[Terminé] Rain inside ft. Ichabod

Comme tous les matins, Liya se lève, prépare son thé, partant se rincer et s'habiller pendant que les feuilles infusent. Aujourd'hui était un bon jour, elle avait réussi à dormir plus de trois heures, un véritable miracle pour la brune qui ne demandait que ça. Une fois propre et habillée, la demoiselle se dirige vers son canapé, vient s'asseoir près du gros chien noir qui profite encore des bras de Morphée. Tout est si calme ce matin, ça fait tellement de bien à la jeune femme, qui vient observer les lueurs arc-en-ciel projetées aux murs grâce au rayon de soleil, qui passait à travers les différents cristaux suspendus devant la fenêtre. Il lui faut quelques gorgées de sa boisson chaude pour réellement émerger, pour venir prendre un peu son agenda, pour vérifier ses rendez-vous de la journée. Elle allait être calme, une séance retouche ce matin et ensuite... Elle serait libre, ce qui lui laisserait le temps de se pencher vers quelques projets en cours. Enfin, Tiangou vient ouvrir les yeux, s'étire en baillant, avant d'aller se poser devant la porte, demandant sans un mot de sortir. Le rituel du matin était important, autant pour la sorcière que le familier, c'était des moments passés à deux, à profiter de la présence de l'autre. Alors, après avoir mis une veste et pris son sac, la demoiselle s'en va, profite de l'air frais, bien qu'elle doive rapidement mettre ses lunettes de soleil pour éviter d'être trop aveuglée par l'astre du jour.

Presque une heure plus tard, c'est coiffé et légèrement maquillée qu'elle passe la porte du salon de tatouages. Elle est la première sur les lieux et si au début, ça pouvait la déranger, maintenant, elle apprécie ce petit temps calme avant que le monde n'arrive. Nouveau thé en route, Liya part à son bureau, préparant d'avance le modèle et le stencils pour son rendez-vous. La porte s'ouvre de nouveau et la brune perçoit bien le changement d'ambiance. Ce matin ne semblait pas être bon pour tout le monde. Ses yeux viennent se poser sur son collège, Ichabod, et elle doit bien l'avouer, il a une sale tête... Mais elle ne dit rien, se contente de le saluer avec un sourire, après tout, peut-être qu'il n'avait juste pas encore assez émergé.

Seulement, l'humeur de son ami n'a pas l'air de changer tout au long de la journée. Et ça l'inquiète un peu, Liya. Certes, il n'était peut-être pas aussi jovial qu'elle où même que leur apprenti, mais tout de même, il n'était pas aussi morose, renfermé... Il y avait quelque chose qui n'allait pas, elle le savait, mais cherchait encore un moyen d'aborder le sujet, après tout, elle savait que le tatoueur n'était pas de ceux qui aimaient parler de ce qui pesait sur leurs cœurs. Finalement, elle le trouve, ce moment opportun : après avoir vérifié qu'il n'avait plus de rendez-vous en cette fin d'après-midi, Liya s'approche de son ami.

" Hey, c'était plutôt calme aujourd'hui, ça fait du bien..."

Elle commence doucement, lui offrant un petit sourire avant de prendre une petite inspiration, pour se donner du courage.

" Tu sais... Si jamais tu as besoin, qu'importe pour ce que c'est, je suis là."

Que ce soit pour parler de ce qui ne va pas, de la pluie et du beau temps, de dessins, qu'importe, Liya voulait lui faire comprendre qu'elle ne le lâcherait pas.

" Mais je ne t'oblige à rien, bien entendu !!!"

Petit élan de panique, alors que la tatoueuse se dit qu'elle se fait peut-être trop insistante, ses joues s'empourprent de gêne, alors qu'elle essaye de ralentir l'angoisse qui la traverse actuellement.

" Je vais me faire un thé." Le cinquième de la journée. " Tu veux quelque chose au passage ?"

C'était une bonne stratégie, ça, se tenter de dévier la conversation pour ne pas mettre Ichabod dans l'embarra et pour qu'elle puisse brider l'angoisse montante.

CW: état dépressif, deuil, relation familiale dysfonctionnelle

Y a les pensées d'Ichabod qui sont chaotiques. Des songes et réflexions que l'Aéromancien peine à organiser depuis quelques jours, depuis le retour de Nero. Il dort mal et peu, en repensant au passé. Mange à peine et s'enfile du café en quantités astronomiques dans le système pour continuer à tenir le choc. Ichabod s'en veut lui aussi pour certaines choses. De ne pas avoir cherché à le contacter pour lui dire qu'il était parti et que lui ne devrait surtout pas revenir, profiter qu'il y ait littéralement un océan entre lui et la famille pour faire sa vie loin d'eux. Qu'il n'avait pas besoin que son frère revienne pour supporter les parents à sa place, qu'il était en sécurité relative et que chacun devrait faire sa vie de son côté, loin des Karlsson-McGuire. Le benjamin a pu s'échapper, en claquant la porte et en envoyant quelques coups à son géniteur au passage pour la bonne mesure lors de l'ultime dispute du nouvel an 2010. Treize ans déjà qu'il est parti du manoir pour ne plus jamais y mettre les pieds, treize ans qu'il n'avait pas adressé la parole à qui que ce soit de son sang. Il n'y a plus de rancune envers Nero son aîné pourtant. Pas depuis qu'Ichabod est au courant de la vérité, plus depuis qu'il a eu le droit à une thérapie en compagnie de son exe petite amie étudiante en psychologie pour apprendre à maîtriser un minimum ses propres démons.

Mais ça n'a pas suffit pour le tatoueur. Trop de choses sont remontées d'un coup, sans prévenir pour lui. Comme un coup de poing dans le ventre qui coupe la respiration soudainement. S'il tente de garder l'équilibre difficilement depuis quelques jours, fait mine que rien n'a changé la vérité est toute autre. Il manque de patience, plus qu'à l'ordinaire. Parle moins qu'à l'accoutumée lui qui habituellement saute sur l'occasion lorsqu'on lui propose une conversation intéressante et stimulante. Ichabod qui pour oublier, s'acharne sur son travail. Comme si ça allait réellement changer quelque chose, mais au moins, en s'appliquant minutieusement, ses pensées cessent de dériver ailleurs. Se concentrer uniquement sur ses dessins et ses aiguilles l'aide à ne pas resasser.

Malheureusement pour lui, la journée est plutôt calme. Sans doute qu'il devrait se plonger dans de nouveau dessins, mais sa créativité n'est actuellement pas au meilleur. La faute encore, à toutes ces pensées qui se bousculent dès qu'il n'entend plus le vrombissement de sa machine. Alors quand Liya l'approche, avec toute la maladresse mais également la douceur dont elle est capable, Ichabod sait qu'elle ne pense pas à mal. Qu'elle veut juste aider, qu'elle sait, qu'elle a remarqué. Comme d'habitude, tous les deux savent mais n'en parlent pas. Tout les deux savent d'où l'autre vient mais n'abordent jamais réellement le sujet. Liya et ses éternelles tasses de thé, l'Aéromancien qui acquiesce en prenant son mug pour l'accompagner dans la cuisine du Shop.

« Un café pour moi. » Le septième de sa journée.

Ichabod appuyé contre le plan de travail tandisque l'eau prend son temps pour chauffer, cherche comment aborder la chose. Elle veut aider, il le sait, il lui en est reconnaissant. Mais ne sait pas comment l'exprimer ni même par où commencer.

« J'aimerai avoir ton avis d'experte après si tu veux bien. J'ai dessiné un coquelicot, les fleurs c'est ta spécialité et pas la mienne. »

A l'évidence, lui qui est l'inverse d'une personne ayant la main verte.

« C'est juste un projet perso. »

Un truc qu'il ne tatoueras probablement jamais sur personne, qu'il ne proposeras pas non plus en flash tant la signification de cette simple petite fleur rouge est lourde de sens pour lui. Et pour Nero. Et pour Aurelius bien qu'il ne soit plus de ce monde. Le dernier lien unissant les trois frères Karlsson. Une putain de fleur qu'il ferait crever en moins de deux s'il l'avait dans un pot près de lui.

CW: mention d'état dépressif, de deuil, de mort.

Elle espère, tout au fond, ne pas avoir dépassé la limite, ne pas avoir braqué, froissé Ichabod. Après tout, lui qui se démène pour paraitre comme à son habitude, peut-être qu'il serait piqué au vif de savoir qu'elle a pu desceller les quelques détails qui mettent la puce à l'oreille, qui interroge. Liya tente donc une pirouette, amène un autre sujet, pour ne pas le mettre au pied du mur, si son ami voulait parler de ce qui n'allait pas, il le ferait, c'était son choix, bon, sauf si ça commençait à devenir extrêmement grave, mais il allait plus ou moins pour l'instant, n'est-ce pas ? La tatoueuse offre un sourire à l'homme devant elle, quand il prononce le mot café, elle n'allait pas relever le nombre de mug qu'il avait ingurgité, après tout, elle n'était pas mieux, mais force était de constater que les cernes présentes et la quantité de caféine ingurgitées venaient hurler que quelque chose n'allait pas. Mais elle n'irait pas lui sortir les vers du nez, du moins pas pour le moment.

Arrivée dans la cuisine, l'oniromancienne vient lancer les différentes machines qu'il faut pour concocter les boissons chaudes, s'applique à faire le meilleur café possible pour le torturé du jour. Elle feinte, fait comme si tout allait bien, même si elle s'inquiète, forcément. Après tout, le tatoueur ne semblait pas avoir envie d'en parler, ou juste il ne savait pas comment le faire. Alors, pour tenter de lui donner un semblant de stabilité, elle agit comme d'habitude, ou presque.

L'aéromancien vient reprendre la parole, lui demande si elle pouvait lui donner son avis, directement, les yeux de la femme pétille, après tout, on parlait de tatouage, de fleurs, c'est tout ce qu'elle aimait, encore plus quand elle avait ce genre de discussion avec les personnes qu'elle appréciait. Liya allait lui demander, si c'était pour la rejoindre dans sa quête de décoration florale du salon, mais rattrape ses mots aux derniers moments, quand Ichabod lui annonce qu'il s'agissait d'un projet perso. Était-ce là une façon pour lui de commencer à parler de ce qui le tracasse ?

" Bien sûr ! Promis, je ne serais pas trop intransigeante. "

Un petit rire s'échappe de ses lèvres, alors qu'elle termine enfin le café, qu'elle verse dans le mug avant de le tendre à son ami, repartant à l'assaut de sa tasse de thé, alors que quelque chose lui percute l'esprit. Est-ce que ce coquelicot avait une signification en particulier pour lui ? De toute évidence oui .... Mais est-ce que c'était raccord avec la symbolique de cette fleur : paix, mort, perte, repos, sacrifice ? "ressaisis toi, Liya, pas de conclusions hâtives." Vient raisonner dans son esprit alors qu'elle se met une petite claque mentale, essaye de sortir ces significations de son crâne.

