here we go again | lucius

On ne saurait pas bien expliquer Armand en tant que tel, unanime constatation que pléthore de personnes partagent en l'exprimant plus ou moins facilement, et rarement face au concerné. La journée n'aura été troublée d'aucune façon, pas plus qu'il n'aura oublié de dîner, un post-it le lui rappelant une fois retourné chez lui. S'il était le premier à faire attention aux autres, à sa façon, il était aussi à cette même ligne lorsqu'il fallait omettre ses propres fonctions vitales, l'esprit constamment fracturé entre le temps et l'espace. Merci Jacques, répond t-il bêtement à voix haute, comme à l'accoutumée, au message signé d'un cryptique J. que son esprit n'interprète pas bien sur l'instant, tout en sachant parfaitement de qui il s'agissait réellement.

C'était sans compter sa lubie du moment, ou plutôt ses, puisqu'il y en a plusieurs enchevêtrées, une fois son en-cas englouti sans réel appétit. La première, c'est de vouloir revoir Lucius, chose qui pourrait très bien être réglée en quelques minutes s'il le fallait, et s'il daignait utiliser son trésor de technologie humaine pour pouvoir le contacter. Cela fait [insérer un temps indéterminé, qu'il ne saurait même pas quantifier lui-même à cette pensée] qu'il ne l'a pas vu et, entre temps, le réflexe affectif de vouloir savoir comment il allait s'est fait sentir. A cela s'est donc rajouté une autre lubie, à savoir récupérer des cartes Pokémon enfermées dans un cartonné rouge à en faire mal à la tête, le plus possible dira t-on, sa collection et son intérêt puéril pour ces jeux justifiant pareille entreprise.  

Prisonnier de sa propre tête et ce pendant de longues heures durant, à vaguement s'activer sans réellement se rappeler de ce qu'il venait de faire l'instant d'après, Armand s'est prit de cette impulsion - toutefois marinée depuis suffisamment long - d'aller rendre visite à son neveu et protégé, si l'on puis dire, depuis des années. Paré aussi proprement qu'à son habitude, il se fond dans l'encre de la nuit pour se rendre à Old Town, ne calculant aucunement l'heure avancée, ni même l'entrée en matière absolument cavalière vers laquelle il se dirigeait à ses dépens.

L'effet du ressenti est aussi court qu'un battement de cils et pourtant, cela fait bien quarante minutes qu'Armand est installé dans le fauteuil de l'appartement de Lucius, absent, Nuggy pour seule compagnie. Le chat qui, le connaissant, s'avoue aussi à l'aise que l'invité surprise, qui se permet même de piquer du nez, envoûté par le moteur à ronronnements du familier. Titan lui, soupire si fort que son sorcier en est ramené à un état d'éveil un peu plus stable, même si la notion d'éveil chez Armand était sujette à débats. Dix minutes plus tard, tout au plus, une clé s'étonne de tourner dans une porte déjà déverrouillée, amenant le jeune Jager au clou du spectacle vitesse grand V.

C'est dire s'il ne se demande pas, sur le moment, si le sorcier n'est pas aussi chat que son familier, sa prudence défiant toute la discrétion que son tio aurait pu lui attribuer jusqu'alors. Habitué à l'obscurité, le nécromancien parvient à distinguer ses contours assez facilement, le contrejour du palier lui permettant même d'être visible à son tour, ce qui n'est pas sans ravir Lucius qui, ébranlé comme une tour par la foudre divine, se tient au mur comme s'il s'était placé face à un des cavaliers de l'Apocalypse. Le félin ricane tel un Persian, fier de l'effet, tandis qu'Armand, tiré d'un état de stase plutôt inquiétant, se contente de froncer un peu les sourcils lorsque le juron électrise l'air entre eux.

C'est que face à ce cri du cœur, il ne saurait trop quoi dire ; Armand n'ayant guère eu la volonté de le mettre dans cet état. Ces autres du coven passaient leur temps dans la pénombre, voire l'obscurité, si bien qu'il la considérait comme alliée, ce qui ne semblait pas être le cas du jeune Jager, qui avait dû voir sa vie défiler. Le sursaut d'horreur est toutefois prompt à être dégagé, car il a le réflexe d'allumer une lumière qui vient aveugler le nécromancien d'une douleur inaudible, mais qui se lit, manifeste, sur ses traits froissés. Il est même évident de s'apercevoir qu'il n'a guère de lunettes fumées pour s'en protéger, et se contente de garder les paupières closes, le temps que la tempête nociceptive s'estompe ; une main finissant par barrer ses yeux pour l'y aider.

