourquoi il s'accroche, sa meilleure amie en particulier qui elle, a toutes les pièces du puzzle. On s'inquiète pour Lucius, qui a juste titre, est toujours perçu comme un garçon trop doux pour vivre et supporter cette situation qui lui échappe, qui le dépasse. La vie serait plus simple, s'il n'y avait pas Nero c'est un fait. Il se serait trouvé une gentille fille sans histoires, quelqu'un qui comme lui n'est personne. Il aurait pu être heureux avec elle, avoir une vie bien rangée et sans drames tout les quatre matins. Peut-être même qu'il l'aurait présentée à ses parents, que tout le monde se serait bien entendu. Cette vie hypothétique lui fait souvent envie, lorsque les choses deviennent réellement difficiles. Plus que d'ordinaire, parce que ce n'est de toute façon jamais simple quoi qu'il arrive.

C'est vrai qu'il y a plus d'inconvénients que d'avantages d'être avec Nero. Mais à chaque fois que Lucius y songe, en se disant qu'il serait mieux sans lui, son cœur se serre pourtant à cette simple pensée.

Il n'a jamais prétendu être quelqu'un de courageux, et n'auras jamais l'audace de le dire. Ce serait un bien vilain mensonge et Jager n'est pas spécialement doué pour ça. Doué pour le voiler la face, être le maître incontestable de la technique de l'autruche, oui. Mais seulement pour ne pas voir le mauvais côté des personnes qui l'entourent. Lui, ne se surestime jamais tout en ayant la qualité de ne pas faire l'inverse et de trop se sous-estimer. Le fleuriste sait qu'il n'est pas très important, que l'univers ne tourne pas autour de lui mais se veut entier et sincère. Et puisqu'il vit en se définissant par cette honnêteté qui le caractérise, le rêveur est honnête avec lui-même : oui, cette relation de couple pue les embrouilles à trois kilomètres, mais il ne se sent pas de s'en séparer.

Parce que dans le fond, il a cet espoir de sauver Nero. Cet espoir qu'un jour, tout sera terminé, que ça aurait valu la peine de supporter ces longs mois de galère diverses et variées pour enfin goûter au bonheur. Ne serait-il pas un peu masochiste, de s'infliger tout ça en espérant des jours meilleurs qui ne viendront peut-être jamais ?

« La logique voudrait que j'te répondes que non, ça n'en vaut pas la peine. Mais c'est pas la logique qui prime en amour, on est souvent très con quand on aime. »

Offrant un sourire pâle à Gabriel, l'Oniromancien hausse les épaules : Le cœur a ses raisons que la raison ignore, le proverbe n'aura jamais aussi bien convenu.

« Et j'ai choisi d'embrasser mon côté Américain dans cette histoire qui pue. »

Autrement dit, d'être complètement con.

« Ou d'être trop optimiste en attendant et en espérant qu'un jour, ça s'arrange. »

TW : violence intrafamilale

Gabriel avait un peu de peine pour Lucius. Enfin, presque, il ne le connaissait pas assez pour ressentir beaucoup d'empathie envers le jeune sportif même si cette situation le dérangeait quand même. Le brun ne méritait pas ça. Mais visiblement, tout le monde était logés à la même enseigne quand il était question d’amour, à la différence que là où Gabriel fuyait, Lucius s’accrochait comme Saint Patrick à sa quête de relique. Si le Garde était le premier à en comprendre les raisons, et aussi le premier à tenter de suivre le mouvement, il ne réussissait pourtant pas à garder le rythme. En amour, ou en relique. Pour le second, si ses lectures des Archives lui avaient servi à quelque chose, cela n’avait été que du vent pour apporter plus d’indices à ses chefs. Parfois, Gabriel se demandait s’il n’était pas préférable d’abandonner - toujours en amour et en relique - au lieu de s’acharner là où il se savait pas très doué.