" Si c'est bon pour toi, c'est bon pour moi ! Je te suis pour admirer ta dernière œuvre."

Qu'elle finit par dire, en retrouvant son sourire tout en prenant sa tasse fumante dans ses mains, attendant le feu vert pour, peut-être, toucher du doigt la détresse du tatoueur.

CW: état dépressif, deuil, relation familiale dysfonctionnelle

Dans la vie, Ichabod fait partie de ces personnes qui s'intéressent à tout et à rien à la fois. Si sa passion primaire reste bel et bien le dessin, que ça n'a jamais changé depuis qu'il a commencé à gribouiller en étant enfant... Ses intérêts n'ont fait que se diversifier. Il suffit que quelque chose saches capturer sa curiosité. Les fleurs, il ne s'y connaît pas vraiment. Parce qu'il est juste bon à les faire mourir. Tout ce qu'il sait c'est qu'il ne faut surtout pas offrir des roses jaunes à sa petite copine pour éviter un drame et un scandale. Il remerciera toujours ce fleuriste de l'Edimbourg humain de l'avoir mis en garde à ce sujet il y a quelques années lorsqu'il était étudiant en architecture. Parce qu'il voulait être un peu romantique, prendre des roses jaunes pour changer, faire preuve d'originalité et rappeler la couleur de la robe de sa copine à leur premier date. Comme quoi. Même avec toutes les bonnes intentions du monde, on peut parfois merder sévèrement et ce fleuriste sans le savoir a surement sauvé sa relation avec cette fille à l'époque.

« C'est gentil. »

Il n'a plus vraiment l'habitude de dessiner des sujets végétaux Ichabod. S'il avait parfois des devoirs à l'académie qui lui demandaient de le faire, que ce soit en cours d'art plastique ou au sein du club d'arts, il n'en a pas refait depuis des années. Parfois quelques détails sur des bâtiments lorsqu'un.e client.e lui demande. S'il y a un jardin au premier plan, de la mousse sur les pierres. Ces détails aux quels iels peuvent tenir si le tatouage a une symbolique particulière autre que l'esthétique. On pourrait croire qu'en tatouant surtout de l'architecture, les client.e.s d'Ichabod n'ont en tête que l'esthétique. Si c'est vrai neuf fois sur dix, il arrive parfois que ce soit plus personnel. La maison de l'enfance, une vue partagée, un souvenir de voyage heureux, quelque chose qui vient d'un film ou d'un livre apprécié... les raisons sont diverses et variées.

Son mug de café à la main, le voilà qui se dirige en compagnie de Liya à son bureau. Il en ouvre le tiroir, Ichabod qui est en réalité un homme relativement organisé. Qui aime ranger un minimum pour ne pas risquer de se perdre. Il en sort son carnet, lui préfère travailler à l'ancienne parfois sur papier plutôt que sur tablette en fonction des sujets. Si ses crayons de couleur traînent encore, lui qui normalement ne tatoue quasiment jamais autre chose que du noir qu'il trouve plus élégant pour sublimer ses dessins, le reste est à peu près ordonné. Le paquet de clopes et le briquet nettement empilés sur le coin supérieur gauche, son petit dessous de verre à côté et sa tablette sur la table avec le stylet à côté. Il y a aussi inexplicablement de la peinture aquarelle qui ne semble avoir jamais été ouverte.

Tournant les pages de son carnet où il pose généralement ses idées avant de les concrétiser, où il range ses choses plus personnelles qu'il ne compte pas tatouer il retrouve le coquelicot et le tend à l'oniromancienne. Sans doute qu'il ne pourras pas vraiment expliquer pourquoi ça compte autant pour lui, pour Nero. Sans doute qu'il est un peu trop pudique sur sa vie et sur son passé pour avouer que lors de leur enfance ils allaient tous les trois s'amuser dans les champs de coquelicots de green banks. Que c'est l'un de leurs seul souvenirs heureux. Que c'est le seul geste que Nero s'autorise après toutes ces années : déposer une seule et unique fleur rouge sur la tombe de leur frère en souvenir de ces instants d'insouciance.

CW: mention d'état dépressif, de deuil, de mort.

Liya retient un peu son souffle, quand ils se mettent de route pour aller voir ce fameux projet perso, elle sent bien qu'elle risque de mettre les yeux sur quelque chose qui cache une histoire peut-être lourde de sens. Mais elle ne dit rien, ne tente même pas de jeter un coup d'œil par-dessus l'épaule du sorcier, quand il se met a feuilleté son carnet. Non, elle préfère admirer le rangement du bureau de son collègue, le jalouse presque que tout soit si bien ordonné. Elle préfère boire une petite gorgée de thé, regardant un peu autour d'elle la décoration du salon, savourant les différents goûts qui tapissent ses papilles. Elle voulait lui laisser le temps, ne pas s'introduire dans son jardin secret. Et puis finalement, la rêveuse voit un mouvement se faire du coin de l'œil, tourne la tête, pour voir ce carnet qui se tend vers elle. Avec précaution, elle pose sa tasse fumante, attrape délicatement le calepin pour enfin poser ses yeux sur le délicat tracé écarlate.

Un doux sourire se peint sur ses lèvres, alors que Liya admire cette jolie fleur. Ichabod est peut-être tout le contraire de ce qu'on appelle une main verte dans la réalité, mais dans cette dimension de papier, il est plus que doué. La brune se laisse aller à quelques rêveries, perd la notion du réel qui l'entoure, se laisse bercé par une légère brise d'été, découvrant devant elle une grande étendue de coquelicots. Ces fleurs l'ont toujours laissé admirative, si fragiles, qui, pourtant, s'élèvent toujours hors du sol, comme pour montrer au monde qu'elles aussi, peuvent lutter. Quelques minutes encore, pour profiter de ce spectacle mental, avant que la tatoueuse ne revienne doucement sur terre et finisse de tracer du regard la silhouette du végétale.

" Il est magnifique."

C'est les seuls mots qu'elle arrive à prononcer étant encore un peu entre deux mondes. Finalement, elle relève ses yeux vers son ami, se sentant extrêmement reconnaissance qu'il la laisse faire un petit pas de plus dans son monde à lui, qu'il garde secret depuis bien longtemps.

" Tu es vraiment doué avec les plantes, quand il s'agit du dessin, j'aime énormément les différentes teintes de rouge que tu as utilisé, ça lui donne un plus, ça la rend encore plus vivante. Et puis le tracé est fin, délicat, on ressent bien la fragilité de la fleur. "

CW: état dépressif, deuil, relation familiale dysfonctionnelle

« Je n'irais pas jusque là, mais c'est gentil. »

On est toujours plus dur avec soi-même qu'avec les autres. Liya aussi probablement doit se dire que parfois son dessin n'est pas aussi bien qu'il ne devrait l'être. Regrette elle aussi sans doute de ne pas avoir fait le motif autrement en le revoyant quelques mois plus tard sur la personne qui le porte. Doit se dire peut-être qu'il manque quelques points, que ce serait bienvenu d'en rajouter finalement. On a toujours peur de ne pas assez bien faire. Du moins, c'est ce qu'il pense lui. Peut-être qu'elle n'est pas comme ça, la douce Liya. Peut-être qu'elle a suffisamment confiance en elle pour ne pas sans cesse se questionner sur sa légitimité. Ichabod lui dirait quelle ne devrait pas : qu'elle est talentueuse. Qu'il aime ses jolies fleurs avec leur poésie, apprécie de voir les points minuscules finir par former une ombre, une forme, lorsqu'il regarde le résultat sur ses client.e.s. Souvent, on ne se rend pas compte de son propre talent et de sa propre valeur malheureusement. L'esprit humain est une chose étrange, jamais l'aéromancien ne prétendras en avoir percé tout les mystères parce que c'est tout bonnement impossible. Que même les plus grands scientifique du monde, qu'ils soient sorciers ou humains se demandent encore comment ça fonctionne là dedans, dans leurs petits têtes. Mais au moins, il a une vague idée et a conscience des choses. Arrive à prendre du recul, souvent à comprendre pourquoi. Dire que pour autant, Ichaod est capable de se gérer lui-même avec ses pensées... Serait un mensonge. Savoir n'est pas pouvoir.

« J'avais peur, pour les teintes de rouge justement. J'ai pas l'habitude... enfin plus l'habitude surtout des couleurs depuis l'école, alors tant mieux si elles sont bien ressorties, que ça a l'air réel. J'ai essayé différents styles de dessin pour ce coquelicot, finalement je suis parti sur du réaliste. Le reste, ça me plaisait pas vraiment. Par contre je ne savais pas vraiment si je devais faire des feuilles ou non. Le truc c'est que je me souviens pas d'en avoir vu sur les coquelicots. Sur mes références pourtant, ils en ont, mais je ne savais pas trop comment les placer. Tu sais, pour l'équilibre de la composition. »

Sans doute que le brun ne devrait pas autant se formaliser de l'équilibre, des couleurs, de la composition, de la balance... Pour un simple projet personnel. Probablement qu'il en fait un peu trop. Qu'une personne normale ne se donnerait pas autant de mal pour un gribouillage qui lui a pris plusieurs heures de travail. Mais il a besoin de rendre ça parfait. Parce qu'il n'aime pas le travail bâclé. Que dans un coin de sa tête il y a toujours la voix de la famille Karlsson lui répétant que Artiste ce n'est ni un métier, ni quelque chose de sérieux et qu'à part les grands de ce monde ça n'a rien de prestigieux. Que si l'on ne termine pas dans un musée, on a raté sa vie. Que ça ne rapporte pas assez d'argent. Que de toute manière : Tu es un Karlsson Ichabod, nous ne sommes pas des artistes. Que sa voie à lui, d'après sa famille était probablement en politique, que s'il était resté on l'aurait poussé vers une place au sein du coven des enfants des vents. Qu'avec son don naturel pour l'élocution, on l'aurait même encouragé plus que ses autres frères à devenir orateur suprême ou conseiller.

Mais il ne l'a jamais voulu. N'a jamais accepté qu'on réduise ainsi l'art et la créativité. Un frisson d'effroi le parcours, son ventre se noue en repensant à la famille qu'il a laissé derrière lui. Au moins en plein mois de Novembre, si Liya pose une question sur la chaire de poule qui recouvre ses bras, il pourra prétendre qu'il a un peu froid.

CW: mention d'état dépressif, de deuil, de mort.