"Depuis quand est-ce que tu es là Tio ?... ça fait longtemps que tu m'attends ? - Depuis toujours... ?" rétorque t-il aussi simplement, et sans arrière-pensée aucune, sachant que cela aurait pu être interprété comme une remarque blessante d'indifférence. Lucius connait toutefois son tio et saura identifier que ce n'est pas le cas, comme il saura s'accorder sur le fait qu'il n'y avait eu aucune volonté de nuire en se mettant ainsi en scène ce soir-là. Les poils de Nuggy sur son noir impeccable, eux, témoigneraient bien aussi d'un certain temps passé ici avec lui, sans pour autant évoquer l'infinité.

"Je pensais te trouver réveillé, c'est le cas..." c'est qu'il aurait été plus adulte de s'annoncer, bien entendu, mais puisqu'il était tombé sur le fait, et à pas d'heure qui plus est (faites qu'il ne le sache jamais), autant en profiter. "Tu as faim ?" la question est arrivée en premier, et n'est pas plus dans l'ordre que ses pensées de la nuitée. De fait, le nécromancien quitte son assise, toujours aussi petit que son neveu, qui a désormais tout le loisir de le regarder de haut. Il ôte sa main en visière, papillonne un peu des paupières en forçant sur sa vue qui se brouille encore ; oriente ses fjords vers le visage, haut, du fleuriste. "Je voulais partager un moment avec toi, pourquoi pas un repas. J'ai probablement dû oublier de te le dire." obviously, et Titan n'était pas le meilleur conseiller de ministre non plus en ce début février. C'était sans compter que l'anniversaire de Lucius arrivait à grand pas, et... c'était à se demander jusqu'où O'Moran pouvait être à côté de la plaque. "Il faudrait que tu me donnes des idées pour ton anniversaire." qu'il ajoute, les propos décousus, en baissant un peu les yeux - ce qui n'aura eu le don que de reposer sa nuque, au mieux. "Comment ça s'appelle, déjà, ce restaurant humain ? Do... nalds ?" c'était probablement la seule chose dans cette mission qu'il s'était auto-confiée dont il aurait dû se rappeler, mais ses sens en feu suffisaient à le rendre limité, plus que jamais, sur la pente cognitive. Il n'aurait pas été plus étonnant qu'il s'étonne à dire Jacques Donalds qu'il ne se mette à discuter philosophie.

Aussi et sans crier gare, insisterait presque, comme si cela tenait du bon sens : "On y va ?"

tw; mention de décapitation

"Tu as un mois d'avance. Ma pierre de naissance c'est l'aigue marine. — Le temps n'existe pas, Lucius," se défend t-il sobrement en se pinçant l'arête du nez, comme si cela faisait tout aussi sens que la scène impropre qu'ils partageaient. Un potentiel léger manque de tact, dû à l'inconfort de la lumière. Le Tisseur pouvait bien l'admettre et le redire, un mois n'était non seulement rien, mais il n'était même pas un grain de sable dans le grand Tout. Une évidence qu'il se permettait de verbaliser à sa façon, pour justifier qu'il s'inquiète (le mot est mal choisi, d'ailleurs) de fêter dûment le vingt-neuvième anniversaire du jeune Jager. Le chat semble d'ailleurs tout à fait intéressé lui aussi de participer, en témoigne son cri du cœur aux approximations du nécromancien pour nommer la chaîne de restauration rapide née sur le continent-berceau du capitalisme. Armand s'aperçoit d'ailleurs à peine de son erreur, qui n'est que le cadet de ses soucis pour l'heure.

"On y va à quatre donc, je suppose que Titan va se joindre à nous également ?" il n'insiste guère pour lui demander à nouveau s'il avait faim, mais le peu de résistance face à la proposition (un brin arbitraire, dans le fond comme dans la forme) du nécromancien laissait penser que son estomac ne s'y refuserait pas. Et si ce n'était pas pour lui, ce serait au moins pour Nuggys, qui avait été baptisé par cette ingrate cuisine il y a des années de ça. "Bien sûr que je viens, tu l'as vu ? Il ne sait même pas où se trouvent ses pieds !" ose lâcher Titan, taquinant son sorcier sans vraiment pousser dans les extrêmes qu'on lui connait. De toute évidence, en plus de taquiner, c'était surtout un beau pan de vérité.

