Histoire
Ta vie ne sera jamais facile, tu sais ?
Pourquoi ?
Parce que parfois, l'amour parental est absent, pour une raison ou une autre.
Pourquoi est-ce qu'il n'est pas présent pour moi alors ?
Parce que dès ta naissance, tu étais une déception. 20 décembre 1993
Ils avaient déjà un fils, mais un deuxième c'était tout aussi bien. Madame aurait aimée une fille tout de même, pour pouvoir faire d'elle une petite poupée, avec des tenues plus jolies les unes que les autres, en faire une petite femme parfaite, pour qu'elle puisse épouser un homme bien, nécromancien évidemment et lui faire encore plus de petits enfants. Mais un garçon, c'est bien aussi, ça veut dire deux branches en plus pour porter le nom Barton, après tout. Alors, oui, un garçon c'était bien. C'est ce qu'ils ne cessaient de se répéter jour après jours, en regardant l'enfant qui venait de naitre. C'est peut-être pour ça que Camille fut le prénom qu'on lui donna, c'était mixte, cela aiderait peut-être Madame à faire son deuil pour une petite princesse parce qu'après cette deuxième grossesse, il était hors de question d'en avoir une troisième. Comparé à son ainé, le bambin n'est pas un calme, réclame souvent les bras et hurle à longueur de journée. Bébé au besoin plus présent que d'autres, il finira dans les bras d'une nourrice appelée en renfort pour cause de parent à bout. À peine né et déjà en train de ruiner la santé de ses parents, peut-être qu'un deuxième enfant ce n'était pas si bien que ça, finalement.
1997
On s'inquiète un peu, l'enfant ne semble n'avoir aucune manifestation de sa magie, mis à part le familier toujours posé sur lui, rien ne laisse penser que Camille est un sorcier. Alors qu'à son âge, son ainé, lui, ne cessait de montrer qu'il serait plus tard un nécromancien prodigieux. Le grand-père Barton essaye de rassurer, chaque enfant allait à son rythme, mais les parents, eux, ne l'entendent pas de cette oreille, se mette à venir solliciter de plus en plus Camille qui peine à comprendre qu'il s'agit de "Père" et "Mère", lui qui restait constamment avec sa nourrice. Mais rien, toujours rien et ça les agace, les Barton ne pouvaient pas se permettre d'avoir un rejeton sans magie, plutôt le faire disparaitre si tel était le cas.
Heureusement, l'académie t'a donné une bouffée d'air frais.
C'est vrai, même en hiver, j'y restais.
C'était peut-être mieux ainsi, après tout. 2001
L'académie, une deuxième maison pour cet enfant mal aimé, les débuts sont catastrophiques, parce que Camille est en retard comparé aux autres enfants, il n'écoute pas, reste dans son coin, mais le pire, c'est qu'il ne semble pouvoir produire aucune magie. Ça fait rire certains de ses camarades, forcément. Mais l'enfant s'en moque, il ne fera pas de magie, il ne veut pas de cette magie, il ne sera pas comme les autres de sa famille parce que, de toute façon, ils n'ont de cesse de lui répéter que de toute façon, il n'était pas comme eux, alors pourquoi tenter de les imiter ? C'est d'ailleurs ce qu'il dira à l'un de ses professeurs, qui tenait de lui tirer les vers du nez, après l'avoir presque fait pleurer. Alors, on comprend, qu'il y a bien de la magie en Camille juste qu'elle est bloquée parce que des parents incapables d'amour ont créé quelques traumatismes chez l'enfant. Alors, l'équipe pédagogique s'armera de patience, pour défaire tous les barrages qu'il a pu créer dans son esprit, consoleront l'enfant lorsque celui-ci paniquera quand il sentira qu'il fait des progrès. Mais si à l'école, on salue ses efforts, ses améliorations et sa grande implication même en dehors des cours pour réussir à rattraper ses camarades, à la maison, l'indifférence est toujours de mise, parce qu’après tout, on s'est habitué à ce que le petit dernier ne soit qu'une déception et après tout, pourquoi s'en occuper, quand il y avait un prodige à faire grandir ?
Et puis, malgré tout ça, il y a eu la goutte de trop.
Il l'avait cherché.
James n'a jamais été quelqu'un d'agréable avec toi, ce n'était pas sa faute, mais celle de vos parents.
