tw; relation familiale toxique
Il n’y avait strictement rien de professionnel à sa présence ici, pas plus qu’il n’allait s’appesantir sur la qualité des snacks ou des boissons proposées. C’est à peine si Ximena se sentait bien elle-même, le choc thermique entre l’extérieur et l’intérieur lui donnant toujours plus de mal à survivre mentalement à la violence de son déracinement. En écho, Emilio, qui en souffre à sa façon, se permet d’en faire l’épanchement lorsque cela se révélait opportun, et parfois pas. Pour elle, pour lui, pour eux. Ta mamita n’en a strictement rien à faire de moi. De toi non plus, j’en suis sûre. - Et moi, je la tuerais pour avoir un verre de horchata frais. S’ils n’en ont pas ici, tu me rappelleras quoi faire la semaine prochaine ?
Il a happé la personne qu’il était sensé voir, ni plus ni moins, l’acte de présence se devant d’être rentabilisée dès le départ. Cela ne dure pas plus d’une dizaine de minutes, à vrai dire, et le mexicain se décroche naturellement du trio duquel il faisait partie pour aller chercher à boire. Ximena était assoiffée, comme souvent ces derniers temps ; à croire que l’eau qui crevait le ciel ne suffisait pas.
“Bonsoir. De l’eau, s’il vous plaît.”
“Nous… n’avons pas vraiment d’eau minérale, à vrai dire. Est-ce qu’un jus, une limonade, ou bien de l’alcool vous ferait peut-être envie ?”
“Il y a bien quelque chose qui me fasse envie, oui, maintenant que vous le dites…”
Il fait mine de réfléchir, alors que ce n’est pas le cas ; l’œil à nouveau vissé sur son vis à vis, franc d’une fierté qu’il n’aura pas volée.
“…de l’eau.”
La personne rassemble son professionnalisme pour tenter de lui octroyer une réponse reformulant la première, à n’en point douter, et Emilio, sentant ce vent-là tourner, se permet d’intervenir rapidement.
“Allons, n’importe qui dans ce quartier en aurait. Vous ne me vexerez pas d’aller chercher celle du robinet, si c’est quelque chose qui vous inquiète.”
Il ne lui rappellerait pas que l’eau est aussi sacrée que son souffle de vie, comme il n’irait pas lui faire la leçon qu’alcool n’est que ruine de l’âme et que leurs familiers ne s’en rafraîchissaient pas.
“Je vais voir ce que je peux faire, je vous prie de patienter une petite minute…”
“Merci.”
L’homme se retourne dos audit bar, jetant un coup d’œil à ses côtés, une seule personne étant présente pour l’accompagner malgré lui. S’il n’a aucune réelle envie d’échanger, il se sent pourtant d’humeur à jauger quiconque serait impliqué de près ou de loin à son expérience de cette soirée. Cet homme, bien apprêté, dégageant à lui seul une chaleur vive, qui contrastait avec son charisme polaire, était tout indiqué. Pour ainsi dire, il croit même le reconnaître, et le temps de quelques paroles allaient pouvoir l’aider à s’en assurer.
“Une chose est sûre, votre jus n’est pas coupé à l’eau.” Gage de qualité, semble t-il. Ximena, attentive, observe tant le familier de l’étranger que ce dernier. Elle les reconnaît, et le signal télépathique est transmit aussitôt à celui contre lequel elle se trouvait enserrée. “Emilio Hernández. Quelque chose me dit que vous êtes un Rivera.” Hochement de tête respectueux à son égard. Sa mémoire visuelle n’est pas une légende urbaine, loin de là. Un Rivera pas comme les autres, semble t-il. Il n’y a rien de sépulcral, pas l’ombre d’une nécromancie latente sur sa carne que Ximena devine plus chaude que celle de son sorcier. Serait-ce celui dont on lui avait parlé, il y a deux semaines ?
“Comme quoi, il en faut parfois peu pour sauver une soirée.” De l’eau qui ne vient pas de la rivière d’à côté et un homme qui aurait dû naître nécromancien face au gardien des limbes du coven mexicain. Rien n'était aussi incertain que ce qui pourrait advenir de ces deux énergies singulières.