Abigail Reid ⨳ There is no life without death

La jeune femme a grandi dans un environnement plutôt oppressant. Un père autoritaire et exigeant, n’attendant que de la perfection de la part de ses enfants, ne voyant en eux que déception et le leur faisant savoir à la moindre occasion par des remarques acerbes. Haussant le ton lorsque ses règles ne sont pas respectées, lorsque son autorité est contrariée, durcissant les corrections, insufflant la peur dans sa demeure... Abigail en paye encore les frais.  Elle est rarement satisfaite et se montre bien plus critique envers elle-même qu’envers les autres, sentant encore parfois par-dessus son épaule le regard désapprobateur d’un père pourtant absent de sa vie désormais.

Si elle se montre d’un calme olympien dans son travail, faisant preuve d’une minutie et d’une impassibilité à toutes épreuves, la jeune femme est cependant impatiente et impulsive de nature. Souvent hésitante devant un choix à faire, elle tranchera rapidement, agacée, et foncera. Selon Abi, il vaut mieux réaliser son erreur que regretter de n’avoir rien fait car la vie n’attend pas, elle.

Très jeune, on lui a appris à être muette comme une tombe, que ce qui se passe dans la famille, entre autres, ne regarde personne d’autre. Abigail n’a donc pas pour habitude de confier ses problèmes à son entourage et préférera offrir un sourire plutôt que de dire ce qui lui pèse sur le cœur. Elle préfère de loin apporter du bonheur aux autres, que de les entraîner dans ses déboires. Un bon côté de ce trait de caractère, c’est qu’elle gardera vos secrets comme personne. Parce que, oui, bien qu’elle ne s’épanche pas sur son cas, Abigail est à l’écoute des autres. Affectueuse et aimante, elle se pliera en quatre pour les siens. Certains l’ont bien compris et en ont abusé par le passé.

Pour en avoir manqué dans son enfance, Reid porte de l’attention à celles et ceux qui l’entourent. Si elle n’est pas du genre à être très tactile ou câline, peu encline aux contacts physiques à moins de se sentir pleinement en confiance, elle cherchera toujours à montrer son affection d’une façon ou d’une autre, par de petites attentions.

Abigail saute avec joie sur toutes occasions pour plaisanter, s’amuser, rire. Et lorsqu’elle se sent réellement au bord du gouffre, qu’elle a des difficultés à garder la tête hors de l’eau, elle met en place le petit rituel instauré par les enfants Reid. Elle met de la musique et se laisse entraîner, danse jusqu’à en oublier ce qui lui pèse. Rien de tel pour chasser les ténèbres dont la vie sait se parer.  

Enfin, si cette mémoire propre aux nécromanciens peut s’avérer utile, la jeune femme a la rancune facile. Elle n’oublie jamais la moindre crasse qu’on peut lui faire ou à l’un de ses proches, c’est un fait, et refuse généralement de laisser couler étant particulièrement têtue.

1er novembre 1989 : naissance d’Abigail à Edimbourg.
1997 - 2002 : Primaire
2002 - 2006  : Secondaire
2006 - 2010 : Tertiaire
2010 - 2014 : A la fin de ses études, Grant Reid estime qu'il est temps pour sa fille de prendre place dans l'entreprise familiale. Elle se montre douée pour s'occuper des défunts et transmet à contre cœur les informations qu'elle peut récolter à son père.
Avril 2014 : La situation devient ingérable dans la demeure des Reid. La rage qu'exprime son frère avec ses poings effraie la jeune femme. Aujourd'hui encore elle entend les hurlements, le bruit du verre brisé... Une fois revenu à la raison, Caleb incite les autres à mettre les voiles. La jeune Reid ne se fait pas prier et y voit l’occasion de réaliser un rêve d’enfant. Elle quitte l’Ecosse et traverse l’Atlantique.
2014 – 2021 : Abi parcourt l’Amérique, allant de coven en coven, étudiants leurs méthodes, leur approche de la mort. Elle en profite aussi pour explorer le côté humain des choses et garde un magnifique souvenir de sa période au Mexique. Non seulement elle développe ses connaissances mais la jeune Abigail se découvre réellement, loin de l’influence de sa famille, de la protection de son frère et son cousin. Elle apprend la résilience, se montre autonome, débrouillarde.
Mai 2021 : Au cours d’un séjour à Austin, Abi rencontre un sorcier qui fait chavirer son cœur ce qui la pousse à s’installer dans la ville où elle prend le poste de Préparatrice du Sommeil Eternel.  Deux mois plus tard les amoureux se disent oui.
2022 : Elle commence à ouvrir les yeux sur le tempérament colérique de son mari, s’étant montrée particulièrement aveugle jusque-là, lui trouvant des excuses. Abi se persuade que cela peut s’arranger, qu’elle l’apaisera…
Début 2024 : La jeune femme trouve refuge chez un ami de son coven et lance une procédure de divorce après avoir été victime pour la énième fois de la colère de son mari. Elle refuse de rester impassible, contrairement à sa mère.