Terminant sa session d’étirements, l’intérêt piqué par ce que lui expliquait Lucius sur son côté ‘ricain qui ne ressortait pas au bon moment (ni de la meilleure des façons), il hocha de la tête par pur réflexe sur sa dernière remarque. L’optimisme avait du bon, il aidait les êtres humains à se lever du bon pied, à croire en de jours meilleurs et à prendre à bras le corps leur vie, aussi pathétique soit-elle. L’optimisme permettait de passer outre les mauvaises situations, de ne pas s’écrouler face aux évènements difficiles et tout simplement, faisant espérer une suite plus agréable comme le faisait remarquer Lucius. Gabriel était tout sauf un optimiste, même s’il préférait garder son pessimisme pour lui. Quand il le laissait glisser de ses lèvres, on le lui faisait remarquer sans tact ou en se moquant de sa facilité à voir l'horreur là où il ne semblait n'y avoir que du vide. Ça lui rappelait un peu les échanges avec sa cousine, elle qui voyait en la magie un charme qui n’avait rien de véridique. La chance d’avoir les yeux bandés face à la réalité, la chance de ne rien connaitre de ce monde et pourtant, en parler encore et encore, à bassiner la famille entière jusqu’à en faire des bouquins. Gabriel la jalousait pour cette naïveté et la détestait à force de l’entendre vouloir s’emparer d’un monde qui ne lui voudrait que du mal si elle s'y retrouvait. Elle était l’optimiste qui ne savait rien et il était le pessimiste qui aurait voulu être à sa place. Dommage pour les deux, la vie avait décidé de leur donner ce qu'iels ne voulaient pas.

Attrapant sa gourde quasi vide pour en prendre une dernière gorgée, le coach prit sa serviette éponge et vint la caler sous son bras.

- Le monde serait surement encore plus triste sans des gars comme toi.

Des gars qui ne voyaient rien, ne comprenaient rien mais gardaient la foi. Des gars pas comme lui, quoi. Pessimiste, oui mais aussi jaloux de celleux qui voyaient encore de la lumière dans un monde tout gris.

- Mais préserve toi aussi. Comme tu dis, on est un peu con quand on aime. Mais on a aussi tendance à se mettre des oeillères pour ne pas voir tout ce qui ne va pas, même quand on en a conscience. Le plus difficile, c’est toujours de faire le premier pas. Pour dire qu’on aime ou pour dire qu’on n’en peut plus. Dans ton cas…

Il secoua un peu la tête, presque gêné de se retrouver dans cette situation à conseiller, lui qui peinait à dépasser les premiers rencards. Lui qui était incapable de dire je t'aime aux peu de personnes qui comptaient.

- L’amour n’excuse pas tout. Surtout pas le mal qu’on fait à l’autre.

Et ça, par contre, Gabriel le savait parfaitement. Il était même bien trop conscient que tout l’amour porté à son petit frère n’effacerait jamais toute la douleur qu’il lui infligeait.

Tw: relation toxique
Lucius ne le sait que torp bien tout ça. Gabriel n'est pas le premier à le lui dire et n'est certainement pas le dernier. Bonne poire de service, gentil géant trop optimiste pour ce monde cruel, nombreux sont celleux qui voudraient protéger Jager de tout. L'envelopper dans du papier bulle, ou une couverture lestée, pour le préserver de tout ça. A commencer par sa mère, mais aussi ses amis proches et... même Nero, d'une certaine manière. Si l'Aéromancien est moins compatissant et aimerait que son petit ami s'affirme un peu plus, qu'il le pousse à le faire et à l'ouvrir quand on lui manque de respect au lieu de juste s'écraser par peur du conflit; à sa façon Nero le protège aussi. En gardant leur relation cachée, pour éviter un destin tragique et très certainement macabre.

Hochant simplement la tête aux paroles de Gabriel, le fleuriste esquisse un sourire.

«  Je note pour le restaurant. Mais aussi pour les conseils... Cataplasme, c'est pas mal comme safe word, je lui en parlerai quand on sera tous les deux descendus en pression. »

Pour le reste, l'Oniromancien n'est pas certain d'appliquer les conseils. Sait déjà qu'il ne sera pas capable de s'enlever ses œillères et finiras par pardonner son petit ami inévitablement. Aujourd'hui, il est encore trop remonté. Demain, il iras mieux.
Ce n'est pas le moment, là tout de suite. Certes, le coach sportif a pu le raisonner un peu sur cette dispute. Lui a surtout permis d'évacuer la frustration avec son cours de cycling intensif pour se remettre les idées en place. Pour autant, Lucius ne se voit pas en parler immédiatement avec Nora. Ou Nero, plutôt. Il vaudrait mieux attendre demain, que la nuit porte conseil et que tout le monde se lèvre du bon pied. Du moins, en espérant qu'ils se lèvent du bon pied tous les deux.

Sa serviette balancée sur l'épaule après qu'il ait passé un coup de désinfectant sur la machine, Lucius prend soin de ne pas oublier sa gourde vide. Il lui faut une bonne douche, quoi qu'il arrive, avant qu'il ne rentre chez lui pour envisager de dormir et d'effectivement compter sur une bonne nuit de sommeil pour arranger les choses. Main tendue pour une poignée de main virile, afin de remercier Gabriel, Lucius sait ce qu'il lui reste à faire : parler honnêtement et sincèrement avec celui qui habite son cœur.