[Abandonné] Being sensitive doesn't make you weak ft. Eli

TW : Alcool, mention d'agression physique
Deux sorties au pub dans le même mois, Lucius fait fort. Très fort. Lui qui habituellement aime rester chez lui en compagnie de son famillier fait quelques efforts. Pour ne pas déprimer ni dépérir. Sa première sortie en début de mois n'avait rien d'extraordinaire. D'anciens camarades de l'Académie, à la fin de leur vingtaine approchent la trentaine comme lui. Des gars ordinaires, avec des soucis ordinaires et des vies incroyablement banales. Comme la sienne, en apparence. Mais Lucius se force à garder un certain contact avec eux. Y en a quelques uns qui ont déjà un peu moins de cheveux qu'à l'époque, y a Rob' qui aurait bien aimé faire ingénieur qui finalement s'est retrouvé concessionnaire automobile par la force des choses. Lucius lui, a eu l'avantage de n'avoir jamais eu énormément d'ambitions dans la vie. Tout ce qu'il a toujours voulu, c'est un métier tranquille et sans trop de stress qui paye son loyer, lui permette quelques extras. Un canapé et surtout un lit confortable, une console de jeu et pourquoi pas quelqu'un avec qui partager sa vie. Il a bien réussi à avoir tout ça. En apparence du moins. Son appartement est en effet confortable, il y a quelqu'un même si c'est incroyablement compliqué. Et fleuriste ce n'est certainement pas le pire métier du monde, ni le plus stressant. Sauf le quatorze Février dernier, qui lui reste en travers de la gorge.

Lucius, il a toujours voulu être gentil et arrangeant dans sa vie. Alors quand un Roméo tardif s'est présenté, même si le magasin venait de fermer, il avait voulu être arrangeant avec sa collègue. Eventuellement sauver la saint valentin de quelqu'un malgré la fatigue accumulée dans la journée. Première erreur de l'Oniromancien qui aux côtés de Selen s'est retrouvé face au pire des spécimens : un homme infidèle, raciste, radin, irrespectueux et agressif. Quelqu'un cumulant bien évidemment toutes les tares du monde. Il n'aurait sans doute pas du craquer. Pour la première fois de sa vie face à la situation, Lucius s'est emporté. A été agressif et menaçant. Et tout ce que ça lui a valu ? C'est d'être convoqué et de recevoir un avertissement pour son comportement. Parce qu'il a essayé de recadrer un fils de pute de première catégorie, de lui apprendre le respect et qu'il ne s'est pas laissé gentiment faire comme il en a pourtant l'habitude.

Alors oui, il a cogné un peu plus fort sur les sacs lors de sa dernière séance de sport. A soulevé un peu plus de poids que d'habitude pour extérioriser. Et c'est peut être ça, qui a poussé un dénommé Eli à l'approcher lors de sa séance d'entraînement. Ils ont parlé sport, ont à peu près le même âge. Si habituellement, Jager évite le contact avec les humains le plus possible, il s'est laissé bêtement convaincre. Persuadé que ça allait lui changer les idées, de voir du monde, de rencontrer des nouvelles personnes. Il se doit juste de rester discret, de ne pas trop s'étendre sur sa vie personnelle en détails pour ne pas risquer d'être perçu comme un gars suspect. Un verre, ça n’engage à rien n’est-ce pas ?…

Il est donc là, vendredi soir classique pour les mecs de son âge, programme on ne peut plus normal que d’aller prendre un verre ou deux au pub. Un peu empoté tout de même, le géant qui ne sait jamais quoi faire de son corps fait des allés retours maladroits devant la porte, en attendant qu’un visage familier arrive. Peut-être qu’il devrait rentrer voir dedans ? Peut-être qu’Eli est en avance ? Est-ce que ça va sa tenue d'ailleurs ou est-ce qu'il est un peu trop décontracté, un jeans et un hoodie ? On ne l'a prévenu de rien, il ne connaît pas réellement si bien Eli et encore moins les potes qu'il veut lui présenter. Et le voilà à deux doigts de rebrousser chemin. S'il marche vite, il arrivera vers un portail d'ici une petite minute, ni vu ni connu.

Il est trop tard pour fuir, maintenant qu'Eli est arrivé. Lucius a réfléchi trop longtemps et maintenant ? Il ne peut pas disparaitre sans rien dire, juste se casser en marchant et faire comme s'il ne l'avait pas vu : ce serait encore plus gênant pour tout le monde. Alors le grand timide se force à sourire et hoche la tête. Oui, il a réussi à trouver. En même temps, avec google maps, c'est pas bien compliqué. ça devait sans doute être un peu plus coton dans les années 90, mais à leur époque ? Il n'y a plus besoin d'aborder des gens et de leur parler pour trouver son chemin et ça, c'est le vrai miracle de la technologie pour les introvertis comme lui.

Il y a d'autres gens. Et soudainement, Lucius éprouve du soulagement. Tant et si bien qu'il en soupire.

