Identité - Court, pour ne pas dire abrégé. Facile à retenir et probablement facile à oublier aussi, car aucun effort n'avait été fait pour tirer le prénom du lot commun. Pourtant, Dieu sait qu'elle était tout sauf quelconque Helen, s'affirmant comme souveraine de la fratrie, alors même qu'on lui aurait préféré un héritier mâle pour la postérité. Le second essai fut concluant pour les Benthram, mais si le petit prince était parvenu à sauver l'auguste blason, son aînée ne lui lassa jamais l'occasion de briller, s'assurant de ne laisser au nabot que les quelques miettes de sa propre réussite.
Une alliance avantageuse que celle la liant avec les Galbreath, délaissant le patronyme doré pour en adopter un nouveau, non moins remarquable et émérite. Une bataille s'était achevée, mais l'offensive sous cette nouvelle bannière s'annonçait passionnante, à sa mesure. Compétition assumée, c'était une course vers les sommets qu'elle entendait gagner, prémices d'une dynastie qui ferait sa fierté au détriment des autres branches du nom, si le besoin s'en faisait sentir. La résistance n'était pas si retors qu'elle aurait pu le penser, l'unique neveux voguant à d'autres aspirations de bric et de broc.
Naissance - 12 janvier 1971 naturellement devenu le jour le plus notable de cette année-là. Ne lui demandez pas son âge, à Helen. L’âge n’est pas un sujet intéressant, vous dira-t-elle. Tout le monde peut vieillir. Demandez-lui plutôt ce qu'elle a accompli durant tout ce temps qui lui a été accordé et vous lui épargnerez une offense inutile (53 ans).
Nationalité & Origines - Initialement, c'est sur le territoire Britannique que se sont établis les Benthram, du moins aussi loin que l'on eût pu remonter. La guerre des cent ans ayant fait son œuvre, la nécessité de préserver sa lignée éclipsa le moindre appétit héroïque. Aussi, c'est aux Amériques qu'ils ont choisi de s'exiler, faisant fructifier leur legs jusqu'en 1692 (procès de Salem grignotant la vaillance), date du retour d'une majorité des ramifications en terres Ecossaises.
Magie & palier - Oniromancie marquée comme tradition familiale, elle ne fit pas exception. Renseignements dérobés au creux d'un mirage nocturne, ça se débat sous irrésistible emprise mais elle gouverne les songes, illusions cauchemardesques suggérées en guise compensation...oui, Helen a très vite compris les limites pernicieuses de ses facultés. Son jeune frère aussi, alors qu'elle sentait les strates de sa volonté se briser une par une lorsque le cadet se montrait trop ambitieux. Trop doué. Mais au petit matin, il ne restait que les cernes violacées pour témoigner des affrontements nocturnes, égo bien trop blessé pour oser s'insurger ou se plaindre.
Le temps mûrit toute chose, et c'est maintenant le Dernier palier qui s'est ouvert à elle. Véritable consécration -acquise il y a quelques années de cela- pour celle qui n'aura eu de cesse de sacrifier tout son temps et son énergie à parfaire sa pratique et étendre ses facultés. Juste retour des choses, un dû qu'elle a mis à profit en se rapprochant toujours davantage de son Coven, nouveaux objectifs glissés dans son subconscient déjà formaté eux envies de grandeur.
Familier - Siretia est une martre d'Amérique, se glissant dans le sillage de la sorcière telle une ombre. Aussi indépendante que sa moitié, elle est cependant le rempart qui tient ses nombreux desseins sous contrôle et qui refreine ses intentions lorsqu'elle juge celles-ci trop rudes. Cœur tendre sous son épaisse fourrure sombre, il n'est pas rare de la voir intercéder auprès d'Helen pour l'apaiser et ainsi faciliter les rapprochements et les interactions avec la dame lorsque l'animal le juge opportun.
