Les fêtes rassemblant tous les covens sont une véritable épreuve pour moi. Déjà, parce que je n’aime pas la foule. Je sais, c’est paradoxal pour un Karlsson qui est destiné à se montrer partout, tout le temps. C’est compliqué pour moi, mais je n’ai pas tellement le choix. Porter un nom aussi prestigieux vient avec de nombreuses attentes, des devoirs desquels je ne peux me défiler. Quoi qu’il arrive, quoi que je choisisse, je suis bloqué dans ce rôle qui a été taillé pour moi avant même ma naissance. C’est peut-être ça le pire, dans cette histoire.
Les célébrations ont au moins l’avantage d’être en extérieur, contrairement aux soirées mondaines trop nombreuses à laquelle je participe. Elles sont également plus libres pour moi, lorsqu’il ne s’agit pas de moments spécifiques à mon coven. Je dois simplement faire acte de présence, n’ai pas à parler à qui que ce soit, dois même parfois juste jouer le rôle de garde du corps pour l’un des membres les plus prestigieux de la politique sorcière. Bourrasqueur très occupé en cette période de l’année, en particulier depuis que nous avons changé de gouvernement. C’est que la politique est un monde particulièrement rempli de serpents, et que ces serpents ont tendance à mordre lorsque l’ennemi est affaibli. Protéger les nouveaux conseillers, se placer au niveau de la présidence, tout ça demande des efforts qui me laissent épuisé chaque soir. Et puis qui dit changement de Conseil, dit multiplication des soirées mondaines…ah, je suis si fatigué.
Les Vergers s’occupent de la cérémonie, et je dois avouer que comme d’habitude, je les trouve trop…trop. Ce coven est-il composé uniquement d’extravertis ? Je n’en croise que très rarement je dois l’avouer. Le centre ville, où j’ai tendance à rester, est relativement urbain d’ordinaire, ce qui repousse immédiatement ceux qui sont trop proches de la nature. Pour ma part, cela fait des années que je ne me déplace à Green Bank que lors des visites diplomatiques, ce qui reste incroyablement rare. Certes, j’y passais déjà plus de temps étant enfant…mais c’était une autre vie, une vie qui m’a quitté il y a bien longtemps.
Alors que le cortège s’approche, je ne peux retenir une quinte de toux. Mes yeux me piquent, ma gorge gratte, et je comprends un peu trop tard que c’est à cause de leurs foutues plantes. Puisque nous fêtons le printemps, ces idiots ont paré le quartier de Old Town de nombreuses fleurs et…évidemment, qui dit fleurs, dit pollen. Je l’avais momentanément oublié ; grave erreur.
Chaque année, pour survivre à cette épreuve, je m’assure de prendre quelques potions en amont qui sont censées réduire mon allergie au pollen. Car oui, l’aéromancie n’a pas que des avantages : nous peinons à respirer lorsque l’air est vicié, que ce soit par la pollution - courante en centre ville, il faut le dire - ou le pollen. Mes yeux sont rouges, pas encore gonflés mais cela ne saurait tarder. Vraiment, j’ai mal joué mon coup cette fois.
Perdu dans mes pensées, je ne remarque pas le véritable boulet de canon qui me fonce dessus. Par contre, je ressens bien le choc, et je me sens projeté dans les airs. Les yeux écarquillés, me voilà allongé à terre, les sens en alerte.
“Quoi ?!”Usant de mon pouvoir je me repousse et me redresse, flottant un instant avant de reposer le pied par terre. Mes mains se referment aussitôt sur les deux poignards à ma ceinture, mes pupilles se dilatent alors que je fixe droit dans les yeux cet individu qui a osé m’agresser gratuitement.
Sors-les. Fais-le. Elague. Détruis.Oh oh. Mauvais timing. J’entends la voix de Jake dans mon esprit, comme des pensées intrusives qui font trembler mes mains. Mais une respiration profonde plus tard, je parviens à retirer mon emprise sur ces armes et prends enfin le temps de jauger mon agresseur du regard. Et ce que je vois me fait grimacer.
Un Verger, à ne pas en douter. Sa tenue est absolument immonde, à la limite de la décence, et me met incroyablement mal à l’aise.
“Dommage, il est mignon”, songe Thanikos, mais la colère d’avoir été humilié m’empêche de le rejoindre dans cette réflexion.
“Ca va pas ?! Vous ne regardez jamais où vous mettez les pieds, vous, les saltimbanques ?!”Je lui ai craché ce reproche comme une insulte, faisant fit des badauds qui m’entourent. De toute façon, beaucoup doivent penser la même chose que moi. Nous regardons tous ce coven de haut, eux qui manquent de classe et sont loin de l’aristocratie. A se demander pourquoi ils ont le droit à deux sièges au Conseil ! Vraiment, ils sont pathétiques.
“Vous vous moquez de moi ? Rangez ce sourire et excusez-vous correctement, en anglais. Nous sommes en Ecosse ici !”Racisme décomplexé quand tu nous tiens. J’use de mon pouvoir pour lui faire adhérer à mes paroles, le forcer un tant soit peu à m’obéir afin de prouver à tous ceux qui nous observent que je lui suis supérieur en tout point. Oh, je pourrais laisser courir, évidemment ; mais je trouve ça bien plus amusant de l’humilier à son tour, lui qui semble embrasser son apparence ridicule.
“J’attends.”Crédits ; editslove