Jetons l'encre, cap'taine Ft. Sílas

Casque sur les oreilles, crayons de sa tablette en main, Liya peaufine les derniers détails du dessin qu'elle est en train de faire pour son rendez-vous suivant. L'air concentré et surtout appliquée, elle teste différentes techniques pour donner un peu de mouvements à la méduse qui se dessine sur l'écran et une fois satisfaite, elle s'offre une petite pause, partant se préparer un thé en attendant que son client arrive. De retour sur son siège, la sorcière laisse son regard vagabonder ici et là dans le shop, remarquant alors qu'ils avaient oublié la boule de père Noël franchement moche dans un des coins de la boutique, il faudrait penser à l'enlever plus tard, pensa-t-elle, parce que vraiment, c'était drôle de faire une décoration de Noël kitch en cette période, mais là, c'était franchement une faute de gout, avec la déco habituelle penchant plus pour le côté "sombre" histoire de continuer d'alimenter les clichés et de faire honneur au nom du salon. En fait, elle ferait mieux de le faire maintenant, sinon, la boule serait encore là quand l'été arriverait. La brune se redresse alors, allant tranquillement vers la décoration, bien qu'une fois devant elle, elle se rend compte que peut-être, elle n'allait pas être assez grande... Mais tant qu'on n'essaye pas, on ne peut pas savoir ! Alors, Liya se met sur la pointe des pieds, tend le bras le plus haut possible, mais rien ne semble y faire, c'est à peine si elle frôle le père Noël moche. La rêveuse tente encore un peu avant de baisser les bras, elle avait compris, elle demanderait à Ichabod ou à Aydan, si elle y pensait lorsqu'ils auraient terminé avec leurs séances.

C'est alors qu'elle entend le bruit de clochette retentir, malgré la musique dans les oreilles, l'oniromancienne se retourne alors pour voir que Silas est bien arrivé pour son tatouage, parfait, il était dans les temps ! Enlevant son casque, elle accueille le coréen avec un grand sourire.

" Salut Silas, prêt pour la torture ? "

Liya se dirige ensuite vers son espace de travail, proposant au nouveau venu de poser ses affaires sur l'un de porte manteaux à côté, avant de se saisir de sa tablette pour lui montrer le dessin finalisé.

" Tiens, regarde, j'ai essayé de donner un peu plus de mouvement au niveau des tentacules, que ce ne soit pas juste tout droit, que ça fasse plus naturel et dans un sens plus vaporeux aussi ... est-ce que ça te convient ? D'ailleurs, on reste bien sur du noir et blanc ? "

L’appréhension grimpe dans ses bras, sous la forme de frissons anxieux, au fur et à mesure qu’il se rapproche du salon de tatouage. Les mains enfoncées dans les poches de son manteau gris, il soupire de nervosité en laissant sa respiration lui échapper, à défaut de pouvoir le faire lui-même ; il est presque ironique de constater la dissonance de son esprit qui, bien que côtoyant régulièrement les aiguilles, ne s’y est pas suffisamment familiarisé au point d’en être insensible. Peut-être parce que celles qui traversent habituellement sa peau le soulagent, l’apaisent et l’endorment, au lieu de lui occasionner une douleur qu’il n’est pas encore en mesurer de jauger ; il a cessé de se renseigner après qu’on lui ait raconté l’histoire d’un type s’étant évanoui en pleine session, sans nul doute emporté par la douleur atroce provoquée. Est-ce vraiment possible ? Est-ce qu’on peut réellement s’évanouir durant un tatouage ?

Il tente de faire taire cette macabre pensée en passant le pas de la porte, puisque la clochette qui retentit au-dessus de sa tête ne lui permet plus de faire demi-tour ; trop tard, elle l’a déjà vu. Elle enlève son casque, ce qui lui fait se demander comment elle l’a entendu arriver, mais le franc sourire qu’elle lui offre l’oblige à en faire de même, peut-être d’un air davantage crispé cependant. « Salut Silas, prêt pour la torture ? » Non est la première réponse qu’il voudrait donner — car la plus franche, mais il se contente d’abord de lever un sourcil avant d’en faire de même avec le menton, en direction du père Noel qui trône au plafond, en donnant l’impression de le narguer. « Dit comme ça, je ne suis pas sûr. » Avoue-t-il dans un demi-rire en enlevant d’abord son écharpe puis son manteau, et tous deux se retrouvent accrochés au porte-manteau avant qu’il ne rejoigne la brune, cette dernière lui exposant le dessin qui recouvrira bientôt sa peau — s’il survit, du moins.

Il appuie machinalement l’une de ses mains sur le plan de travail, en penchant son menton sur le côté pour découvrir le tracé délicat de l’artiste, qu’il écoute sans regarder pour l’heure, tant il veut retracer la méduse dans les moindres détails… Est-ce qu’elle va plaire à Caleigh, au moins ? « Tiens, regarde, j'ai essayé de donner un peu plus de mouvement au niveau des tentacules, que ce ne soit pas juste tout droit, que ça fasse plus naturel et dans un sens plus vaporeux aussi…  » Il veut bien la croire : lui n’a que trop peu d’attrait pour l’art figé, si bien que les peintures et les dessins n’éveillent en lui aucun intérêt, contrairement à sa soeur qui en est grandement friande. «…Est-ce que ça te convient ? D'ailleurs, on reste bien sur du noir et blanc ? » Il remonte enfin son menton pour croiser son regard, en hochant finalement son visage de haut en bas et en affichant, enfin, un vrai sourire aimable. « Oui, ça me va ! » Après tout, c’est elle l’experte : si elle dit que la méduse a plus de mouvements ainsi, même si lui n’en voit aucun, il lui fait confiance. « J’ai lu que les couleurs vieillissent mal… Mais je préfère en noir et blanc quoi qu’il en soit. » Il a également lu que le premier tatouage, c’est comme le premier verre d’alcool : après y avoir goûté il est difficile de s’en passer. Des addictions, il en a des tonnes alors en rajouter une de plus ne l’effraie pas ; son corps est comme une terre fertile, sur laquelle de mauvaises fleurs ne cessent de pousser.

« Ça va durer longtemps ? » Non pas qu’il soit  actuellement pressé de partir mais, si cela fait vraiment mal, il risque de l’être ; mais, pour sa soeur, celle qui est bien le seul pilier de sa vie, celle qui ne lui a jamais fait défaut, celle qui semble être son âme jumelle, il pourra bien le supporter. Le tatouage, paraît-il, c’est faire l’écho d’un évènement, d’un amour, d’une rencontre ; elle est les trois à la fois. Il y a l’amour invisible qu’il ressent pour elle, et désormais, il y aura l’empreinte, indéfectible, de ce qu’elle représente à ses yeux : une partie de lui.

