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:: ✦ Archives :: ✧RPs :: RPs abandonnés[Abandonné] Walls of insincerity vanished when I saw your face - Haesik
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Bon, il était bien mignon le binoclard, mais Moira avait envie de se tirer au plus vite.
Assise à la terrasse d’un café branché, l’hydromancienne sirote son verre d’eau en tâchant de garder un air agréable, alors qu’elle meurt d’envie de pincer les lèvres et de jeter des éclairs en un regard. Son interlocuteur lui pose une question qu’elle n’a pas écouté, et elle lui adresse un sourire poli mais glacial.
Elle aurait dû se douter du traquenard, lorsque son père lui avait demandé de rencontrer l’un de ses associés à sa place. Pour sa défense, cela arrivait de plus en plus souvent ces derniers temps. Il n’était un secret pour personne que les Auchincloss commençaient à préparer leur fille unique à prendre leur relève. Quand le patriarche partira à la retraite, Moira sera la seule détentrice d’un patrimoine conséquent et de relations précieuses à conserver.
La jeune femme avait hérité du sens des affaires de ses parents, bien que cela ne soit pas aussi innés que pour eux. Elle avait acquis ses connaissances à force d’études et d’efforts, et son apprentissage ne faisait que débuter. Maintenant qu’elle avait été placée à sa position de Gardienne des écrits, suffisamment prestigieuse aux yeux de sa famille, il était grand temps d’également l’installer sur l’échiquier mondain dans lequel elle était amenée à évoluer.
Moira avait donc accepté sans rechigner d’aider l’entreprise familiale, se rendant à dix heures tapantes dans les locaux indiqués sur la carte de visite. Les réunions furent longues, remplies de chiffres ennuyeux, mais productives. La jeune femme avait soigneusement inscrit nombre de notes à transmettre à son père. Il était également convenu qu’après cette rencontre auprès des associés de son père, elle se rendrait à un déjeuner d’affaires avec le fils d’un des plus proches amis des Auchincloss. Elle ne l'avait paradoxalement jamais rencontré, puisqu'il avait vécu à l'étranger une bonne partie de sa vie pour des raisons qu'elle n'avait aucune envie de connaître.
Elle n’y voyait pas d’inconvénient. Si cela pouvait permettre aux projets de son père de voir le jour, elle était toute disposée à mettre la main à la patte. De plus, elle savait que les actions des deux clans étaient à l’origine de l’expansion de leurs horizons, aussi était-elle arrivée préparée à cet entretien.
L’hydromancienne n’avait rien trouvé de suspect au prime abord. Le garçon en face d’elle devait avoir à peu près son âge, peut-être un an ou deux de moins qu’elle. Il s’exprimait bien, était assez intéressant en ce qui concernait les statistiques et autres considérations mornes mais nécessaires à l’évolution de tout dessein. Il portait un costume élégant, et Moira se demandait s’il n’étouffait pas trop avec les restes de chaleurs de l'été. Ni laid ni beau, commenta-t-elle silencieusement lorsqu’elle le vit pour la première fois.
Cependant, bien qu’il ne soit pas foncièrement désagréable, il lui devint rapidement odieux. Il devint évident au bout de quelques minutes que ce déjeuner n’avait rien d’une discussion sérieuse entre partenaires. Enfin, si, mais pas le genre qu’elle était venue chercher.
Au fur et à mesure de ses phrases, le sujet dérivait inlassablement sur ce qu’elle aimait faire dans la vie, ses visions sur le monde, sa relation avec ses parents. Au début, elle avait pensé qu’il cherchait seulement à alléger leur programme pour la faire se sentir à l’aise, mais lorsqu’il avait clairement proposé d’arrêter leurs recherches pour se concentrer sur le futile, elle avait serré les dents.
- Je pense que nous avons assez travaillé pour aujourd’hui. Pourquoi ne pas nous arrêter là et profiter de la fin du repas ?
Et aller au diable, était-ce une option ?
Contrainte de demeurer cordiale, surtout qu’elle supposait qu’il proposerait de payer l’addition, Moira esquissa un sourire de convenance et s’était concentrée sur son assiette.
Depuis quand était-elle aussi naïve ? Bien évidemment que ses parents avaient arrangé ce petit entretien bien pratique pour l’isoler avec un parti qu’ils rêveraient d’appeler gendre. Le fait que Moira ait revêtue – sur les conseils de sa mère, là aussi cela aurait dû lui mettre la puce à l’oreille – une robe cintrée et à col ouvert n’arrangeait rien. Ce déjeuner prenait de plus en plus des aspects de rendez-vous galant, et elle détestait l’idée.
Elle détestait ses lunettes d’intellectuel qui lui donnaient un air prétentieux, le son de sa voix ordinaire et les traits de son visage qui pouvaient au mieux être qualifiés de commun. Il avait beau être avenant, la réalisation de ce traquenard suffisait à le transformer en minotaure aux yeux verts de la brune.
Et sa conversation était aussi insipide que la salade qu’elle continuait pourtant d’avaler pour parler le moins possible. Il poursuit son interrogatoire, lui demande quelle est sa couleur préférée, et s’il était vrai qu’elle chantait.
Elle était hydromancienne, à quoi s’attendait-il, à ce qu’elle tricote ?!
A chaque nouvelle parole, Moira mourait d’ennui, alors qu’il ne percevait absolument pas son exaspération. Elle suppliait la Déesse de lui accorder la paix, et de mettre fin à ce supplice. Visiblement, ses prières restaient sans réponse, tandis qu’il se montrait plus entreprenant, à coups de petits sous-entendus très peu subtils.
- Vous savez, mon père souhaiterai me mettre à la tête d’un nouveau projet, peut-être seriez-vous intéressée… j’ai toujours admiré votre sens de…
-
- Je l’entends, mais c’est justement parce que je comprends que votre emploi du temps est chargé que je me permets de penser que nous ferions un bon duo, je ne me mettrais pas en travers de votre carrière et de vos ambitions…
Que quelqu’un la tue, par pitié. Alors qu’elle refusait – encore ! – sa proposition de lui servir un verre de vin, Moira regrette de nouveau que son familier soit resté à la maison. Elle ne voulait pas le soumettre à ces échanges barbants et le sortir de son aquarium bien plus spacieux que son bocal pour rien. Si elle avait su, elle n’aurait pas hésité un seul instant.
Elle n’en revenait pas que sa mère ait monté un tel piège. Parce que l’idée ne venait clairement pas de son père. Hormis en matière d’économie, il ne prenait jamais d’initiative. Sur le papier, ils ne seraient pas si mal assortis. Ils étaient riches et jeunes tous les deux, il n’avait pas l’air totalement bon à rien – elle admettait qu’il se montrait compétent dans son domaine – et plus que tout, leurs parents s’entendaient à merveille.
Mais le problème était simple : il ne lui plaisait pas. Et la jeune femme n’aimait absolument pas que l’on s’immisce dans sa vie privée de la sorte. Bien que ses parents en soient largement exclus, ils n’ignoraient pas qu’elle batifolait parfois ici et là avec d’autres garçons de bonnes familles. Ils n’y avaient rien trouvé à redire, à part lui rappeler constamment qu’elle devait rester discrète – ce qu’elle était.