Tuer le temps - On aurait pu penser que la madone se serait d'emblée présentée dans les hautes sphères du Coven. Si l'idée est bel et bien parvenu à la séduire un temps, elle a finalement préféré laisser ce privilège à son époux, lui accordant un soutien irrépressible et sans faille. Elle ne ferait pas l'affront de guerroyer à la place de son mari, mais elle pouvait l'y aider, sans condition. Aussi, elle a longtemps enseigné à l'académie de magie, dans le cycle tertiaire qui -à priori- ne devait plus être intégralement composé de novices totalement ignares et d'incapables. Ainsi, c'est toute une génération de jeunes Oniromanciens qu'elle s'est vue confiée et il n'en eut pas un qu'elle n'eût pas sermonné, remis à sa place ou corrigé. Mais surtout, il n'en eut pas un qui n'ait pas progressé : souvent bien plus qu'il ne l'aurait imaginé, toujours bien moins que ce qu'elle avait espéré...
Puis, lorsque son dernier enfant -prunelle de ses yeux- eut terminé sa scolarité (avec les honneurs, bien entendu, il ne pouvait en être autrement) elle sentit qu'il était temps pour elle d'assurer un tout autre rôle. Ainsi, elle quitta l'académie pour asseoir sa place au sein du Coven. Sans pour autant renier sa fibre professorale, c'est dans l'enceinte de l'éthereum qu'elle décida de dispenser sa formation, dernière étape d'un savoir onirique solide et complet.
Philtre d'amour - On se sent d'humeur audacieuse, hein ?
Une union arrangée que celle qui lia Helen aux Galbreath, alliance décidée à l'instant même où la fillette eût montré ses premiers talents magiques. Une idée avec laquelle elle sympathisa bien volontiers, ses parents lui ayant expliqué les enjeux d'un tel engagement et ce que cela signifiait pour elle, en tant que femme. Mais surtout en tant que femme qui ne serait pas pleinement héritière des richesses familiales. Au moins aurait-elle un nom respecté, une notoriété formelle et une situation confortable. Autant de choses qui lui permettront de s'épanouir comme il convient.
Elle ne le détestait pas son mari, loin de là. En vérité, si elle ne se pâmait pas pour ses beaux yeux (ayant bien vite compris que ce mariage n'avait rien de sentimental), elle voyait en lui un éminent partenaire. Aussi retors qu'elle, que ce soit dans ses ambitions que dans l'éducation de leurs enfants, mais aussi à l'écoute de ses souhaits : elle se sentait à sa place Helen. Un binôme fonctionnel et profondément loyal l'un envers l'autre, qui se découvrirent bien plus de points communs que de désaccords, en particulier pour l'ascension de la famille et l'élévation légitime de leur progéniture. Fonctionnel, c'était le mot. Car là où l'aîné Galbreath s'était révélé d'une incapacité à concevoir presque totale, elle donna au cadet trois beaux enfants, tous plus capables et talentueux les uns que les autres, formés d'une main aussi inflexible que sévère à siéger aux places les plus enviées du Coven. Une démonstration de force imparable, alors que l'unique descendance durement engendrée par son vénérable beau-frère se résumait à...un aimable recueil de déceptions. Non, @Alasdair Galbreath n'avait certes pas l'étoffe d'un prodige, d'un champion, ou même d'un leader. Et c'était pour le mieux.
L'enfer c'est les autres - Par tradition mais surtout par conviction, Helen est une isolationiste dans l'âme, intimement persuadée que le secret magique doit rester à sa place. C'est à dire, au sein des Coven et de leurs disciples. Une opinion qui s'est vue renforcée depuis qu'elle a endossé le rôle de mère, gageant que rien ne puisse porter atteinte à la sécurité de ses enfants et compromettre leur succès annoncé.
Le moins que l'on puisse dire de la professeur est une personne extrêmement
cultivée. Propriétaire de l'une des bibliothèques les plus fournies d'Edimbourg, on raconte qu'il faudrait toute une vie pour en venir à bout mais que pour autant, elle a probablement lu chacun des ouvrages au moins deux fois. Qu'elles soient vraies ou non, il faut bien admettre que les rumeurs ont toujours agrémenté le sillage de Galbreath, puisqu'il semblerait que les étudiants de l'établissement n'aient rien de mieux à faire que de bavasser sur leur professeur durant leur temps libre…
Il faut dire que la dame est dotée d'une personnalité assez
complexe que beaucoup peinent à déchiffrer. A leur décharge, elle est loin de leur rendre la tâche facile : si certains secrets sont difficiles à percer, la vie privée d'Helen en fait partie. Parfaitement hermétique lorsqu’il s’agit de parler d’elle, rares sont ceux à qui elle s’est un jour confiée. Sans parler de méfiance, il est très
difficile de l’impressionner et plus encore, d’obtenir sa sympathie.