Bien sûr, la blague et aussi là pour jauger un peu le niveau d'appréhension de ses clients et dans le cas de Silas; Liya voyait bien que le niveau était haut, mais c'était normal après tout, c'était le premier tatouage que le coréen se faisait et ce n'était pas une petite pièce en plus. Mentalement, la tatoueuse se fait une petite note : celle de proposer assez régulièrement des pauses pour que son client puisse souffler un peu, au cas où il n'ose pas dire les choses.

" Promis, je serais gentille."

Qu'elle répond alors, en venant chercher son dessin, lui expliquant les détails qu'elle avait apportés pour rendre le tout plus joli, s'assurant ensuite d'avoir l'accord du client pour le dessin et ainsi passer à la suite. Tout était bon, il préférait en noir et blanc, c'était parfait. La sorcière envoie le tout à l'imprimante pour stencil, qu'elle vient recharger avec le papier adéquat.

" Pour le temps .... C'est ton premier c'est ça ? Ça va dépendre de ta résistance à la douleur, du nombre de pause qu'on fait mais... on va voir large et dire 4-5 h ? Bien sûr, si jamais tu as besoin qu'on stoppe la séance, on le fera, je n''ai pas envie de te traumatiser non plus... "

Enfin, elle pourrait peut-être mettre de côté sa conscience professionnelle si quelqu'un, qu'elle détestait du plus profond de son être, voulait passer sous ses aiguilles, mais Silas n'était pas dans ce genre de catégorie. Une fois le dessin imprimé, elle fait signe à l'aéromancien de la suivre, direction son poste à tatouer.

" Je te laisse enlever ton sweat je vais préparer tout ce qu'il faut.. Ah et si tu veux être vraiment tranquille, tu me dis, je peux tirer le rideau ! "

L'oniromancienne vient ensuite préparer et désinfecter table, outil et autres matériels nécessaire. Protégeant ce qui devait l'être  avec du film plastique avant de finalement se désinfecter les mains et mettre des gants propres.

" Alors, du coup on avait dit l'intérieur du biceps, c'est bien ça ? Je te laisse t'allonger et mettre ton bras ici..."

Après un petit coup de rasoir et de désinfectant, la tatoueuse vient appliquer le produit de transfert avant de placer avec précaution le gabarit du dessin, laissant le Carbone se poser sur la peau de Silas en exerçant une pression avec ses mains. Décollant le tout avec délicatesse, Liya vient appliquer un sopalin dans une nouvelle pression, pour enlever le surplus de produit, histoire que rien ne bave. Et une fois le papier retirer, elle observe d'abord la peau du sorcier avant de se redresser, sourire aux lèvres; désignant au coréen le miroir devant eux.

« Promis, je serais gentille. » La menace tortueuse est vite remplacée par une promesse apaisante, qui le fait lentement sourire tandis que ses épaules s’abaissent de quelques degrés, bien qu’il ne soit pas encore totalement serein à l’idée de passer sous l’aiguille ; pourtant, il les connait par coeur. « Au pire, j’aurais une demi-méduse sur le bras. » Ou des spaghettis qui volent au vent si elle n’a fait que les tentacules, ou un parapluie si elle n’a fait que l’ombrelle. La plaisanterie, qui résonne presque avec pessimisme dans son esprit, dégrafe son sourire qui se tord presque en une grimace craintive durant quelques secondes. Pourquoi ne fait-on pas les tatouages sous anesthésie générale, franchement ?

« Pour le temps .... C'est ton premier c'est ça ? » Il hoche son menton de haut en bas pour lui répondre, en essayant de paraître aussi quiet que possible, et non pas autant qu’il l’est sinon on ne verrait rien. « Ça va dépendre de ta résistance à la douleur, du nombre de pause qu'on fait mais... on va voir large et dire 4-5 h ? » C’est un tatouage ou une opération à coeur ouvert ? Il déglutit en prenant une fine inspiration nasale, la première d’une longue série. « Bien sûr, si jamais tu as besoin qu'on stoppe la séance, on le fera, je n''ai pas envie de te traumatiser non plus... » Qu’elle ne s’en formalise plus : c’est déjà le cas.

Sans rien dire, hésitant un bref instant à partir en courant — il est sûr de ne pas être le premier à avoir cette pensée, il se décide néanmoins à la suivre dans sa salle, en tirant un peu nerveusement sur les manches de son haut. « Je te laisse enlever ton sweat je vais préparer tout ce qu'il faut.. » Sortir les instruments de torture, donc.  « D’accord… » Souffle-t-il en exécutant la demande, ses mains attrapant la bordure de son sweat pour le retirer rapidement et, ne sachant pas tellement quoi en faire, il le dépose sur une chaise qui se situe dans un coin de la pièce, sentant ses bras nus se parsemer de quelques frissons d’appréhension. « Ah et si tu veux être vraiment tranquille, tu me dis, je peux tirer le rideau !  » Instinctivement, il se tourne en direction des fameux rideaux, restant quelques secondes immobile et silencieux avant de finalement dire, songeant que ça lui donnerait une bonne raison de ne pas se mettre à pleurer si la douleur est trop forte :  « Non, ça va, ça ne me dérange pas ! »

Quand elle désinfecte tout le matériel, il se tient debout dans un coin de la pièce, l’observant faire en ne pouvant s’empêcher de se demander comment il s’est retrouvé là et s’il aime suffisamment sa soeur pour subir une telle chose. Est-ce qu’elle a VRAIMENT besoin qu’il porte un tatouage en son honneur ? Ils ne pourraient pas avoir simplement un bracelet commun comme tous les touristes ? « Alors, du coup on avait dit l'intérieur du biceps, c'est bien ça ? » Les bras croisés contre son torse, il mordille l’intérieur de sa joue tout en la regardant, son index tapotant sa peau sous le flux de ses pensées. « Euh… Oui… » Instinctivement, il décroise ses bras pour regarder l’endroit indiqué, non sans tordre son nez fin avec une grimace hésitante. « Je te laisse t'allonger et mettre ton bras ici..." » Il s’exécute, la suivant des yeux lors des gestes qui suivent, véritablement curieux de découvrir le procédé ; il se redresse ensuite pour vérifier l’emplacement du pochoir violet, et toutes ses craintes se détachent lorsqu’il peut, de manière plus concrète, visualiser le dessin qui ornera sa peau jusqu’à la fin de sa peau. Les traits de son visage se détendent, un doux sourire vient prendre place sur sa bouche et il se rallonge en ayant l’air tout à fait ravi. « J’adore, c’est absolument parfait. » À présent, il va falloir endurer la douleur…