Sûrement était-ce le fait qu’elle n’en ramène aucun au manoir qui les avait décidés.
Moira avait conscience qu’elle portait une pancarte « Périmée » aux yeux de sa mère – elle approchait après tout l’âge canonique de trente ans, il fallait la comprendre – mais tout de même, cela allait trop loin !
Le problème demeurait qu’elle ne devait pas trop froisser le benêt en face d’elle, car il était primordial de conserver des liens solides avec sa famille. Et puis, elle avait beau ne pas manquer d'audace, elle ne disposait d'aucun courage lorsqu'il s'agissait de refuser les demandes de ses parents. Il fallait donc éloigner ce prétendant sans se mettre en porte-à-faux.
Les sourires de la jeune femme étaient si forcés qu’ils menaçaient de craqueler sa mâchoire.
Faisant l’idiote, elle prétendit ne comprendre aucun de ses sous-entendus, tout en cherchant désespérément une échappatoire quelconque à ce carnage.
Les miracles devaient exister, car en tournant la tête, son regard s’arrêta vers une figure bien connue passant tout près.
Non, pouvait-elle avoir autant de chance ?
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Elle avait hélé en se levant, et elle le vit se tourner en sa direction.
Depuis leur dernière rencontre où ils avaient été enfermés dans une cave, et où ils avaient effectué des recherches au sujet d’un mystérieux couple d’un autre temps, Moira devait avouer qu’il lui était passé par la tête plus souvent qu’il ne l’aurait dû. Pour sa défense, un visage comme cela ne s’oubliait pas facilement, contrairement à celui de son prétendant autoproclamé.
-
Que faisait-il si loin de ses précieuses abeilles ? Peut-être était-il dans ce quartier chic où ils s’étaient rencontrés dix ans auparavant pour exactement les mêmes raisons ?
Quelle aubaine ! Tous ses petits doutes au sujet du Mystique des essaims n’avaient que peu d’importance, tandis qu’elle agonisait. Peu importe qu’elle pressente qu’elle devrait se tenir loin de lui, que tout cela sonnait comme une très mauvaise idée.
Il était lui aussi insupportable, à sa manière. La manière dont il lui avait rendu sa politesse avec un excès moqueur la dernière fois l’irritait encore lorsqu’elle y pensait. Sa façon de sourire, aussi, avait quelque chose d’horripilant. Trop honnête, trop charmante.
Mais entre les deux hommes, sont choix était vite fait.
Franchissant les quelques pas qui les séparaient, elle s’arrêta devant lui avant de nouer ses bras autour de lui pour l’enlacer tel un vieux compagnon perdu de vue.
Se souciant peu de le gêner, qu’ils n’aient eu aucun contact depuis leur dernière entrevue ou tout simplement de la possibilité qu’il soit totalement perdu face à son comportement, elle eut juste le temps de souffler près de lui, dents serrées.
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Machin commençait à approcher, et elle s’éloigna aussi vite qu’elle s’était approchée du coréen, tout sourire gracieux, mais les yeux lançant des appels à l’aide.
- Moira ? Qui est-ce ? Je ne crois pas avoir eu le plaisir d’être présenté à votre…
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Bien qu’Haesik et elles soient bien loin de pouvoir être qualifiés de plus que de simples connaissances, aux vues de la manière dont elle l’évitait soigneusement, Moira n’eut aucun scrupule à forcer le trait. Et puis, ils auraient pu. Après tout, il était largement assez beau pour que personne ne lève le sourcil en apprenant qu’elle le connaissait.
Machin était contrarié, c’était évident, mais lorsque l’on prétendait être écervelée comme elle, cela lui passait au-dessus.
Désespérée à l’idée de se retrouver de nouveau en tête à tête avec son partenaire d’affaire, elle saisit le bras du zoomancien.
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Sans attendre que les deux hommes lui aient dit oui – ou non, d’ailleurs – elle les ramena à leur table, tirant une chaise pour y asseoir Haesik dessus au passage, et reprendre sa place comme si de rien n’était.
L’ambiance venait juste de devenir extrêmement pesante, mais elle trouvait désormais sa salade délicieuse.
La tension ambiante totalement ignorée, elle se tourna vers Haesik.
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- Comme je vous le disais, Moira, je…
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Elle n’avait aucune idée de qui était Lydia, ni pourquoi elle l’utilisait en prétexte pour couper la parole à Machin, mais elle espérait qu’Haesik saurait aussi bien broder que lui causer quelques remue-ménages étranges dans le ventre lorsqu’elle le voyait. Elle espérait bien que cette prétention de relations communes en mensonge éhonté lui permettrait de comprendre l'urgence de la situation et ce qu'elle attendait de lui. Elle croisait désormais les doigts pour qu'il soit assez bon acteur pour la tirer de là.
L'idée qu'il puisse ne pas vouloir jouer le jeu n'était absolument pas envisageable.
Profitant que Machin regarde pendant l'espace d'une seconde ailleurs, Moira se tourna vers Haesik et haussa les bras, d'un air de dire "oups, mais que voulais-tu que je fasse d'autre ?"
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Rien ne laissait présager à Haesik que sa journée serait différente de d’habitude lorsqu’il s’était levé ce matin-là. Il avait partagé son petit déjeuner avec Dalsoon puis elle l’avait suivi jusqu’à ses ruches, auprès desquelles il était resté une bonne partie de la matinée.
Bientôt, l’automne pointerait le bout de son nez et l’activité des butineuses diminuerait petit à petit, jusqu’à s’arrêter complètement pendant l’hiver. Pour l’heure, elles redoublaient d’efforts pour s’assurer de ne manquer de rien pour faire face à cette période difficile avec sérénité.
Contrairement à leurs consœurs sauvages, elles pouvaient bénéficier du soutien des sorciers en cas de besoin mais leur fierté et leur instinct les poussait à chercher à s’en passer à tout prix.
11h était affiché sur sa montre lorsqu’il avait reçu un appel. Un habitant fortuné de New Town venait de décider de donner une réception le soir même et souhaitait que son cuisinier confectionne une centaine de douceurs au miel pour l’occasion.
S’il consentait à se déplacer dans l’heure pour assurer la livraison, on ajouterait une prime à ses honoraires habituels.
Le manque de savoir vivre des individus était souvent proportionnel à la taille de leur porte-monnaie mais, bien qu’agacé par la propension des gens des hautes sphères à exiger et à vouloir être exhaussés sans délai, il avait accepté.
A l’instar de ses petites protégées, qui engrangeaient inlassablement du pollen, il aimait se constituer des économies, qui lui éviteraient de se retrouver démuni en cas de coup dur…
Une demie heure plus tard, après une douche rapide et chargé de sa commande, il se mettait en route avec son vieux pick-up, son familier étendu sur la banquette arrière pour profiter de la climatisation.
Les maisons de George Street étaient toutes plus somptueuses les unes que les autres et pas un brin d’herbe ne poussait en travers dans leurs jardins, étrangement similaires. Le zoomancien n’aimait pas l’impression de rigidité et de conformisme qu’ils véhiculaient mais, après tout, il n’était pas là pour remettre des prix.