Dotée d’un certain
charisme que certains qualifieraient de naturel, la discipline règne en maître à l’académie sans qu’elle n’ait besoin d’élever la voix ou de sortir de ses gonds. Un modèle de calme et de
maîtrise de soi dont beaucoup devraient prendre exemple, ce qui nous épargnerait bien des incidents magiques dans les salles de cours.
Profondément
indépendante pour ne pas dire
individualiste, Helen n'a jamais ressenti le besoin de dépendre de quelqu'un pour faire aboutir ses projets -qu'ils soient personnel ou liés à ses activités professionnelles. Toujours avec un coup d'avance, elle ne néglige aucun détail et investit toutes les ressources nécessaires à la bonne marche de ses affaires, parfois au détriment de sa personne. De là en résulte une certaine forme de
fierté, résultat d'une ascension sans échec notable. Gabreath est satisfaite de la place qui est la sienne aujourd'hui, satisfaite des valeurs qu'elle inculque et de la position à laquelle elle s'est hissée à force de persévérance et de coups de maître.
C'est cet orgueil qui en poussent certains à la qualifier de
suffisante. Ont-ils tort ?
Pas vraiment. Etant une femme de goût, Helen aime à le montrer et ne rate d'ailleurs jamais une occasion de le faire pour demeurer le centre de l'attention.
Précieuse, elle n'apprécie pas de se retrouver dans des endroits négligés ou d'une propreté douteuse. Il en est de même avec les gens qu'elle croise, une attitude
snob qu'elle ne pourrait réprimer, même si elle le voulait.
Un tantinet rigide et peu encline à changer d'avis, il n'est pas aisé de la convaincre sans solides arguments. Très stricte dans sa manière d'aborder les choses, elle mène son petit monde à la baguette et ne souffre aucune rébellion. Avec elle, les règles sont nombreuses que ce soit dans son couple, dans son foyer, dans ses classes.
Helen n'est pas carriériste, déjà trop occupée à orchestrer les vies de ses trois enfants. Pour autant, la belle n'a jamais manqué d'
ambition ne se contentant assurément pas du minimum. Elle vaut mieux que la plupart de ses congénères, elle en est secrètement persuadée. Elle est également convaincue que chaque chose arrive à point, il suffit de s'armer de
patience. Ce qu'elle ne possède pas aujourd'hui, elle l'obtiendra demain. Une chose qu'il lui est aisé d'affirmer, elle qui déchiffre les rêves prémonitoires depuis de longues années maintenant.
L'épouse Galbreath ne fait jamais rien sans être
motivée par quelque chose. On ne peut pas dire qu'elle soit déloyale. Et à vrai dire, à part pour sa famille, on ne peut pas dire qu'elle soit sincèrement loyale non plus...tout dépend de ce que vous avez à offrir et jusqu'à quel point elle a encore besoin de vous. Tout est une question d'équilibre et d'intérêts.
le 12 janvier 1971, Manoir BenthramLes deux grands yeux pers observent le front plissé, penché sur le berceau. Isobel Benthram est soucieuse, cela ne fait aucun doute. Les prédictions oniriques étaient pourtant formelles et c'était un héritier qu'elle devait enfanter, de ceux qui feraient perdurer le patronyme pour assurer leur position au sein de la communauté sorcière.
❝ Cesse de te morfondre, il nous reste encore du temps.❞ déclara son époux, en se plaçant à ses côtés. Dans quatre jours, l'Oracle viendrait bénir l'enfant et il leur faudrait alors baptiser la fillette, chose qui semblait plus ardue maintenant que leur intentions étaient contrariées. Ils trouveraient bien d'ici-là, et la gamine finirait par avoir un prénom ainsi que toute l'attention parentale dont elle aurait besoin. Après tout, elle semblait déjà avoir quelques dispositions pour la magie, songea la mère en jetant un œil sur le familier roulé en boule à proximité. Tout n'était pas aussi
décevant et ils parviendraient probablement à en faire quelque chose...