Installé côté passager, l'étrange cohorte se soude à l'avant du véhicule, le nécromancien accueillant le félin sur ses jambes et le caressant par pur automatisme, au moins jusqu'à ce que Titan lui rappelle de boucler sa ceinture de sécurité, ce qu'il avait absolument oublié. Dormir, c'est en option ? aurait très probablement juré un humain ne le connaissant pas. La remarque lui aurait coulé sur l'échine comme sur les plumes d'un canard, Armand ayant vécu pire, bien pire ; à ne pas pouvoir compter jusqu'à dix avant de se voir la tête tranchée par une lame même pas nettoyée.

"On en a pour une petite demi heure, je dirais. J'en connais un qui est ouvert 24 heures sur 24 t'as de la chance Tio. Normalement les Macdo ça ferme à 23 heures. — Chanceux." se contente t-il de dire en reposant sa tête sur celle de son siège, l'air déjà plus à l'aise sensoriellement parlant. La voiture démarre et son conducteur, dont il connait les habitudes, ne saura pas l'inquiéter par cette conduite qu'il relève comme un bon souvenir. Démarrage à froid, le son est toujours le même, Armand s'en rappelle ; le souvenir auditif se calquant sur la réalité. Ils sont partis.

La playlist qui défile est tout à fait agréable, les sonorités électroniques n'irritant pas les tympans du mélomane de la bande, ce dernier ayant pour second prénom éclectisme. Il laisse au moins deux morceaux s'écouler avant de se tirer lui-même de son silence, profitant de sa proximité avec Lucius durant cette nuit pour pouvoir lui poser des questions on ne peut plus orientées. "Ta soirée au pub t'a plu ?" plus encore que savoir s'il allait bien, Armand était toujours d'une curiosité protectrice, à vouloir s'informer auprès du concerné pour savoir là où il se trouvait sur la ligne de sa propre temporalité. Son évolution depuis toutes ces années a été traversée par Lucius mais aussi observée par son tio, aussi allait-il de soi que la fierté éprouvée était incontestable. Il n'avait jamais été son professeur, comme il ne l'a été pour personne, au moins sur le papier. Beaucoup s'accorderaient sur l'idée qu'Armand était plus qu'une simple présence, plus qu'un homme que l'on appelle Tisseur ou tio. Par son cryptique et sa brutale sincérité, il semait des choses chez les autres qui parfois, en retour, le surprenaient ; parce que ces derniers osaient l'en remercier.

Absurde s'il en est. Armand O'Moran n'a jamais été rien d'autre que lui-même.

"Le feu était... rouge.", glisse t-il alors que leur véhicule grille ledit feu, le danger n'étant bien entendu pas un sujet à cette heure aussi tardive. La conduite sportive doublée d'un oniromancien prompt à une concentration inégale était quelque chose dont il était tout à fait conscient, à vrai dire ; mais pour quelques cartes brillantes et une compagnie à s'en réchauffer le cœur, le Tisseur n'était plus à ça près. Avec un mental aussi déstructuré que le sien, il serait mort au moins déjà trois fois d'avoir essayé de conduire une quatre roues sur la chaussée.

tw; armand being armand

"C'est important de sociabiliser, je me suis un peu forcé, mais finalement, c'était pas si terrible. Tu sais comment c'est, les gens aiment parler de choses banales."

Oh, oui, c'est ce que son propre père lui disait aussi, à Armand, qu'il fallait sociabiliser, être en lien, et surtout, cueillir la joie peu importe là où on daignait mettre les pieds. Il avait su trouver la légèreté là où son fils, lui, avait l'air trop âgé dès ses plus jeunes années. Armand n'aime pas les conversations qui ne sont pas sensées, se force seulement à celles que l'on doit s'infliger pour rester un tant soit peu en société. Celles qui attrait au respect, notamment. Des formulations qu'on ne réfléchit pas et qu'il a apprit comme des portées sur du papier à musique. Il est vrai qu'autrefois, enfant, il était d'un rustre que l'on retrouve différemment chez lui aujourd'hui. Mettre les formes, c'est ce qu'il disait, lorsqu'il fallait le reprendre à avoir mal verbalisé. L'interprétation de l'autre était toujours un comble lorsque des mots étaient délivrés, aussi avait-il comprit assez vite que parler serait fait, mais à son strict nécessaire.

Alors quand Lucius lui fait comprendre qu'il s'était extirpé d'une salle de torture sans trop de problèmes, son tio se demandait bien jusqu'où ses efforts pousseraient, là où le cœur ne saurait plus y être. Il remarque non sans mal cette différence qui les lie, il faut le dire, l'un étant un apostat plus assumé que l'autre.

Le feu rouge grillé, lui, n'est qu'un énième indice.