La chaleur était toujours harassante, bien qu’ils soient au début du mois de Septembre, aussi avait-il légèrement « mouillé sa chemise » en déchargeant sa cargaison.
Une fois sa tâche terminée, il avait voulu profiter d’être dans les parages pour glisser une facture dans la boîte aux lettre d’un restaurant quand une voix familière avait crié son nom.
Il venait de se retourner pour faire face à… Moira Auchincloss ??? quand, à sa grande surprise, elle s’était jetée dans ses bras pour l’étreindre.
- Qu…
Désarçonné par son attitude inattendue, il n’avait jamais terminé sa phrase.
Lorsqu’elle l’avait supplié de lui venir en aide, il avait dans un premier temps senti son instinct de protection se réveiller mais, très vite, en comprenant de quoi il en retournait, il avait dû se faire violence pour ne pas croiser les bras sur sa poitrine en affichant un air renfrogné.
Venait-elle vraiment de l’intercepter pour l’aider à se débarrasser d’un DATE, alors même qu’elle le snobait royalement chaque fois que cela était possible depuis leurs retrouvailles ??
Décidément, cette femme était la plus culottée qu’il avait jamais rencontré, et de loin.
Pendant qu’elle le présentait comme un ami de longue date qu’elle brûlait d’envie de revoir – mon œil,oui !! – il avait brièvement détaillé l’homme qui les avait rejoints et qui ne semblait trouver aucune grâce à ses yeux, malgré des vêtements de très bonne facture, indicateurs d’une fortune conséquente.
Savait-il au moins dans quoi il s’était fourré ?
Son air courroucé lui avait au moins appris une chose : il n’appréciait pas du tout qu’il vienne perturber sa tentative de rapprochement.
D’autres risquaient de ne pas aimer non plus l’initiative de la brune de se servir de lui pour faire capoter leurs plans – ses parents, par exemple, ce qui l’exposait, une nouvelle fois, à des problèmes potentiels, chose à laquelle elle semblait être totalement indifférente.
Son attitude immature et égoïste l’irritait et, pourtant, alors qu’il aurait pu se contenter de tourner les talons et de disparaître en la laissant se débrouiller avec son rendez-vous, il n’avait pas opposé de résistance lorsqu’elle l’avait entraîné à sa suite jusqu’à la table où ils étaient installés.
Bon sang, mais pourquoi le rendait-elle aussi faible ?!
Inconfortablement installé au milieu du « couple », dents serrées pour ne rien laisser entrevoir de sa contrariété, il avait décliné la proposition de la demoiselle lorsqu’elle lui avait demandé s’il voulait commander quelque chose.
- Non merci, j’ai déjà mangé.
C’était un mensonge mais il était hors de question pour lui de commander un repas qui lui coûterait les yeux de la tête juste pour faire bonne figure. Il acceptait déjà de faire le chandelier, c’était déjà beaucoup !
Ses sourcils s’étaient légèrement froncés lorsque Moira lui avait demandé d’aller plus loin dans sa collaboration en inventant des histoires au sujet d’une certaine Lydia, qu’il ne connaissait bien sûr ni d’Eve, ni d’Adam.
Qu’allait-il bien pouvoir inventer, lui qui n’était déjà à l’origine pas un grand bavard ?!
- Ça fait longtemps que je ne l’ai pas eue au téléphone, je ne suis pas la meilleure personne pour te renseigner…
Visiblement désireux de se placer en position de mâle dominant et de garder la parole pour lui, le binoclard, qui n’avait pas pris la peine de se présenter, l’avait interrogé.
Machin : Puis-je me permettre de vous demander ce que vous faites dans la vie, Haesik ?
- Je suis le mystique des essaims du coven des zoomanciens.
Il s’agissait d’un poste respecté et reconnu parmi les magiciens dotés de dons similaires aux siens, mais le petit pincement de lèvres et le « discret » regard dédaigneux de son vis à vis lui avaient indiqué que ce dernier avait une appréciation bien différente de sa fonction.
Machin : ... Je vois. Parfois, j’aimerais également revenir aux choses simples desquelles m’éloignent ma fonction…les responsabilités vous soumettent à une pression constante à laquelle il n’est pas toujours aisé de faire face, malgré des années d’expérience et une passion inébranlable pour le travail bien fait.
Bizarrement, « les choses simples » sonnaient comme une insulte dans sa bouche...
Piqué, l’asiatique s’était mordu la langue avant d’avoir un soudain regain d’intérêt pour Lydia.
- … Ah, je viens de me souvenir qu'on m'a dit qu'elle se sépare. D’après ses mots, son fiancé est un crétin prétentieux. Visiblement, lui ne s’est rendu compte de rien, malgré des signes évidents de malaise.
A son tour de se montrer désobligeant, de façon détournée.
Malgré tous les travers de Moira, il s’évertuait à vouloir protéger ses intérêts, pour une raison qu’il refusait de s’avouer tant elle était absurde…
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L’atmosphère était devenue nettement plus agréable, du moins pour Moira. Ravie de ne plus se retrouver en tête à tête avec cet homme fade, elle s’était découvert une faim de loup. Avec un appétit évident, elle gardait sa tête baissée vers son assiette, laissant les garçons discuter sans trop se soucier d’eux.
Vraiment, elle avait été chanceuse de trouver Haesik dans les parages. Quelles étaient les chances ? Heureusement, d’ailleurs, sinon elle serait restée à mourir d’ennui en compagnie de son prétendant insipide. Un peu plus, et il l’aurait empêchée de savourer un repas offert, et l’hydromancienne ne manquait certainement jamais une occasion de manger à l’œil.
Eh bien, ce n’était pas parce que l’on était riche qu’il fallait passer à côté d’une économie quelconque, il n’y avait pas de petit profit.
Du coin de l’œil, elle observait distraitement le coréen, qui semblait mal à l’aise à l’idée d’évoquer leur amie « Lydia ». Moira se retint de lever les yeux au ciel. Bon sang, il pourrait fournir un effort, ce n’était pas si compliqué d’improviser un petit mensonge de rien du tout. La belle brune en aurait presque pris ombrage, qu’il ne parvienne pas à être plus convaincant.
Le sauvetage d’une dame telle qu’elle valait bien un peu d’imagination, non ?
Malgré son agacement, les iris vertes glissaient sur son compagnon de table, l’étudiant sans un mot. Il devait indéniablement être en plein travail, à en juger par l’état de sa chemise et une fatigue latente. Moira éprouva tout de suite de la compassion pour lui. Se mettre à l’œuvre par cette chaleur devrait être interdit. L’été restait sa saison préférée, car elle rendait ses baignades quotidiennes pour se rendre dans la grotte des Gardiens bien plus agréables – mais elle n’était pas encore assez déconnectée de la réalité pour ignorer la pénibilité que cela causait aux autres.
Il semblait au moins plus à son aise que lors de leur enfermement dans la cave, et Moira trouvait même que cela lui conférait un petit charme.