Elle le voit bien, que Silas n'est pas à l'aise, qu'il panique au fond de lui, même s'il tente de ne rien faire paraitre. Mais elle ne dit rien, Liya, ne veut pas le mettre en difficulté, le pousser dans ses retranchements. Un premier tatouage, c'était toujours impressionnant, surtout que ce n'était pas une toute petite pièce mignonne qu'il demandait là, ce n'était pas un projet immense, mais il était tout de même bien grand. Alors, elle espère pouvoir l'aider à se poser, à respirer, en faisant comme si tout allait bien, tentant de le rassurer dès qu'elle le pouvait, de le guider pour qu'il ne se retrouve pas coincé parce qu'il ne sait pas quoi faire, tout en tentant de lui donner assez d'espace. Un détail attire son attention et commence déjà à la rassurer, c'est de voir comment l'aéromancien vient la regarder travailler pendant qu'elle pose le dessin sur sa peau. Si la sorcière percevait bien l'angoisse qui restait, elle pouvait aussi voir quelques étincelles de curiosité. C'était bon signe, selon la brune, il commençait à se détendre.

L'oniromancienne est complètement rassurée lorsqu'elle aperçoit le doux sourire de l'homme qui trône sur ses lèvres à la découverte du dessin sur sa peau.

" C'est vrai ? Je suis contente alors ! Est-ce qu'avant de commencer tu veux quelque chose à boire ou manger ? "

Bien sûr, elle allait lui poser ces questions de nombreuses fois au cours de la séance, selon comment elle ressentait les choses : est-ce que son client avait l'air de faire une balade de santé ou au contraire, est-ce qu'il était si crispé que tatouer devenait difficile ? Est-ce qu'il était pâle comme un linge ou au contraire, plus rouge qu'une tomate ? Parce que c'était ça, aussi, le métier de tatoueur, faire attention à ce genre de petits détails pour que la séance se passe le mieux possible, pour tout le monde.

" Est-ce que tu veux que je t'explique le procédé ou autre ? Si tu as la moindre question, vraiment, tu n'hésites pas. Et si tout est bon pour toi, alors on peut y aller ! "

Avec un sourire qui se veut rassurant, la sorcière attend le feu vert de Silas pour enfin, attaquer le vif du sujet.

Il lui serait hautement difficile de nier que la peur ne s’est pas infiltrée sous sa peau à l’idée que l’aiguille passe sur cette dernière — aussi saugrenue que l’idée puisse paraître, mais, en voyant le pochoir violacé qui prend place sur son biceps, toute la tension accumulée semble disparaître ; l’idée devient concrète et, en entrevoyant le symbole de sa soeur aînée, tant aimée, qui orne sa peau comme un talisman, il ne peut qu’oublier la possible douleur à éprouver. Maintenant, il fallait espérer que la brunette apprécie autant l’ouvrage que lui…

Il se retourne vers l’artiste avec un sourire davantage franc et apaisé, à présent qu’il se sent presque impatient, si bien qu’il ne perd pas de temps avant de se rallonger comme elle vient de lui demander. « C’est vrai ? Je suis contente alors ! Est-ce qu'avant de commencer tu veux quelque chose à boire ou manger ? » La nuque posée contre le cuir du fauteuil, il incline son menton sur le côté en demandant, avec un sourire primé d’une malice presque enfantine, recelant également quelques soupçons d’espoir : « Des bonbons au miel, c’est possible ? » Il pense qu’elle n’en a pas, puisque son obsession pour le miel n’a jamais été partagée avec autrui : de toute évidence, les gueux n’ont aucun palais. Dans tous les sens du terme, du coup. « Sinon, pas la peine de s’embêter, ça va pour l’instant. » Pour l’instant, puisque l’état est susceptible de changer si la séance se transforme en session de torture.

Néanmoins optimiste quant à sa capacité à endurer le passage de l’encre sur son épiderme, il mordille le coin de sa lèvre en fixant le plafond durant quelques secondes, avant d’en revenir à la jolie brune. « Est-ce que tu veux que je t'explique le procédé ou autre ? » Oh, sincèrement, il ne vaut mieux pas. « Si tu as la moindre question, vraiment, tu n'hésites pas. » Il n’hésite pas : il ne veut pas savoir. Parfois, l’ignorance n’est pas le meilleur des mépris mais la meilleure des survies. « Et si tout est bon pour toi, alors on peut y aller ! » La dernière proposition est la bonne : il hoche son menton de haut en bas en pressant ses lèvres dans un sourire enjoué, son bras étant offert à la tatoueuse pour qu’elle puisse y apposer son art. « Tu peux commencer. »

Heureusement, la peur et l'angoisse semblent doucement disparaitre dans les yeux de son client au moment où il découvre le dessin sur sa peau. Et d'un coup, toute l'appréhension que ressentait Liya s'envole, quand il vient lui affirmer que c'était absolument parfait. La sorcière avait toujours un peu peur de ne par faire ce que ses clients espéraient, d'avoir peut-être mal compris les consignes ou n'importe quoi d'autres, même après des années à tatouer. Aussi, vu que tout semble bon, ils vont pouvoir passer à l'ancrage, mais avant ça, la rêveuse vient demander au sorcier s'il voulait quelques choses à boire ou à manger, alors forcément, quand on lui parle de bonbons au miel, elle réfléchit un peu, est-ce qu'elle avait vraiment ça, ici ? Et puis soudain, elle se souvient de ce stock de douceurs au miel qu'elle avait ramené au shop au début de l'hiver, pour parer tout mal de gorge à venir avec ce froid mordant. Enlevant ses gants, la brune vient se relever.

" Bouge pas, j'arrive !"

Et puis comme ça, le modèle aurait le temps de bien finir de sécher. Allant chercher dans les placards de la cuisine, elle finit par retrouver une boite en fer, exactement ce qu'elle cherchait. Et tant qu'à y être, elle vient également attraper une petite bouteille d'eau et quelques biscuits à grignoter, parce qu'on ne sait jamais, après tout. Et tout sourire, elle pose le tout sur une deuxième petite table roulante, avant de se désinfecter de nouveau les mains et prendre de nouveaux gants, laissant Silas prendre autant de bonbons au miel qu'il le souhaitait. La sorcière reprend ensuite sa place et son rôle, demandant à son client s'il voulait plus d'explication ou non et au vu de sa tête, elle comprend qu'il ne vaut mieux pas. Ainsi, elle se tait, vérifie que tout est bien sec avant de commencer à tatouer, après l'avoir prévenu, bien entendu. Tirant sur la peau de l'aéromancien, elle vient tracer le premier trait de l'ombrelle de la méduse, relevant directement sa machine une fois terminé, retournant alors regarder son sorcier.