Je le déteste tout de mêmeété 2004
James, ce frère ennemi, ce garçon plus âgé que lui qui passait son temps à le terroriser, se glissait parfois dans sa chambre la nuit, pour le réveiller en sursaut par un hurlement strident. L'enfant miracle de ses parents, celui à qui tout semblait réussir, à qui on laissait tout passer, que ce soit les caprices ou les envies, celui qu'on adulait. Alors, pourquoi pas lui ? Camille n'a de cesse de se demander. Il n'a pas le temps d'y réfléchir plus que ça, sa tranquillité est perturbée par James, qui vient une nouvelle fois fanfaronner, lui dire à quel point il est pathétique, alors que lui,
lui était incroyable et pouvait avoir tout ce qu'il souhaitait. Sauf que cette fois-ci, son cadet n'est pas d'humeur à prendre sur lui, oh que non, pire même, il répond, tient tête. Et après les mots, les gestes, les parents retrouvent l'aîné à terre, le plus jeune au-dessus,
prêt à lui donner le meilleur coup de poing de sa vie.Ce jour-là, il aurait aimé te tuer je crois
Il aurait pu, ça m'aurait arrangé.Monsieur Barton est furieux, dans son bureau, il hurle. Qu'est-ce qu'il avait fait pour avoir un fils comme lui ? Il ne l'avait jamais éduqué comme ça, c'était à se demander s'il était vraiment un Barton. La famille saurait, son grand-père aussi, à quel point son comportement avait été infect. Et c'est son grand-père, qui allait fixer sa punition pour cet acte, car après tout, ici, c'était lui qui décidait. James, lui, n'aurait rien, bien évidemment, après tout, c'était la victime dans tout ça et sa parole avait plus de valeur que celle de Camille, bien entendu. Le week-end suivant, une grande réunion est faite, dans la maison du chef de famille, pour décider de sa sentence. Aucun droit de parole, on parle comme s'il n'était pas là, certains parlent de jeûne, d'autres de privations de quelque chose qu'il appréciait tout particulièrement. Certains parlent même de pensionnat loin d'ici, après tout, plus il était loin, mieux c'était pour eux, non ? Camille panique, mais est-ce que ce n'était pas pour le mieux, au final ? Plus loin il serait, mieux il irait, il le savait. Non, ça coûterait trop cher, ils payaient déjà bien assez alors…
- Moi je sais.Mots prononcés par cette tante qu'il n'avait vu qu'une ou deux fois à tout casser, celle qui était partie s'installer en France pour suivre son mari et continuer ses études d'art, celle qui ne revenait que deux à trois fois par an, pour rendre visite aux siens. Proposition faite, très vite acceptée, c'était décidé, Camille partirait avec elle sur les terres françaises. Car après tout, c'était le meilleur moyen pour tout le monde de se poser et se reposer et puis ça lui ferait un peu de compagnie. Helen était la sauveuse de la Famille Barton, elle acceptait de se sacrifier pour que l'équilibre puisse être retrouvé, on la loue, on l'embrasse, les parents pleurent de joie et Camille se dit qu'une folle à gérer, c'est déjà mieux qu'une famille tout entière. La décision est prise, d'ici quelques semaines, l'erreur des Barton s'en irait avec sa tante, que ça lui plaise ou non. Alors, pour la forme, l'enfant boude, tente de protester, mais au fond de lui, il se dit que c'est une très bonne idée.
Elle t'a sauvé la vie, en réalité.
La seule qui vaut la peine dans cette famille de cinglés. 2004-2013
Helen tente vraiment de faire connaissance avec son neveu pendant le voyage, mais aucun mot ne sort de la bouche de ce dernier, elle n'obtient pas même un regard. Il a décidé de l'ignorer, royalement. De toute façon, elle aussi le voyait comme une tâche dans leur famille, non ? Les jours et les semaines passent, la tante est toujours aussi gentille, supporte le silence de l'enfant, ses regards noirs quand elle tente un pas vers lui. Et puis finalement, elle arrive à passer toutes ses barrières, ses protections, jusqu'à retrouver le petit Camille d'il y a quelques années maintenant, celui apeuré, blessé, par une famille qui ne le comprenait pas. La route a été longue pour lui faire comprendre que tous les Barton n'étaient pas les mêmes, pour lui faire comprendre que non, il n'était pas un échec, qu'il avait le droit d'être qui il voulait, pas juste l'ombre derrière son frère. Un autre problème se pose à Helen : comment faire parler un être brisé qui n'a fait qu'accumuler et intérioriser des choses négatives, tout au fond de lui. Parce que Camille, il n'en parle pas, de tout ça, il le refuse. Et si on tente de le pousser un peu trop vers les sujets sensibles, il change du tout au tout, hurlant, haineusement qu'il les déteste, tous autant qu'ils sont, qu'il se déteste. La violence monte crescendo, d’abord sur ce qui l’entoure et quand tout devient trop intense,
voilà qu’elle revient sur lui-même, alors qu’il se terre de nouveau dans le silence. Le langage verbal n’est plus possible pour Camille, sur les nombreuses épreuves qu’il a traversées et le langage corporel se retrouve vite saturé : il souffre, c’est certain et sa tante ne peut pas le laisser continuer ainsi. Elle finit cependant par trouver le moyen de lui faire exprimer tout ce mal-être, alors qu’il passe l'après-midi dans son atelier à la regarder peindre.