Comme le miel attirant les abeilles, il n’aura aucun mal à trouver une petite jeune fille qui le trouverait à son goût…
Elle ne pouvait pas en dire autant pour l’héritier pompeux qui se trouvait en face d’eux. Sa mine renfrognée importait peu à Moira. Tandis qu’elle se félicitait de la présence d’Haesik entre eux, son partenaire d’affaires arborait à l’évidence des sentiments bien différents. Moira pouvait presque sentir sa contrariété, de se retrouver dans un repas à trois.
Faisant contre mauvaise fortune illusion de bon cœur, l’homme dont elle ne parvenait décidément pas à se rappeler du nom commença à questionner le zoomancien sur son activité.
Avec la simplicité qui le caractérisait, Haesik lui répondit sans détour, et Moira releva la tête. Elle nota dans un coin de sa tête qu’elle devait impérativement lui apprendre à se mettre en valeur. Une phrase aussi courte, sans détails, alors qu’elle connaissait en surface la complexité de ses tâches, ça n’allait pas du tout.
Elle en aurait secoué la tête de dépit.
Machin devait penser à peu près pareil, puisqu’il commença une longue diatribe qui assombrit le visage de Moira à chaque nouvelle parole.
Discrètement, elle serra plus fort sa fourchette. Malgré un fort mauvais caractère et une propension à la mesquinerie, l’écossaise avait toujours eu les brutes en horreur. L’insulte était subtile, mais personne à cette table ne l’avait manquée. Le richissime gamin maniait à la perfection l’art et la manière de blesser à mots couverts, tout comme elle. Moira n’hésitait jamais à recourir à des attaques d’une bassesse terrible s’il le fallait.
Dans ce cas précis, cela était totalement gratuit. Haesik et lui venaient tout juste de se rencontrer, et le coréen était son invité. La moindre des politesses aurait été de laisser couler, ou du moins, de ne pas en venir à des stratagèmes aussi puérils que ridicules. Qu’il soit mécontent, passe encore, mais bête et méchant ?
Qu’elle avait eu raison de le catégoriser dans la colonne « boulet » de son esprit.
Fort heureusement, Haesik l’étonna en se révélant plus combattif qu’elle ne l’aurait cru. Haussant un sourcil lorsqu’il enchaîna de nouveau sur la fameuse Lydia, Moira écarquilla les yeux en comprenant où voulait en venir le jeune homme. Elle dut reposer précipitamment ses couverts pour se saisir rapidement de sa serviette et étouffer son rire sous prétexte d’une toux soudaine.
Le sous-entendu était tellement évident qu’il passera évidemment inaperçu. Du génie.
Hoquetant pour reprendre son souffle et le contrôle de soi, Moira finit par hocher la tête en clignant très fort des yeux afin d’en chasser les larmes de rire qui menaçaient de perler.
Une fois à peu près certaine qu’elle n’allait pas éclater de rire en ouvrant la bouche cependant, elle ne put résister à la tentation de poursuivre.
-
Après un dernier échange de regard malicieux avec Haesik, Moira redirigea son attention vers Machin, lui resservant un verre d’eau par politesse. Elle en profita pour héler un serveur, afin qu’il ramène un troisième verre pour leur compagnon imprévu.
Une fois l’ordre donné, la jeune femme joua lentement avec le rebord de sa propre coupe, prétendant ne plus avoir vraiment conscience des deux hommes attablés avec elle.
Pourtant, sa voix était claire.
-
Elle se pencha vers Machin, presque conspiratrice.
-
Toujours en évitant éhontément le regard d’Haesik, elle reprit son repas comme si de rien n’était.
-
Ignorant volontairement les yeux en amande, Moira garda son attention partagée entre l’héritier et son plat. Elle prétendit ne pas se rendre compte d’avoir fait l’éloge de son « ami », mais après tout, elle n’avait énoncé que la vérité. Haesik était travailleur : si Eoghan, ce vieux rustre qui avait pour qualité rédemptrice un sérieux à toute épreuve, s’était attaché à lui, ce n’était pas pour rien.
Et Moira n’avait jamais pu supporter que l’on s’en prenne impunément à ce qui semblait inférieur à soi, surtout lorsque cela était faux.
Ce petit avorton avait besoin qu’on lui remette du plomb dans la cervelle, et s’il voyait qu’elle le défendait en ayant l’air de rien, il se retiendra peut-être de se comporter en abruti. Les reproches lui passaient peut-être au-dessus, mais pas le reste de son discours.
Décidant d’enfoncer le clou, Moira soupira, comme si elle était envieuse.
-
Il allait se sentir coupable et démentir dans trois, deux, un…
- Mais comment pouvez-vous dire cela, Moira, votre travail est d’une importance capitale ! Vous n’avez pas été choisie pour rien, je vous l’assure, et je suis certain que tout le Coven vous en est très reconnaissant…
Se retenant de rouler des yeux et de rire de nouveau derrière sa main, la jeune femme soupira de nouveau dramatiquement, main perdue dans sa longue chevelure brune.
-
Qu’il était bon de se prétendre petite chose fragile, à le faire paniquer d’avoir diminué son estime d’elle-même.
Qu’il soit sans crainte, les hommes comme lui ne pourraient jamais la faire douter d’elle.
Et elle trouvait un certain plaisir à lui rendre la monnaie de sa pièce, lui qui s’était montré si arrogant envers Haesik. Il n’était que justice qu’elle se paie sa tête également.
Estimant que la plaisanterie avait assez duré, elle reprit un sourire plus cordial.
-
- … Enchanté.
Il n'avait assurément pas manqué qu'elle le présentait seulement avec son nom de famille. Qu'il se demande si cela était parce qu'il était supérieur à Haesik... ou si elle s'en fichait juste royalement.
Ce repas devenait moins pénible, elle commençait à y trouver un semblant d’intérêt…
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Si Haesik était certain que Moira ne défendrait pas son prétendant, il avait en revanche été surpris de sentir une vague d’amusement émaner d’elle et de la voir feindre d’étouffer une quinte de toux pour dissimuler un éclat de rire spontané.
Comme il l’avait espéré, bien qu’elle affiche régulièrement un air froid et hautain, une personnalité plus chaleureuse et naturelle avait survécu à la pression de la haute société chez la jeune femme…
Et alors qu’elle avait semblé déterminée à mettre le plus de distance possible entre eux lors de sa visite officielle à son bureau deux semaines plus tôt, voilà qu’elle entrait dans son jeu pour remettre machin à sa place.
Cette complicité inattendue avait fait battre son cœur un peu plus vite.
Et si… ?
- Le problème de ce genre de personnes est qu’elles ne doutent de rien. Comment le pourraient-elles alors que des foules d’envieux leur répètent depuis le berceau à quel point elles sont extraordinaires pour s’attirer leurs faveurs ?
Au fond, il plaignait le prétentieux qui se pavanait devant eux. Certes, la fortune faisait rêver, car l’argent ouvrait des portes inaccessibles aux gens modestes mais elle allait souvent de pair avec une réputation établie depuis des générations qui, elle, était un véritable fardeau.