La tatoueuse ne peut pas s'empêcher de regarder son collègue, un peu désespérée à cause de ce qu'il disait, si, elle irait jusque là, après tout, c'était la pro des fleurs dans ce shop, non ? Alors, si elle disait que c'était magnifique, ça l'était et puis c'était tout. " Tu pourrais balayer devant ta porte avant de parler, Liya." Petite claque mentale pour lui rappeler qu'elle n'était parfois pas mieux qu'Ichabod, à douter d'elle, pour des millier des choses, mais surtout pour le tatouage, après tout, tracer parfaitement ce que quelqu'un a en tête, c'était toujours difficile et même si elle avait relativement confiance en elle, il y avait toujours cette petite voix au fond d'elle qui lui murmure que ce n'est pas assez. Son regard revient finalement sur le dessin, alors que le brun reprend la parole, Liya hoche parfois la tête, pour lui montrer qu'elle l'écoute, comprend le fait d'avoir essayé plusieurs styles, avant de se lancer dans celui-ci, le fait que le sorcier avait peur, pour la couleur, c'est vrai qu'il n'en fait plus vraiment. Et puis la sorcière se met à réfléchir, à cette histoire de feuilles.

" Souvent on ne les voit pas vraiment parce qu'elles sont vraiment en bas de la tige, elles se fondent souvent dans les herbes hautes du coup ! "

Liya tourne un peu la tête, le carnet, avant d'aller chercher une feuille, reproduisant rapidement la fleur de manière schématique, il était hors de questions qu'elle vienne poser ses idées de feuillage sur le dessin original, après tout, c'était celui de l'aéromancien.

" Du coup, du moment que tu pars de la base de ta tige ou un peu au-dessus, tu peux en faire un peu ce que tu veux, selon le moment que tu veux donner aussi ... Pour l'équilibre, je te conseillerais plutôt de partir sur deux voir trois feuilles, elles sont assez fines, donc ça n'ira pas alourdir ton dessin. Attentions à ne pas trop remonter aussi, la base de tes feuilles, sinon, il faudrait que tu rajoutes une nouvelle tige et donc que ton coquelicot ne soit plus tout seul, qu'il y ait un bourgeon au minimum et ça n'a pas l'air d'être ton idée et puis même je pense que ça viendrait faire de l'ombre à ta fleur en elle-même. Ensuite, pour la longueur des feuilles, ça dépend vraiment de ton appréciation, tu peux donner un petit côté asymétrique, ce qui rend un dessin plus vivant que si tout était au même niveau. "

Et pendant son explication, l'oniromancienne apporte quelques tracés à son dessin, pour montrer concrètement ce que ses idées pourraient donner, les montrant ensuite à Ichabod. Elle est assez satisfaite du résultat, ce n'est qu'un brouillon de brouillon, c'est très schématisé, certes, mais ça permet de voir ce qui est possible de faire, tout en restant joli. Un petit coup d'œil à son ami et Liya se demande, si elle ose ou pas... Il lui faut quelques secondes encore pour finalement se lancer, avec une petite voix.

" Dis... Je peux te poser une question ?"

CW: état dépressif, deuil, relation familiale dysfonctionnelle

Parler de son dessin en compagnie de Liya lui fait du bien. Elle qui s'y connait bien en végétaux lui apporte quelques informations supplémentaires sur la fleur en question. Les feuilles sont cachées dans les hautes herbes, c'est pour ça qu'il n'en a pas souvenir. Ou bien, parce que ça fait trop longtemps que l'enfance et ses jours heureux sont derrière lui. Si c'était plutôt Nero et Aurelius qui couraient dans les champs de coquelicots, que lui préférait grimper aux arbres, il n'empêche qu'ils étaient heureux à cette époque. Lorsqu'ils étaient encore trois frères, avant qu'ils n'en soient plus que deux.

Sa collègue s'applique ensuite à lui faire un croquis rapide, tout en lui donnant son avis sur l'équilibre et la composition. D'un œil avisé, Ichabod écoute et observe ses explications et ses traits. Souffle sur son café en buvant ses paroles avant de se délecter d'une gorgée amère pour le tenir éveillé et fonctionnel.

« Tu as raison pour l'asymétrie. La nature, elle est bien faite mais elle n'est jamais parfaite. »

Lui qui dessine beaucoup de bâtiments n'a pas l'habitude des imperfections. Même les pierres émoussées ou les murs dégringolants de certains dessins se doivent d'avoir un sens, d'avoir une logique, un angle et une courbe définis. Il n'y a pas de place pour l'erreur et l'improvisation en architecture. Le bâtiment ne tiendrais pas debout si c'était le cas. Quand les dessins sont plus fantastiques, pour représenter une structure imaginaire, là aussi Ichabod réfléchit longuement. Trace sa grille pour aligner parfaitement les éléments, rendre la construction cohérente bien qu'elle soit parfois surréaliste. Il en est de même pour les lettrages qu'il apprécie, la calligraphie est un art précis, où chaque ligne compte. Chaque arabesque savamment réfléchie pour ne pas laisser place à l'improvisation, rendre le tout cohérent. Alors que l'imperfection d'une feuille, aussi étrange soit elle pour lui, fait parfaitement sens pour que la nature soit représentée au mieux. C'est contre la nature et la logique du tatoueur trop habitué à la rigidité des pierres, mais il comprend maintenant d'où venait son blocage créatif pour terminer ce coquelicot. Il avait besoin d'un avis extérieur, de la vision de Liya plus souple que la sienne.

« Pour le bourgeon tu as bien compris. C'était pas forcément mon plan de base, mais d'en parler... Peut-être que ça va se transformer en bouquet cette affaire. »

Tout est parti de l'unique fleur rouge et fragile sur la stèle d'Aurelius. Un signe que Nero était venu lui rendre visite. Le souvenir non pas d'un frère, mais de deux qu'il a perdu. L'un tragiquement, l'autre de façon regrettable. Si l'aéromancien a retrouvé son aîné il y a peu grâce à cette fleur, Ichabod ne peut s'empêcher de penser que ce sont les ancêtres et les esprits qui lui envoient un signe. Sans doute même que c'est Aurelius qui les pousse à se retrouver maintenant. Tout aurait pu d'arrêter là : il aurait rendu visite à la tombe de son frère pour déposer un bouquet, constaté la fleur laissée par Nero et rester perturbé jusqu'à réussir à passer outre. Il voulait exorciser ses propres pensées en dessinant un coquelicot, et Nero est arrivé soudainement. Un hasard ? Sans doute pas. Heureux ? Peut-être. Il est trop tôt pour le dire. Mais avec l'avis de l'oniromancienne, il songe désormais à en faire trois, des coquelicots.

Sa gorgée de café lui procure un nouveau frisson. Ce n'est pas forcément dû à l'amertume de la boisson, qui n'a reçu ni sucre ni lait pour rester noir. Mais plutôt aux paroles de Liya.

« Oui, toujours. »

Non, en réalité il n'a pas vraiment envie de savoir ce qu'elle compte lui demander. Mais Ichabod est très doué pour ne rien laisser paraître. Du moins, c'est ce qu'il pense.

CW: mention d'état dépressif, de deuil, de mort.

Pendant quelques instants, la brune oublie un peu que son ami ne va pas bien, oublie la possible symbolique derrière cette petite fleur, elle se laisse complètement portée par ses idées qui fusent, par ses tracés sur lesquels elle tente de se concentrer, sans en faire trop. Un sourire étire de nouveau ses lèvres, quand Ichabod vient parler de l'imperfection de la nature et elle ne peut qu'être d'accord avec lui.

" C'est ce qui la rend incroyable."

Bien qu'il y ait certaines structures dites "parfaites" dans le règne animal ou végétal, il y avait toujours un moment où rien n'était droit, ni parfait, c'était peut-être ça qui plaisait à Liya tout au fond, mise à part les couleurs, les senteurs qu'elle pouvait y retrouver. Et puis la sorcière redevient sérieuse, quand on revient plus précisément sur le dessin, l'aéromancien vient lui dire qu'elle avait deviné, pour le bourgeon, que ce n'était pas son plan de base, mais que de venir en parler lui donnait de nouvelles pistes, ce qui n'était pas une mauvaise chose, au final.

" Ravie de pouvoir t'aider ! Et puis, il faut savoir se laisser porter par les élans créatifs parfois."

Pourtant, l'oniromancienne ne peut s'empêcher de se demander si ce dessin n'était pas lié au mauvais état de l'autre tatoueur, si les symbolique qu'elle voyait derrière étaient réelles ou non, si elle pouvait l'aider d'une manière ou d'une autre. Liya hésite, tente de se raisonner, de ne pas vouloir s'imposer pus dans le jardin secret de son ami, mais ça l'inquiète, ça lui fait peur, de le voir comme ça. Elle finit tout de même par poser la question, celle d'en poser une autre et presque instantanément, elle se maudit intérieurement, il allait falloir que Liya arrête de mettre son nez partout. Mais Ichabod vient lui répondre qu'elle peut, la replongeant dans tout un flot de questions, sur commet elle allait lui poser la question qui lui brûlait tant les lèvres depuis que ses yeux s'étaient posés sur le coquelicot.

" Est-ce que tu connais les symboliques de cette fleur ? "
" Est-ce qu'une date en particulier approche, pour que cette fleur ressorte ?  "
" Est-ce que quelqu'un de ton entourage aimait cette fleur ? "
" Est-ce que je dois te présenter mes condoléances ? "
" Quelqu'un s'est sacrifié ?"
" Est-ce que tu vas bien ? Réellement ?  "


Mais c'était idiot, de partir directement sur des pistes liées au tragique, après tout, il y en avait tellement d'autres plus jolies... Pourtant, Liya n'arrive pas à se sortir de l'esprit que même si cette fleur était peut-être synonyme de joie avant, aujourd'hui, ça ne l'était plus, c'était logique, vu l'état de l'homme près d'elle.

"Est-ce que..."

La tatoueuse tourne la tête vers son ami, pour l'observer une dernière fois avant de peut-être briser le faible équilibre qu'il y avait en lui, mais elle devait lui demander, elle devait savoir, pour pouvoir l'aider ou au moins le soutenir s'il était d'accord avec ça.

" Est-ce que ce projet à un rapport avec ton état actuel ? "

Cette question était extrêmement nulle, vraiment, Liya aurait pu mieux faire, mais elle n'avait rien trouvé de mieux, de moins intrusif, malheureusement.

