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True art is in the wings - ft. Helen Galbreath

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Moira Auchincloss
Isolationniste
Moira Auchincloss
•☽✧☾•
As above
Trombinoscope : True art is in the wings - ft. Helen Galbreath Katiemcgrath
Face claim : Katie McGrath
Pronoms RP : Elle/She/Her
Âge : 27
Tuer le temps : Gardienne des écrits depuis fin 2023, Moira se consacre entièrement à ses nouvelles responsabilités, qu'elle prend très au sérieux malgré le peu d'appétence qu'elle ressent pour sa tâche.

Elle est destinée à hériter d'une fortune conséquente, unique héritière du clan Auchincloss, ses parents espèrent qu'elle apportera honneur et fierté à leur nom, peu importe les désirs de la jeune femme.

Pour échapper à cette pression constante, Moira se réfugie dans la danse et le chant, où elle excelle.

Familier : Sùmaid, le petit hippocampe fuscus violet
Compte en banque : 304
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True art is in the wings
02/2024


ft. Helen Galbreath

TW : Légères évocations d'idées noires

Les histoires vieilles comme le monde avaient ce quelque chose de rassurant, qui poussaient les spectateurs à prendre place à chaque fois. Ils connaissaient l’issue du récit, sans que cela ne les empêche de retenir leur souffle jusqu’au dernier acte, espérant à moitié être surpris. Espéraient-ils que la fin soit différente à chaque fois qu’ils ouvraient ce livret, que la mise en scène d’un autre auteur remplacerait l’antique création du véritable créateur, ou cherchaient-ils seulement une évasion sans grande réflexion ?

S’il s’agissait du dernier point, l’opéra n’était sûrement pas l’endroit le mieux choisi.

Installée dans sa loge, Moira parcourait le parterre sans le voir. Il y a du monde au balcon, formes dans l’absence, les courbes mêlées d’elle et son fantôme bien-aimé, attendant le début de la pièce en tapotant sur la balustrade du bout des doigts. Jambes croisées et visage fermé, l’hydromancienne fixe le rideau rouge. Elle tente de ne pas se questionner sur les prochains choix artistiques auxquels elle allait assister, les attentes étant toujours systématiquement déçues.

Son oreille musicale avait toujours été attirée par la scène, les épanchements des instruments et du cœur toujours plus frissonnants une fois mis en musique. Un loisir de privilégiée dont elle abusait gaiement dans sa jeunesse, émerveillée du haut de sa petite taille. Assise entre ses parents, le menton dépassant de justesse la rambarde, elle s’était nourrie des notes et du spectaculaire, jusqu’à en faire sa personnalité tout entière.

Elle avouera à demi-mots qu’elle préfère l’animation de West End aux anciens romans d’ordinaire. Mais elle s’était trouvé malmenée par la force du quotidien dans cet océan de béton, un peu voyage vers les sources s’imposait.

Et elle revenait à ses premières amours, puisque les dernières l’avaient déçues. Elle réalisait maintenant combien elle avait délaissé ses joies pour courir après des illusions, qu’elle avait évité le velours pour un poing auquel elle avait présenté sa joue volontairement. Cette sortie n’avait aucun sens : si elle était honnête, elle n’avait aucune envie d’être là. Son humeur n’était guère aux envolées lyriques ni aux futiles prétentions d’intellectuels. La jeune femme adorait se donner un air de prétentieuse, à tout analyser en excès pour perdre ses interlocuteurs en détails insignifiants – cette teinte de bleu à une heure quinze exactement représentait la mélancolie – pour avoir la satisfaction de les voir soupirer. Ou admirer son génie, qu’importe.

Ce soir, ses pas l’avaient menée ici pour se vider l’esprit. Elle avait déambulé comme un automate. Sa robe du soir avait été enfilée par réflexe, ses lèvres peintes sans un égard pour la délicatesse de sa bouche. Elle s’était trouvée placée sans même s’en rendre compte : une fois qu’elle avait relevé la tête vers les dorures, elle s’était demandé comment elle s’était retrouvée ici. Elle ne conservait aucun souvenir de son trajet, juste une vague impression qu’elle avait cherché à tromper son ennui.

Au moins, le champagne était excellent – comme toujours lorsque l’on était aux premières loges.

Avisant le programme posé sur le guéridon à côté d’elle, elle grince des dents.

Pourquoi avait-elle choisi cet opéra en particulier, déjà ?