Il n’aurait jamais le train de vie d’un fils de bonne famille mais, au moins, il était libre d’exister comme il l’entendait…
- J’espère pour elle qu’elle ne se bornera pas à rechercher ce genre d’individus pour plaire à on ne sait qui au détriment de ses propres intérêts.
Petit conseil à peine déguisé bonjouuur.
Après s’être concentré sur la carte du restaurant pour ne pas rougir face à son audace et aux éloges de la demoiselle concernant ses missions – nom d’un chien, une salade végétarienne à 35 livres ?! -, il avait dû se retenir de lever les yeux au ciel lorsque l’hydromancienne avait commencé à dénigrer sa fonction, prétendant être inutile et envier leurs positions d’hommes importants.
Si bien des représentants de la gente masculine semblaient effectivement se penser supérieurs aux femmes et aimaient les tenir loin des responsabilités pour ne pas se sentir menacés par elles, lui avait toujours aimé celles qui osaient, s’affirmaient, ne se laissaient pas influencer par les dictats de la société qui aimeraient en faire des créatures dociles, invisibles ou, à défaut de se rebeller ouvertement, avaient cette petite flamme dans le regard qui indiquait qu’elles n’en pensaient pas moins.
Contrairement à monsieur Fraser, puisque c’était visiblement son nom, le coréen ne s’était pas senti obligé d’assurer oralement à la belle brune qu’il la considérait car, à sa connaissance, il ne lui avait jamais laissé penser le contraire.
- Oui, enchanté…
Autant que glisser sur une plaque de verglas, se coincer le doigt dans une porte ou d’attraper la grippe…
Quelques secondes après qu’il ait proféré ce mensonge poli, une voix bien connue s’était fait entendre dans son dos.
Dalsoon : Oh, Moira !! Quelle bonne surprise !
Sans gêne, l’imposante louve s’était invitée à la table du trio avant de river son œil unique sur celui qu’elle considérait comme un intrus.
Dalsoon : C’est vraiment sympa d’emmener ton stagiaire déjeuner à l’extérieur pour profiter des derniers jours de beau temps !
Devant l’air outré de machin, elle avait fait mine de se corriger, faussement navrée :
Dalsoon : Oh, désolée… vous êtes son comptable ?
Autrement dit, « vous avez vraiment une tête de mec barbant ».
Son familier avait un don pour l’embarrasser, étant beaucoup plus incisive que lui mais, ce jour-là, Haesik ne lui avait adressé aucun reproche.
Puisque sa cuisse était collée contre sa main, elle avait pu le questionner par télépathie :
*Dalsoon : Est-ce que je peux savoir pourquoi il y a un autre homme à votre table ? Il y a du mieux, je te félicite, mais pour un date…*
*JE suis le deuxième homme pour ta gouverne *
* Dalsoon : AH ! Ma foi, je suppose qu’il n’y a pas qu’un modèle de couple valable… *
* DALSOON !!*
Sentant que son sorcier était sur le point d’ouvrir la bouche pour prendre congé, la louve avait brusquement retourné sa grosse tête borgne dans sa direction.
*Dalsoon : Oses lever tes fesses de cette chaise et je te jure que tu ne t’assiéras pas confortablement avant une semaine ! *
* Aishhh…*
Rompant leur contact physique pour couper court à toute protestation supplémentaire, l’animal s’était de nouveau adressée à l’Ecossaise, snobant cette fois royalement son prétendant officiel.
Dalsoon : Je ne sais pas si Haesik a eu le temps de te le dire mais il y a une affaire de la plus haute importance pour laquelle nous aurions besoin de ton expertise de gardienne des écrits dès que possible.
Il ne s’agissait que d’un message codé, destiné à lui offrir une porte de sortie et, surtout, de la pousser à se retrouver seule à seule avec son sorcier, qu’elle trouvait désespérément hésitant. A ce stade, elle serait mariée avec trois enfants avant qu’il ose ne serait-ce que lui faire un compliment…
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Quand elle en eut assez de faire tourner son partenaire d’affaire en bourrique, Moira revint à une humeur plus sérieuse. L’ombre d’un sourire enjoué continuait pourtant de danser sur ses lèvres. Que le jeune Fraser n’ait pas encore compris qu’il était l’objet de moqueries la laissait fort étonnée, mais également ravie. Elle n’aurait jamais pensé que qu’un être puisse être aussi oublieux – ou que les sous-entendus lui passent tellement au-dessus de la tête.
Moira ne tenta cependant pas le diable, et décida de s’arrêter là. Peut-être que sa chance viendrait à disparaitre, et que le dindon de la farce se rendrait compte qu’il était au centre de la table au lieu de trôner en invité.
Aussi eut-elle la surprise d’entendre Haesik continuer sur le sujet de leur amie imaginaire, Lydia. Cette inconnue lui permit en effet de glisser une nouvelle remarque, qui fit pencher la tête à Moira. L’hydromancienne porta un doigt à son menton, pensive. Effectivement, il décrivait là nombre de jeunes gens de son milieu, elle y comprit. Était-ce une critique ? Ou un simple constat ? L’un dans l’autre, la jeune femme ne pouvait pas lui tenir rigueur de cette opinion – qui était somme toute très juste, elle devait l’admettre.
Les nantis dont elle faisait partie courraient après les éloges dont ils avaient été couverts toute leur vie. Mais demeurait également que cette recherche d’approbation pouvait également être motivée par le besoin de se sentir exister, vu. S’il était question d’orgueil, la plupart des héritiers qu’elle fréquentait avaient subi une pression bien trop importante dès leur plus jeune âge. Toujours en quête d’un mot aimable pour s’assurer qu’ils satisfaisaient les attentes de Papa et Maman, toujours à se demander s’ils en faisaient assez.
L’écossaise avait assez de recul pour réaliser qu’elle décrivait son propre cas, et si Fraser avait été soumis au même sort, peut-être aurait-elle pris ombrage des paroles du coréen. Mais leur interlocuteur était si imbu de sa personne et clairement incapable de se remettre en question que, quoi qu’il l’ait poussé à devenir ainsi, elle ne ressentait aucune compassion pour lui.
Mais le Mystique des essaims ne s’arrêta pas en si bon chemin, et cette fois-ci, Moira fronça les sourcils. Si Lydia avait été réelle, elle n’aurait même pas cillé, approuvant sans réfléchir ses propos. Mais en sachant que la fiancée déchue n’existait aucunement, le zoomancien cherchait forcément à faire passer un message.
Dans un premier temps, la seule femme de la table se demanda où il voulait en venir, avant de commencer à avoir sa petite idée sur la signification cachée de son discours. Le bénéfice du doute lui permit de garder son calme, mais elle ignorait si elle appréciait bien le sous-entendu. Parlait-il désormais d’elle, ou faisait-il une nouvelle généralité ?
Moira doutait qu’Haesik puisse comprendre que les choses étaient loin d’être aussi simples que ça. L’approbation de ses tiers – même aussi stupides que leur compagnon de déjeuner – constituait les intérêts que les familles comme la sienne devaient protéger.