" Ça va pour toi, niveau douleur ? "

Quoique l’appréhension n’a pas totalement disparu, celle-ci s’est considérablement atténuée avec la vision plus concrète de la méduse voguant dans un tracé violet sur son biceps, si bien qu’il se permet même l’ébauche d’un sourire suave, qui adoucit bien volontiers ses traits. Et puisque la session va véritablement commencer, le coréen prend une fine inspiration en redressant sa nuque, qu’il sent curieusement engourdi, tout en essayant de trouver une position plus confortable pour son bras, qui va être immobilisé pour une durée indéterminée ; mais alors qu’il remue légèrement son épaule sans la quitter des yeux, peut-être pour y chercher son approbation concernant la posture de son bras, il ne peut s’empêcher de mettre son amour pour le miel sur le tapis, sans se douter qu’elle va répondre favorablement à sa demande. « Bouge pas, j'arrive ! » Perplexe, songeant qu’elle a sûrement oublié un élément de son matériel pour effectuer le tatouage, il fronce légèrement ses sourcils tout en la suivant des yeux, avant de caler son deuxième bras replié sous sa nuque, patiemment simplement jusqu’à son retour.

Lorsqu’elle revient, armée d’une bouteille d’eau, d’une curieuse boite en fer et d’une bouteille d’eau, il lui adresse un sourire poli sans véritablement bouger de sa position. Il l’observe déposer le tout sur une petite table d’appoint mais, puisque tout ceci arrive sans explication, il se contente de se concentrer sur les gestes mécaniques qu’elle exécute, avant de comprendre que ce que la petite boite argentée renferme comme trésors sucrés. « Oh, merci… » Touché de l’attention, il se redresse pour tendre sa main livre, se saisissant d’une bille dorée afin de la glisser sur sa langue, juste avant que le bourdonnement de la machine résonne, sitôt qu’elle l’active en appuyant sur la pédale située à ses pieds ; l’aiguille se rapproche alors dangereusement de la peau à imprégner, et la première morsure se fait sentir, l’obligeant à se tendre en fronçant l’une de ses paupières. Ce n’est pas une sensation fort agréable, mais il s’y habitue assez rapidement, si bien que la crispation détache ses traits gracieux, et qu’il adresse même un deuxième sourire rassurant lorsque les mots de la sorcière résonnent. « Ça va pour toi, niveau douleur ? » « Même pas mal. » Rétorque-t-il en affichant un sourire malicieux, faisant rouler son bonbon au miel sur sa langue avant de poursuivre, désireux de faire la conversation afin de détourner l’attention de son esprit braqué sur son bras torturé. « Tu fais ça depuis longtemps ? Faut faire une école d’art, non ? »

La douleur n'a pas l'air de faire trop peur à l'aéromancien alors quand il vient lui confirmer que tout va bien, Liya sourit, replongeant sur son tracé, étant tout de même attentive à ses réactions, si on pouvait éviter un drame, ce serait super. Parce que bon, pour l'instant, il fait le malin mais d'ici quelques temps, il aurait certainement un peu plus mal, à force de ne pas bouger et de se faire transpercer la peau. Tout en venant de temps en temps essuyer la peau pleine d'encre, l'oniromancienne écouter son client, étant maintenant bien habitué à faire la discussion pendant qu'elle travaillait.

" Ça va faire quelques années ouais ! Je suis arrivée un peu après l'ouverture, je crois ?"

Il faut dire que la sorcière a un peu perdu la notion du temps après être tombée dans certaines addictions et que le temps de vraiment se sevrer de tout ça et en sortir, elle avait juste la sensation d'avoir oublié quelques années de sa vie, mais ce qu'elle savait par contre, c'est que le shop et les personnes qu'elle avait trouvées ici avaient été des moteurs dans sa guérison.

"Et non, tu n'es pas obligé de faire une école d'art, il faut savoir dessiner un peu, c'est sûr, mais il y a tellement de style et autant de goût, selon les personnes que tu peux t'en sortir facilement ! Ce qui est important, c'est de bosser et de respecter quelques règles, genre de respect, d'hygiène, tout ça."

Le plus important, selon elle, d'ailleurs, bien avant de savoir tracer un trait droit sans trop trembler, avoir son propre style, c'était bien, mais on n'était pas obligé d'être des Michel-Ange pour pouvoir tatouer, après tout il y avait bien des personnes qui aimaient les bonhommes bâton alors...

" D'ailleurs, pourquoi une méduse ? Ça a une signification en particulier ou... ?"

En plus, c'était une assez grosse pièce et Liya était habitué à voir des petits projets pour des premiers tatouages alors forcément, ça l'intriguait.

" Après, tu n'es pas obligé de répondre, je te rassure."

Il ne fallait pas non plus que le sorcier pense qu'il subissait un interrogatoire, mais bon, vu le temps qu'ils allaient passer ensemble, il valait mieux faire un peu la conversation.

Dire qu’il est parfaitement insensible à la morsure de l’aiguille qui vibre sur sa peau serait mentir, mais il tente de pondérer ses ressentis : dans le fond, c’est bien plus supportable que tout ce qu’on avait pu lui raconter ces derniers jours. Il ne passerait pas ses journées allongé sur ce fauteuil,  puisqu’il sent bien que son ventre se noue à certains moments, mais c’est loin de la torture qu’il s’était imaginé à force d’entendre les avis des uns et des autres. « Ça va faire quelques années ouais ! Je suis arrivée un peu après l'ouverture, je crois ? » Il n’est pas capable de répondre à la question qu’elle se pose, mais le fait qu’elle exerce ce métier depuis quelques années lui apparaît comme grandement rassurant : ce n’est pas une débutante qui inscrit un dessin sur sa peau, et il y a donc moins de risque qu’il se retrouve avec une reproduction foireuse du symbole liée à sa soeur. « Et non, tu n'es pas obligé de faire une école d'art, il faut savoir dessiner un peu, c'est sûr, mais il y a tellement de style et autant de goût, selon les personnes que tu peux t'en sortir facilement ! » Il apparaît perplexe durant quelques secondes, ne pouvant s’empêcher de plisser ses paupières en même temps qu’il fronce ses sourcils, visiblement surpris. « Dessiner un peu ? » Ça, par contre, ce n’est pas rassurant du tout. « Ce qui est important, c'est de bosser et de respecter quelques règles, genre de respect, d'hygiène, tout ça. » Il hoche son menton, sans geste brusque pour ne pas risquer de perturber le tracé de l’aiguille, qui le fait un instant grimacer de douleur.