Tant qu'aucun mal n'était fait à autrui, à quoi bon se forcer à quoi que ce soit ?

Nouvelle mise en abîme lorsqu'une fois arrivés au drive du Jacques Donalds, les seules considérations du O'Moran n'étaient - paradoxalement - pas alimentaires. Combien de ces paquets voulait-il, ce soir, à dire vrai ? Et surtout, les ouvrirait-il tout de suite, ou aurait-il l'autodiscipline suffisante de patienter jusqu'à son retour chez lui ? Rien n'était moins sûr, comme ça l'était toujours avec lui.

"Trois Happy Meal."

C'est ce qu'il rétorque, après qu'on lui ait posé la fameuse question du repas désiré. Titan exulte d'un télépathique : mais tu vas manger tout ça ?! et se retrouve être le premier à se faire avoir, par son propre sorcier, qui avait pourtant de limpides intérêts. Si je ne le mange pas, Nuggys le fera mieux que moi. pense t-il en réponse à son familier, alors que le nécromancien fouille dans sa poche pour dégotter sa carte bancaire. La voiture se stoppe à l'étape de paiement, et Armand la tend sous le nez de son protégé, un seul regard appuyé dans sa direction lui laissant entendre que sa décision de payer lui-même était prise en plus d'être irréversible.

"Tiens. Le code, c'est la date de naissance de Napoléon III."

Au même titre que sa porte de maison rarement verrouillée, sauf peut-être lorsque Judd en éprouve le besoin, l'absence de sécurité, à ce niveau, est tout aussi frappant. Et s'il y a bien quelque chose d'autre de frappant, à cet instant, c'est l'air hagard et suspendu de Lucius.

"...tu ne connais pas la date de naissance de Napoléon III.", conclut-il assez rapidement, tirant un peu sur son bras pour pouvoir récupérer le terminal et y taper son code. L'affaire conclue, ils finissent à la dernière étape, patientant un peu qu'on finisse de leur préparer leur sachet. Titan soupire : "Personne ne connaît la date de naissance de Napoléon III enfin, si ce n'est toi..." Il y aurait au moins un papillon pour se ranger du côté de l'ego de l'oniromancien, dans ces heures trop tardives où plus rien ne devenait banal qu'espéré. Il n'en faudrait pas plus pour que le Tisseur se mette à lui apprendre le français, entre deux bouchées dans un burger d'enfant.

tw; aucun

"Je ne savais même pas qu'il y en avait eu trois, des Napoléons. Je me rappelle juste du premier, vaguement, avec les cours d'histoire à l'école et les batailles franco-anglaises. Il était petit et aimait faire la guerre. Peut-être que c'est parce qu'il était complexé par sa taille tu crois ? Il avait pourtant un beau chapeau. Mais c'est lointain. J'ai dormi, depuis."

Comme bien d'autres cas, les premiers du nom étaient tartinés à toutes les sauces, alors qu'ils n'étaient pas nécessairement les plus vénérables. On pourrait toutefois admettre sans grand problème que le règne de l'un fut tout aussi misérable que celui de l'autre, l'ego tyrannique pour seul étendard. La gloire que l'on faisait porter au premier était de toute façon à nuancer, étant donné les satellites de casseroles qui pouvaient graviter autour. Personne n'est parfait, pas plus que Lucius qui parait-il aurait dormi depuis ses derniers cours d'Histoire sur le sujet.

"Tu m'aurais demandé la date de décès de Lady Di par contre, je m'en serais souvenu. Je viens de finir la saison six de the crown. J'ai aussi dormi entre temps, mais moins que depuis Napoléon. — Trahison..." soupire t-il doucement, car c'est tout ce que lui inspirait la terrible histoire de Lady Di. Ce n'était d'ailleurs pas via The Crown ou les émissions à ce sujet qu'Armand avait pu en avoir la confirmation, et il n'était pas non plus très à l'aise de parler de cette anecdote, tant elle paraitrait énorme à n'importe qui l'entendrait. Le temps de réflexion d'Armand étant on ne peut plus lent, et considérant toutes les potentielles conséquences d'un tel aveu, on leur sert leur nourriture et après vérification élémentaire, le plus âgé ouvre un Happy Meal au hasard pour en tirer la boîte cartonnée prophétisée. "Est-ce que tu préfères que l'on mange ici ou chez toi ?" il attrape également le sachet de 4 nuggets qu'il met sous le nez du chat, toujours posté sur ses genoux, sans doute pressé de pouvoir dévorer ces derniers. "En parlant de Lady Di..."