CW: état dépressif, deuil, relation familiale dysfonctionnelle
Ton état actuel ? Merde. Le sang d'Ichabod qui se glace soudainement. Gorgée de café et regard fuyant, l'Aéromancien hausse les épaules à cette question. Il la craignais. S'attendait à ça mais aussi à pire. Ainsi il est silencieusement reconnaissant que Liya n'ait pas totalement mis les pieds dans le plat. Qu'elle essaye au moins, d'être un peu délicate. Mais elle a remarqué. Est-ce la seule ? Peut-être que oui, peut-être que non. En tout cas aucun.e de leurs autres collègues ne lui a fait la moindre réflexion. C'est vrai qu'il a l'air fatigué. Qu'il est un peu irritable. Il s'efforce à rester poli, à ne pas devenir mauvais pour autant. Mais tout l'agace plus rapidement qu'en temps normal.

Il vide sa tasse. Attrape sa veste en cuir sur le dossier de la chaise et son paquet de clopes. Liya et lui ont terminé tôt aujourd'hui, le sujet deviens personnel et il n'a pas envie que tout le monde soit au courant de ce qu'il se passe dans sa vie. Si pour le moment tout le monde est dans l'espace dédié au tatouage, qu'il n'y a personne dans le petit salon d'accueil du shop ça ne saurait tarder. Un.e client.e qui débarque pour discuter d'un projet, quelqu'un qui termine son tatouage ou qui prend une pause clope dans la séance un peu longuette pour permettre soit aux mains de se reposer pour l'artiste, soit d'avoir une petite pause dans la douleur si la zone est difficile. Hum, il n'est sans doute pas bon de rester ici si le sujet devient personnel. Ichabod si sans trop demander son avis à Liya fait de grands gestes pour dire au revoir de loin, sachant bien que ça ne sert à rien de trop crier, que sa voix ne passera pas forcément au dessus du vrombissement des machines.

« Y a un salon de thé dans la rue d'à côté. ça te changeras des p'tits sachets du salon. »

Et il a besoin d'une clope avec tout ça. L'Aéromancien qui se jette presque dehors, allume son bâton de nicotine devant le shop en attendant qu'elle arrive elle aussi. Le temps qu'elle récupère ses clics et ses claques, dise au revoir à tout le monde. Comment aborder le sujet ? C'est trop vaste, trop compliqué, trop personnel aussi. Mais au moins, l'air frais qui lui mord la peau lui remet les idées en place. Dissipe la sensation de malaise qu'il commençait à ressentir enfermé entre quatre murs. S'il y voit plus clair, ses pensées sont elles aussi plus organisées.

Quand son amie arrive, il s'explique donc :

« C'est très personnel, j'ai pas envie que les autres sachent. Le salon de thé, c'est mieux, puis on en profiteras pour manger des scones en même temps. »

A chaque fois qu'il est passé devant -puisqu'il n'y a jamais mis un pied- il y a surtout vu des personnes âgées, des familles ou des femmes discutant entre elles. Liya et lui n'ont pas la dégaine des clients types de ce genre d'établissement, mais qu'importe. Il s'y connaît assez en thé pour savoir quoi choisir, connaître l'étiquette typiquement britannique qui accompagne le tea time. Un regard sur son portable lui indique d'ailleurs qu'ils sont en plein dans la bonne tranche horaire. Au fond de lui, même s'ils n'en ont jamais parlé clairement tous les deux, Ichabod sait qu'elle aussi doit probablement être au courant de l'étiquette. Parce qu'il y a des signes qui ne trompent pas. Que bien trop souvent, il se voit un peu en elle.

« On pourras toujours laisser une carte du shop au comptoir s'ils sont gentils. Comme ça on va tatouer les p'tites mamies de Leith. »

CW: mention d'état dépressif, de deuil, de mort.

Le silence qui règne ensuite fait dire à Liya qu'elle avait été trop loin dans ces questions, qu'elle aurait peut-être du faire machine arrière, lui dire qu'elle avait finalement oublié ce qu'elle voulait dire. Mais maintenant, c'était fait, alors il n'y a plus qu'à attendre de voir si Ichabod l'envoie bouler, s'énerve ou vient répondre à sa question. D'un petit coup d'œil, la brune perçoit bien l'état du tatoueur, qui vient hausser les épaules en signe de réponse, elle n'aurait pas d'autres indices, n'est-ce pas ? Et puis, l'aéromancien vient finir sa tasse d'une traite, attrape sa veste, son paquet de cigarettes. Ok, il s'enfuyait. Elle avait été trop maladroite, trop persistante. Liya s'en veut, au fond, vient se mordre l'intérieur de sa joue pour éviter de laisser la culpabilité l'envahir, c'est qu'elle ne comprend pas trop où son collègue veut en venir, elle comprend juste qu'il a peut-être besoin d'être seul.

Ce n'est que lorsqu'il lui parle d'un salon de thé, que la sorcière comprend enfin, il n'était pas fermé à la discussion, juste, il ne voulait pas que des oreilles d'autres personnes perçoivent la conversation, ce qui était tout à fait logique, en fait. Alors, elle répond par un petit hochement de tête, venant vite chercher ses affaires, oubliant totalement sa tasse de thé tant elle est centrée sur Ichabod et son mal-être. Manteau sur le dos, écharpe autour du coup, Liya vient saluer les différents tatoueur.euses du shop, mais également aux personnes se faisant tatouer avant de rejoindre l'extérieur, laissant un petit frisson la parcourir alors que le froid l'enveloppe d'un coup.

" Je comprends totalement, je n'y ai pas pensé plutôt, désolé ! Et c'est vrai que des scones, c'est toujours une bonne idée."

La sorcière vient lui sourire doucement alors qu'elle enfourne ses mans dans ses poches, pour les protéger du froid alors qu'elle accompagne son ami jusqu'au salon de thé, ne pouvant s'empêcher de rire en entendant Ichabod parler des petites mamies qui pourraient venir se faire tatouer.

" Mais tu as totalement raison ! Je suis certaine que si on avait quelques flashs de tasses à thé hyper raffinées, les petites vielles se bousculeraient au shop pour se les faire encrer !"

Ça lui fait du bien, de retrouver un peu de légèreté après un début de conversation assez pénible. Et elle reviendrait forcément, c'est vrai, mais avoir ce petit instant d'insouciance ne pouvait qu'aider Liya, à sentir son cœur plus léger. Lorsqu'ils arrivent enfin devant l'établissement, l'oniromancienne attend que l'autre sorcier termine sa cigarette pour enfin rentrer dans le salon. Forcément, ils font mouche, la jeune femme sent bien quelques regards se poser sur eux, mais elle s'en fiche complètement, préférant garder un petit sourire de convenance avant de demander une table pour deux, quand l'une des serveuses vient les accueillir. On les mène alors a un endroit un peu caché, surement pour ne pas effrayer les autres client.es, mais ça, ce n'était pas grave, au contraire, ça allait grandement les arranger, au vu du sujet de conversation qui se profilait.

" Une amie est déjà venu ici pour prendre le thé, elle m'en a dit que du bien, à défaut d'avoir une conversation agréable, nos estomacs seront heureux. "

Oh les vilaines habitudes d'un autre temps qui reviennent au galop, Liya ne peut pas s'empêcher de rire intérieurement, tout en se détestant, en se rendant compte du ton et de la manière qu'elle a de parler depuis qu'elle est rentrée ici et même si elle ne dit rien, ça l'agace, de voir qu'il n'a fallut que quelques secondes pour que tout ce qu'on lui a inculqué revienne d'un coup, sans qu'elle ne soit obligée de forcer, même si pour le coup, ça peut aider dans bien des situations, la sorcière s'attendait à avoir besoin d'un petit temps d'adaptation.

CW: état dépressif, deuil, relation familiale dysfonctionnelle
Les habitudes de Liya qui sans crier garde reviennent. Celles d'Ichabod tout aussi rapidement. Le voilà qui s'empresse de lui tirer la chaise pour qu'elle s'y installe. Dos au mur, comme l'exige les convenances pour que la dame se sente en sécurité.

« L'endroit semble charmant, est-ce que la table te conviens ? »

Toujours s'assurer qu'elle est satisfaite et demander un changement le cas échéant. C'est qu'on a appris les bonnes manières à Ichabod et aux autres fils Karlsson. Une étiquette qui semble désuète, qui l'est aussi. Surtout quand lui comme elle semblent avoir claqué la porte sans crier gare, sans avoir l'intention de se retourner pour rentrer un jour. Partir pour leur liberté. L'Aéromancien un peu gêné que les réflexes soient revenus si vite, se râcle la gorge et s'installe à son tour en ayant l'estomac noué. Oh, au moins, ses copines n'ont jamais eu à se plaindre de lui sur ce point. Ichabod a les manières d'un homme dans un vieux film en noir et blanc des années cinquante quand il est question de parler à une personne du sexe opposé. S'il a essayé de se déconstruire le plus possible, certains choses sont restées. Pour Liya comme pour lui.

Comme pour contraster, il se force à commettre un impair d'étiquette et à retirer sa veste lors du thé. S'il n'est normalement pas censé porter un blouson de cuir mais une veste de costume, qu'importe. Normalement, il devrait la garder et ne la retirer que si sa partenaire a froid pour lui proposer de se couvrir avec. Mais ce n'est pas un rendez vous galant. Liya est une collègue, dans l'esprit d'Ichabod, il n'envisage pas une relation autre que professionnelle avec la jeune Oniromancienne. L'Aéromancien lui s'efforce de ne pas passer la commande pour eux, alors qu'il le devrait. Parler pour elle, afin qu'elle ne soit pas embêtée et puisse simplement profiter du moment. Des règles qui sont vraiment passées aujourd'hui, à une époque où des femmes vont manifester pour avoir le droit à la parole et de pas dépendre des hommes. Il en a conscience. Ne comprend pas nécessairement tout, n'y voit pas le mal personnellement, mais s'efforce de ne pas les vexer si elles y tiennent. Lui aussi commande un thé earl grey, un classique, en compagnie des scones. On ne peut pas commettre d'impair de savoir vivre en prenant le thé le plus populaire. Oh, il sait bien que normalement, ils auraient du commander trois sortes d'encas pour faire les choses dans les règles. Commencer par les petits sandwichs, les scones ensuite puis les desserts. Dans cet ordre. En deux ou trois bouchées pour les premiers, et avant de boire le thé. Ichabod qui grimace et secoue la tête pour sortir ces idées de sa tête. Ne plus trop y penser. Mais cet endroit fait ressortir ce qu'il considère de pire en lui. Pas que ce soit un défaut, d'avoir reçu une éducation propre à la haute société. Mais s'appeler Karlsson est un défaut pour lui.