L'art pour s'exprimer, voilà ce qu'il fallait. Camille adhère très vite au projet et si les débuts sont timides, compliqués, il y prend goût. Il retrouve petit à petit ses couleurs, son sourire alors que sur les toiles, ses peines et pensées sont peintes. Il avait trouvé son truc, sa voie, il le savait. C'était une évidence, il voulait devenir artiste, comme sa tante. Bien entendu, de l'autre côté de l'océan, on n'y croit pas, c'est une lubie, celle d'un adolescent qui se cherche. Mais Helen y croit, elle. Elle le soutient, accepte de le garder auprès d'elle, de toute façon, elle est sa vraie mère dans son esprit et elle le considère comme son fils, elle ferait tout pour le protéger, d'eux dont l'esprit est trop étriqué, de lui, quand les bouffées noires se font trop présentes, surtout après les retrouvailles avec ses parents biologiques. Oui, chaque retour en Écosse est dévastateur pour lui, ils lui pompent son énergie, sa joie de vivre et il est hors de question que cela continue. Alors, ils prennent une décision : Camille ne retournera plus à Édimbourg. De toute façon, avec les cours, c'est plus compliqué de se voir, il n'y a que les étés qu'il accepte de passer avec eux, mais pas dans le manoir familiale, bien au contraire.
La liberté, c'est ce que vit Camille depuis son arrivée en France et cette liberté se fait encore plus alors qu’il commence ses études qu’il réussit avec Brio.
Ô douce liberté, tu l'as vite perdue, en réalité.
Ce n'est pas vrai.
Et pourtant tu traines encore tes vieux démons.2014 - 2019
Diplôme en poche, Camille aurait pu rentrer et pourtant, toujours soutenu par cette femme extraordinaire, il s'inscrit aux beaux-arts et contre toute attente, il y est accepté, Camille restera encore en France quelques temps. Les années passent, Camille ne rentre plus du tout en Écosse, ne répond même plus aux messages, il préfère les supprimer, c’est un adulte maintenant, il n’a plus besoin des Barton, sauf d’Helen, son pilier. Il est mieux, ici, il a sa vie, parfois chaotique, certes, mais elle lui plait. Mais si tout se passe bien de ce côté-là, niveau personnel, c'est plus que compliqué. Parce que Camille vit par lui-même, n’a plus de cadre comme avec sa tante. Il fait ses propres expériences, fait de nouvelles rencontres et bien qu’il n’ait de cesse de rire et sourire à tout va, il y a toujours ce mal qui le ronge, celui qu’on nomme dépression. Et dans les périodes les plus sombres de sa vie, l’artiste a besoin d’oublier : oublier sa vie, ses maux et même qui il est. Ça commence par quelques verres, tout d’abord, de temps en temps,
puis de plus en plus, alors qu’une nouvelle substance fait son apparition dans son quotidien. Comme pour l'alcool, les prises sont récréatives, mais bien vite, l’addiction se fait, alors qu’il plane à mille lieues d'ici. Addictions qui se renforcent à chaque fêlure qui se produit en lui, avec ses déceptions : amoureuse comme amicale ; professionnelle ou personnelle. Plus le temps passe, plus il glisse sur cette pente, ne tentant même pas de se rattraper, car après tout, à quoi bon ? Il finira bien par y passer un jour, même s'il ne sait pas encore de quelle manière. Mais il partira jeune, il le sait.