N'ayant aucune autodiscipline cette fois-ci, il s'empare du petit paquet de cartes qui finit par lui faire lâcher à haute voix, coupant très certainement la parole à Lucius. "Pikachu brillant." une chance, et pas des moindre, de tomber sur celui-là dès la première fournée. Il faudrait le sortir un peu de sa tête une nouvelle fois, peut-être sera t-il à même d'aller au bout de sa première pensée, même s'il serait tout à fait justifié qu'il demande au jeune Jager de rester à l'arrêt pour ces quelques aveux qu'il lui transmettrait à ce sujet.

tw; aucun

Au moins, la réponse à sa question lui parvient rapidement, Lucius s'inquiétant davantage du croustillant de ses nuggets que de son quota d'éveil pour faire la route en sens inverse. Il y aurait très probablement des feux à griller à nouveau, mais en attendant, c'était tout ce qui était frit qui comptait. Ou brillant, en ce qui concerne l'aîné du carrosse. Propos décousus, comme à son habitude, laissant pantois qui voudrait bien s'essayer à comprendre la cohérence de son fil d'expression. Grand bien leur fasse qu'Aliexpress soit la seule plateforme qu'il zieute, car un compte Twitter aurait probablement fait plus de mal qu'escompté.

"Je ne crois pas que Lady Di ait collectionné les cartes Pokémon, elle est morte avant... Mais tu crois qu'elle aurait aimé ?"

Haussement d'épaules. C'est quelque chose qu'il aurait pu lui demander, songe t-il, mais ce n'est guère ce genre de réflexion que l'on se fait lorsqu'une personnalité comme celle-ci s'invite dans nos séances spirites. Car c'est précisément l'anecdote qu'il garde précieusement en boutique, et que l'apparition de ladite carte brillante suffit à évanouir, l'espace de quelques instants.

"Avec tout l'argent qu'à la famille royale Anglaise, elle aurait pu acheter toutes les cartes très rares. Les Shiny justement, comme ceux du Japon que j'avais trouvé pour ta collection. Je ne crois pas que ceux du Macdonald's soient déjà chers à la revente. — L'art m'intéresse, l'argent pas." se défend t-il, n'étant pas de ces êtres férus de cartes dans l'optique de pouvoir les revendre un jour à prix d'or. Il pouvait cependant comprendre que le coût d'investissement pourrait générer des besoins de bénéfices, qu'ils soient présents ou futurs. Drôle de machinerie qu'Armand avait beau connaître, il ne s'embarrassait pourtant pas de relever le prix de ses plus belles cartes. Comme le lui disait si bien son protégé, il y avait ces shiny ramenés du Japon qui étaient d'un superbe authentique. Le O'Moran n'a d'ailleurs jamais parlé une seule langue provenant du continent asiatique, sauf peut-être quelques bribes d'un russe qui ne sont que notions.

Il va chercher le second paquet, se fichant bien pour l'heure de la nourriture. C'était désormais évident qu'il n'avait commandé trois Happy Meal que pour satisfaire son besoin d'équilibrer ses probabilités du jour.

"Je t'avais bien dis que tu étais chanceux de soir, Tio. — C'est... relatif." qu'il rétorque, contenant la satisfaction d'avoir pu avoir un Pikachu shiny dès le premier paquet. Il avait beau ne rien valoir encore sur le marché, disait-on, il en avait pour lui, et c'était ce qui comptait le plus à cet instant. "Si tu n'avais pas accepté de m'emmener, je ne l'aurais pas eu." lui concède t-il aussi, au passage, dans des remerciements qui sont plutôt déguisés cette fois-ci. Lorsqu'il ouvre le second paquet, dévoilant les cartes, son esprit repart dans la direction de la monarchie britannique.

"Lady Di a prophétisé sa propre mort," ce sont des mots laissés là, et le ton employé, d'un aplomb certain, laisse suggérer que le nécromancien en sait plus que le commun des médias mortels à ce sujet. Le nez rivé sur son ouvrage, il poursuit. "C'est une âme noble et progressiste, hélas, c'est la trahison qui l'a faite disparaître. Elle regrette que ses propres signaux d'alertes n'aient pas suffi à faire tomber les réels coupables. Ochoisonable à souhait, pour sûr." Pas de cartes incroyables dans celui-là. A nouveau, il bifurque, et le terme employé est tellement désuet que l'on supposerait qu'un Jacques, et pas Donalds, ne s'éveille pas un peu au travers. "Celui-ci était oubliable." Et enfin, le troisième. Peut-être daignera t-il grignoter quelque chose une fois que la trilogie des boosters sera finalisée. Une brève œillade vers Lucius. "Néanmoins, le féminisme moderne la ravit, je cite : Il était temps qu'elles se réveillent."