Voyant peut-être que la peau irritée commence à le tirailler sérieusement, la jeune femme reprend la parole pour faire diversion, et cela fonctionne brillamment puisque, en entendant sa voix, il tourne son menton en sa direction. « D'ailleurs, pourquoi une méduse ? Ça a une signification en particulier ou... ? » Là, son visage s’illumine avec une douceur tout à fait touchante, et il s’apprête à lui répondre, sans gêne ni retenu, mais elle l’interrompt. « Après, tu n'es pas obligé de répondre, je te rassure. » Il hausse ses épaules avec légèreté, conscient de la bienveillance appliquée à la curiosité soumise, mais qui ne l’offusque point. « C’est le familier de ma soeur aînée, Caleigh. » L’amour partagé entre les deux est évident, puisque le lien a été tissé dans l’adversité ; au milieu des décombres de leur enfance, c’est auprès d’elle qu’il a trouvé du réconfort. « Elle ne le sait pas, j’espère que ça lui plaira. » S’il formule le souhait, il n’en doute que trop peu. Mais il en profite, lui, pour observer rapidement les nombreux tatouages qui ornent les bras de l’artiste, ne sachant lequel regarder avec plus d’attention. « Si je te demande la signification de tes tatouages, on en a pour la soirée, non ? » La plaisanterie est accompagnée d’un fin sourire espiègle, bien qu’il est réellement curieux d’entendre toutes les réponses.

" Un peu oui, en vrai, avant de tatouer quelqu'un, tu t'entraines beaucoup, déjà, rien qu'à faire un truc potable, puis à encrer le truc sur une peau synthétique... tu commences par des trucs simples et tu progresses au fur et à mesure. J'ai envie de dire qu'à partir du moment que tu te donnes les moyens d'apprendre et te perfectionner, sans t'effondrer parce que ça fait six fois que tu recommences un fichu dessin, tu peux même commencer avec très peu de base en dessins, puis ça peut te faire un style après."

Finalement, la question de la signification de la méduse se fait entendre et en relevant sa machine, Liya relève ses yeux vers son client, souriant doucement en l'écoutant, dans d'essuyer la peau du coréen et de reprendre le tatouage où elle l'avait laissé.

" Elle l'aimera forcément, qui n'aime pas son familier ? Puis c'est une jolie déclaration d'amour, d'encrer quelque chose sous sa peau parce que ça nous fait penser à quelqu'un."

Bon, même si elle ne le conseillait pas forcément pour des couples, quand on parlait de famille, c'était toute autre chose, elle aussi aurait sauté le pas si elle avait eu quelqu'un en plus dans sa fratrie, mais étant enfant unique, elle ne pouvait pas faire comme Sílas. Enfin, concernant les liens de sangs, les liens du cœur, eux, étaient tatoués plusieurs fois sous sa peau. La tatoueuse laisse entendre un petit rire à la question sur ses tatouages, c'est vrai qu'ils en auraient au moins pour une soirée minimum.

" Voir plus, même, le temps que je me souvienne de certains, de leurs significations exactes, sachant que certains, il n'y en a pas parce qu'ils ont été faits sur un coup de tête alors s'il faut en plus que je réfléchisse au pourquoi du comment ils sont arrivés là .... Après, je peux toujours te raconter, mais tu vas finir par t'endormir je pense ! "

Après, l'oniromancienne pouvait très bien le faire, si ça permettait que la personne qu'elle tatouait ne bouge pas parce qu'elle se concentrait sur autre chose...

" Après, j'en ai certains avec des significations, par exemple, j'en ai un pour ma mère, ce n'est pas le même amour, mais je comprends le besoin de s'encrer quelqu'un."

Il s’étonne silencieusement d’entendre qu’il suffit de savoir un peu dessiner, puisqu’il lui paraît, de sa maigre connaissance en la matière, que c’est le coeur du métier ; est-ce qu’on demande à un médecin de seulement savoir situer les organes dans le corps pour être diplômé ? « Un peu oui, en vrai, avant de tatouer quelqu'un, tu t'entraines beaucoup, déjà, rien qu'à faire un truc potable, puis à encrer le truc sur une peau synthétique… » Il hausse ses sourcils en l’écoutant attentivement, ne sachant pas tellement s’il va retenir toutes ces informations mais, sur le moment, elles le détournent un peu de l’aiguille qui mord sa peau. « tu commences par des trucs simples et tu progresses au fur et à mesure. J'ai envie de dire qu'à partir du moment que tu te donnes les moyens d'apprendre et te perfectionner, sans t'effondrer parce que ça fait six fois que tu recommences un fichu dessin, tu peux même commencer avec très peu de base en dessins, puis ça peut te faire un style après. » Il n’est pas vraiment d’accord avec la dernière phrase, puisqu’il doute qu’on puisse faire quelque chose de potable et réussi en n’ayant que ‘’très peu de base’’ en dessin, si bien qu’il zieute inconsciemment vers celui qu’elle est en train d’ancrer sur sa peau, redoutant peut-être de terminer avec une illustration dont les contours ne sont pas ceux attendus mais, heureusement, pour l’heure, il reconnaît bien la méduse.

Il ne tarde pas à annoncer la symbolique de l’animal, qui produit un sourire à la jeune tatoueuse. « Elle l'aimera forcément, qui n'aime pas son familier ?  » Lui, ça dépend des moments ; parfois il a envie d’étriper le sien mais ça n’enlève rien au fait qu’il l’aime, en effet. « Puis c'est une jolie déclaration d'amour, d'encrer quelque chose sous sa peau parce que ça nous fait penser à quelqu'un. » - « Tu dois aimer beaucoup de personnes, du coup. » Oui, bon, ça sonnait mieux dans son esprit ; une façon maladroite de faire référence aux nombreux dessins qui parsèment sa peau, et dont il observe les contours pendant quelques secondes afin de faire abstraction des sensations désagréables de brûlure autour de son biceps. « Voir plus, même, le temps que je me souvienne de certains, de leurs significations exactes, sachant que certains, il n'y en a pas parce qu'ils ont été faits sur un coup de tête alors s'il faut en plus que je réfléchisse au pourquoi du comment ils sont arrivés là ....  » S-u-p-e-r. Il n’y a que lui qui trouve ça effrayant et pas du tout drôle ? « Après, je peux toujours te raconter, mais tu vas finir par t'endormir je pense ! » Un léger rire emportant finalement ses lèvres, il grimace avant de rétorquer, d’une voix curieusement amusée malgré la douleur qui se répand dans son épaule : « Aucun risque que je m’endorme, je t’assure. » Ses doigts engourdis remuent légèrement dans le vide, en essayant de limiter au possible ses mouvements afin de ne pas gêner l’artiste qui oeuvre sur son épiderme. « Après, j'en ai certains avec des significations, par exemple, j'en ai un pour ma mère, ce n'est pas le même amour, mais je comprends le besoin de s'encrer quelqu'un. » Ce n’est clairement pas Sílas qui irait se faire un tatouage pour faire l’éloge de sa relation avec sa mère, mais les paroles de Liya le font néanmoins sourire avec une certaine tendresse. « C’est lequel, pour ta mère ? »