Une fois le thé servi et amené avec les scones, il remercie poliment la serveuse d'un sourire, avant de remonter ses manche. Il tente de paraître détendu, mais ne l'est pas. Pourtant, s'il a amené Liya ici... C'est pour se convaincre lui-même qu'il parlerait plus librement dans un endroit neutre. Il en a besoin, de s'enlever ce poids. Sa collègue est une personne agréable, n'a jamais été mauvaise, lui a toujours proposé son aide. Sans doute qu'elle est la meilleure candidate, pour savoir ce qui ne va pas. Tout. Rien ne va. Mais c'est trop d'un coup.

« Le coquelicot, c'est un projet personnel parce que... Je ne sais pas trop par où commencer. Dans ma famille, on est trois fils très proches en âge les uns des autres. Je suis le plus jeune. J'ai encore un frère aîné, mais celui du milieu est décédé quand on était assez jeunes. Un accident, on va dire, pour simplifier l'histoire et ne pas rentrer dans des détails trop sinistres. Quand on était encore tous les trois, on allait souvent jouer et courir dans les champs de coquelicots à Green banks. C'est pour ça. »

CW: mention d'état dépressif, de deuil, de mort.

Bien sûr, elle n'est pas la seule à retrouver cette partie d'elle-même. Ichabod semble, lui aussi, retrouver en un claquement de doigts, des manières, des comportements d'un autre temps. La chaise est tirée pour qu'elle puisse s'asseoir, se sentir en sécurité. Il n'y a pas à dire, s'ils étaient restés dans leurs petites cages dorés, Ichabod aurait fait un malheur, car toutes les femmes des sphères supérieures auraient remarqué et vanté ces petites attentions jusqu'à la fin des temps. Pour autant, c'était de l'histoire ancienne et la sorcière retient un petit rire en entendant le raclement de gorge, ils étaient deux à être mal à l'aise et ça rassure grandement la brune, qui enlève alors son manteau et son écharpe, si le premier vêtement est posé assez délicatement, précieusement, l'écharpe, elle, n'échappe pas à l'impulsion de l'oniromancienne et se retrouve fourrée de manière très peu esthétique dans une des grandes poches de la veste.   Quelle rébellion, vraiment, c'est incroyable, Liya.

Pour continuer sur sa lancée, Liya vient passer commande, parle en première, alors qu'elle aurait dû attendre que son ami le fasse pour elle, mais franchement, c'était une pratique ridicule et puis, de toute façon, ils n'étaient pas en date ou en quelque chose qui s'en rapprochait, alors elle allait encore moins écouter les grandes règles de galanteries, non, certainement pas, ils étaient là pour parler sujet dramatique, santé mentale, très probablement, pas pour minauder dans une parodie ratée de ce qu'aurait pu être leurs vies s'ils étaient comme "les autres". pourtant, son choix de boisson reste classique, un Russian Earl Grey. Et puis des scones, bien évidemment, maintenant que le tatoueur en avait parlé, elle ne pensait qu'à ça.

Le moment fatidique finit par arriver, alors qu'on leurs amène leurs commandes. L'aéromancien prend la parole, la jeune femme se tait donc, se contente de remuer sa cuillère dans sa tasse sans en bruit. Elle s'attendait à ce que ça prenne un peu plus de temps, que son ami cherche un peu plus ses mots, qu'il se retienne peut-être de dire certaine chose, hésite, mais non, le voici lancé, lui révélant alors l'objet de ses tourments. La tatoueuse se stoppe un peu, regardant Ichabod, il y avait donc bien eu une tragédie.

" Je vois... Dans un sens, ça rappelle de bon souvenirs, mais ils restent un peu amer..."

Enfin, c'était comme ça qu'elle le percevait, parce que c'était comme ça que Liya le ressentait quand elle repensait à sa mère, partie bien trop tôt. Ce n'était pas un accident, comme pour le frère d'Ichabod, mais le résultat était le même : un être n'était plus et manquerait de manière permanente.

" Et j'imagine qu'on arrive à cette fameuse période de l'accident, du coup, si ça te travaille autant. "

Mais en même temps, quelque chose cloche, la brune à l'impression qu'il y a plus, après tout, elle ne l'avait jamais vu comme ça, les fois précédentes, a moins qu'elle ne s'en était pas vraiment rendu compte ? Non, c'était étrange tout de même... Il y avait autre chose, derrière tout ça, elle le sentait.

CW: état dépressif, deuil, relation familiale dysfonctionnelle

Liya qui comme d'habitude semble comprendre ce qu'Ichabod raconte. L'Aéromancien a toujours été déconcerté par la jeune femme d'une certaine manière. Parce que ses paroles ne semblent pas l'impacter autant qu'elles peuvent le faire avec les autres. Lui qui a la langue bien pendue, maîtrise spécifiquement bien l'art de la parole au sein de sa magie... Elle ne semble pas y être spécifiquement sensible. Ou tout du moins, Liya sait toujours lire entre les lignes avec lui, comprendre les intonations qui tentent de masquer certaines choses. Elle maîtresse des illusions ne se laisse pas berner.

« Non, pas du tout, c'était en été. »

Rien à voir pour le coup, avec l'automne. Si la saison est mélancolique ce n'est pas exactement ça non plus. En regardant sa tasse de earl grey, anglais pour lui contrairement à sa collègue ayant pris du russian earl grey, il regrette soudainement de ne pas lui avoir proposé d'aller discuter dans un bar pour avoir quelque chose de plus fort sous le nez. Mais ça aussi, il doit arrêter Ichabod. Parce que ça ne mène à rien de bon. Si ça a fonctionné avec Nero, parce qu'ils leur fallait du whisky à tous les deux pour réellement réussir à s'ouvrir et passer outre leur passif, avec Liya, il n'y a pas besoin d'avoir un coup dans le nez.

« Mais c'est la période de la célébration des ancêtres je pense. »

Ou pour être honnête, le message clair laissé par Nero sur la stèle de leur frère, avant qu'il ne revienne dans sa vie. Le tatoueur qui prêche à qui veut bien l'entendre qu'il place l'honnêteté au dessus de tout ne dit pourtant pas tout. Sans doute qu'il devrait commencer par suivre ses propres conseils. Soupir retenu, à se noyer dans sa tasse de thé, jouant un peu avec la petite assiette une fois la tasse reposée proprement. ça non plus ce n'est pas poli, mais au diable les manières en cet instant.

« Mon frère aîné a laissé un coquelicot sur la tombe d'Aurelius au cimetière. On a repris contact tous les deux. On avait beaucoup de différents en grandissant, Nero et moi, après la mort de notre frère. »

Elle n'a pas besoin des détails. Ichabod n'a pas non plus envie de lui avouer que son frère a été une horrible personne durant leur adolescence. Qu'il a probablement extérioriser tout ce qu'il subissait en devenant une personne infecte s'en prenant aux lus faibles.

« Maintenant qu'on est adultes, j'ai l'impression qu'on est capables d'enfin parler honnêtement lui et moi. C'est une bonne chose, mais ça me travaille. »

Parce que même si elle ne le sait pas officiellement, Liya, elle sait tout de même de quel genre de famille il vient. Lui aussi s'en doute très fortement. Qu'elle aussi a grandi dans les mêmes sphères, avec les mêmes exigences. Parmi les gens qui pensent que leur nom les place au dessus de tout, qu'il n'y a que les apparences qui comptent plus qu'un compte en banque aux sommes indécences. Il se doute que sa collègue a elle aussi un jour claqué la porte. S'il ne sait pas ce qui l'a conduite à partir sans vraiment se retourner, il devine bien que les contacts avec les autres Kwan doivent être parfois tendus. Si tant est qu'il y en ait encore, des contacts. L'un comme l'autre semblent avoir cet accord tacite entre eux, de ne pas parler de leur passé.

CW: mention d'état dépressif, de deuil, de mort.

Petit à petit, Liya remet en place chaque pièce du puzzle qui se formait dans sa tête, à chaque nouveau détail, elle vient l'associer à un autre, essaye de savoir s'il y a quelque chose à lire entre les lignes, si on ne tente pas de la berner ou de la protéger, selon les moments. Elle s'était entraînée pendant des années après tout, depuis qu'elle était assez grande pour comprendre que sa famille n'était pas si gentille que ça, que bien souvent, on se servait de jolis mots pour envelopper une vérité, une critique, alors elle avait appris, à déceler les intentions des gens. Bien sûr, elle s'était fait avoir plusieurs fois avec Ichabod, au début, après tout, il était enfant du vent, dégageait un certain charisme, savait manier les mots, mais comme pour tous, l'oniromancienne avait fini par comprendre, apprendre, quand il mentait, quand il tentait de garder contenance. Même si, à la différence de ceux qui partageaient son nom, le Karlsson ne l'avait jamais fait dans le but de lui nuire, de lui faire du mal, renforçant ainsi le respect qu'elle avait pour lui. Et puis, il y avait bien d'autres choses aussi, dont ils ne parlaient jamais entre eux : ils venaient de milieux similaires et avaient donc certains points communs au niveau de l'éducation, de la façon de penser, de faire les choses, alors forcément, quand on se rend compte qu'un autre fait exactement comme vous pour tenter de cacher quelque chose, pour retenir ses sentiments les plus gris, on le repère tout de suite.

En été donc... Effectivement, pas du tout la même saison, il y a donc autre chose. La célébration des ancêtres ? Cela aurait pu marcher oui, dans les faits, c'était même tout à fait plausible. Liya relève, mais ne va pas chercher plus loin, se contente d'un simple " c'est vrai, c'est bientôt", avant d'aller boire une petite gorgée de thé, parce qu'elle le voit bien, tous les signes de nervosité dont fait preuve le sorcier devant elle et ce n'était absolument pas son but que de le mettre au pied du mur, de lui arracher les vers du nez. Alors, la brune cherche un sujet de conversation plus léger, quelque chose qui pourrait aider son ami à rebondir, sans trop casser la bulle autour d'eux au cas où il souhaite continuer sur cette thématique, pour ne pas qu'il ait l'impression qu'elle en a rien à faire de lui. Mais la tatoueuse n'a pas le temps d'en trouver un, parce qu'Ichabod reprend la parole.

"Oh... Je suis fille unique, j'avoue, alors je ne sais pas trop ce que ça fait, d'avoir un frère, ou même une sœur."

Liya vient reposer sa tasse, se fait plus rêveuse quelques instants, alors qu'elle se laisse imaginer quelques secondes ce que ça aurait pu donner, une enfance avec un autre enfant à ses côtés. Peut-être que tout aurait été plus facile, ou pire, peut-être qu'elle ne serait jamais partie, pour ne pas se séparer d'un possible autre comme elle. Mais la brune se reprend bien vite, ce n'était pas d'elle dont on parlait, aujourd'hui, mais bien de l'aéromancien.