parenthèse old french:

tw; aucun

Tu es surtout chanceux que j'ai le permis maintenant. Y aller à pieds aurait été compliqué. Se permet une pensée pour Judd, qu’il aurait légitimement pu soudoyer pour pareille mission. Force est de constater qu’on pourrait le supposer moins empathique pour l’un (Jager) que l’autre (Rivera) mais, en vérité, lequel d’un oniromancien et pyromancien avait le plus de chances de se trouver éveillé à une heure aussi tardive ? Pour sûr, Armand ne se serait pas engagé dans une épopée pédestre, quant bien même son intérêt pour ces cartes était manifeste. Enfin, il avait bien été aller chercher Lucius au commissariat par ce moyen de locomotion, il y a des années, pour ne citer que cette anecdote : la fin justifiait bien souvent les moyens.

Intéressantes sont les remarques concernant Lady Di : dans l’inconscient collectif, tout le monde savait que l’accident n’était pas lié à un hasard quelconque ; qui plus est avec un tel passif entre la couronne et la concernée. La digression sur les grand-mères laisse perplexe l’aîné du carrosse cependant, qui lui jette un regard un peu… bref, un de ces regards qu’on aurait tôt fait de considérer comme jugeant, dans le meilleur des cas.

“Tant mieux, si elle est contente pour le féminisme moderne. Je crois ? — Il faut bien que les mœurs évoluent.”

Même si la vérité faisait plus de peine à admettre, puisque lesdits mœurs n’évoluaient pas vraiment. Ils étaient eux aussi sujets à des cycles. Le droit des femmes a oscillé de tout temps. La religion y est pour beaucoup. Celle inhérente aux sorciers était t-elle aussi oppressive que celle des humains ? Armand se fait la réflexion, en portant sa pensée vers sa défunte mère. Qu’avait t-elle donc pu vivre à son époque, et qu’en aurait pensé ladite progressiste qui s’était invitée dans une de ses séances spirites ?

“Et ton troisième paquet alors ? Ouvres le, qu'on saches s'il est meilleur que le précédent. — Hm ? Oh, oui.”

Perdu dans ses pensées, le nécromancien peine à retrouver le fil de sa propre existence, et finit par ouvrir le dernier booster. Oubliable, second du nom. Il glisse la totalité de ses gains cartonnés dans la poche avant de sa veste. Peut-être a t-il bien envie de grignoter un peu aussi, finalement ; et il se laisse prendre à la traître gourmandise de Party Nuggets, puisqu’il s’aperçoit que des snacks manquent au sein d’un des trois emballages rouges.

“Nuggys.”

La seule prononciation de son surnom suffisent à traduire l’idée : le concerné est responsable d’une razzia de poulet frits. Et au lieu de le réprimander (pour quoi faire ? ça arrange bien le sorcier), lui annonce la couleur :

“Tu peux les finir, je vais m’occuper des potatoes.”

Sitôt dit, sitôt fait, l’ancien médecin entame à son tour une razzia d’un tout autre genre, et bien plus lente que l’aspirateur félin qui était encore sur ses genoux. Titan lui, posé sur le tableau de bord, est à peine éveillé, ses mouvements d’ailes au repos devenant de plus en plus lents. Il en profite pour relancer la discussion peu de temps après avoir terminé son premier sachet.

“Le 13 juillet 2012, quand je suis allé te chercher au commissariat.” Il prend une gorgée d’eau, l’air de rien, déposant le rappel auditif qui lui était venu comme une vieille mélodie. “Tu m’as demandé si j’avais un jour été amoureux de quelqu’un.”

L’œil dans le vague, le silence pour allié, il y a une confidence qui s’apprête à s’envoler.

“La réponse est oui.”

Ce n’est pas une réponse qu’il lui avait servie cette nuit-là, préférant se diriger vers ce qui tracassait vraiment le Jager : force même est de constater qu’il n’avait pas insisté sur le sujet. Mais Lucius avait grandi et, même s’il persistait encore des traces d’une naïveté que son tio préférait appeler bonté, il pense avoir désormais fait assez de chemin pour pouvoir le lui admettre sans mentir.