1er septembre 1977, académie des SerpenchantementsLa fillette se tenait immobile, le menton relevé et le dos droit, comme on le lui avait enseigné. Si jusqu'à présent, son comportement avait été jugé exemplaire par les précepteurs de la famille, Helen savait que c'était ici, à l'académie, qu'elle parviendrait véritablement à faire ses preuves car au manoir, les choses avaient changé. Et pas en bien, vous dira-t-elle. La faute au morveux arrivé deux ans plus tôt, chérubin braillard élevé en empereur qui raflait toute la sollicitude parentale, et auquel on dessinait déjà un avenir sans obstacle. Aussi, la petite joua des coudes, et elle fut la première à franchir les lourdes portes de Serpenchantements. Hors de question qu'on lui passe devant,
ici ou ailleurs se promit-elle, le menton décidé. D'ici peu de temps, ils seront bien forcés de le reconnaitre, tous autant qu'ils sont : cet idiot de frère qui croulait déjà sous les louanges ne lui arrivait pas à la cheville. Et à part le fait d'être bien-né, aucune disposition d'aucune sorte ne parviendrait jamais à le mettre en valeur. Cette première place -cette place d'aînée- restera la sienne.
Elle y veillerait. juillet 1983, Manoir Benthram❝ Edward a eu un A en mathématiques ce trimestre.❞ annonça-t-on lors du dîner. La fourchette tinta brièvement dans l'assiette, rompant le silence qu'avait engendré ce compliment inopiné, mais Helen s'en empara de nouveau, piquant sa pomme de terre avec force. Les mâchoires résolument serrées, il semblait évident qu'aucune autre bouchée ne parviendrait à se frayer un chemin jusqu'à la fin du repas. Aussi se contenta-t-elle de massacrer ce pauvre féculent jusqu'à le réduire en purée, espérant peut-être le façonner à l'image de l'arrogant qui avait
osé accaparer les faveurs parentales ce soir. Et alors, il fallait le féliciter ? Pff, certainement pas ! Le petit Prince avait eu un A,
à la bonne heure. La jeune sorcière lui lança un regard mauvais, depuis le bout de la table. Quel soulagement, de ne pas le savoir complètement stupide, celui-là. Là où elle-même collectionnait les récompenses, c'est sur
la sienne qu'ils s'étaient attardés ce soir.
❝ C'est tellement rare que cela mérite d'être souligné, en effet.❞ persifla-t-elle du bout des lèvres, vengeance pour cette bribe de reconnaissance qu'elle estimait s'être fait volée. On la réprimandera pour ça. Elle quittera la table sans avoir pu achever son assiette, mais avec la satisfaction d'avoir offensé son frère.
Plus tard dans la soirée, la porte de la chambre grinça et l'adolescente se faufila à pas de loup. Au creux de son oreille, Siretia lui intimait de rebrousser chemin mais la sorcière était sans conteste la plus têtue des deux et même si elle se savait en tort, elle campa sur ses positions malgré tout. L'avorton ne s'en tirerait
pas ainsi. Il dormait à poings fermés, tout enorgueilli des éloges qui lui avaient été prodiguées. Le favori état paisible.
Pour le moment. Avec une moue de mépris, l'ainée posa ses mains sur les couvertures et ferma les yeux, dédaignant l'avis de son familier qui préféra s'éloigner pour ne pas avoir à cautionner ça.
...Le soleil filtrait au-travers de la canopée et une infime brise venait faire chanter les feuillages. La forêt qui bordait l'académie était magnifique, propice à l'étude et à la détente : loin du brouhaha des couloirs et l'effervescence des tours. Et il était là, Edward, allongé à l'ombre d'un chêne centenaire, livre à la main. Etait-ce la traduction onirique de sa miteuse réussite scolaire ? Aspirait-il à d'autres succès de ce genre ? Il n'en était pas question et bientôt, il se redressa en voyant la silhouette d'Helen émerger au beau milieu de ce tableau bucolique. Puis la brise retomba et une impression de chaleur s'installa peu à peu, oppressante, s'épaississant jusqu'à le faire suffoquer. L'arbre centenaire craqua soudain, rougeoyant en son centre jusqu'à s'enflammer. Et bientôt, ce fut la clairière entière qui brûla, véritable brasier emprisonnant l'enfant. Mais en son centre, demeurait le sourire suffisant de la sorcière restée immobile à l'observer... Ce même qui observait par-dessus le lit, alors que le petit s'éveillait en sursaut, affolé
❝ Maman ! J'ai fait un cauchem..❞ La main d'Helen se plaqua sur la bouche de son frère, lui intimant le silence.