" Après je te rassure, si le travail est mal fait, les personnes restent pas longtemps ! Et non, je ne vais pas te faire une méduse digne d'un cartoon."

Elle avait bien vu le petit coup d'œil que lançait Sílas sur son tatouage, comme pour s'assurer qu'elle n'était pas en train de lui faire n'importe quoi.

" Ce que je voulais dire, c'est que ce n'est pas un milieu fermé si tu ne sais pas dessiner, tu apprends, comme pour tout. Mais je pense que si tu t'intéresses à ce genre de milieu, ce n'est pas anodin et en général, tu as déjà un petit coup de crayon sympa."

Finalement, la conversation dévie, sur la signification, le fait d'avoir le besoin d'encrer les gens qu'on aime sous sa peau. Et la réflexion du sorcier la fait sourire. C'est vrai que, même si certains n'avaient aucune signification particulière sur le dessin, ils étaient au moins le symbole d'un moment passé avec quelqu'un qu'elle aimait, avec qui elle avait passé un moment à refaire le monde ou à rire jusqu'à en avoir mal au ventre, ou juste parce que l'art de cette personne lui plaisait.

" C'est vrai, mais je suis comme ça, je m'attache vite, même si parfois, c'est un peu trop vite."

Mais la tatoueuse ne voit pas ça comme quelque chose de négatif, bien au contraire, elle considère que c'est juste la vie et que même si elle essuie des chagrins parfois, elle n'aurait que très peu de regrets, parce qu'elle aura profité du moment présent. Elle voit d'ailleurs l'air de nouveau tatoué, quand elle lui dit qu'elle ne se souvient pas de certains, ça pouvait paraitre étrange dit comme ça, c'était vrai, mais en même temps...

" Je te rassure, ce n'est pas parce que perd la tête, c'est juste que j'ai commencé à me faire tatouer assez jeune, que parfois, je faisais un peu n'importe quoi et que j'ai beaucoup de tatouage ! "

Et puis, elle répond au rire qu'elle entend par le sien, quand Sílas lui assure qu'il n'allait pas s'endormir et bizarrement, elle le croyait sur parole, il était du genre, hyper angoissé, avec ce besoin de tout contrôler alors non, il n'allait certainement pas s'endormir. L'oniromancien finit par arrêter sa machine, la posant sur sa console le temps de montrer deux fleurs de prunier sur son avant-bras, une petite et une plus grande, mêlées à bien d'autres tatouages floraux.

" Juste là, c'était l'un de mes premiers."

Est-ce qu’il est tellement expressif concernant ses inquiétudes gardées silencieuses qu’elle se sent obligée de se justifier ? Visiblement, oui. « Après je te rassure, si le travail est mal fait, les personnes restent pas longtemps ! » Ce qui est drôle avec cette phrase, c’est qu’elle marche autant pour les personnes qui tatouent que pour celles qui reçoivent le tatouage. « Et non, je ne vais pas te faire une méduse digne d'un cartoon. » Là, c’est le moment où il se dit qu’il va falloir apprendre à camoufler ses expressions puisque, si ellea compris sa réticence, c’est que même les clients du bar doivent aisément comprendre qu’ils l’emmerdent. « Ce n’est pas ce que j’ai dit. » Il ne l’a pas dit mais il l’a pensé, certes, mais ne lui faîtes pas dire ce qu’il a sous-entendu. « Ce que je voulais dire, c'est que ce n'est pas un milieu fermé si tu ne sais pas dessiner, tu apprends, comme pour tout. » Il ne peut s’empêcher de grimacer avec amusement, non pas pour décrédibiliser ses paroles mais plutôt en pensant à sa soeur : elle dirait de lui qu’il peut apprendre à dessiner autant qu’il veut, il n’y arrivera jamais. Et c’est vrai. « Mais je pense que si tu t'intéresses à ce genre de milieu, ce n'est pas anodin et en général, tu as déjà un petit coup de crayon sympa. » - « J’avoue que j’avais un peu en tête le fait que les tatoueurs savent tous dessiner. » Regardant le plafond en réajustant son bras plié sous sa nuque, il mordille le coin de sa lèvre avant de conclure, d’une voix calme : « Mais tu me diras c’est comme quand on pratique  d’un instrument. Il faut apprendre même si on sent qu’on est fait pour ça. » N’ayant guère envie de plonger dans ce sujet ô combien douloureux, il dévie rapidement la conversation sur les tatouages de sa tatoueuse, qui en possède un nombre impressionnant. « C'est vrai, mais je suis comme ça, je m'attache vite, même si parfois, c'est un peu trop vite. » Les carences affectives qu’il faut combler, c’est familier Il connait tellement bien qu’il a emprunté l’autre chemin : lui ne s’attache pas du tout (ou presque), c’est plus pratique (mais pas infaillible invisiblement). Comme il ne sait pas trop quoi répondre à cet aveu parce qu’il éprouve une certaine forme d’empathie pour la belle — puisqu’il devine qu’elle doit essuyer quelques déconvenues douloureuses, il se contente de presser ses lèvres l’une contre l’autre d’un air sincèrement désolé, qui n’est en rien de la pitié ou du jugement. Enfin, il la juge peut-être un peu quand elle reconnaît ne plus se souvenir de certains de ses tatouages… Il se demande même comment c’est possible, puisque l’acte ne lui paraît pas anodin, mais peut-être que ça l’est pour elle ? « Je te rassure, ce n'est pas parce que perd la tête, c'est juste que j'ai commencé à me faire tatouer assez jeune, que parfois, je faisais un peu n'importe quoi et que j'ai beaucoup de tatouage ! » C’est ce qu’il disait : c’est inquiétant. « Tu devrais peut-être tenir un registre ! En vrai, ce serait comme les mémoires de ta peau. » Il le dit sur le ton de la plaisanterie mais, dans le fond, Sílas est presque sérieux.