“Je ne sais pas si tu as une meilleure visibilité en ce qui te concerne, aujourd’hui, sur le sujet.” Une pause alors qu’il oriente ses clairs dans la direction du conducteur. “Toujours est-il que l’Amour est, à mon sens, ce qui a de plus important dans une existence.” C’est délivré comme un conseil dissimulé, une confidence d’un être qui a vécu davantage pour s’en assurer. Certains l’appelaient Dieu, d’autres pensaient systématiquement à leur âme sœur, d’autres à leur seule famille. Peu importait réellement la façon dont c’était appelé, son essence était à la fois partout et seule garantie d’une vie épanouie.

tw; aucun

Les paroles du jeune Jager sont riches de sens et d’une philosophie qu’il partageait. Ne s’attendre à rien, c’est se préserver. Il en va de même pour les relations, au sein desquelles on projette tant de choses qu’on oublie souvent des principes de base : un ami peut nous trahir à l’instant même où on le considère ainsi. La nature humaine est ainsi faite, et on continue de se surprendre, voire se martyriser l’esprit lorsque cela se matérialise. Une amitié était un pactole dont on ne saurait dissocier l’essence même, ce dès le premier jour. L’accepter n’était pas une mince affaire, mais elle permettait au moins de ne pas trop se blâmer d’une trahison ou d’une blessure, si jamais cela devait arriver.

“Quand on est adolescent et qu'on nous dit qu'on comprendra plus tard, c'est un peu frustrant. Mais je comprend maintenant les paroles des adultes. Puisque je suis en âge de comprendre ce genre de sentiments.”

Classique. Certains prenaient toutefois plus de temps, parfois, et devaient dépasser la trentaine d’années avant de pouvoir réaliser certaines choses. D’autres ne le découvraient même jamais, rendant leur dernier souffle sans pour autant frémir de regrets. A chaque vie ses leçons. A chaque vie une nouvelle ascension, dans des domaines différant de ceux qu’avaient pu appréhender les ancêtres.

“J'aime quelqu'un aussi, même si c'est compliqué et que je ne sais pas où j'en suis. Mais ça ne change pas de d'habitude, je n'ai jamais eu conscience de grand chose.”

Armand l’écoute en grignotant, une pensée éclaircissant le propre ciel de ses réflexions à l’entendre ainsi parler. Tu as conscience que tu ne l’as pas toujours été, et tu l’es encore. Ce qui était tout un paradoxe, en l’état. Il y a sans doute tant d’émotions courant l’âme de Lucius qu’il n’est pas facile d’en limer les contours. Lorsqu’il pense à lui, le nécromancien ne peut s’empêcher d’y voir la mer. Une eau qui s’éclaircit parfois lorsqu’elle s’approche de la terre, mais qui reste insaisissable, elle et son courant qu’on a pourtant étudié depuis des décennies. Les ressacs intérieurs de l’oniromancien étaient là et faisaient bien trop souvent office de loi. Son tio n’était pas plus à même de comprendre tout ce qui se passait au fond de lui, et se perdre faisait aussi partie du processus, pense t-il.

“C'est compliqué, parce que cette personne n'est pas du même milieu social que moi. On pourrait croire, qu'en 2024 on s'en fiche un peu. Mais c'est un peu comme Harry et Meghan. Dans ce scénario, je suis Meghan. Sa famille n'accepterait jamais qu'on se fréquente étant donné que je ne suis pas une personne très importante, que Jager ce n'est pas un nom de famille réputé dans un domaine particulier. Même si je ne sais pas trop où on va, je sais qu'on s'aime et c'est déjà bien.”

Le nouveau parallèle avec la couronne britannique - et ses parias - laisse un peu perplexe. Tout comme le fond de la métaphore. Il y a tant de familles sorcières qui continuent de vouloir perpétuer des choses, sans consulter ni les ancêtres, ni l’âme concernée. Le Tisseur, à ce constat, n’est guère surpris, et se trouve être particulièrement amer. Il n’aime pas vraiment cette façon de détruire l’individualité de chacun, sous prétexte qu’il y a quelque chose à perpétuer. Le statu quo social est risible, car il a tendance à être maintenu. Humain comme sorcier n’appréciaient pas la différence, quoiqu’ils puissent en dire, ou en admettre. Il n’y avait qu’à voir ce que donnait un petit dont la magie différait de ses propres parents ; le monde sorcier n’était en ce sens pas vraiment exemplaire. Et le sera probablement jamais.

“L’archaïsme a encore de beaux jours devant lui.”