Elle avait toujours eu un penchant pour les mythes séculaires. L’épique n’avait jamais meilleur goût que mêlé au tragique, elle estimait que la comédie n’avait pas sa place dans son répertoire. Il n’empêchait qu’elle avait jeté son dévolu sur une œuvre particulièrement à propos – un peu trop.

Orphée et Eurydice. Charmant.

Voulait-elle se faire plus de mal, ou avait-elle besoin de se plonger dans un univers plus doux ?
Bon, ce n’était peut-être pas le premier mot que l’on pourrait utiliser dans ce cadre précis. Mais pour Moira, il lui semblait approprié.
Elle avait besoin de s’évader, loin de ces torpeurs du monde moderne. Pendant quelques heures, elle retourne dans une version alternative où les hommes aimaient tellement leurs femmes qu’ils commençaient des guerres. Qu’étaient devenus ces histoires galantes, où les promesses étaient tenues et la force des sentiments transcendaient les époques ? L’art avait cet aspect pathétique – au premier sens comme au nouveau – qui accrochait le regard. Comme lorsque l’on ralentissait sur la route au moment d’un accident, le morbide avait sa place toute faite dans les récits amoureux. Thanatos n’était pas lié au porteur d’arc pour rien, le drame sublimait toujours le récit. Du sucre glace soupoudré sur une pâtisserie amère : plus personne n’aimait les fins heureuses.

Ce n’était pas pour rien que, entre les nombreuses lignes mythologiques, les soldats avaient commencé le conflit, et pourtant Troie se choisissait d’haïr Hélène. Et pourtant, au milieu du bain de sang, Paris avait offensé deux déesses et réduits des royaumes en cendres pour l’amour de la plus belle femme du monde. La pomme d’or jetée au milieu de créatures vénales avait roulé jusqu’aux tombes d’un des plus grands couples que la fiction n’ait jamais connus.

Et les autres duos dont on se souvenait pour la bravoure du promis envers sa dulcinée continuait de faire rêver les petites filles. Ulysse avait parcouru un grand voyage, sans pour autant être heureux. Son périple aurait probablement été plus court s’il n’avait pas été un parfait abruti, mais ce n’était que l’avis de Moira. Elle retenait seulement qu’il avait passé une décennie en mer, tandis que Pénélope tissait sans relâche sur le fil pour le guider vers leur foyer.

La tendresse de l’hydromancienne pour la reine d’Ithaque était peut-être accentuée par leurs ressemblances. Elle aussi, avait attendu, probablement trop longtemps. Elle n’avait aucune appétence pour l’aiguille, mais elle était restée immobile de la même manière. La Gardienne n’aimait plus les miroirs, alors elle en était devenue un, cherchant à refléter exactement ce que l’on voulait d’elle. Jusqu’à ce qu’elle se perde dans les reflets.
L’Odyssée n’était pas le meilleur choix, puisque le héros n’avait pas perdu de temps, Circée ayant manqué une cible à transformer en animal pour plutôt le mener dans son lit.
Elle omettait soigneusement les autres cruautés qui peuplaient l’Antiquité comme autant de bœufs prêts à l’abattoir. Les Arianes abandonnées, les Mnémosynes sacrifiées.

Il n’y avait plus vraiment de sacré, aujourd’hui.
Moira ne s’était jamais estimée romantique. On ne devenait pas protectrice des Ecrits par nostalgie ou perte d’attention : l’on prenait sa place en ayant les idées bien en place.
Elle était la première à se détourner de Shakespeare, Roméo étant décidemment trop mièvre pour elle.
N’en restait pas moins que cet imbécile avait eu le mérite de vouloir aller jusqu’au bout avec sa rivale de fiancée.
Moira s’était à sa grande surprise imaginé en Juliette, que les longs monologues parviendraient à arranger les défauts des personnages. Elle était alors persuadée qu’elle ferait mieux, qu’elle n’était pas une héroïne idiote qui attendrait la fin de l’histoire pour la subir. Elle s’était laissée aller aux beaux mots et à cette naïveté dont elle n’avait jamais fait preuve auparavant. Elle ne s’était pas reconnue, se disant qu’elle avait été folle de ne pas voir le mérite des grandes déclarations auparavant. Que cela en valait la peine.

Cela n’avait pas bien vieilli, n’est-ce pas ?

Alors, n’était restée qu’Orphée et son fol espoir pour occuper sa soirée, les autres propositions l’écœurant.
Le poète aussi avait été la victime de ses critiques acerbes, fut un temps. Moira l’avait jugé sévèrement, lui reprochant son manque de foi. Riant de lui, car il n’avait plus qu’à tenir un petit moment, avant d’atteindre son but.

