Claude Abernethy ⨳ feel me breathing

Perspicace ⨳ Rusée ⨳ Passionnée ⨳ Ingénieuse ⨳ Espiègle ⨳ Curieuse ⨳ Taquine ⨳ Débrouillarde ⨳ Impulsive ⨳ Sensible ⨳ Orgueilleuse ⨳ Charmeuse ⨳ Têtue ⨳ Audacieuse ⨳ Réfléchie ⨳ Sarcastique ⨳ Stratège ⨳ Arrogante ⨳ Téméraire ⨳ Observatrice ⨳ Rancunière ⨳ Dévouée ⨳ Loyale ⨳ Impatiente ⨳ Cynique ⨳ Créative ⨳ Empathique ⨳ Perfectionniste ⨳ Susceptible ⨳ Exigeante ⨳ Réaliste

« In the lavender fields bathed in blue
And I want someone to hold me
Grass on my knees it's the season
Rolling around feel me breathing
Laughing out loud for no reason
There's nothing that I can't do »
Lolo Zouaï


Deux papas qui s’aimaient profondément, qui avaient toujours voulu fonder une famille. Deux sorciers, mais à qui hélas toute la magie du monde ne pouvait offrir un bébé, petit être tant désiré. Et puis cette amie aux yeux scintillants et au rire éclatant, cette amie dont ils retrouvaient parfois les traits dans le visage de leur Claude, qui vint leur faire une proposition. Ou plutôt un cadeau. Elle avait bien réfléchi, seule dans son coin, pour ne pas leur faire de faux espoirs. Elle savait à quel point cela comptait pour eux, à quel point cela était précieux. Et elle voulait les aider. Elle avait tout calculé, tout prévu. Iels passeraient par une FIV, elle porterait l’enfant et accoucherait anonymement, tandis que l’un des deux papas pourrait reconnaître l’enfant. Bien sûr le plan n’était pas infaillible, pas de mariage possible, qu’un des deux pères reconnus légalement, mais au diable ces obstacles, au placard les craintes, ils feront famille comme ils peuvent, comme ils veulent. Ils improviseront, ils feront en sorte que cela marche.

Le contrat était ainsi, elle n’était là que pour la grossesse, le bébé était le leur. Paps, Pops, et Claude. C’était ça, leur petite famille. Plus jeune, la demoiselle avait parfois cherché à en savoir plus sur cette femme. Pas par désir de figure maternelle, mais par simple curiosité. Car elle ne manquait de rien, la petite Claude, ses papas étaient parfaits, elle le savait, le sentait. Les deux hommes avaient toujours respecté la volonté de cette amie de rester anonyme, ne répondant que par des discours évasifs et des réponses qui n’en étaient pas réellement. Selon eux, c’était une femme extraordinaire, douce et aimante, qui ne vivait plus à Édimbourg depuis très longtemps, qui n’avait connu Claude que bébé. Parfois, il arrivait pourtant à l’enfant de rêvasser en regardant les femmes dans l’entourage de ses papas, se demandant si sa mère biologique n’était pas l’une d’elles, son départ qu’un conte inventé pour faire taire ses questions. À moins que la réalité ne soit plus sombre, que cette femme ne soit décédée ? De discrets questionnements plus qu’un véritable tourment identitaire et existentiel, une inconnue dans son équation qui ne l’a jamais réellement taraudée. Si un beau jour cette silhouette mystérieuse venait à faire partie de sa vie, Claude serait ravie de lui ouvrir sa porte et de la remercier du magnifique cadeau qu’elle lui avait fait. Et si elle restait anonyme pour toujours, elle ne serait qu’un mystère de plus parmi toutes les grandes questions de l’univers, et cela était très bien ainsi.

Elle grandit toujours très entourée, toujours adorée. Petit trésor de ses pères, poupée de ses oncles et tantes, chouchoutée par ses grands-parents. Le privilège d’évoluer dans une famille des beaux quartiers, qui vous ouvre la voie vers un avenir scintillant, sans même avoir à demander. Une maison toujours remplie, de monde, de bruits, de cultures, de saveurs. Jamais d’ennui. Ouverte aux quatre vents, aux rires et aux engueulades, aux débats d’idées et aux soirées bien arrosées, microcosme du bonheur à l’état pur. Un joyeux bazar qui permit à cette petite plante frêle d’éclore et de révéler toutes ses couleurs. Un petit cocon de douceur qui se confrontait tout de même à la cruauté du monde extérieur. Parce que même dans une société sorcière relativement ouverte et tolérante, l’homophobie et la haine étaient toujours là, rampant dans la fange. Et Claude percevait sa différence, avait conscience des regards, des murmures. Très vite, malgré elle et malgré toute la bonne volonté de ses papas pour la protéger, la demoiselle prit sur elle d’être le reflet de sa famille. Une famille qui devait exceller, briller, pour faire taire les mauvaises langues. La petite avait terriblement peur de mal faire, peur de décevoir. Elle se mettait une pression énorme, souhaitant plus que tout donner tort à tous ces homophobes. Prouver que ses pères étaient les meilleurs papas du monde, prouver qu’ils l’éduquaient correctement, prouver qu’iels étaient au-dessus d’eux, de leur malveillance, de leur bigoterie. Prise dans cette anxiété permanente, elle étouffait parfois, mais visait toujours plus haut, petite plante s’élevant vers les étoiles. Quête immuable de la réussite, de la perfection, pour rendre fiers ses paternels, qui pourtant l’étaient déjà, quoi qu'elle fasse.
Une volonté de fer coincée dans ce corps de gamine énergique et butée, sacré caractère mais élève exemplaire. De l’histoire à la sorcellerie, de la théorie à la pratique, elle réussissait tout, haut la main. Fierté de sa réussite, anxiété d’un éventuel échec, alliage au goût amer qui montait parfois à la tête de l’enfant, aux airs prétentieux et arrogants, perdue dans son besoin de reconnaissance et d’applaudissements. Un brin je-sais-tout, des airs de favorite du prof, mais pas mauvaise pour un sou, elle restait toujours là pour les autres. Pétillante et le cœur sur la main, l’esprit en ébullition, curieuse et avide de connaissances, de rencontres, de partages. Désireuse de se creuser une place, de trouver son petit parterre où prendre racine. Une envie qui ne la quitta jamais, qui la poussa vers le journalisme. Fouiner partout, dénicher de nouvelles vérités, partager avec le reste du monde, en jouant de sa prose. Voilà qu’elle avait trouvé sa voie.