Curieux concernant le tatouage fait pour la mère de la brunette, il tourne son menton en sa direction quand elle brandit son avant-bras pour qu’il puisse découvrir deux fleurs qu’il n’identifie pas précisément — puisqu’il n’a aucune culture en la matière, ce qui ne l’empêche pas d’apprécier la poésie de l’ouvrage. « Juste là, c'était l'un de mes premiers. » - « C’est joli. C’est sa fleur préférée ? » Tordant sa nuque en même temps que sa bouche quand elle recommence à user de son aiguille, il ne peut s’empêcher de grimacer de douleur en osant enfin demander : « C’est bientôt fini ? »

" Non, mais c'est ce que tes expressions disent. "

Avec un petit sourire malicieux, Liya regarde Sílas, avant de reprendre ses justifications, tout en finissant le tracé de la méduse, première étape de cette séance tatouage avant de passer au remplissage et ombrages. Elle hoche doucement la tête, quand la comparaison est faite avec la pratique de l'instrument de musique, c'est vrai que c'était ressemblant sur le fond, même si certaines personnes avaient plus de facilité, ce n'était pas parce qu'on savait trois notes qu'on pouvait maitriser un instrument à la perfection.

"Les mémoires de ma peau... ça fait un bon titre, j'avoue. Je vais peut-être me lancer, tiens, "

Bon, elle commencerait certainement à écrire quelques pages et finirait par laisser ce projet dormir dans un des tiroir de son bureau, soit parce qu'elle aura oublié où elle l'avait mis, soit parce qu'un quotidien trop chargé lui fera oublier ce projet, comme bien d'autres encore. Mais si ça pouvait au moins l'occuper pendant l'une de ses nombreuses nuits sans rêves, elle aurait déjà gagné un petit quelque chose. Finalement, à parler tatouage pour les personnes qu'on aime, la sorcière vient montrer l'un des premiers qu'elle s'est fait faire, représentant sa mère. Et c'est avec un petit sourire tendre qu'elle répond à l'aéromancien.

" Pas vraiment, c'est surtout la fleur qui représente son pays d'origine. "

Et du coup, ses origines à elle également. À l'époque, ça avait permit à Liya d'avoir un fragment de sa mère auprès d'elle et de renouer avec son souvenir, d'une manière plus poétique que par les critiques de sa famille paternelle. La grimace que fait le sorcier n'échappe pas à la tatoueuse, qui se demande alors si une pause ne serait pas nécessaire. Et en entendant la question, l'oniromancienne est maintenant certaine qu'il lui faut une pause.

" On a fait que le tracé je t'avoue... mais on peut faire une pause avant de passer au remplissage ! Ça me permettra d'aller me faire un petit thé comme ça. "

Même si elle n'avait pas réellement besoin d'un thé, elle préférait mettre en avant que Sílas n'était pas le seul à avoir besoin d'une pause, pour ne pas qu'il ne se vexe ou ne se sente comme un boulet, comme bien d'autres avant lui et il fallait avouer qu'elle n'avait pas la foi de marchander une pause alors autant assumer que c'est aussi pour elle qu'elle la proposait.

« Non, mais c'est ce que tes expressions disent. » Il ne sait pas vraiment s’il doit s’en réjouir ou non mais, sur l’instant, Sílas pousse ses lèvres en avant dans une petite moue hésitante, tandis que son regard s’éparpille sur le plafond. Il va vraiment falloir qu’il apprenne à dissimuler ses expressions bien trop bavardes puisque, pour le bien de sa vie sociale déjà précaire, il ne peut pas vraiment se permettre d’avoir aussi peu de filtre avec sa figure qu’avec sa bouche. « Mes expressions peuvent se tromper… » affirme-t-il sans conviction aucune, pressé par le besoin d’éclaircir le possible malentendu ; il ne doute pas de ses qualités de tatoueuse, sinon il serait déjà dehors. Heureusement, la belle ne semble pas lui en tenir rigueur. « Les mémoires de ma peau... ça fait un bon titre, j'avoue. Je vais peut-être me lancer, tiens. » Un léger rire prenant place sur ses lèvres, il bascule sa nuque pour que ses yeux puissent rencontrer les siens, du moins, si elle lève le regard de son dessin épidermique. « Tu n’oublieras pas ma participation à ce chef-d’oeuvre si tu deviens célèbre, hein ? » L’amusement provoqué par cet échange laissant un sourire mutin dans son sillage, le coréen s’intéresse par la suite aux nombreux tatouages qui parsèment la peau de son interlocutrice, et le premier a être abordé plus profondément est celui pour sa mère — il n’envie pas véritablement la relation qui lie les deux jeunes femmes, puisqu’il a largement dépassé le stade où il espérait avoir une connexion saine avec la sienne. « Pas vraiment, c'est surtout la fleur qui représente son pays d'origine. » Une examination prolongée de la dite fleur ne lui permet toujours pas d’identifier cette dernière, si bien qu’il s’avoue rapidement vaincu. « C’est quoi comme fleur ? J’suis nul en fleurs, sorti des roses et des tournesols… » Grimaçant légèrement sous son ignorance, il redresse finalement sa nuque en refusant la pause qu’elle lui soumet, craignant de ne pas avoir le courage de repasser une seconde fois sous l’aiguille si elle interrompt son tracé. Mais elle semble décidée à prendre cette pause, et il ne peut que difficilement refuser une nouvelle fois… « On a fait que le tracé je t'avoue... mais on peut faire une pause avant de passer au remplissage ! Ça me permettra d'aller me faire un petit thé comme ça. » Bien qu’il soit peu emballé par l’idée de faire une pause, celle d’avoir un thé l’est davantage : il presse ses lèvres l’une contre l’autre avant d’hocher son menton de haut en bas, attendant qu’elle s’éloigne avec son aiguille pour ramener son bras meurtri — il exagère à peine — auprès de son torse. En s’asseyant au bord de son fauteuil, il remue légèrement ses doigts dans le vide pour palier aux nombreuses fourmillements qui viennent l’envahir, avant qu’il ne demande, d’une petite voix timide : « Je peux avoir un petit thé, aussi ? »

Liya relève son regard vers le client, qui lui dit que, peut-être, ses expressions sont trompeuses. La sorcière scrute, le moindre trait, le moindre micro mouvement avant de finalement sourire : Sílas ne sait définitivement pas mentir. Mais elle ne dit rien de plus, repart sur son tracé, alors qu'un sujet plus léger vient sur le tapis. "Les mémoires de ma peau", c'est vendeur, accrocheur, franchement, si c'est bien écrit, il y a moyen que ça se vende bien, peut-être qu'elle allait plus réfléchir cette idée, alors qu'un petit rire quitte ses lèvres.