Sa vision avait quelque peu changé, depuis.

Tout d’abord, sa compassion était acquise au musicien. Le trépas de son tout lui allait droit au cœur. Elle qui devait désormais vivre sans inspiration, elle se demandait comment un génit pouvait encore créer lorsque son soutien passait le voile. Eux qui avaient partagé leurs nuits à composer, à partager une passion des corps et des éclairs musicaux ne pourraient plus jamais annoter de la même manière. Y avait-il plus triste qu’un artiste sans sa muse, se demandait-elle.

Et lui, le petit homme de rien, était descendu jusqu’au le centre de la Terre. Il s’était rendu aux enfers, pour une chance de la revoir – Dante affrontant les cercles pour Béatrice – pour être de nouveau dans ses bras. Le genre de gentleman qu’on ne faisait plus, en résumé.

Il s’était retourné au dernier moment. Et oui, quelle idée.
Mais pourquoi l’avait-il fait ?
Parce qu’il voulait s’assurer qu’Eurydice était toujours derrière lui. Qu’elle allait bien, qu’elle allait lui revenir. Il voulait être rassuré, savoir qu’une fois la porte franchie, à deux doigts de la félicité, il aurait sa récompense après avoir affronté Cerbère et les âmes égarées. Il avait espéré, il avait aimé, jusqu’à en perdre le sens commun, jusqu’à se montrer imprudent.
Il s’était retourné, parce que sa nymphe comptait plus que tout.
Ainsi, il l’avait perdue, condamné à ne plus jamais la revoir. S’il avait attendu un peu, après que le serpent ait commis son méfait, il aurait pu la retrouver. Cet au-delà aurait tardé à arriver – quoi qu’il aurait pu l’accélérer, il suffisait d’aller lire la dernière page de la pièce – et n’aurait certes pas été des plus plaisants. Mais valait-il mieux une mort imparfaite qu’une tentative d’existence échouée, après tout.
Qu’un « je t’aime » qui voulait en réalité dire « je suis désolé ».

Là était leur tragédie, une fois au même endroit, à jamais séparés. Tout cela parce qu’ils avaient préféré quelques années de bonheur éphémère que patienter, voilà à quel point ils voulaient être ensemble.
Projet avorté, parce qu’il s’était retourné.

Pour Moira, il s’agissait probablement du récit qu’elle aurait voulu expérimenter le plus. Elle et sa grandiloquence, cette mélancolie insupportable qu’elle aurait souhaité envoyer valser dans l’orchestre, trouvait son réconfort ici. Bercée par les mélodies tonitruantes, elle préférait ces êtres imaginaires qui ne pourraient pas la blesser. Elle se savait pitoyable, mais elle devait faire avec : déçue des mauvais garçons comme des gentilhommes, elle se contentait désormais de ceux qui l’ignoraient, réels tant qu’elle ne refermait pas la couverture.
Tout pour oublier que, loin des belles paroles et des romances idéalistes, les âmes devaient se satisfaire de garder une place assise pour quelqu’un qui ne viendra jamais.

Au moins, au moment de la morsure, pourrait-elle réellement s’identifier au personnage éponyme. De son côté, elle avait la certitude que rien ne l’attendait une fois le venin répandu. Une manière de partir douloureuse, elle l’admettait. Mais au moins personne ne trouverait rien à y redire.
Quelle chance.

Inutile de prétendre ne pas en vouloir : ce n’est pas comme si quelqu’un allait risquer la traversée du Styx pour elle dans l’autre monde. Le problème était plutôt de trouver quelqu’un qui ne courrait pas dans la direction opposée, dans celui-ci.

Une parenthèse d’art pour tromper le temps, et le soir. Un moment à ruminer sur un de ses problèmes sans qu’il soit vraiment le sien, pour oublier tous les autres.
Un petit instant où la somptuosité du lieu donne l’impression que le dehors n’était constitué de pavés qui se dérobaient sous ses pieds.

Sentant qu’elle avait passé trop de temps dans sa tête – encore, Moira jeta un regard à sa montre. Elle avait encore pas mal de temps à tuer avant le lever de rideau. Assez pour prendre un nouveau verre.

Sa loge n’était pas privative, loin de là. Il s’agissait seulement des meilleurs sièges, et s’il était rare qu’elle soit rejointe en semaine, elle n’était jamais opposée à partager la place. Essentiellement parce qu’elle n’avait strictement rien à faire de son compagnon les trois quarts du temps.