Certes, elle n’allait pas accepter ses avances juste parce qu’une telle relation serait bénéfique pour sa réputation, mais plaire à des personnes de ce genre était primordial. Moira se moquait assez du qu’en dira-t-on, jusqu’à un certain point. Elle préférait laisser penser qu’elle était frivole et à la limite de l’hystérie – ce qui n’était pas foncièrement faux par moment – et qu’on rit d’elle dans son dos ne la gênait pas. C’était le jeu, après tout. En revanche, se détourner totalement du Ton et des mœurs imposées par la bonne société locale serait une erreur fatale.
Elle était en train de se dire qu’elle réfléchissait sans doute trop loin, lorsqu’une peluche blanche fit irruption dans le décor.
La salutation chaleureuse de Dalsoon la tira bien loin de ces considérations compliquées, et la jeune femme répondit dans la même intonation :
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Se penchant un peu vers le familier, elle baissa la voix, comme pour confier un secret, bien que tous puissent l’entendre.
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En effet, l’hippocampe, d’ordinaire assez taciturne, s’était montré extrêmement volubile au sujet de la louve et de son humain. Moira en avait été excédée, ne comprenant pas où il voulait en venir et les amenant toujours sur le tapis. Elle ne comptait pas revoir Haesik avant un moment, n’ayant pas plus répondu à ses messages depuis leur mésaventure dans la cave qu’après qu’il l’ait récupérée totalement ivre sur la voie publique. Rien ne les prédestinait à se croiser davantage. Bien que le zoomancien soit en fin de compte de bonne compagnie, Moira avait le sentiment étrange qu’elle devait garder ses distances.
Il n’en allait pas de même avec Dalsoon, qui ravissait la jeune femme à chaque fois qu’elles se croisaient.
Cependant, les prochaines phrases de l’audacieuse la firent s’étouffer, et pour de vrai cette fois-ci.
« Stagiaire » ?! Mais à quoi jouait-elle ?
Moira supposait que la confusion pouvait être honnête pour quelqu’un d’extérieur à leur Coven, surtout n’étant pas né sur le sol britannique. Elle doutait que la louve connaisse les particularités de sa fonction, et sache donc qu’il était tout bonnement impossible – ou alors très très improbable – que le jeune homme soit un apprenti quelconque. Si tout allait bien, Moira resterait Gardienne des écrits jusqu’à sa retraite, à moins d’un cataclysme dans sa vie privée – et ce n’était pas dans ses plans. De plus, Machin était plus jeune qu’elle, et ne payait vraiment pas de mine.
Mais supposer une telle position dès son arrivée était plus qu’une erreur inconsciente, c’était de l’impolitesse pure. Moira mentirait si elle affirmait ne pas avoir envie de rire, mais elle était pour l’heure trop inquiète des répercussions diplomatiques pour laisser libre cours à la joie. Si le garçon se vexait, elle pourrait avoir des problèmes plus tard…
Et quand Dalsoon décida d’en rajouter une couche, Moira dirigea son regard vers elle, horrifiée. Hâtivement, elle s’efforça à présenter son sourire le plus charmeur, et rire doucement des mots de la louve, comme s’il s’agissait d’une plaisanterie entendue.
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Machin avait l’air outré, mais un peu calmé par ses paroles, et Moira poussa un soupir de soulagement intérieur. Finalement, ce n’était pas si mal. Elle avait pu rattraper la boulette qui lui aurait probablement causé de nombreuses remontrances de ses parents, sans parler des conséquences pour leurs projets professionnels. Dans le même temps, elle avait choisi ses mots : inestimable certes, mais pas indispensable. La nuance était fine, mais lorsque le jeune homme rapportera ses paroles au patriarche Fraser, cela ne les mettra pas en position de faiblesse.
Ayant terminé son plat, l’écossaise se fit la réflexion qu’elle prendrait bien un dessert, mais jamais avec cette disposition actuelle.
Malheureusement, elle n’allait peut-être pas avoir le choix…
Dalsoon se montra être une excellente alliée ce coup-ci, et Moira n’eut déjà plus envie de lui jeter des éclairs comme quelques instants auparavant. A la suggestion de la louve, la Gardienne des écrits se jeta sur l’occasion, toute colère oubliée. Elle ne comptait pas claquer cette porte de sortie si gentiment ouverte.
Inutile d’être devin pour arriver à la conclusion que le Mystique des essaims n’avait pas besoin d’elle… Mais à la réflexion, l’inverse était vrai sur le papier, et Moira s’était bien rendue à Green Bank pour requérir son assistance.
C’était peut-être donc vrai, et non pas un mensonge étudié pour la sortir de là ? Avaient-ils des nouvelles de Misses Brown et Dyce ?
Quoiqu’il en soit, il était temps de tirer sa révérence.
Essuyant avec application ses lèvres avec sa serviette, Moira prit le temps d’effectuer l’opération et de placer le tissu posément sur la table.
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Elle se leva aussitôt, ignorant l’air hébété de son partenaire. Elle ne lui fit pas l’affront de proposer de payer sa part – peut-être qu’elle devrait, mais les conventions sociales avaient la vie dure, un homme aussi macho serait probablement ravi. Et puis, cela l’arrangeait bien.
Visiblement pressée, Moira se leva et attendit qu’Haesik ne fasse mine de lui montrer le chemin, enrageant qu’il n’aille pas assez vite à son goût. Une fois que leurs voix furent hors de portée, elle lui glissa dans une grimace.
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Ils marchèrent donc rapidement, et quand ils furent suffisamment loin, Moira n’hésita pas une seule seconde. Elle prit le poignet du coréen et se mit à trottiner aussi vite que ses talons le lui permettaient. Elle accéléra le pas, tout à sa hâte de se placer dans un coin au plus vite et éviter que le jeune homme n’ait l’idée de les poursuivre.
Enfin, essoufflée et suffisamment loin à son goût, elle les arrêta dans une ruelle du quartier résidentiel, et s’accouda à la façade pour reprendre sa respiration, mains sur les genoux.
Ses épaules tremblèrent soudainement, et sa bouche se contorsionna en ligne agitée…
Avant qu’elle n’éclate de rire, devant se tenir le ventre pour se contenir. Elle redressa la tête pour la rejeter en arrière, contre le mur. Elle était partie dans un fou rire incontrôlable, sans aucun avertissement. Et à chaque fois que son regard croisait celui de Dalsoon ou d’Haesik, elle reprenait de plus belle, sans pouvoir s’arrêter.
Finalement, après quelques tentatives mortes dans l’œuf, elle finit par réussir à parler entre deux soubresauts.
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L’image du garçon, choqué d’être ainsi planté là, s’imposa de nouveau dans ses yeux, et elle était de nouveau entraînée dans un nouvel accès de gloussement.
Cela risquait de lui apporter un bon tirage d’oreille, rien que pour ce souvenir, Moira estima que cela valait largement le coup.
Elle était presque calmée, quand elle repartit aussitôt, une révélation lui venant soudain.
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Consciente qu’elle devait paraitre complètement folle, elle continua de s’amuser elle-même, maintenant que le nom de la personne avec qui elle avait passé sa matinée n’était plus un mystère. Un prénom aussi ordinaire que lui, ça lui allait bien, en plus.