A quoi bon s’isoler, s’il n’était pas question d’évoluer au sein même de leur propre communauté ? Il y a de ces choses qui le questionnent, le révoltent toute proportion gardée, tout en gardant à l’esprit qu’il ne pourrait jamais le contrôler. Frustration évidente, là où il n’y a personne à prier pour que cela change. Il revenait à chacun et chacune de s’écouter, tout en prenant en considération les mots des anciens, si souhaité. Ces derniers étaient même en majorité plutôt critiques sur ce qu’ils avaient pu faire de leur vivant, même si on ne saurait en faire une généralité. D’autres étaient des photographies d’âme à un instant T, un écho de l’espace-temps qui se déforme, se reforme en permanence - passé, présent, futur, embrassés tout à la fois en un seul écho de voix.

“Ca me désole que tu aies à subir cette situation.”

Il va même de soi qu’il ne puisse rien y faire. Cela mettait bien entendu à rude épreuve sa propre philosophie de vie. Le point relevé sur la fin toutefois, positif, est partagé par le nécromancien. Comme il l’avait lui-même appuyé un peu plus tôt, c’est là quelque chose qui comptait plus que d’autres, dans une existence.

“Se cacher, c’est pénible.” S’était t-il déjà caché, lui ? Son amour pour Judd est aussi mesuré qu’authentique, à l’image de leur relation. Peu envisagent réellement ce qu’ils sont, les concernés se contentent de vivre l’instant. Rien n’est promit, pas même que cela dure, bien qu’Armand peinerait parfois à s’imaginer aussi équilibré, s’ils arrivaient à devoir se séparer. “J’ignorais qu’Edimbourg était devenu la Vérone des temps modernes.” Pas à ce point, du moins. Référence à l’œuvre de Shakespeare, et à la tragédie d’un couple qui se déchire. Mot-clé : famille. Si ça lui était arrivé, Armand ignore la façon dont il aurait réagi. Là où sa froide logique interne était, il y avait toujours cette sensibilité qui cohabitait. Il en faisait même l’épanchement, à cet instant, auprès de son protégé. “J’ai conscience que je ne serais pas d’une aide providentielle, face à ce qui semble être incontrôlable.” Toutefois, il serait toujours là s’il le fallait et, c’est ce bleu allant se visser sur le visage du jeune Jager, qui parle pour lui cette fois-là.

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Lucius nomme l’avenir comme promesse d’une solution qu’ils trouveraient, lui et son compagnon, et Armand ne pouvait que se rassurer d’une telle prise de position. Optimiste, son tio ne l’avait jamais vraiment été, ou bien à sa manière, son réalisme étant plutôt récalcitrant. C’est bien souvent sa propre spiritualité, ou philosophie de vie, qui finissaient par donner raison à cet espèce de positivisme ancré, qu’il ne faisait que redonner au créateur de toute chose, quel qu’il fut. Ce n’est pourtant qu’en se soumettant à la dure réalité des choses, cette nuit là, qu’Armand écoute son protégé comme s’il ne devait pas troubler ces confidences qu’il lui partageait.

“Il risque beaucoup, si ça se sait qu'il est avec un homme.”

Archaïsme, le mot est encore trop bien choisi pour décrire à nouveau ladite situation. Ne pas donner d’héritier, était-ce aussi un problème à soulever pour ces gens-là(Brel, encore une fois) ? Armand a beau déranger et fasciner à la fois, il n’est toutefois d’aucun secours pour changer ça.

“Les représailles de sa famille. Son travail. Son statut social. Toutes ces choses-là. Alors on fait comme le diction : *pour vivre heureux, vivons cachés.*”

Froncement du nez à peine perceptible pour l’aîné.

“Je te rassure, je ne suis pas l'amant d'un mari qui trompe sa femme avec qui il s'est marié juste pour cacher sa sexualité. - Et quant bien même. L’amour n’a pas à être jugé de la sorte.” Il espérait que Lucius ne fasse pas ce trait d’humour pour cacher une réelle inquiétude quant à ce que pourrait en juger le nécromancien, qui était à mille lieues de tout ça. Il prend le temps de se rincer la gorge avec de l’eau, ayant semble t-il terminé son repas - ce qui n’était guère le cas de Nuggys, qui continuait de s’empiffrer, bien installé sur ses cuisses qui allaient finir par être calligraphiés de poils de chat.

“J’y pense. As-tu des Miltonias à la fleuristerie ?”

Comme à son habitude, une pensée en fait chuter une autre, jusqu’à l’exprimer de la plus cavalière des manières.

“Titan me fait des caprices et il aimerait en avoir. - Des caprices ?! - Parfaitement.”

De quoi s’assurer que la demande était bien justifiée, encore aujourd’hui, alors que cela faisait bien trois mois que la voix de son familier avait résonné à ce sujet, mais c’était à cet instant précis qu’il l’entendait à nouveau vibrer dans son esprit.