" Non, bien sûr que je ne t'oublierais pas, tu auras une dédicace en début de livre et un petit pourcentage ! "

L'oniromancienne vient ensuite montrer l'un de ses premiers tatouages, celui représentant sa mère partie trop tôt, elle est un peu nostalgique, en s'attardant sur le dessin, mais est vite sortie de tout ça par la question de l'aéromancien.

" Des fleurs de pruniers, après c'est très spécifique et si déjà tu sais différencier les roses des tournesols, c'est vraiment pas mal ! "

Après, il faut dire que les deux types de fleurs sont bien différentes, mais elle est certaine que quelqu'un, dans ce monde est capable de dire que des tournesols ne sont que des boutons d'or. Par méconnaissance ou même juste pour provoquer. Sílas, lui, au moins, savait et c'était déjà beaucoup, selon Liya. Et puis, aux yeux de Liya, une pause s'impose, parce qu'elle voit bien comment le sorcier souffre, se tend et contracte ses muscles. Il ne s'en rend peut-être pas compte, mais il vaut mieux laisser reposer un peu pour repartir plus en forme. Le client n'a pas l'air très coopératif, mais finit par accepter et surtout, demander un petit thé, ce qui fait sourire la rêveuse.

" Bien sûr ! Je t'apporte tout ça, tu as une préférence ? Thé noir ? Vert ?  "

Elle attend la réponse avant de vite s'éclipser, faisant chauffer l'eau, préparant les deux tasses, avec chacune un sachet de thé et une fois l'eau versée à la bonne température, Liya vient les disposer sur un petit plateau, pensant à prendre du miel au cas où son client du jour aimerait en rajouter. Et de retour à son poste de travail, la jeune femme vient poser le tout, retrouvant son fidèle tabouret.

" Oh d'ailleurs, je ne sais pas si je t'ai demandé.... Comment tu as trouvé le shop ? Un peu au hasard ou on te l'a recommandé ? "

Il ne sait pas mentir, c’est un scoop qui ne surprend personne mais qui l’embarrasse suffisamment pour qu’il grimace en tordant sa bouche vers le bas, craignant de froisser l’artiste qui oeuvre à présent sur sa peau ; est-ce qu’elle risque de lui tatouer une chose immonde par vengeance ? Haussant l’un de ses sourcils sous cette idée farfelue, il redresse très légèrement sa nuque pour zieuter en direction de son biceps marqué, mais dont l’ouvrage lui semble parfaitement tracé pour l’instant. "Non, bien sûr que je ne t'oublierais pas, tu auras une dédicace en début de livre et un petit pourcentage !" Heureusement qu’elle a le sens de l’humour et qu’elle ne se laisse pas piquer par la maladresse verbale dont il est l’hôte ; rasséréné, le pianiste lui accorde l’ébauche d’un sourire avant de détourner les yeux vers le plafond, sans véritablement le détailler. ’’Cool, j’arrêterai de servir des verres aux clients relous alors.’’ marquant une petite pause, il bascule son menton sur le côté afin de pouvoir la regarder ’’J’suis pas un client relou, rassure-moi ?’’ de toute façon, osera-t-elle répondre par la positive ? Client relou ou pas, il porte son attention sur les tatouages qui ornent la peau de la demoiselle, et plus particulièrement pour celui qui est destiné à la mère de celle-ci ; s’il reconnaît que le dessin est particulièrement harmonieux, il ne reconnaît en revanche pas la fleur illustrée. "Des fleurs de pruniers, après c'est très spécifique et si déjà tu sais différencier les roses des tournesols, c'est vraiment pas mal !" Facile ! ’’Les tournesols c’est jaune et les roses c’est… roses’’ ça semble logique dit comme ça, mais il s’en rend compte sur le moment — vaut mieux tard que jamais ! ’’Et rouge.’’ Oui, quand même, il les connaît celles-là, et non pas parce qu’il a l’habitude d’en offrir : c’est plutôt l’inverse.

L’artiste décrète une pause, et après une mince hésitation — puisqu’il connaît son courage, il n’a pas d’autres choix que de s’y résoudre à son tour, en osant demander un thé pour accompagner la brunette, qui lui répond d’abord par un sourire communicatif. "Bien sûr ! Je t'apporte tout ça, tu as une préférence ? Thé noir ? Vert ?" Il hausse les épaules avec indifférence, sans perdre le sourire qu’elle lui a transmis ’’Peu importe, j’aime tout, j’suis pas difficile là-dessus !’’ C’est toujours bien de le préciser puisque, pour le reste, il l’est, difficile. Elle s’éclipse et il se lève de son assise pour s’approcher du miroir, observant l’encre qui orne sa peau pour dessiner les contours de la méduse, ne résistant pas à l’envie de prendre même une photo du reflet de son ornement, sans la partager à sa soeur puisque c’est une surprise, mais l’envoyant plutôt à Camille, aka-celui-qui-a-plus-d’emmerdes-que-de-cheveux, avant de se retourner vers la tatoueuse. ’’Du miel !’’ Pas la peine de préciser qu’il est content, Sílas, et qu’il se rapproche du plateau comme une abeille attirée par une fleur. "Oh d'ailleurs, je ne sais pas si je t'ai demandé.... Comment tu as trouvé le shop ? Un peu au hasard ou on te l'a recommandé ?" Prenant place sur le fauteuil où il était allongé, s’installant au bord de ce dernier, il pose ses opales sombres sur la jeune fille en disant simplement ’’Je connais Aydan’’ lui, par contre, a autant de cheveux que d’emmerdes, mais Sílas se contente d’hausser ses sourcils sans perdre son sourire. ’’Enfin, j’le connais plus comme guitariste que tatoueur, et c’est la raison pour laquelle ce n’est pas lui qui me tatoue.’’ il est presque sûr que ce n’est pas franchement ce qu’il voulait dire… ’’Enfin, je suis sûr qu’il tatoue bien hein !’’ quand il n’est pas stone se retient-il de dire en baissant les yeux sur les tasses de thé, en profitant pour changer de sujet. ’’Tu prends du miel aussi ?’’