[Abandonné] the sky is low ft. Sunhwa

P'tit con que marmonne Ichabod affectueusement trois fois par jour. De l'affection pour ce jeune apprenti venant de débarquer dans l'équipe du Bad Decisions tattoo. Il n'en doute pas, il sait apprécier Sunhwa pour ce qu'il est. Aime son énergie débordante et ses pitreries malgré le fait qu'il râle parfois de son côté, comme un vieux con. Parce que dès fois il le déconcentre dans son travail, que d'autres il est juste désespérant. Ichabod qui lui envoie donc un rouleau de sopalin dans la poire pour le faire taire en abusant un peu de son pouvoir de télékinésie. Mais tout est de bonne guerre, les deux savent qu'il n'y a pas d'animosité. Si c'était le cas, l'apprenti aurait mangé autre chose d'un rouleau de sopalin qui avouons-le en toute transparence et honnêteté : n'est pas spécialement douloureux.

Sunhwa qui même s'il n'est là que partiellement et ne tatoue pas encore de vrais gens sait se rendre utile ici, pour autre chose que pour l'ambiance. Sa maîtrise de l'hydromancie qui permet d'apaiser les épidermes, mais aussi quand quelqu'un a besoin d'un truc et s'avère occupé sur un client. Il lui reste encore des choses à apprendre, et alors qu'il termine les derniers peaufinages de son tatouage, qu'Ichabod essuie proprement en faisant le plus doucement possible la jambe de la cliente, il songe soudainement à quelque chose.

« Sunhwa ?! »

Il faudrait que le p'tit apprenne à saucissonner correctement un client après le tatouage. Le cellophane est tout un art à part entière, qu'il est parfois complexe de maîtriser. Faire un beau pansement, temporaire jusqu'à la douche du soir, c'est pas toujours évident. Un mollet, ce n'est pas une zone bien complexe à emballer, mais il serait temps que le p'tit apprenne à le faire s'il veut réellement tatouer quand il sera prêt à le faire. En attendant que le jeune hydromancien arrive dans l'espace dédié au tatouage, Ichabod s'assure que tout plaise à la cliente qui admire sa nouvelle pièce dans le miroir. Un petit cottage qui signifie beaucoup pour elle, celui de son enfance au sein du quel elle passait tout ses étés en compagnie de ses grands-parents malheureusement décédés il y a peu. Un moyen d'honorer leur mémoire tout en s'offrant un tatouage qui signifie quelque chose. Ce n'est pas toujours le cas, Ichabod le sait bien. Lui même en a tout un tas qui ne signifient rien, même un ou deux qu'il ne se souvient même pas d'avoir fait tant son état était second après une soirée. Si ça ne lui est pas arrivé depuis quelques années de se réveiller avec un nouveau tatouage sans savoir comment c'était arrivé sur sa peau, dire qu'il n'a jamais expérimenté une telle chose serait mentir.

« Tu vas apprendre un nouveau truc : l'emballage du client. »

On pourrait croire que c'est encore une boutade, mais non. Si le plus âgé des deux a de l'humour, il n'empêche qu'il plaisante rarement lorsqu'il est question de travail. Parce que l'Aéromancien a bien trop de conscience professionnelle pour bâcler un tatouage, parce qu'il tiens bien trop à sa réputation et ne compte pas être qualifié d'artiste médiocre.

« Laves toi les mains, enfile des gants et je t'explique comment sélectionner la bonne dose de vaseline dans le pot et sceller avec du scotch sans que ça parte en cacahuète. »

On reprocheras bien ce qu'on veut à Sunhwa, mais on ne pourras jamais lui reprocher de ne pas être d'un tempérament volontaire. Sans doute qu'il ne l'est que quand ça l'intéresse réellement, mais le tatouage semble être l'un des domaines pouvant capter son attention parfois défaillante. Incertain que cela soit uniquement du à sa jeunesse, pensant que c'est un trait de caractère qui lui resteras sans doute toute sa vie, Ichabod ne peut pas vraiment le blâmer à ce sujet. C'est assez commun, les gens qui décrochent vite quand ça les ennuie. Sun n'est pas une exception. Lui est l'exact opposé, perd le fil parce que tout l'intrigue. L'envie d'en apprendre sur tout, la curiosité insatiable qui le pousse parfois à regarder un tuto youtube de plomberie dans son plumard à 2h du matin parce qu'il se posait une question à ce sujet. Pas qu'il irait forcément réparer son évier qui goutte de lui-même ensuite. Mais juste pour savoir, il se renseigne dessus. Pour le plaisir d'apprendre. C'est sans doute ce qui a pu sauver ses notes à l'école, lorsque le programme était un minimum stimulant en fonction des chapitres abordés. Pas tête de classe, pour autant. Seulement en art plastiques. Bien placé en sport, magie et en mathématiques. Le reste était plus variable en fonction des saisons, de l'alignement des planètes et de son intérêt pour le sujet. L'enseignant.e qui y a beaucoup joué aussi pour lui, si l'on réussissait à captiver Ichabod en montrant une réelle passion pour sa matière, il aimait soudainement plus s'investir scolairement.