" Mais j'ai toujours entendu et vu que dans les fratries, il y avait toujours des différents, plus ou moins lourds. Quand on est enfant, on ne se rend pas forcément compte de certaine chose, alors qu'une fois adulte, ce n'est pas la même chose, ton regard change."

Encore plus quand on vit des évènements aussi tragiques, si jeune.

" Et j'imagine bien que ça te travaille, du coup, c'est vraiment une bonne chose si vous arrivez à parler de tout ça mais... "

Mais quoi, Liya ?

Est-ce que son frère est encore en contact avec sa famille ?
Est-ce qu'il lui a demandé de revenir ?
Est-ce qu'Ichabod va quitter le shop, pour peut-être tenter de recoller les morceaux ?
Non, il ne ferait pas ça.
N'est-ce pas ?
A moins qu'il ait réussi à me duper.
De toute façon, on ne parle pas de ça, on n'a pas le droit...
Mais qu'est-ce qu'on ferait sans lui, si ça arrivait ? Qu'est-ce que je ferais, sans lui ?

Que c'est difficile, de revenir dans la réalité alors que votre esprit n'a de cesse de vous questionner, pour tenter d'avoir des réponses que, de toute évidence, nous n'avons pas. L'émotion se coince dans sa gorge, lui noue l'estomac, alors qu'elle tente de se raisonner de se reprendre. Et si un jour, on venait la trouver, elle, est-ce que j'y retournerais ?

" Mais forcément, vous remuez des choses pas forcément très plaisantes et puis, une reprise de contact, c'est toujours compliqué, je comprends mieux ton état, du coup... "

Petit rire, de nouveau, pour cacher son émotion, la sorcière vient détourner son regard de son collègue, préférant s'occuper  de son petit cake, venant le couper en deux, pour mieux le manger plus tard. Il fallait qu'elle se reprenne, qu'elle arrête de réfléchir un eu trop, sinon, c'était foutu.

CW: état dépressif, deuil, relation familiale dysfonctionnelle

« Tu sais tout maintenant. »

Du moins, Liya sait le plus important. Ce qu'il y a besoin d'avoir comme informations pour comprendre ses états d'âmes actuel, à Ichabod. Elle n'a pas besoin des détails sordides. Ils seraient de toute manière mal venus dans cette conversation informelle au salon de thé, et elle n'est pas sa thérapise. C'est qu'il se confie rarement. Préfère lire des livres depuis qu'il n'est plus avec son exe qui était à l'époque étudiante en psychologie. Elle lui a donné les bases, quand à tout juste dix neuf ans elle l'a récupéré à sa sortie de l'académie. Il a ensuite continué son propre chemin, en gardant en tête quelques règles simples. Celle de toujours se questionner pour tenter de savoir pourquoi on agit d'une façon ou d'une autre.  Celle de s'oter un poids des épaules quand on est en confiance aussi, pour se sentir plus léger après. Mais il ne veut pas peiner Liya d'une quelconque manière.

Ichabod qui l'observe longuement dans le silence par dessus sa tasse de thé. L'Aéromancien qui a cette mauvaise habitude de toujours dévisager les gens un peu trop intensément. Il sait qu'il déstabilise souvent, et détourne le regard en s'en rappelant. Ils savent. Tous les deux savent. Peut-être qu'il faudrait en parler. Faire un pas en avant, pour qu'elle aussi puisse en faire un si à son tour elle en ressent le besoin.

« Je suis parti de la maison en 2010. J'ai terminé mon année scolaire pour avoir mon diplôme, puis je suis allé à la fac de l'autre côté. Mes parents auraient voulu que je fasses de la politique. J'ai toujours été doué avec les mots, j'y aurais eu ma place. Mais je voulais dessiner moi. Alors, j'ai pris architecture à la fac. Et je ne suis jamais revenu. Je ne les ai pas revus depuis. Personne. Que ce soit mes parents ou même mon frère ou n'importe quel cousin. »

Et toi Liya ? Quand est-elle partie ? A-t-elle songé à revenir elle aussi ? Est-ce qu'elle a eu les mêmes doutes que lui ? Il espère qu'elle n'a en tout cas pas eu les mêmes peurs. Les mêmes angoisses viscérales à se demander à deux heures du matin dans son lit et s'ils me retrouvaient, qu'est-ce qu'ils feraient pour me faire rentrer dans les rangs ? Pour me faire payer d'être parti, regretté d'être né ? Lui a eu la chance de naître le dernier et d'être tout simplement ignoré. Négligence d'attention et d'affection, toujours meilleure à prendre que la violence dont son aîné a écopé. Gamin en trop dont on ne voulait pas, différent des deux premiers jusqu'à son prénom ne suivant pas la même logique que celui de ses frères. Nero et Aurelius les empereurs romains, les figures historiques que tout le monde retient. Ichabod, vieux prénom qui lorsqu'il s'est penché dessus pour en connaître la signification, a esquissé un sourire amer en apprenant qu'il voulait dire sans gloire.

Ichabod qui espère qu'elle lui parleras un peu, elle aussi. Qu'elle oseras se confier. Parce que s'il ne sait pas tout, il est au moins certain qu'elle aussi aurait sans doute besoin de vider son sac.

CW: mention d'état dépressif, de deuil, de mort.

Tout, peut-être pas, mais Liya en savait maintenant assez pour comprendre pourquoi son ami était dans cet état, qui était tout à fait légitime. À bien y réfléchir, elle serait certainement comme ça, si elle était à la place d'Ichabod, bien qu'elle ne se doute absolument pas de ce qu'il peut lui cacher encore et à vrai dire, c'était bien mieux comme ça. Il lui faut un petit temps pour se remettre de l'ouragan émotionnel qui l'avait traversé, mais le sorcier n'avait pas fini de la déstabiliser, non, il vient franchir l'un des accords silencieux qu'ils avaient passé, il y a bien longtemps, au moment où elle avait prit la voie du tatouage. Liya relève automatiquement les yeux, en l'entendant parler de son histoire, de son passé. De ce que ses parents espéraient de lui, du fait que, lui aussi, ne les avaient pas revus depuis qu'il avait claqué la porte. Elle n'y croit pas vraiment, au début, se demande si elle s'est laisser aller dans une rêverie, qu'elle a besoin de revenir sur terre et vite, mais l'air de l'aéromancien lui fait comprendre que non, tout ceci est vrai, sérieux.

Et toi, est-ce que tu es prête à lui en parler ?

Elle hésite, se demande si c'est une bonne idée, après tout, elle ne se confie très rarement sur ce genre de choses, il n'y a qu'une ou deux personnes qui sont au courant pour sa famille, mais le brun est quelqu'un de confiance, c'est vrai et il vient même d'ouvrir la conversation, car quitte à parler famille, autant le faire dans les règles. La tatoueuse vient prendre une petite inspiration, pour se donner du courage

" Je suis partie définitivement quelques années après toi, en 2014, je crois ? Le jour où j'ai eu mon diplôme, j'ai claqué la porte et suis allé de l'autre côté, pour faire des études d'art. Ils auraient préféré que je me lance dans l'entrepreneuriat, que je redore un peu leur nom, mais franchement, ce n'était pas pour moi. Et je n'ai revu personne depuis, il y a juste mon père qui essaye encore de me contacter de temps en temps, quand ça lui prend, mais je ne lui réponds jamais. "

Ça lui était souvent arrivé de tapoter une réponse pourtant, pour l'incendier, le maudire, lui raconter à quel point la vie était difficile, mais jamais Liya ne les avait envoyés, non, elle avait toujours effacé chacune des lettres après, le bloquant parfois, de rage en voyant les messages parlant du reste de sa famille, comme si c'était intéressant d'avoir de leurs nouvelles, parfois c'était juste de tristesse, parce qu'elle ne voulait pas craquer devant les suppliques d'un paternel qui avait perdu les deux femmes de sa vie. Parce que Liya savait très bien, que si elle lui montrait une seule faille chez elle, la famille Kwan viendrait certainement y mettre un nouveau grain de sel, pour faire d'elle "quelque chose" d'acceptable à leurs yeux.

" Tu as déjà pensé que tu allais totalement céder et retourner les voir ? "

Est-ce qu'Ichabod avait lui aussi eu ces moments de doute, de panique parfois, en imaginant qu'il n'y arriverait pas, qu'il n'était pas si fort que ça, que sa famille avait raison ? Au fond, l'oniromancienne espère que non, parce qu'elle ne souhaite ça à personne, bien qu'elle ne fait que se voiler la face, elle le sait bien.

CW: état dépressif, deuil, relation familiale dysfonctionnelle, violence sur enfants

Liya qui est partie un temps après lui. Rien qui ne soit illogique, celle-ci étant un brin plus jeune que lui de quelques années. Combien d'écart ont-ils d'ailleurs exactement ? Assez peu, il la sait dans la fin de sa vingtaine sans être pour autant certain de son âge exact. Et on ne demande pas ce genre de choses à une femme, même lorsqu'elle est jeune, ça peut être malpoli. Si l'Aéromancien n'a jamais vraiment compris en quoi c'était une mauvaise chose, il connait cette convention sociale. Ce n'est pas la seule, qui le laisse pantois d'incompréhension d'ailleurs, mais il se contente de faire avec, comme tout le monde pour ne blesser personne par maladresse.

Elle non plus ne semble plus être vraiment en contact avec sa famille. Son père semble essayer, mais puisqu'elle ne répond pas... puisqu'il ne connaît pas les raisons exactes de son départ ni le contenu des messages, Ichabod préfère ne pas formuler la moindre théorie. Soit son géniteur tente de la faire revenir en la culpabilisant, soit il tente de s'excuser pour qu'elle revienne. Quoi qu'il en soit, il est à peu près certain par déduction que les messages ont ce but là.

« Mh. Non, pas vraiment. »

Parce que c'est trop compliqué, parce qu'il avait peur des conséquences. L'estomac encore noué, dévorant l'un des scones pour tenter de se remettre en conditions, le tatoueur hausse les épaules.

« Au début, j'étais juste en colère et je ne ressentais rien d'autre. Après, j'ai commencé à avoir peur de ce qu'il pourrait se passer si je rentrais ou qu'on me retrouvais. »

Il se confie, plus qu'il ne le pensait. Probablement parce que Liya aussi s'ouvre un peu, qu'ils ont tous les deux laissé tombé cette règle tacite entre eux de ne jamais parler de leur passé.