A toujours adoré ses papas, leur entourage chaotique, bourdonnant, les allées et venues et les rires qui résonnaient dans la salle à manger. Mais parfois, perdue dans ce monde foisonnant et dynamique, il arrivait que la gamine se sente seule. De cette solitude étrange, qui vous prend les tripes, alors même que vous êtes entouré, cajolé. Elle enviait alors les autres enfants qui avaient des frères et sœurs, souhaitant elle aussi connaître ce lien qui semblait si particulier, si fort. Heureusement, elle avait Harriet, avec qui faire mille et une bêtises, à qui raconter tous ses secrets, ses joies comme ses peines. Et puis ses papas lui avaient toujours appris qu’une famille, ça se forge, ça se construit. On y intègre qui on souhaite, on fait bien comme on veut. Alors l’enfant unique qui rêvait d’une grande famille ne se trouva plus jamais seule. Cousin.e.s, ami.e.s, vagues connaissances, tout le monde était le bienvenue. Comme ses papas avant elle, elle se constitua un entourage brouillon, confus, mais toujours joyeux et coloré, une famille choisie, pour ne jamais se sentir isolée. Et il y avait le coven bien sûr, comme une seconde maison, comme un refuge. Entourée, de sorciers, de végétaux, d’animaux, temple de la nature, de la féérie. Un retour aux sources.

Prendre son indépendance ne fut pas chose aisée pour cette famille si fusionnelle. Encore une fois, Harriet et son caractère bien trempé furent d’un immense soutien dans cette transition compliquée, éternelle canaille lui assurant de ne jamais s’ennuyer. Le départ de la petite taupe fut d’ailleurs le seul point positif que ses pères trouvèrent dans le déménagement de leur fille unique, les deux hommes récupérant pour la première fois depuis une vingtaine d’année une pelouse verdoyante -sans brèche dissimulée assurant une entorse, des parterres de fleurs impeccables et des légumes prospèrent.
Très vite le désir de retrouver une maison emplie de sourires et de rires se fit sentir, et Claude se décida à faire de son cottage -acheté grâce aux économies des papas- une colocation. Il y avait bien assez de place pour trois ou quatre personnes, il y avait surtout plein d’espace pour des soirées passées dans la joie, la musique et le partage.  

Et elle trouve son équilibre ainsi Claude, dans son chaos organisé, entre ses plantes, sa famille et ses amis. Entre son boulot et son militantisme, ses joies et ses peines. Entre les cactus et les lilas, elle fait son petit bonhomme de chemin.

Corps comme un tableau, œuvre d’art aux milles gribouillis, de nombreux tatouages floraux viennent décorés sa peau ⨳ Dort toujours avec ses peluches, et gare à quiconque ose se moquer ⨳ En sa qualité de botanomancienne possède un amour inné pour les plantes, mais en particulier pour les plantes carnivores, ses petits bébés qui peuplent son cottage, qui a bien plus l’allure d’une jardinerie que d’une habitation ⨳ Elle n’aime pas le silence et il n’est pas rare de la voir converser seule ou à ses plantes, qui ont d’ailleurs toutes un nom et une personnalité propre. Quand elle ne trouve plus rien à leur dire, une musique, un podcast ou une série sera bien souvent là pour la distraire ⨳ Enchaîne les centres d’intérêt et les hyperfocus avec une frénésie déconcertante. Après un deep dive sur les vélociraptors, elle se passionnera pour le théâtre épique de Brecht, avant de partir en quête de la meilleure recette de tarte au citron ⨳ A une phobie administrative et malgré ses trente ans passés est bien contente de trouver ses papas prêts à lui filer un coup de main dès lors qu’un courrier officiel semble trouver le chemin de sa boîte aux lettres ⨳ N’aime guère les coups de téléphone inopinés, mais ne se gênera jamais pour vous envoyez des audios aussi long qu’un de ses podcasts ⨳ Canal lacrymal qui se déclenche quelque soit l’émotion, la demoiselle à la larme facile, pleure de rire, de tristesse, de tendresse ou d’anxiété ⨳ Si le cottage est le domaine de ses plantes carnivores, le jardin est sans conteste le territoire de ses arbres fruitiers, dont les racines se frayent un chemin entre les galeries sinueuses d'Harriet ⨳ Aime trainer dans les brocantes, les friperies, dénicher quelques vieilleries kitchs ou pittoresques, possède un attrait tout particulier pour l’art baroque et l’art nouveau