❝ C'est ça qu'on t'apprend à l'académie ? A appeler notre mère à la moindre occasion ? ❞ lui murmura-t-elle à l'oreille. Quelle était l'étape suivante ? Demanderait-il à être bordé ? Réclamerait-il une veilleuse pour appréhender les noirceurs de la nuit ? Décidément, ce garçon était un affront pour l'oniromancie et pour le sorcier qu'il était censé devenir.
❝ Il est clair que notre Prophétesse sera bien embarrassée de lire un futur aussi médiocre que le tiens le jour où elle viendra te visiter. Si obtenir un unique A en mathématiques est tout ce dont tu es capable, rends-nous service et abstiens-toi de fanfaronner auprès des parents à l'avenir. Ils valent mieux que ça, et c'est humiliant pour eux de devoir mettre en valeur pour tes exploits insignifiants pour que tu te sentes estimé.❞ Il n'y avait pas assez de fierté et de d'ambition familiale pour deux héritiers Benthram. Alors, elle s'assurait que le bon à rien n'entre tout bonnement pas dans la partie. Chacun sa place, si tant est qu'il y en ait une pour lui.
mai 1990, académie des Serpenchantements❝ Si tu penses que c'est un rendez-vous galant, alors on a qu'à dire que c'en est un.❞ De fait, il cueillit une jonquille à la lisière de la forêt et la tendit à la sorcière.
Sa sorcière, puisque leurs parents en avaient décidé ainsi depuis de nombreuses années. L'un comme l'autre n'avaient pas bronché, et contre toute attente, ils s'entendaient même plutôt bien. Helen accepta la fleur, contemplant ses pétales dans la pénombre bleutée de la nuit.
❝ Je me disais simplement que faire les choses en y mettant les formes -tu sais, comme tous les autres couples- rendrait peut-être notre relation moins...protocolaire ? ❞ hasarda-t-elle en suivant son futur fiancé le long du chemin. Bien-sûr, ils se fianceraient à la sortie de l'académie, se marieraient et iraient vivre ensemble. Mais s'ils devaient fonder une famille, peut-être qu'un peu d'affection pourrait aider.
❝ Peu importe, comme tu veux. De toute façon, nous sommes arrivés.❞ déclara l'oniromancien en s'arrêtant brusquement, abrégeant la conversation par la même occasion. C'est qu'ils avaient des affaires à mener ici, et en fin de compte, ils avaient toute la vie pour parler de cela. Au moins, cela leur servirait d'excuse s'ils se faisaient prendre : ils n'étaient pas le premier couple à se retrouver en catimini et certainement pas le dernier. Celui-là n'était simplement pas venu pour se bécoter...
Assis l'un en face de l'autre, ils joignirent leur mains, connectant leur magie. La promise avait été mise au fait des activités quelques peu
intrusives de sa future belle-famille et si elle-même n'en était pas à son premier coup d'essai, elle appréciait de pouvoir partager ces incursions en songes étrangers avec son 'prétendant'. Il était doué, et ces voyages se révélaient toujours très instructifs, en plus de leur procurer un étrange sentiment d'omniscience salvatrice. Les secrets étaient méticuleusement infiltrés, sondant les rêves comme on décrypterait un livre demeuré hors de porté. L'interdit était grisant, enivrant. Galbreath avait raison, ce n'était pas un rendez-vous galant. C'était un art, un savoir-faire. Un business.