Et puis c'est qu'il commence à se faire connaître, ses tableaux plaisent, on lui demande même s'il fait des commandes, c'est qu'il est doué pour un artiste d'une vingtaine années. Notoriété qui monte, messages qui se font de plus en plus fréquents, peut-être qu'il y a quelque chose d'urgent ? Voilà que les géniteurs s'intéressent à leur rejeton, ils sont fiers de lui, de ce qu'il a su faire de sa vie. Oui, c'est un brave Barton maintenant et s'il pouvait envoyer un peu d'argent, de temps en temps, leur être reconnaissant pour tout ce qu'ils ont pu faire pour lui, il serait le plus merveilleux des fils. Nouvelle cassure, qu'est-ce qu'il était réellement à leurs yeux ? Ce soir-là, c'est le trou noir total, mais l'état de l'atelier parle pour lui, au petit matin. Il n'a rien contrôlé et il allait devoir recommencer les quelques toiles abîmées, ici et là. Mais avant ça, il avait besoin d'un petit remontant, dommage, il était sobre depuis dix jours et six heures.
Après, ce n'est pas de ta faute, tout ça. Tu n'étais juste pas dans le bon milieux, mis à part avec Helen, évidemment.
Elle n'est pas la seule à m'avoir aidé.
Tu veux parler de lui ? Il n'était pas sain non plus, tu sais, comme sa famille.
Tu ne sais pas que quoi tu parles.
Et pourtant...
2007 -2017
Ce n'est qu'à ses treize ans qu'il s'est réellement rendu compte de ce qu'il se passait ici. Chaque étés, lui et sa famille partait rejoindre des amis de la génitrice surtout. Direction l'Amérique centrale pour se retirer un peu du monde, se purifier et échanger sur les us et coutume de cette famille, nécromancienne elle aussi. C'est vrai qu'ils étaient bien gentils, toujours accueillant, même avec le petit mouton noir qu'était Camille. Les Hernández avaient certes des idées bien arrêtées sur certains sujets, étaient parfois assez extrêmes dans leurs propos, mais à aucun moment Camille ne s'est sentit en danger ou jugé, bien au contraire, petit à petit, il s'est vu adhérer à leurs propos, leurs idées et idéaux, c'est un jeu dangereux, mais personne ici ne le lui dira. Et puis, il y a Alejandro, de 10 ans son ainé. Une lumière dans son quotidien bien triste. Il est un peu ce grand-frère qu'il n'a pas, celui qui le fascine, tant par sa présence, que sa prestance. Celui qui le rassure aussi, quant à cette magie dont il a toujours un peu peur. C'est d'ailleurs lui qui donnera cette envie au sorcier de devenir Préparateur du sommeil éternel, parce qu'Alejandro croyait en lui, en son art et pensait que lui aussi, avait de l'or entre les doigts, que pour accompagner les défunts dans leur dernier voyage, il n'y avait pas mieux qu'eux.
Et Camille y a cru, à ses belles paroles, s'est nourri de chaque mot positif qu'il recevait lorsqu'ils se voyaient, lorsqu'ils échangeaient quelques lettres ou messages. Alejandro est vite devenu comme un dieu vivant à ses yeux et par extension ce jumeau qui n'avait pas l'air très ravi de voir le plus jeune tourner un peu trop d'Alejandro. Et au fil des années, la fascination pour cet homme s'intensifie, se consolide, Camille se laisse totalement aveugler par ce qui rayonne de ce personnage presque mystique pour lui. Si bien qu'il suivra à la lettre ses préceptes, sans jamais rien remettre en question. 2017 cependant, marque la fin de la correspondance, au pic de sa notoriété et totalement perdu dans ses addictions, Camille perd la notion du temps, ne s'aperçoit pas que sa tante, voyant les effets néfastes que cette famille pouvait avoir sur son neveu, a décidé de mettre un terme cette relation, en effaçant et bloquant chaque numéro, en interceptant chaque lettre qui pouvait lui être adressée, parce qu'il était hors de question que l'artiste continue avec ces relations toxiques, lui qui en avait déjà bien assez dans son cercle proches. Et quand tout redevient à la normale pour le nécromancien, Helen lui dira qu'Alejandro avait coupé les ponts il y a quelques mois déjà, parce qu'il n'arrivait plus à le suivre et tolérer les écarts de conduite de son disciple. Bien que bouleversé par cette nouvelle, Camille ne tentera pas de reprendre contact, persuadé qu'il doit faire pénitence, en attendant le retour de celui qu'il estime au-dessus de tous.
Et puis, l'enfant prodige a fauté.