« Disons que nos parents étaient très strictes. Que la famille... N'est pas saine. On a pas eu une enfance très heureuse avec mes frères, même avant la mort d'Aurelius. »

Un enfant ça ne devrait pas avoir peur de sa famille. ça devrait se sentir en sécurité et aimé, protégé. Mais ça, il ne l'a appris que bien plus tard Ichabod. Il n'a su que bien après que la maison des Karlsson n'est pas comparable à celle des autres. Que ses camarades de classe n'ont pour la plupart jamais été enfermés dans un placard en guise de punition, et que les claques ce n'est pas un automatisme. Lui a eu la chance de grandir relativement vite, d'avoir pris du côté maternel des McGuire. La ressemblance entre le benjamin et le grand père maternel est flagrante pour ceux et celles ayant connu la famille. Gamin qu'on a surtout laissé de côté, qui s'est moins fait remonter les brettelles que son aîné Nero. Gamin qui a eu la bonne idée de dépasser ses parents assez tôt dans l'adolescence en grandissant rapidement. C'est que ça dissuade, d'avoir en face un grand dadet. Un grand dadet qui a finalement rendu les coups à son propre père, en est venu aux mains après les insultes la soirée où tout a explosé dans cette foutue famille.

« Maintenant que c'est passé, je suis certain de ne pas vouloir revenir. Je ne suis même pas allé à l'enterrement de mon grand-père il y a quelques années, s'il y a un mariage ou une naissance un jour de mon côté, je ne leur présenterai pas non plus ma femme et mes enfants. Je disais d'ailleurs à mon frère, que je regrette de ne pas avoir été une fille finalement. J'aurais au moins pu changer de nom en épousant quelqu'un si ça avait été le cas. »

CW: mention de deuil, de violence, de famille dysfonctionnelle.

Liya écoute avec la plus grande attention ce que son ami lui dit, est un peu impressionné de voir qu'il n'a jamais eu cette idée, mais elle comprend mieux, quand il commence à se confier un peu plus. La sorcière n'a pas besoin de détails pour comprendre que la fratrie devait baigner dans un climat malsain, violent. De quel type ? Elle en savait rien et n'irait pas chercher à le savoir, elle avait déjà bien de la chance d'en savoir plus sur le passé d'Ichabod, c'était largement suffisant, dans son esprit et puis surtout, à quoi ça servirait d'avoir des détails sordides ? La famille Karlsson n'était pas saine, elle était maltraite, ça suffisait à la conforter dans l'idée que le tatoueur avait bien fait de partir d'ici et de n'avoir jamais eu envie d'y retourner. Mais en même temps, c'était logique, s'il en était venu à avoir peur d'être retrouvé, il n'allait pas avoir envie de reprendre contact, c'était logique.

" Je comprends que tu n'y sois pas allé et que tu refuses de leur donner ce genre d'informations de toute façon, ils ne méritent pas de savoir et ne te mérite pas. "

Et l'oniromancienne ne peut s'empêcher de sourire un peu, en entendant qu'il regrettait de ne pas être une femme, pour changer de nom en épousant quelqu'un d'autre. Cette réflexion venait en dire beaucoup, sur la colère et la haine que l'autre avait de cette famille, dans un sens.

" Après, tu peux toujours entamer les démarches, qu'importe pour quel changement... Sinon, les choses changent doucement, peut-être que tu trouveras quelqu'un qui acceptera de ne pas prendre ton nom et te donner le sien ? "

Ça pouvait être un beau pied de nez, à ceux qui lui avait fait du mal aussi, mais ça c'était autre chose. Et puis, la brune hésite un peu, vient tourner sa cuillère, c'est si nouveau pour elle, comme situation, du coup, elle ne sait pas réellement comment faire et surtout quoi dire. Elle ne veut pas qu'Ichabod soit le seul à se confier, elle veut aussi lui montrer qu'elle lui fait confiance, mais elle doit y réfléchir un peu avant de donner une information, pour savoir comment l'exprimer. Et Liya envie presque son ami, d'être aussi doué pour parler, il aurait fait une sacrée carrière dans la politique, ça, c'était certain.

" Enfin, après, il faut trouver quelqu'un qui accepte de se marier et ce n'est pas une mince affaire, surtout par les temps qui court. "

Et peut-être aussi que c'était parce qu'ils ne traînaient pas forcément avec des personnes très romantiques ou bien qu'ils n'y voyaient aucun intérêt de le faire, combien de personnes avait pu lui dire que non, un mariage n'était pas forcément une preuve d'amour, dans ses précédentes relations ?

" J'aurais bien aimé changer aussi, j'avoue... Pendant un temps j'ai pensé à reprendre le nom de jeune fille de ma mère. Mais au final, je ne connais absolument rien de cette partie de la famille, alors je ne me suis jamais sentie légitime. "

Bien vite, sa tasse retrouve ses lèvres alors que la tatoueuse sent l'émotion la submerger, lui nouer la gorge, lui picoter les yeux, c'était fou à quel point ça la rendait encore fébrile, de parler de celle qui l'avait élevée et tant aimée au début de sa vie, malgré les années qui passaient, mais on ne se remet jamais d'une perte, n'est-ce pas ?

CW: état dépressif, deuil, relation familiale dysfonctionnelle

Changer de nom n'est pas toujours évident. ça voudrait dire aller faire des démarches administratives, retourner dans le quartier de new town du quel il dépend en tant qu'enfant des vents. Quartier où sa famille est influente, saurait tout de suite qu'il est encore dans le coin. Paranoïaque, peut-être à raison en un sens. Mais Ichabod préfère rester en dehors des radars. A moins d'être né à Leith ou d'être un enfant des vagues, on y viens rarement par hasard. C'est en général pour y disparaitre, pour s'y faire oublier et ne pas être cherché ni retrouvé. Aéromancien qui détonne dans le quartier, qui surprend, beaucoup ignorent son nom de famille ou même quelle magie il maîtrise réellement. Il tente de se faire le plus discret possible à ce sujet. L'angoisse toujours, qu'on ne sache présent ici. L'angoisse qu'on vienne le chercher ou qu'on le fasses disparaître pour de bons et ne pas entacher plus la réputation et le nom de la famille. Des Karlsson, il n'y en a pas tout un tas. S'il s'était appelé Smith ou s'il avait porté tout autre patronyme commun, au moins, ça aurait été plus facile.

« Hm, c'est vrai que c'est pas forcément facile de trouver quelqu'un. Alors en trouver une avec qui j'envisagerai de parler mariage ?... »

Pas qu'il soit spécialement difficile, pas qu'il ait tout un tas de conditions à remplir pour juger une femme bonne à marier ou pas. Non, il a conscience que c'est lui le problème bien souvent et c'est déjà ça. Ses relations qui s'avèrent souvent chaotiques avec les femmes, elles finissent par partir d'elles mêmes ou lui s'efforce de les repousser quand elles cherchent à en savoir trop sur lui et son passé. Il faudrait qu'il s'ouvre à une petite amie, mais s'en sent incapable. Craignant la répercussion que ça aurait, s'ils venaient à se séparer et qu'elle en divulgue trop sur lui par vengeance. La paranoïa, une fois encore. La peur que ça prenne une ampleur qui le dépasse et sorte des frontières de Leith.

« J'aimerai bien être romantique, dire que quand c'est la bonne tu le sais tout de suite et que c'est une évidence même après un mois ou deux seulement. Mais je suis trop pragmatique pour ce genre de choses je crois. »

Et peut-être un peu vieux jeu malgré lui. S'il y a un mariage, il veut que ce ne soit qu'une fois, que ce soit la bonne et qu'il n'y en ait pas d'autre. C'est l'idéalisme en lui qui parle, avant d'être immédiatement stoppé par la logique qui le rattrape trop vite. Si Ichabod a laissé derrière lui l'idée d'un mariage arrangé par sa famille qui lui trouverait une fille convenable pour faire prospérer les deux familles, il ne peut s'empêcher d'encore penser que le divorce est une chose taboue. Une manière d'entacher sa réputation encore un peu plus qu'elle ne l'est déjà. Du moins, pour un Karlsson.

« Et même si y a pas de copine en ce moment, avec qui aborder le sujet, je pense déjà aux papiers d'un divorce éventuel que j'ai pas envie de m'infliger. Vraiment, si il y a une madame Karlsson un jour, ce sera la bonne et pas une autre. Ou une madame autre chose remarque, comme tu disais, je pourrais prendre le nom de ma femme même si c'est pas super commun. »

CW: mention de deuil, de violence, de famille dysfonctionnelle.

" Mais est-ce que les gens comme nous sont vraiment faits pour être commun, au final ? "

C'était une vraie question que Liya se posait, alors quelle apportait une bouchée de scone à sa bouche. Mais c'était vrai, ils n'étaient pas être "normaux" ou juste comme les autres, ils avaient tous les deux claqués la porte, laissé derrière eux une situation confortable, que beaucoup pourrait leur envier, ils avaient osés se dresser contre l'autorité parentale, quittés ce monde trop malsain pour trouver quelque chose qui leurs convenait mieux, loin des grandes réceptions, de l'opulence.

" Un peu plus ou un peu moins... Notre entourage n'est plus à ça prêt et les autres.... on s'en fiche un peu, non ? "

En tout cas, c'était comme ça qu'elle le voyait, elle n'était plus à ça prêt alors... pourquoi se priver si jamais ? C'était aussi une façon pour elle de montrer que non, elle n'appartenait plus à ce milieu, a cette famille, qu'elle était même l'opposée de tout ça.

" Après, tu sais, être pragmatique, ça a du bon.  Au moins tu ne crois pas à l'histoire du " Et ils vécurent heureux et à jamais", ça empêche quelques désillusions. "

Parce que Liya a mis du temps à comprendre que non, ce n'était pas parce qu'elle se mettait avec quelqu'un qu'elle allait forcément finir ses jours avec. C'était même souvent bien le contraire. Bon, c'était peut-être aussi parce qu'elle était assez naïve, dans sa jeunesse, maintenant, elle fait plus attention, se fait moins avoir, mais ça arrive encore parfois.

" Mais si un jour tu as besoin d'un avis sur si c'est la bonne ou pas, on pourras organiser une grande rencontre avec les autres du salon, histoire de la tester ! On pourrait faire un test sur si elle connait un minimum les bonnes manières, le savoir-être en société, si elle te connait un minimum, ce genre de choses. "

Bien sûr, elle en rit, vient même mettre sa main devant ses lèvres pour les cacher, comme on le lui a appris, lorsque l'oniromancienne était plus jeune. Et à peine se rend-elle compte de ça, que Liya grimace, lève les yeux au ciel en abaissant sa main, décidément, ça l'agaçait.

" Dans tous les cas, j'espère que tu trouveras cette personne, si en plus elle a un nom de famille incroyable, ça serait parfait, comme ça, elle ne voudra pas le changer."