octobre 1991, EdimbourgChacun s'accordait à dire que la fête était grandiose. Les deux familles n'avaient pas ménagé leurs efforts pour rendre cette union mémorable. Les petits plats avaient été mis dans les grands et chaque détail avait été méticuleusement étudié pour rendre le meilleur hommage possible aux jeunes mariés. La cérémonie au Temple, quant à elle, avait été plus sobre mains non moins propice aux réjouissances. Au sein du Coven, l'aspect contractuel du mariage n'était un secret pour personne ; ainsi, on ne s'étonna pas de voir une certaine distance entre les époux, bien qu'ils affichaient tout deux un contentement certain. Seule la vénérable Helga ne sembla se rendre compte de rien (ou alors, elle s'était arrangé pour oublier ce détail), s'évertuant à rapprocher ces deux jeunes gens qui ne semblaient pas assez fusionnel à son goût. De son temps, on était plus démonstratif ! Au bout de quelques heures avinées sans que quiconque eût réussit à lui faire poser son verre, elle lançait des
❝ Vous savez les jeunes...l'amour, c'est comme mes rides : ça prend du temps à s'installer, mais une fois que c'est là, ça ne part plus !❞ au hasard, manquant d'assommer le témoin avec sa canne. Puis vers minuit, elle prit Helen par le bras en proclamant qu'
❝ Avoir un partenaire, c'est comme avoir une paire de lunettes : parfois on en a besoin pour y voir plus clair, et parfois on préférerait s'en débarrasser.❞. Et au lever du jour, on retrouva Helga avachie sur sa chaise, après avoir désespérément essayé de prédire le nom des futurs enfants en tournant un couteau à salade dans sa coupe de champagne en grommelant dans sa moustache. Alors, ce fut le signal que les festivités avaient étés suffisamment honorées et que chacun pouvait rentrer chez soi sans risquer de faire affront au nouveau couple Galbreath. Mais secrètement, on se promit mutuellement, pour le bien-être général de la communauté, de ne plus inviter la vieille Helga. Sous aucun prétexte, même la torture.
1993 à 2002, Manoir Galbreath❝ Je pensais avoir été claire : interdiction d'aller jouer dehors avant d'avoir terminé vos devoirs. ❞ Soudainement immobiles, les gamins laissèrent tomber le ballon au sol, pris sur le fait. Les mains sur les hanches, la jeune maman haussa les sourcils en leur adressant un regard équivoque, alors que les deux garnements filaient au premier sans demander leur reste. La famille s'était rapidement agrandie, devoir conjugal dûment rempli, assurant une postérité des plus prometteuse. Là ou la vieille Helga leur avait lancé plus d'une cinquantaine de prénoms durant leur noces, il n'y eut fort heureusement que trois beaux enfants à baptiser. Suffisamment pour protéger leur lignée. Suffisamment pour attiser la jalousie d'un beau-frère souffrant de quelques
caprices de masculinité.
Ils étaient attentifs, les jeunes parents et aucun travers n'était jamais toléré. Tant est si bien que les chérubins étaient déjà fort appréciés du Coven et de leurs professeurs, modèle de politesse malgré quelques turbulences de leur âge. Il faut dire qu'avec une mère siégeant à l'académie, la marge de manœuvre était mince et les loupiots n'avaient d'autre choix que de se tenir à carreau. C'était pour leur bien, ils en étaient conscients. Du moins Helen l'espérait.
❝ Mamaaaaan... ❞ La petite dernière s'agrippa à sa jambe, avec la ferme intention de ne pas laisser sa mère filer. La sorcière la prit sans ses bras.
❝ Tu peux refaire papillon bleu ? ❞ ❝ Tu as été sage ? ❞ ❝ Vi. ❞ ❝ Tu es sûre ? ❞ ❝ Vi. ❞ ❝ Sage comment ?❞ ❝ Sage comme t'aimes bien.❞ Helen sourit et fit apparaître un minuscule papillon bleu qui se posa sur le nez de la fillette, ravie de ce petit tour dont elle raffolait. Quelques battements d'ailes et l'illusion s'évapora, aussi fragile que cette complicité qui se tissait lentement avec la benjamine. Elle ne serait pas en reste de ses aînés, pourvue d'une curiosité débordante et d'une certaine appétence pour l'apprentissage de choses nouvelles. Oui, elle suivrait le chemin tracé pour elle, comme chaque membre de cette famille. Et dans quelques années, ils accompliraient de grandes choses, comblant leurs parents de fierté. Certains signes ne trompent pas.