Dans un dernier éclat de rire, elle essuya les larmes qui perlaient à ses yeux, toujours un grand sourire aux lèvres.
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Elle tourna un regard brillant et intrigué vers ses compagnons, toute à sa bonne humeur.
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Dalsoon s’était forcée à refréner ses ardeurs lorsque Moira comme son humain lui avaient jeté un regard appuyé et réprobateur.
Personne autour de la table ne semblait porter machin dans son cœur mais Haesik, bien qu’étranger à son monde, avait idée des intérêts que pouvait bien défendre Moira en acceptant de déjeuner avec lui et, bien qu’il aurait préféré qu’ils s’assoient ensemble autour d’une table dans un contexte plus agréable, il ne souhaitait pas risquer de lui nuire.
Il avait toujours apprécié le franc parler de son familier, même s’il l’embarrassait souvent, mais, bien qu’elle le poussait souvent à dépasser sa propre réserve, ce qui lui avait sauvé la mise à plusieurs reprises, elle devrait également être capable de tenir sa langue lorsque la situation l’exigeait.
Une fois encore pourtant, son culot – il n’avait pu s’empêcher de faire le parallèle avec celui de la belle brune – leur avait permis de se sortir d’une situation épineuse car, sautant sur la possibilité de pouvoir s’échapper pour participer à une prétendue mission pour leur compte, Moira avait rapidement pris congé de son date, libérant le coréen par la même occasion.
Soulagé de ne plus être prisonnier d’un rôle dont il n’avait pas voulu, il avait laissé échapper un discret soupir. Demeurer en contact régulier avec l’héritière des Auchincloss n’était finalement peut-être pas une si bonne idée que ça. Elle finirait par avoir sa peau en le plongeant avec elle dans les situations ubuesques qu’elle semblait attirer comme un aimant…
A moins qu’il succombe d’abord aux chocs qu’elle infligeait à son myocarde…
A peine avaient-ils commencé à sortir du champ de vision de l’éconduit que, sans crier gare, elle s’était mise à trottiner en l’entrainant à sa suite. S’il s’était dans un premier temps senti un peu ridicule de mimer un comportement qui aurait pu être qualifié de puéril, il s’était rapidement surpris à lâcher prise et à y prendre un plaisir inattendu.
Grisés par leur fuite et leur complicité nouvelle, ils semblaient être redevenus des enfants.
Une fois à l’abri des regards, l’Ecossaise s’était adossée à un mur pour partir dans un éclat de rire incontrôlable et ce soudain accès de joie avait contaminé Haesik.
Bien que plus mesuré qu’elle, lui aussi s’était mis à rire de bon cœur en tentant de reprendre son souffle.
Pfff, cette fille…
Il ne la trouvait jamais aussi belle que lorsque ses lèvres s’étiraient et que ses yeux se mettaient à briller, comme c’était le cas à cet instant. Cela lui allait bien mieux que le masque de froideur qu’elle s’évertuait à afficher les trois quarts du temps.
Profitant du fait qu’elle soit concentrée sur autre chose, il s’était autorisé à la détailler, un peu plus qu’à l’accoutumée. Sans ses grands yeux verts et ses lèvres pulpeuses, son visage aurait presque pu paraître un peu dur, mais il aimait sa forme et les longs cheveux bruns qui l’encadraient, tombant en cascade soyeuse sur ses épaules pâles.
Malgré une propension à vouloir plaire à sa famille, il lui semblait qu’elle avait également un côté plus libre, plus sauvage, et c’était cela qu’il trouvait le plus séduisant.
Ses yeux en amande étaient descendus jusqu’à son cou, orné d’un grain de beauté, puis jusqu’à la peau lisse de ses clavicules avant qu’il secoue légèrement la tête pour se ressaisir.
Son observation et les pensées qu’elle faisait naître en lui étaient à deux doigts de devenir indécentes et il n’avait aucune intention de se comporter comme un goujat.
Ils valaient bien mieux que cela.
Lorsque Moira avait eu retrouvé son calme et qu’elle l’avait questionné au sujet de la raison de sa présence dans ce quartier huppé, il avait légèrement froncé les sourcils. Son attitude lui avait donné une opportunité précieuse de passer un peu de temps en sa compagnie, mais elle n’en demeurait pas moins discutable.
- J’ai été appelé pour une livraison urgente. J’étais sur le point de repartir quand tu m’as intercepté. Si j’avais autant d’audace que toi, je pourrais te demander un dédommagement pour service rendu…
Dalsoon avait discrètement dévoilé l’un de ses crocs pour l’inciter à revenir à un discours plus agréable et enchainé immédiatement dans l’objectif de noyer le poisson :
Dalsoon : Ahah, il a toujours eu le sens de l’humour… ravis d’avoir pu t’être utiles, notre journée était finie de toutes façons, autant la terminer de façon agréable !
Finie ?! Loin de là !! En vérité, il prenait pas mal de retard sur son planning journalier. Il lui fallait encore fignoler l’un de ses systèmes de ventilation, mettre du miel en pots, rédiger quelques factures…
*Dalsoon : Tout ça peut attendre !! *
Inutile de protester, il savait qu’il n’aurait jamais le dernier mot.
Dalsoon : Mission « échapper au déjeuner de la mort avec le binoclard le plus rasoir de la création » ? Tadaa, succès ! Je veux dire, loin de moi l’idée de critiquer les estimés partenaires d’affaires de tes parents, hein, mais il était difficile d’ignorer ton appel au secours...
Haesik se serait volontiers frappé le front mais puisqu’il était davantage tenté par l’idée de disparaitre plutôt que de se faire remarquer davantage, il s’en était abstenu.
Dalsoon : Haesik n’a pas déjeuné, encore. Tu prendras bien un petit dessert ?
Cette louve aussi, aurait sa peau…
Bien sûr, il appréciait les efforts qu’elle fournissait pour tenter de l’aider à gagner le cœur de la demoiselle qu’il convoitait un peu plus chaque jour depuis leurs retrouvailles mais il demeurait si certain de n’avoir aucune chance d’y parvenir qu’il ne laissait de son côté, pour l’heure, pas transparaitre grand-chose.
Cela le desservait, bien sûr, mais cela était préférable que prendre le risque de perdre la face… n’est-ce pas ?
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Le ventre encore tremblant des éclats de rire qu’elle venait à peine de maitriser, Moira cherchait son souffle. Elle essayait de se souvenir de son dernier fou rire, mais celui-ci devait dater d’une soirée tellement arrosée qu’il avait quitté sa mémoire dès le lendemain matin. A bien y réfléchir, le motif de son enthousiasme était assez faible. Après tout, elle avait été à deux doigts de se rouler par terre car elle avait repoussé un illustre prétendant et ami de son père. Une perspective qui devrait la remplir d’effroi, mais qui ne provoquait qu’un nouveau sourire vacillant sur ses lèvres. Elle n’avait pas menti en sous-entendant que l’air qu’avait tiré Michael Fraser avait été la cause de son rire. Ce mélange de stupeur, de choc et d’indignation n’avait pas de prix.