CW: état dépressif, deuil, relation familiale dysfonctionnelle

Trouver la bonne personne ce n'est jamais évident pour qui que ce soit. Ichabod qui sourit aux réflexions de Liya. Tester la copine, pour savoir si elle est la bonne pour lui. Il l'imagine maintenant cette femme potentielle et totalement hypothétique, assise sur une chaise. Si dans son esprit elle n'a pas réellement de visage définit, il l'imagine brune tout de même. Sans doute avec un défaut que lui apprécierait, comme un rire particulier ou un humour particulièrement vaseux, qui la rendrait encore plus belle à ses yeux. Encerclée de tous ses collègues lui posant mille et unes questions. C'est quoi sa pizza préférée ? Des questions à la con pour savoir si leur vie maritale pourra être heureuse en somme, car connaître la pizza favorite de l'autre est à l'évidence d'une importance capitale dans l'esprit du tatoueur. Mais l'amour c'est plus que ça, plus que se dire je t'aime et se connaître. C'est aussi les petites attentions sincères du quotidien comme dire à sa moitié Tu as bien pensé à mettre une écharpe ? avant qu'elle ne sorte dehors dans le froid. C'est boire son café ensemble le matin, s'endormir ensemble le soir l'un dans les bras de l'autre. Sans doute qu'il a un côté romantique Ichabod, une facette qu'on ne connaît pas forcément de lui.

Son frère lui, semble avoir trouvé sa perle rare. Un type avec qui les choses semblent être un minimum sérieuses. Liya le connaît aussi, ce client du shop. Lucius n'est pas un prénom très commun, et la combinaison fleuriste narcoleptique est une chose unique au monde. Nero semble être heureux avec cet homme, de ce qu'il lui en a confié. Il ne peut pas en parler à Liya pourtant, partager la bonne nouvelle qu'on lui a annoncé. Son aîné encore dans le placard, le sera pour toujours probablement ou... Au moins jusqu'à ce que leurs géniteurs soient six pieds sous terre. Et après ? Continueras-t-il la mascarade en faisant croire qu'il aime les femmes alors que ce n'est à l'évidence, absolument pas son truc ? Ichabod essaye de garder l'espoir muet que son frère finiras par être heureux, par assumer au grand jour son amour pour un homme qui saura le combler. Que ce soit l'Oniromancien ou un autre.

« D'accord, mais on interrogeras ta personne aussi si tu la trouves. »

Il ou elle d'ailleurs ? Les deux peut-être ? Il n'en sait rien, il n'a jamais demandé à sa collègue. C'est une chose assez privée, quelque chose dont il a encore du mal à parler ouvertement. Pas que ça le dérange, dans le fond, il s'en fiche bien de ce que font les gens dans leur vie et avec qui ils choisissent de la partager. Chacun ses préférences. Mais pour autant, il ne demande jamais. Estimant que c'est une question trop personnelle.

« C'est quand même le comble pour une Oniromancienne de ne pas avoir trouvé la personne de tes rêves tu ne crois pas ? »

Et bien sûr, la blague se retourne contre elle-même, mais ça la fait rire, au fond, Liya, cette histoire de faire passer un test aux personnes qui partagent leurs vies. Bien sûr, il y a beaucoup plus que les bonnes manières, le respect, la connaissance de l'autre, il y avait l'amour, le langage par lequel on l'exprime, est-ce qu'il était par les mots, les gestes ou les attentions ? Est-ce que l'autre le comprenait ou allait juste s'énerver un jour ou l'autre parce qu'il ne savait pas écouter, voir, comprendre comment on pouvait fonctionner.

" Très bien, marché conclu alors."

Et puis soudain, la brune fait une moue plus boudeuse, en entendant que c'était un comble, pour une sorcière des rêves, de ne pas avoir trouvé la perle rare et peut-être parce qu'elle traîne un peu trop avec Sun ces derniers temps, elle laisse un élan un peu plus théâtrale.

" Tu trouves aussi ?? Je pense qu'on m'a sérieusement jeté un sort, c'est vrai, je fais tout pour trouver la perle rare, je sors, rencontre des gens, mais il faut croire que je ressemble à un bonbon bizarre sans emballage dans une confiserie, que tout le monde ignore et que personne ne choisit."

Liya croise même les bras sur sa poitrine pendant ce petit monologue pour accentuer l'effet dramatique avant de finalement retrouver le sourire, l'ombre de l'hydromancien se dissipant peu à peu. En réalité, même si ça embêtait un peu la brune de n'avoir essuyé que des déceptions ces derniers temps, elle grossissait un peu la chose, elle n'était pas si affectée par ça, préférait prendre son temps. Dans tous les cas, plus les secondes passaient, moins l'oniromancienne se sentait mal, à mesure que les sujets plus légers revenaient dans leur conversation. Bien entendu, elle gardait précieusement les confidences d'Ichabod dans un coin de sa tête, mais elle ne voulait pas le rendre encore plus mal qu'il ne l'était déjà, préférait lui changer les idées, petit à petit, et ça semblait marcher, ce qui lui faisait plaisir.

CW: état dépressif, deuil, relation familiale dysfonctionnelle

« Tu me diras, moi qui suis Aéromancien j'ai pas trouvé celle qui me donne des ailes. »

Il sourit amusé à la petite scène de Liya. A n'en pas douter, elle passe trop de temps avec le petit con, sale gamin adoré : Sunhwa. Il aurait probablement fait la même chose, avec des grands gestes en plus. Feintant peut-être même un malaise. Souvent, Ichabod songe qu'il devrait participer à des casting pour jouer dans des séries télés ou des pièces de théâtre : ça lui réussirait à n'en pas douter, lui qui est déjà un grand comédien au quotidien.

« Pas forcément mal emballé, le bonbon. »

Non parce qu'il n'est pas totalement aveugle Ichabod. A son dernier contrôle, il avait même un 10/10 à chaque œil. Le tatoueur qui n'a pas besoins de lunettes voit donc bien qu'objectivement, c'est une belle femme.

« Pas au goût de tout le monde pour l'emballage, peut-être, mais du coup, ça te rend... Encore plus particulière, je dirais ?... Au moins, t'es pas banale et c'est une qualité qui peut plaire. »

Les tatouages ce n'est pas quelque chose qui plaît à tout le monde. Les mentalités changent, de plus en plus. Au fur et à mesure des années, ça se démocratise, il n'est plus si rare qu'autrefois de voir des gens avec de l'encre visible sur les avant bras. Même des mères de famille, qui optent pour des motifs féminins. De l'ornemental comme le fait si bien Liya. Ou le prénom des enfants. Des lettrages qu'Ichabod aime faire.

« Un peu comme la réglisse, ça plait pas à tout le monde mais ceux qui aiment ne jure que par ça. Ou une nouveauté à la confiserie, qu'on ne connaît pas encore, qui intrigue mais qu'on ose pas forcément essayer. »

Il se perd un peu, s'emmêle soudainement les pinceaux. Pourtant il n'est pas du genre à bégayer en compagnie de la gente féminine, généralement plutôt à l'aise lors des dates qu'il peut avoir. Mais Liya n'est pas un rendez-vous galant. Est-ce que c'est pour ça que d'un coup, il ne sait plus quoi dire ? Est-ce que ses compliments sont un peu maladroits soudainement ? Il n'y a pas grand monde qui soit capable de le faire douter de ses paroles, Aéromancien à la langue bien pendue qui n'a pas le moindre soucis d'élocution. Ichabod qu'on écoute souvent sans réfléchir, sans chercher plus loin. Sauf elle, qui comme toujours, sait lire entre les lignes avec lui. Entendre ce qu'il ne prononce pourtant pas.

" C'est parce que même le paradis ne te mérite pas."

Liya aurait pu lui faire le coup du redbull, mais en vrai, c'était beaucoup trop beauf dans son esprit et elle n'était pas assez alcoolisée pour sortir ce genre de choses. Alors, elle préfère quelque chose de plus doux, plus poétique et dans son esprit, ça fait sens, Ichabod n'a pas encore trouvé ses ailes parce qu'aucun camp, qu'il soit bon ou mauvais ne mérite sa présence, peut-être que ça viendra un jour, mais pour le moment, le voici coincé dans le monde des pauvres mortels. Et puis elle se laisse aller à un peu d'art dramatique, vient parler de sort qu'on lui aurait jeté, elle s'inspire même de leur apprenti pour faire une comparaison complètement loufoque. Et si dans un premier temps, elle rit un peu de sa bêtise, l'aéromancien vient totalement la déstabiliser.

Elle sent ses joues devenir plus chaudes, à mesure qu'elle écoute le tatoueur que non, l'emballage n'est peut-être pas au gout de tout le monde, mais c'est ce qui le rend particulière, loin d'être banale, que ça peut plaire. Ichabod vient même reprendre la thématique des confiseries, vient parler de réglisse, de nouveauté. Et pendant quelques instants, Liya perd les mots, n'arrive plus à réellement se concentrer, il n'y a que les paroles de l'enfant des vent qui résonnent encore et encore. On lui en avait fait, des compliments, mais des comme ça.... Jamais. Et c'est peut-être ça qui la fait totalement la bouleverser, à moins que ce ne soit les maladresses que rendent le tatoueur encore plus craquant ou peut-être que c'était juste lui, tout simplement, qui la troublait, c'était déjà arrivé par le passé, quand ils se connaissaient à peine, alors peut-être que cette fois-ci, c'était comme ces autres fois.

" En fait, tu n'as pas besoin qu'une femme te donne des ailes, Ichabod, tu les as déjà."

Le ton est doux, comme son sourire, alors qu'elle accroche du regard les yeux bleus de son ami. L'oniromancienne tente vainement, d'essayer de voir clair dans son jeu, de chercher des explications, de tenter de lire entre les lignes, mais tout ce qu'elle y voit pour le moment, c'est de la maladresse, de la sincérité, mais pas de quoi s'affoler, ça ne veut rien dire, c'est juste ce qu'un ami ferait, n'est-ce pas ?

" Il n'y a aucun doute, tu es bien un Aéromancien. La politique te serait bien allé, tu aurais un fan club énorme à l'heure qu'il est... "

La sorcière vient rire un peu, cache sa gêne en posant ses doigts sur ses joues, sentant ainsi à quel point elles étaient chaudes. Elle tente de cacher son trouble, espère qu'elle y arrive, malgré ses nouvelles couleurs. Et puis, quand son cœur retrouve un rythme normal, elle vient poser son coude sur la table, pour venir y appuyer son manteau.

" J'espère vraiment que tu trouveras ta personne, tu le mérites. Et je ne dis pas ça parce qu'on se connait, je le pense sincèrement, tu es quelqu'un de bien..."