juin 2011, académie des SerpenchantementsPar-dessus ses lunettes, la professeur étudiait la copie avec attention. Comme à l'accoutumée, les annotations d'
@Alasdair Galbreath étaient d'une rare pertinence, et c'était bien-là l'une des seule qualité qu'elle pouvait lui trouver. Son neveu avait toujours été un rêveur sympathique, de ceux qui s'émerveillaient d'une multitude de choses, la tête dans les étoiles sans parvenir à garder les pieds sur terre. Une terre que son paternel souhaitait pourtant ardemment conquérir, résultat d'une compétition de longue date avec son jeune frère. Parfois, ce dernier reprochait à la sorcière de s'être engagée sur la voie de l'enseignement, s'adonnant de ce fait plus rarement aux autres activités de la maison Galbreath. Une remarque qu'elle ne prenait pas au pied de la lettre car elle se savait toute aussi utile à l'académie, à façonner l'avenir de ses enfants semestre après semestre. Et au-delà de ça, elle avait récemment été en mesure de parachever la discorde régnant déjà existante entre Alasdair et son paternel, s'immisçant dans des affaires bien trop privées pour qu'elles ne lui soient normalement accessibles. Oh, dans le fond, elle n'était pas curieuse des histoires de cœur de l'étudiant et quand bien même soupirait-il pour un autre homme que cela la laissait indifférente. Ce qui n'avait pas été le cas du paternel lorsqu'elle le lui avait annoncé, l'idée de renoncer à une quelconque descendance lui étant intolérable. Ainsi avait-elle affiché un air faussement navré, remuant une plaie qui peinait déjà à se refermer chez le
mâle en deçà de sa vigueur. Un sujet toujours sensible, à n'en point douter...mais l'occasion était trop belle pour s'en priver.
Si Helen avait apprécié avoir son neveu en classe, elle s'était malgré tout efforcée de garder ses distances. Sous ses airs distraits, le jeune homme s'était révélé être un élève intelligent, brillant oniromancien en devenir. Peut-être même trop, pour le bien-être de sa tante qui redoutait de le voir faire de l'ombre aux siens. De ce coup bas, elle n'eut pas les tenants et les aboutissants, mais elle était au moins certaine que cela avait participé à mettre davantage d'huile sur le feu dans l'autre versant Galbreath. Cela lui suffisait, pour le moment. Il ne suffisait parfois que d'une petite graine pour faire fleurir le chaos.
2021, EthereumLa sorcière déposa son dernier livre au fond du carton avant de balayer la pièce du regard. Elle avait fait son œuvre ici, et rien ne la retenait plus à Serpenchantemants désormais. Ses enfants avaient brillamment terminé leurs études, diplômes en poche, et c'était-là le couronnement de sa carrière. Dans le Coven, la Tisseuse et la Prophétesse n'avaient pas tari d'éloges à leur sujet, et il se murmurait qu'une place leur était quasiment accordé, à chacun d'entre eux. Oui, sa mission ici était réussie, et l'avenir s'annonçait sous de bons auspices.
Par ailleurs, un profond sentiment de frustration s'était peu à peu emparé d'elle. Comme si elle avait atteint les limites de son potentiel magique ici. Galbreath a exploré chaque recoin de cet endroit, vu tous les visages familiers, parcouru chaque ouvrage et elle a réalisé que l'académie n'avait plus rien à lui offrir. Elle sait au fond d'elle qu'elle a besoin de se développer ailleurs, de se mettre en danger, de sortir de sa zone de confort pour continuer à progresser. Elle sait que c'est le moment pour elle de partir, de s'aventurer vers de nouveaux horizons où elle pourra continuer de se dépasser sans se sentir bridée. Alors, l'idée de se rapprocher des siens avait fait son chemin et c'est au sein du Coven -à l'Ethereum- qu'elle avait décidé de poser ses valises pour s'y investir. Persuadée que ce haut-lieu de magie serait en mesure de satisfaire ses attentes, elle y voyait également le moyen de concilier les intérêts familiaux avec ceux de sa communauté. Un changement que certains ne voyaient pas d'un très bon œil...en particulier son beau-frère, peu enclin à voir les activités de son petit frère se développer. Car si elle vient encore en aide aux jeunes sorciers fréquentant l'université du Coven, Helen s'engage maintenant pleinement aux côtés de son mari, du moins lorsque ce dernier fait appel à elle. Le temps où ils se rencontraient tous les deux à la lisière de la forêt pour s'infiltrer dans les caboches endormies ne semblait soudainement plus si lointain...