tw; mort, cauchemar
Si sa mémoire n’est pas connue pour être visuelle, Armand s’est toutefois confronté, il y a de ça quelques semaines, à une découverte pour le moins inédite, là où personne d’autre que lui n’aurait dû mettre les pieds. La chair de Jacques pour costume, l’énième cauchemar s’est rejoué, un presque sans faute ; jusqu’au moment où ce dernier est devenu lucide. Le nécromancien a senti que quelque chose était différent, là où il n’avait de toute façon jamais eu aucun pouvoir pour changer le cours de l’Histoire. Le scénario, rôdé, n’aurait pas dû laisser échapper un tel parasite dans la foule venue acclamer la mort d’un révolutionnaire. Pourtant, en montant sur l’échafaud, il l’a aperçu, là, comme une couleur sur un tableau gris. Incapable de contrer le scénario répété comme un devoir de mémoire à l’excès, c’est en perdant à nouveau la vie qu’il s’est réveillé, un autre visage imprimé sous ses yeux, là où d’autres émotions le secouaient.
Aussi il n’a pas souhaité se rendre directement là où se trouvait ladite personne, dont le visage lui est bien entendu connu. Alasdair est un oniromancien et a su effriter un cycle de cauchemar que le O’Moran aurait préféré savoir en paix. Une paix achetée par l’horreur, mais une paix qu’il avait choisie en conscience, là où Jacques a toujours fait partie de lui.
Cedric avait apprécié les Galbreath, sauf peut-être pour leur façon d’aborder l’éducation de leurs enfants. Son fils unique a hérité de cette impartialité face aux bavardages et autres médisances dont avait pu être victime Alasdair. Son rituel lui avait au moins permit de s’ouvrir à qui il était vraiment, loin de toute injonction familiale, ce qui ne voulait pas dire qu’il n’en souffrait plus. C’est avec ce même habit de neutralité, autant que faire se peut, qu’Armand s’en était allé le chercher.
Il y a finalement un instant où il le voit, d’abord de dos, et Armand O’Moran n’attend pas qu’il se présente à lui de face pour l’interpeller poliment, telle une ombre venue réclamer sa vérité.
“Bonjour Alasdair,” menue entrée en matière, qui laisse le temps nécessaire au concerné de faire volte-face, voire rassembler son meilleur argumentaire, s’il le fallait. “J’aimerais m’entretenir avec toi. Aurais-tu dix minutes à m’accorder ?” Le compte est précis, car il ne songe pas qu’il puisse y avoir explication abracadabrante, là où un oniromancien chevronné lui fait face, soit en pleine possession de ses moyens. Il va même de soi que l’on oublie rarement une décapitation sur l’actuelle Place de la Nation, d’autant plus si l’on a jamais vécu pareille terreur auparavant.