Mais une fois n’est pas coutume, elle appréciait parfois l’échange et l’amour sincère pour les arts qu’autrui pouvait partager avec elle. Bien qu’elle préférerai largement être seule ce soir. Un œil peu aguerri n’y verrait que du feu, mais son fard à paupière ne dissimulerait pas longtemps ses yeux rougis pour quelqu’un d’un peu attentif.

Pourtant, l’arrivée de la dernière personne qu’elle attendait eu le mérite de griller les pensées en cours – oubliés les déceptions amoureuses, les idées noires et son maquillage.

- Madame ?...

Effectivement, il était toujours un peu malaisant de se trouver nez à nez avec la mère d’une ancienne « connaissance ».
En espérant qu’il s’agisse du bon terme.

Crédits Vanity Fair, Théâtre de la Renaissance;
Helen Galbreath
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Trombinoscope : True art is in the wings - ft. Helen Galbreath Giphy
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Âge : 53 ans
Tuer le temps : Ancienne professeur à l'académie Serpenchantements - Chercheuse à l'Ethereum depuis 2021
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Siretia, martre d'amérique

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True art is in the wings


février 2024 en soirée, Opéra d'édimboug, New Town

TW : Propos suprémacistes, misandrie intériorisée, alcool

Les lustres de cristal scintillaient comme des étoiles figées, tandis que les conversations guindées se mêlaient à quelques éclats de rire tonitruants, probablement forcés et dépourvu de sincérité. Une fine mélodie de piano qui flottait dans l'air, prélude aux trois actes qui seraient joués ce soir. Légèrement en retrait de tout cette emphase cabotine, j'observais les lourdes portes parées d'or dans l'espoir d'y voir se dessiner la silhouette de Richard.
Habituellement satisfait à l'idée de briller dans ces soirées mondaines, ce dernier tardait pourtant à arriver, probablement retenu par une énième affaire au Sanctuaire. Ce serait mentir que d'affirmer que je vivais cela pour la première fois. Mais il y a des choses auxquelles on ne s'habitue pas, et si notre relation avait toujours été plus cordiale que romantique, il n'en restait pas moins que le mariage s'habillait de quelques obligations. Notre réputation, construite patiemment à travers les années, reposait sur un équilibre délicat entre sens du devoir, engagement et loyauté. Des principes qui s'appliquaient à de nombreux aspects de notre vie quotidienne : sous notre toit bien-sûr, mais aussi dans nos activités respectives. Et dans le catalogue richement fourni de ces règles tacites, figurait celle qui consistait à se montrer en société au bras de sa femme. Je ne comprenais pas ce manquement. Le ballet conjugal était pourtant minutieusement chorégraphié, répété ainsi depuis plus de trente ans maintenant : trente ans d'opéra, d'aira, de récitatifs, d'oratorios. Et s'il fallait un dernier argument -tout aussi valable que les précédents- pour souligner la nécessité de présence à ce rendez-vous 'galant', nous parlerons de cette robe intégralement brodée et signée Marchesa qu'il me tardait d'enfiler et de présenter. Une pièce d'envergure, aussi élégante que raffinée et qui à elle seule, suffisait à attiser les convoitises de ces autres femmes, tristement ordinaires en comparaison. Celles-là même qui s'empresseraient de chuchoter dans mon sillage, envieuses. Ou pire encore, d'interpréter l'absence de Richard comme étant le commencement d'un naufrage conjugal ou d'autres fantaisies de ce genre. Ce manque de finesse était répandu, en particulier chez celles et ceux qui ne savent briller sans fard.

Je glissais un discret coup d'œil en direction de l'horloge imposante qui, de fait, donna les dix-neuf heures. Un coup de cloche résonna dans le hall et les couloirs, incitant les derniers spectateurs à rejoindre leurs sièges. Je cillais, masquant ce revers de solitude inattendu par l'étude des lettres de rang. Comme à l'accoutumée, nous avions réservé les premières loges, proches de la scène. De celles qui nous octroyait autant de visibilité que d'intimité. Ici à Edimbourg, l'architecture se révélait conforme aux autres modèles européens de l'époque : ainsi, les fauteuils étaient compartimentés, séparant les loges du reste de l'audience. On me proposa de l'aide, j'acceptais sans en avoir véritablement besoin. Silencieuse, je suivais le placeur, considérant les raisons qui auraient pu empêcher mon mari de se joindre à moi, me refusant à croire que cela puisse être volontaire. Evidemment, Richard avait ses mauvais côtés -comme tout à chacun- mais s'il négligeait aujourd'hui notre rendez-vous, il devait y avoir une bonne raison à cela. Car l'affront faisait partie de toutes ces choses qui irritaient mon mari, que ce soit pour lui-même, pour sa femme, ou l'un de ses enfants. Toujours était-il qu'en compagne bien apprise et dotée d'une connaissance encyclopédique des règles non écrites, je me gardais bien d'afficher quoique ce soit et tentais d'enfouir ma déception sous un fin sourire travaillé. Ce n'était rien de plus qu'un jeu de pouvoir où chacun, dans sa quête d’estime et de reconnaissance, devait se conformer aux attentes d'un monde qui ne pardonnait ni l'ignorance, ni l'indifférence. Et si ce soir, l'absence du chef de famille laissait transparaître les deux, je ne laisserai pas ce simple manquement ternir l’éclat de notre réputation.