Il n’y avait rien de plus dangereux qu’un homme dont l’ego avait été blessé, mais il était également tellement satisfaisant de les remettre à leur place. Le jeune homme devait être habitué aux courbettes, et à présenter son bras à des compagnes moins difficiles que Moira. Enfin, avec des manières et des traits aussi communs, il devait avoir connu sa part de refus, mais l’hydromancienne était convaincue qu’il n’avait jamais connu un affront tel que celui-ci. S’écarter au profit d’un homme plus riche, plus influent et plus beau, pourquoi pas.
Être délaissé au seul motif que le nouvel arrivant était – vraiment beaucoup – plus attrayant mais très visiblement en-deçà de leurs positions sociales, voilà qui avait dû lui mettre un coup.
Enfin, Moira ne regrettait rien. Elle avait beau ne pas en savoir énormément au sujet du Mystique des essaims, elle savait qu’une conversation sur la poussière avec lui serait toujours tournée de manière plus intéressante qu’un dialogue sur les loisirs de Michael.
Elle était donc bien contente d’en avoir réchappé, lorsqu’Haesik décida de tout gâcher.
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Mais pour qui se prenait-il se grand dadais ? Moira se renfrogna. Oui, elle possédait de l’audace, et alors ? Elle ne voyait absolument pas en quoi cela posait problème. Cette énergie lui avait toujours permis d’obtenir ce qu’elle voulait, et cette fois-ci ne faisant pas exception. Le résultat était sans appel : Haesik avait bien répondu présent, non ? Il n’y avait en ce bas monde que les personnes prêtes à s’élancer après ce qu’elles voulaient, et les autres, trop faibles ou indécis pour tenter.
Prenant offense de cette remarque sur ce trait de caractère qui faisait sa fierté, Moira releva légèrement le nez en l’air, reprenant cet air hautain qui lui allait si bien.
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Dans un mouvement aussi agacé que dramatique, elle croisa les bras sur sa poitrine et laissant échapper une exclamation outrée.
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C’est vrai, elle aimerait bien savoir combien de fois dans l’année Haesik avait l’occasion d’aider une jolie fille comme elle – ça ne devait pas courir les rues, les princesses demandant un coup de main ? Vraiment, le toupet du Mystique des essaims la laissait pantoise. Le rendre redevable de quelque chose, elle ? Il prenait un peu trop de confiance à son goût.
Bon, il l’avait accompagnée toute une après-midi lorsqu’ils étaient gamins parce qu’elle s’ennuyait. Puis il l’avait récupérée complètement ivre en pleine rue. Et il venait de la sortir de son mauvais pas avec ce rendez-vous improvisé.
Mais quand même ! Il exagérait vraiment !
Fort heureusement pour le coréen, Dalsoon vint de nouveau à sa rescousse en mettant sa remarque sur le compte de l’humour. La bouche de Moira se transforma en petite moue boudeuse et peu convaincue. Avec toute la meilleure volonté du monde, le familier aura du mal à réparer l’impair de son humain auprès de la jeune femme.
Pour autant, la louve avait toujours trouvé grâce aux yeux de l’hydromancienne, et sans se départir de son air contrarié, Moira suivit les mouvements de l’animal d’un air attentif. Alors qu’elle fusillait Haesik du regard l’instant d’avant, ses yeux s’était radoucis en fixant Dalsoon. Elle se trouvait plus disposée à la clémence pour elle que pour ce goujat qui insinuait qu’elle pourrait lui rendre l’ascenseur.
Un goujat qui lui avait quand même rendu un fier service…
Peu importe ! Il pouvait bien faire cela pour ses beaux yeux et du fond de son petit cœur généreux, non ? Elle ignorait pourquoi elle était aussi piquée, mais son propre énervement l’étonnait. Elle se savait puérile s’accrocher à cette petite phrase, mais elle ne pouvait pas s’en empêcher.
Les expressions de Dalsoon déridèrent cependant quelque peu Moira, qui émit un reniflement amusé devant la description de Michael par le familier. Le petit « tada » expressif lui tira un léger rire, et elle acquiesça à ses derniers mots.
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Elle aurait pu continuer sur cette lancée encore un moment, si Dalsoon n’avait pas précisé qu’Haesik avait le ventre vide. Moira s’en doutait depuis qu’il avait prétendu avoir déjà déjeuné, mais n’avait pas relevé sur le coup. Cela lui importait peu à ce moment-là. Maintenant, l’idée d’avoir dévoré sa salade devant lui la rendait légèrement coupable.
Puis elle se souvenait de son outrage précédent et elle se détendit un peu.
Malgré tout, que le zoomancien puisse avoir faim était une pensée inacceptable. Enfin, elle pourrait le laisser se débrouiller, après tout, il l’avait vexée.
Mais elle avait tellement envie de son dessert depuis tout à l’heure…
Moira entendait presque la voix de Sùmaid « vraiment, tu vas réellement essayer de te convaincre que tu ne le fais que pour ça ? » Heureusement, l’hippocampe était le grand absent de cette journée, elle put donc totalement faire fi de ce genre de remarques dénuées de sens.
La jeune femme fit donc mine d’hésiter, visage toujours fermé et épaules haussées. Au bout de quelques secondes, elle offrit sa réponse en s’éloignant déjà, parlant dans sa barbe.
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Toujours grommelant, elle jeta un coup d’œil derrière elle pour s’assurer qu’il la suivait. Puis, agacée par sa démarche, l’orientation du vent, le monde, elle saisit sa manche pour le retraîner derrière elle comme tout à l’heure.
Elle avait bien pris garde de ne pas prendre sa main comme la première fois. Elle était trop fâchée pour cela. Mais Moira devait bien s’assurer qu’il soit sur ses talons pour que cela soit terminé au plus vite, n’est-ce pas ? Pas du tout parce qu’elle aimait bien l’avoir près d’elle…
L’hydromancienne commença à faire le tour des restaurants.
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Alors qu’elle éliminait en apparence les établissements sur des critères très sérieux au demeurant, Moira regardait également d’autres détails. Est-ce que le restaurant proposait des plats végétariens décents, est-ce que les prix étaient corrects…
Alors qu’elle passait en revue les cartes, Moira s’assurait qu’ils partent à l’opposé de là où elle avait laissé Michael pour éviter à tout prix de le recroiser.
Une fois arrivés devant un restaurant qui convenait plus ou moins et après avoir jeté un regard discret à Dalsoon pour essayer de déceler une approbation quelconque – elle n’allait pas non plus analyser Haesik directement, elle était plus subtile que cela – elle les assit en terrasse, lâchant sa manche un peu sèchement
Mais attendant le dernier moment.
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Toujours contrariée, Moira ne pouvait cependant s’empêcher d’aviser le zoomancien à travers ses cils. Maintenant son visage dur, elle ne résista pas à la tentation de faire la conversation.
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Un beau soleil, un restaurant correct et elle, il n’était pas trop mal logé. Et elle pourrait presque apprécier le cadre aussi…
Relâchant très légèrement sa garde, elle jeta un regard à la carte par acquis de conscience, au cas où elle changerait d’avis sur sa commande – ce qu’elle ne fera pas :
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