« Non c'est mieux si y a des gens, j'avais un peu peur. »

Enfin du soulagement, oui et non. Un peu pataud mais vraiment content que ce ne soit pas un date déguisé, il se libère soudainement sans prévenir :

« On m'a déjà invité à prendre un verre sans que je saches que c'était un date, j'ai repensé à cette histoire en venant et j'espérais que c'était pas ça, pour toi, parce que je voudrais pas te rendre triste en te disant que j'étais pas intéressé si tu voulais un truc romantique avec moi, tu vois ? »

Il s'emmêle dans ses explications, comme d'habitude. Mais s'ils sont plusieurs, ça veut bel et bien dire qu'Eli n'a pas envie d'une aventure romantique avec l'Oniromancien. Et ça le soulage grandement. Peu au courant des pratiques de la communauté LGBT, Lucius croit naïvement que c'est la méthode des hommes homosexuels pour draguer, une sorte de règle tacite. C'est ce que Nero a fait l'été dernier... Avec le recul, c'est vrai que les questions étaient un peu orientées pour apprendre à le connaître et pour savoir sa situation sentimentale actuelle...

« Parce que j'aime pas que les gens soient tristes. »

Qu'il jusge important de préciser, pour se justifier soudainement d'avoir pensé à ça. Il sait bien que ça peut blesser plus d'un mec de sous entendre qu'il pourait aimer le même genre. On lui demande régulièrement si lui-même est homosexuel, à cause de son métier mais aussi à cause de ses cheveux longs autrefois avant qu'il ne les coupe. ça ne l'a jamais dérangé, puisqu'il n'a aucun à priori. Mais il sait que ça peut en blesser certains dans leur soidisant virilité. Un concept qu'il n'a jamais vraiment compris d'ailleurs.

« Mais, euh, bref. Tant mieux si c'est pas un date. On rentre ou on attend tes potes devant ? »

Pas qu'il fasses froid. Ni trop jour, le niveau de luminosité n'est pas trop fort. Les ruelles du centre ville étroites aident à masquer la lumière du jour qui de toute manière, décline en début de soirée. Mais ça deviens soudainement extrêmement bizarre alors que la soirée n'a pas encore commencé.

Lucius c'est pas toujours le plus adroit des gars. Souvent il fait quelques bourdes, s'emmêle dans ses explications. C'est donc finalement Eli qui rattrape la situation gênante dans la quelle il les a mis tous les deux. Lui propose de rentrer attendre, lui offre un verre sans drague qu'il juge bon de préciser. Tant mieux.  

Lucius ne sait d'ailleurs pas quoi lui répondre quand il lui demande s'il a remis le gars à sa place. Non, absolument pas. Parce qu'il est actuellement toujours avec. Puis aussi, parce que ça ne l'a jamais vraiment dérangé. S'il ne se pensait pas concerné, lui qui n'avait toujours été qu'avec des femmes, il savait que ça existais. Sa mère lui avait simplement expliqué quand il était petit, que certaines personnes préfèrent tomber amoureux de quelqu'un du même genre. Que deux garçons ou deux filles peuvent s'aimer, que ce n'est pas nécessairement une fille et un garçon. Qu'on découvre ce qu'on préfère quand on est un peu plus âgé et que lui aussi, il verrait bien. Son beau père Mark avait ensuite jugé bon d'ajouter que ça n'avait rien de grave et que le plus important, c'était d'être heureux avec quelqu'un de bien. Alors clairement, Lucius, ça ne lui a jamais traversé l'esprit de se montrer discriminant en vers une personne homosexuelle. Ou qui que ce soit, en fait. Il ne juge autrui que sur la méchanceté et le manque de valeurs morales.

Alors dans le doute sur la réflexion d'Eli, l'Oniromancien préfère ne rien dire. Sent son estomac se nouer d'ailleurs, encore plus qu'avant maintenant qu'il se sent concerné. Le mot taré aussi a le don de le mettre mal à l'aise. Surtout en connaissant la situation de Nero. Il aurait du fuir au lieu d'attendre...

« ça arrive de mal se comprendre. »

Qu'est-ce qu'il peut dire d'autre ? Il ne va certainement pas se lancer dans un grand débat pour défendre la cause homosexuelle. Parce qu'il ne se sent pas légitime, parce qu'il n'en a pas le courage non plus.

« Je vais prendre un café, si c'est ok ? »

A ce stade, c'est surtout un effet placebo pour Lucius, la caféine et autres energy drink. Il est tard, s'il a pris la peine de faire une sieste pour tenter de se reposer le plus possible avant de venir et de tenir la soirée sans être accablé par la fatigue, il sait qu'il lui faudra faire des efforts. Comme d'habitude, pour suivre les conversations. A moins qu'il ne trouve une excuse pour se dépêtrer de cette soirée qui commence déjà mal ?... Peut-être qu'Eli est juste un peu maladroit. Qu'il y aura moyen de parler plus sérieusement et délicatement avec lui, pour qu'il se rende compte que ce n'était pas très gentil de dire qu'un homosexuel est un malade mental. L'espoir fait vivre, Lucius.