Sa chute a été fatale et pourtant si grisante. Ils n'avaient plus que toi.
Je suis devenu le centre de leur monde.
Et tu allais leur montrer ce qu'était l'enfer.2019
Il ne peut s'empêcher d'avoir ce sourire en soin, Camille, alors qu'il regarde ses deux parents qui ne tarissent pas d'éloges sur lui. Il est leur sauveur, après le déshonneur que James vient de leur faire subir. Fuir ce mariage qu'ils avaient arrangé avec cette nécromancienne de bonne famille, pour fuir avec une humaine en plus de ça ? Surtout qu'il avait abandonné son rôle dans leur coven pour ça.
Pathétique. Mais il était là, désormais, le deuxième fils allait les aider à réparer ces erreurs, il serait leur fierté maintenant. Et les géniteurs s'excusent, de leurs comportements passés, parce qu'ils ne se rendaient pas compte, parce qu'ils pensaient que l'ainé était celui qui guiderait cette famille vers la réussite, mais ce n'était qu'un brouillon raté, qui les avaient bien dupé, mais que maintenant, ils comprenaient leurs erreurs, qu'ils seraient prêts à faire n'importe quoi pour se faire pardonner.
-N'importe quoi ?
-Bien sûr ! Tout ce que tu veux ! Très bien, alors, tout ce qu'il voulait. Il y eu d'abord le changement de décoration, que Camille trouvait trop sombre à son gout, bien des portraits, surtout de ses parents, furent entreposés au grenier, car jugé trop hideux pour rester exposés. Au lieu de ça, la couleur prit possession du manoir et plus particulièrement la chambre parentale qui fut repeinte en jolie rose flashy, meubles et linges de lit préférant le bleu ciel. Il y a aussi de plus en plus de tâche de peinture ici et là, parce que Camille ne fait absolument pas attention, quand il peint ni où il peint, si bien qu'en trois mois à peine, la maison est méconnaissable et surtout saccagée, avant que l'enfant capricieux n'exige sa propre maison, un peu plus loin, parce que l'habitat familial craignait beaucoup et était très mal fréquenté.
Mais s'il n'y avait eu que ça. Camille faisait juste vivre à ses parents, ce que lui avait vécu pendant son enfance, leurs rendant au centuple ce qu'il avait subi. Si bien que certain soir, il leur ordonnait de manger dans l'arrière cuisine, parce qu'il n'avait qu'une envie, celle de refaire leurs portraits dégoutants, qu'ils étaient si répugnant que rien que leurs présences lui donnaient la nausée. Parfois, il allait les réveiller en pleine nuit, surtout s'il pleuvait, pour les enfermer dans le jardin pour qu'ils puissent converser avec les ancêtres. La garde-robe de Madame fut aussi réduite en lambeau, alors qu'il tentait de lui trouver une tenue potable pour une petite soirée mondaine, car après tout, elle allait lui faire honte, à s'habiller comme un sac.
Et dès que le couple essayait de le raisonner, de lui faire comprendre qu'il se comportait comme un enfant, Camille entrait dans une colère noire, hurlant toute la colère qu'il avait emmagasinée depuis tout petit. S'il n'a jamais été violents envers eux, le mobilier, lui, a souvent dû être remplacé sous les accès de rage. Et une fois que la tempête passait, l'artiste redevenait aussi doux d'un agneau, venant s'excuser auprès des adultes tourmentés, leurs rappelant par la suite que de toute façon, ils n'avaient pas le choix que de l'accepter et subir la colère qu'ils avaient eux-mêmes créé, car après tout, il restait leur unique enfant maintenant. Monsieur et Madame Barton étaient désormais coincés avec lui, pour le meilleur ou le pire. Heureusement, depuis que Camille à son propre chez lui, les géniteurs peuvent souffler quelques peu, bien qu'à chaque repas de famille, le cadet n'a de cesse de faire des remarques sur tout ce qu'il peut voir avec son œil critique, parle du ventre que son père commence à avoir, comme de la prise de poids de sa mère, d'à quel point la nourriture est fade et insipide, comme leur vie, que vraiment, il ne comprend pas comment ils sont encore en vie, vu leurs teint terne et les années bien avancées, les ancêtres seraient pourtant ravis de les accueillir de l'autre côté et puis comme ça, les vivants seraient débarrassés de deux parasites qui ne valent pas mieux que des humains.