Alors que je me débats pour ouvrir la serrure de ma porte d’entrée les bras chargés de sacs en papier kraft, je sens mon téléphone vibrer dans ma poche. J’en fais tomber les clés et lance un juron. Nyx les ramasse dans sa gueule avant de les lâcher dans ma main. Je la remercie d’un regard avant de venir à bout de la porte et qu’on ne s’y engouffre toutes les deux. Le temps que je libère mes bras et que j’attrape mon portable, celui-ci a cessé de vibrer. Quelques secondes plus tard, une notification me prévient d’un message que j’écoute aussitôt. La voix de mère sort du haut-parleur, d’un ton que je ne lui reconnais pas.

« Ton père est décédé. Rentre à la maison. »

Et c’est tout. En quelques mots, Aylin vient bouleverser mon quotidien déjà assez chaotique. La messagerie me propose de réécouter le message cependant je raccroche. Le visage fermé, je reste fixer l’écran le temps que le message s’imprègne bien dans mon esprit. Décédé. Mon père. Un adjectif que je ne lui aurais jamais associé étant donné que la méchanceté ça conserve de ce qu’on dit. Nyx garde le silence et se contente de me donner un léger coup de truffe dans la cuisse. Je pose mon téléphone sur la table, à côté du courrier ouvert le matin même et, tel un automate, je vais ranger mes quelques courses dans les placards, terminant par le frigo avec les paroles de ma mère raisonnant dans ma tête. Alors que j’allais ranger le dernier article, une bouteille, dans la porte de ce dernier, je m’interromps. Mes prunelles se posent sur l’étiquette du vin mousseux que je ne me résigne pas à lâcher, bien au contraire. Je ferme le réfrigérateur et reviens vers la table, cœur de la pièce de vie du petit appartement que je loue depuis que j’ai réussi à quitter le domicile conjugal. Je suis encore envahie de cartons pour lesquels je n’ai trouvé aucune motivation. Parce que je n'avais pas retouché terre, que ma situation me semblait bien trop irréelle.

Je regarde tour à tour le téléphone et le courrier de l’état du Texas dans lequel on me confirme enfin l’officialisation de mon divorce. Plus de mari. Plus de père. Le visage toujours inexpressif, je déverrouille le téléphone de ma main libre et lance une chanson. Les premières notes s'élèvent et je m’attelle à ouvrir la précieuse bouteille dont je fais sauter le bouchon. De la mousse jaillit du goulot mais je m’en fiche, ça n’a aucune importance. Plus rien n’a d’importance. Je porte la bouteille à ma bouche, plisse les yeux et fronce le nez, agressée par les bulles, et bois un peu de ce vin pétillant pour célébrer le début de ce nouveau chapitre qui s’annonce. Je manque de m’étouffer, crache de ce précieux liquide mais là encore, ce n’est pas grave. Je ris, même, de cette maladresse. D’un rire d’abord nerveux, me sentant un peu oppressée par les changements qui frappent à ma porte aujourd’hui, un rire qui prend en intensité alors que je commence à danser au rythme de la musique, sautillant peu à peu, rebondissant dans la pièce, les bras levés, renversant encore du vin sur le parquet. Un rire qui ne s’arrête pas, comme si un barrage venait de lâcher. Je ne lutte pas, au contraire, j’accueille ces éclats. A la moitié de la chanson, je suis essoufflée, quelque peu vidée, mais je danse, encore, et je danserai jusqu’à épuisement. Ensuite je réserverai un vol.

Lépidophobe. Elle ignore d’où ça lui vient, elle a toujours craint ces insectes ailés d’aussi loin qu’elle s’en souvienne, sans en connaître la raison. Si elle commence enfin à admettre que certains papillons de jour ont une certaine beauté, elle ne peut s’empêcher de prendre ses jambes à son cou à leur approche.

Abigail a une grande fascination pour la mort, depuis qu’elle est en âge de comprendre le concept. D’autant qu’il est possible d’entrer en contact avec les disparus, signe qu’il y a quelque chose après. C’est ce qui l’a amenée à prendre soin des défunts, pour les aider à sa façon dans ce dernier voyage.


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