Je n'étais pas de celle que l'on pouvait se permettre de délaisser ou de mépriser. Mon conjoint en avait bien conscience. Comme il savait aussi que des explications seraient de mises à mon retour et qu'elles avaient plutôt intérêt à être solides s'il voulait s'en sortir indemne. Oh, sans violence évidemment. Ce n'est pas la force, mais la persévérance et la fermeté qui viennent à bout de tout. Et à ce jeu, je savais y faire, quitte à venir à bout de Richard et de ses plaidoiries. L'offense n'en resterait pas là, qu'on se le dise. Etonnamment, cette promesse, cette perspective d'obtenir des réparations futures parvint à me réconforter quelque peu. Car il fallait l'avouer, ce faux bond soudain et cette absence de complicité me pesait, le goût amer de la honte me tiraillant la gorge. Il faut croire que ces déboires arrivaient aussi aux meilleurs d'entre nous, choses que je n'avais jamais eu à expérimenter jusqu'à présent.

Le placeur s'effaça pour me désigner la petite loge de velours rouge et cernée de dorures. Brave garçon. Je balayais la cabine du regard, détaillant la silhouette déjà installée. Je lui accordais l'un de mes rares sourires, accueillant le malaise avec légèreté :Voyons Miss Auchincloss, nous ne sommes plus à l'académie vous savez. fis-je face à ses salutations légèrement protocolaires d'ancienne élève. Ce n'était pas la première, et probablement pas la dernière : après plus de trente ans d'enseignement, j'ai vu passer la plupart des jeunes sorciers d'aujourd'hui dans les salles de classe, et si la majorité d'entre eux sont maintenant diplômés, il n'en reste pas moins que certaines habitudes demeurent plus récalcitrantes que d'autres.Cela dit, c'est toujours un plaisir de croiser le chemin d'anciens étudiants.ajoutais-je en prenant place à côté d'elle, bien consciente que je ne pouvais dire cela de toute le monde. Studieuse et appliquée, Moira était de celles qui marquaient ses professeurs par son esprit brillant. Des personnalités uniques, qui parvenaient à se démarquer par leur singularité. Dans un océan où les visages se mélangent et les noms se confondent, son approche audacieuse, sa curiosité insatiable et son sens critique (parfois sévère) ont su laisser une empreinte pérenne dans ma mémoire. Un exploit qui n'était pas à la porté de tous. Par ailleurs, je la savais amie avec mon cadet, ce qui apportait une plus-value non-négligeable à l'intérêt que je pouvais lui porter. Non, je n'étais pas mécontente de partager ma loge avec elle ce soir.

Le placeur fit une nouvelle apparition, déposant le champagne et les deux verres de cristal initialement prévus par Richard devant moi avant de s'éclipser en un tour de main. Soit. Garder un verre à moitié vide est une invitation au pessimisme. déclarais-je en versant un peu d'alcool dans sa flûte déjà entamée pour la compléter sans lui demander son avis. Je ne buvais qu'en de rares occasions et de préférence, accompagnée. Lorsque les petites bulles s'élevèrent jusqu'au bord de sa coupe, je me servis moi-même. Le porte-monnaie de mon époux ne m'en tiendrait pas rigueur : après tout, les absents ont toujours tort. J'ai appris votre récente nomination au sein du Coven. Une reconnaissance pleinement méritée selon moi.fis-je en faisant mine de porter silencieusement un toast en l'honneur de celle qui a gravi les échelons si jeune. Vous vous en sortirez très bien. assurais-je, confiante.

NB : La robe portée par Helen est celle du gif d'en-tête.
crédits ; i'm-possible (gif)