Mais il n'y avait pas que ça qui a changé dans la vie de Camille, à peine quelques mois après être revenu dans la ville sorcière, voilà qu'il prend un rôle dans son coven : préparateur de sommeil éternel. Comme l'homme qu'il admirait le plus au monde, peut-être qu'ainsi, Alejandro reprendrait contact avec lui, peut-être que comme ça, il serait fier de lui. Faire un trait sur sa carrière artistique n'était pas quelque chose qu'il faisait de gaité de cœur et Helen lui a même passé une soufflante en venant lui rendre visite. Camille gâchait son potentiel, après tous les sacrifices qui avaient été faits tout ça pour prendre une revanche sur des parents qui, de toute façon, l'ont toujours considéré comme un second choix. Mais si c'était ce qu'il voulait, qui était-elle pour l'empêcher de le faire ? Sa porte resterait tout de même ouverte et préparer les corps des défunts pour leur dernier voyage, ce n'était pas si mal, c'était même un grand honneur. Seulement, sa tante avait peur, qu'encore une fois, celui qu'elle considérait comme son fils s'égare et que cette fois-ci, il n'y ait aucun retour possible.
Et malgré toutes les revanches que tu as pu prendre, ça te restait collé à la peau.
Oui, j'avais toujours cette impression d'être creux, qu'il manquait une partie de moi, alors que cette substance collante ne cessait de m'étouffer. 2021
Camille pensait vraiment qu'être l'enfant favoris, pouvoir se venger de tout ce qu'on l'a fait subir enfant l'aiderait à aller mieux, il finit par constater que passé l'adrénaline des premiers temps, le vide en lui reprenait du terrain, tout comme cette tristesse infinie qui l'accablait. Parce qu'une fois seul, il y a toujours ses pensées qui l’accablent, qui lui donnent le tournis. Il n'est rien, qu'une copie ratée d'un fils qui a tout plaqué par amour, là où lui, peine à trouver ce qu'il souhaite vraiment et quand il s'attache trop aux personnes qui partagent sa vie, il a tendance à tout faire éclater. Est-ce qu'il est vraiment quelqu'un qu'on peut aimer ? Est-ce qu'il est vraiment heureux dans cette vie ? Il n'est pas si sûr, il essaye de se voiler la face, de continuer de sourire et d'avancer, laissant parfois ses addictions et autres destructions prendre le dessus sur sa raison et son corps. Camille oscille entre la joie débordante et la détresse extrême, mais il est incapable de réellement demander de l'aide, étant persuadé qu'il ne mérite pas qu'une main se tende réellement vers lui et surtout, ne voulant pas se montrer faible aux yeux de celles et ceux qu'il pense inférieur à sa personne.
Camille, réveille toi.
J'ai froid.
Ouvre les yeux
Je n'ai pas envie.
ré.vei.lle.toi2024
Ses yeux s'ouvrent de nouveau, difficilement, son corps le fait souffrir, plus que de raison alors que Camille reprend doucement conscience. Recroquevillé dans sa baignoire où un fond d'eau glaciale le recouvre, il se demande bien depuis combien de temps il est ici, cinq minutes ? Une heure ? une journée ? Trop de questions dans sa tête viennent se mélanger aux phrases assassines de sa famille. Est-ce qu'il venait vraiment de rechuter ? Avec le peu de force qu'il lui reste, le sorcier se hisse en dehors de la baignoire, vient récupérer une serviette en grelottant après avoir retiré tous ses vêtements trempés, il ferait peut-être mieux de prendre une douche chaude, mais là, il n'a aucune force, préfère se vautrer dans son lit,
ignore les sensations de griffures sur ses bras. Il lui faut quelques minutes encore pour vraiment reprendre conscience, attraper son téléphone pour voir qu'il a encore du temps avant d'aller travailler.
Mollement, il se relève, se dirige vers la cuisine pour tenter de manger un petit quelque chose, prendre un café pour se réveiller et puis, Camille ira se rendre présentable, en se promettant qu'à son retour il irait s'enfermer dans son atelier, après tout, ça faisait longtemps qu'il n'avait pas peint. Mais pour l'instant, il fallait sourire, faire comme si tout allait bien parce que, d'apparence, c'est ce qui se passait : il a l'argent, le travail, l'entourage, tout ce qu'il faut pour être heureux et bien dans sa vie, ça, on ne cesse de lui répéter alors forcément, il s'auto-persuade que c'est le cas et que la masse noire et poisseuse qui pèse sur son dos n'existe pas.