« Oui, je sais c'est un peu bizarre... »

Il a l'habitude qu'on le regarde de travers quand il s'enfile un café après dix huit heures. Si on ne le connaît pas, qu'on ne sait pas il n'y a aucun moyen de deviner que contrairement à une personne ordinaire, la caféine ne l'empêcheras pas de dormir. C'est même pour rester éveillé qu'il en prend. Quoi que, l'Oniromancien doute parfois d'être totalement immunisé. Mais il n'est pas rare de le voir avec un café ou une boisson énergisante à vingt trois heures. C'est toujours un peu compliqué et délicat à expliquer, sa condition. Quand il annonce être malade, que c'est pour ça qu'il est toujours fatigué, on le prend pour un fainéant qui se cherche des excuses. Alors que littéralement, Lucius peine à rester debout trop longtemps. Qu'il a besoin de se concentrer plus que les autres pour suivre les conversations après un certain temps sans repos. Déconnecté quand plus rien n'y fait, à voir flou et à seulement penser au sommeil. Heureusement, la sieste de cet après midi devrait l'aider à tenir le reste de la soirée. Au moins jusqu'à une heure raisonnable... Et au pire, il inventera une excuse pour rentrer se coucher. Diras qu'il a un planning de sommeil précis pour une bonne hygiène de vie. C'est toujours plus respectable que de dire : je suis narcoleptique. Plus court que d'expliquer longuement que c'est une vraie maladie et pas juste un manque de motivation. Que dormir à des heures régulières est quasiment vital pour lui, afin de se réguler et de ne pas être trop épuisé.

Installé avec Eli, le suivant en trottinant presque comme un enfant avec sa tasse de café à la main, alors qu'il attrape le sachet de sucre qu'il secoue, il fait les yeux ronds à la question. C'est pourtant une question tout à fait normale, pour faire la connaissance de quelqu'un. Ils ne se sont croisés qu'à la salle et leurs échanges s'arrêtent à peu près à ça. Le sport, principalement. Cette sortie au pub est faite pour ça, pour sociabiliser. Mais il y a tout un tas de choses que Lucius ne peut pas lui dire. De peur de déraper, de laisser passer une information qu'il n'aurait pas du, de mettre en péril le secret magique. Il a l'habitude maintenant qu'il est adulte, est capable de trouver des moyens détournés de répondre si on lui demande trop de détails sur sa vie lorsqu'il est du côté humain.

« Euhm, je suis un gars plutôt normal. J'aime bien jouer sur ma PS5 le soir. Je suis un gros fan d'Elden ring, si tu connait ?... C'est un truc un peu fantastique, mais sombre et glauque avec des boss super durs à passer. »

Ouais clairement, la vie de Lucius est plutôt ordinaire et bien rangée. Il est un type parfaitement normal et sans histoire, globalement. Pas d'activités particulières, pas d'histoire spécialement tragique. Quoi que, certains trouveraient sans doute ça triste qu'il ne connaisse pas son géniteur. Mais il a eu une figure paternelle, et n'en a jamais réellement souffert. Au-delà des questions sans réponses qu'il se pose sur cet Oniromancien Japonais avec qui sa mère a eu une histoire d'une nuit, ça ne le perturbe pas réellement. Touillant son café désormais bien sucré, il hausse les épaules :

« Autrement, à l'évidence, j'aime bien les tatouages aussi comme tu peux t'en douter. »

Là comme ça avec son gros hoodie, ça ne se voit pas vraiment. Y a bien ses mains et son cou encrés qui dépassent, qui laissent supposer que le reste l'est aussi. Mais à la salle, Eli a pu en voir bien plus.

« Et je travaille chez un fleuriste. Je sais pour les clichés et avant que tu demandes : non je suis pas gay et oui je sais, c'est l'exception qui confirme la règle comme on dit. »

ça aussi il l'anticipe maintenant, est bien au courant des idées reçues qu'on a sur les hommes fleuristes, coiffeurs ou stylistes. Y a sans doute du vrai, il a déjà eu des collègues masculins homosexuels. Mais Jager reste persuadé qu'il n'est pas le seul de sa profession. Quoi que, maintenant, vu Nero dans sa vie... ce n'est plus tout à fait vrai. Mais pas faux non plus, puisque bien qu'il soit encore confus sur sa sexualité, le sorcier est certain d'une chose : il aime toujours les femmes et ne s'est pas spécialement penché sur le physique hommes dans la rue. Au sport même, c'est aussi totalement différent, la manière dont il regarde ses comparses masculins : ça n'a absolument rien de romantique. Il admire plutôt le développement des muscles et se dit qu'il aimerait bien travailler telle ou telle partie aussi chez lui.

« Et toi alors ? Qui est Eli en dehors de la salle de sport ? »

Lui retourner la question est tout à fait légitime après tout.