Alors de voir Sun ejoué, témoigner d'une passion certaine donne le sourire au mentor. Qui immédiatement oublie à quel point il peut parfois être embêtant.

« Il y a plusieurs manières de faire. Moi, j'aime être organisé et tout préparer en avance. Découper mon cellophane à la bonne taille, en prenant référence sur la partie à emballer. Il y en a qui sont plus difficiles que d'autre à scotcher correctement. Les torses ou les dos... C'est un peu chiant. Faut faire attention de ne pas trop serrer non plus, autrement c'est très désagréable. Après j'applique la vaseline, je dépose le cellophane et je découpe mon scotch à l'œil. »

Sun et toutes ses questions, qui sont pourtant pertinentes. Tournant sur son tabouret en lui pointant du doigt le rouleau, l'Aéromancien tente d'y répondre.

« Ton tatouage il va dégorger après la séance et c'est normal. T'as fait des études d'infirmier toi non ? Alors, tu sais que la peau est traumatisée par les aiguilles, que c'est normal qu'il y ait du sang et de l'encre qui ressorte les premières heures, pour écouler le trop plein. La vaseline ça va servir à hydrater et à aider à nettoyer après. Le corps gras qui récupère en même temps les fluides et l'encre. Si t'en met pas assez, ça va être assez désagréable à nettoyer et ça n'aideras pas à apaiser l'épiderme pour la cicatrisation. »

Et tant d'autres spécificités.

« Tu vas avoir des tatouages qui vont plus dégorger que d'autre aussi. ça dépend du client, de comment le tatoueur s'y est pris mais aussi du motif. Quand je fais des gros aplats de noir, j'ai tendance à blinder de vaseline, parce que je sais que ça va couler plus que si j'ai fais que des lignes et un tracé léger. Parce qu'il y a plus d'encre, parce que j'ai pris des aiguilles qui vont plus profondément pour avoir un noir uni. »

Avec l'expérience, Ichabod sait doser à l'oeil. Il encourage son apprenti à regarder son travail, ce fameux petit cottage sur le mollet de sa cliente.

« Là, tu vois que j'ai fait des lignes fines, qu'il y a beaucoup de négatif avec la peau. Alors pas besoin d'en mettre autant que sur... tiens, par exemple, ça. »

Qu'il dit en pointant du doigt l'un des dessins accrochés dans la pièce. Une grosse pièce en couleurs faite par l'un.e de leurs collègues, où l'on devine qu'on ne verra pas beaucoup de peau.

« A force, tu sauras comment doser la vaseline. ça viens avec l'expérience, en sachant parfaitement quelle machine et quel type d'aiguilles a été utilisé, si tu connais ton ou ta cliente aussi et que tu sais comment il ou elle cicatrise. »

« Ouais, il en vaut mieux trop que pas assez. Un peu comme la sauce. Sauf si c'est genre, dans un burger ou un tacos, mais t'as compris. »

Parce que c'est vite embêtant quand ça coule sur les doigts. Même si en général il y a quand même des serviettes, ou le moyen de se lécher la main comme un sagouin, c'est pas toujours évident en fonction des situations. Combien de fois est-ce que ça lui est arrivé à Ichabod de s'en foutre partout après une soirée alcoolisée, histoire d'éponger, en mangeant un truc sur le chemin pour rentrer chez lui ? Trop souvent, l'histoire sent le vécu et l'Aéromancien n'a sans doute pas besoin de préciser. A chaque fois il se dit qu'il devrait plutôt attendre d'être arrivé à destination dans son appartement pour dévorer sa junk food post soirée, mais inévitablement, il commet de nouveau l'erreur de manger en marchant.

Sunhwa semble essayer de faire de son mieux. Comme toujours. Mais s'emmêle tout seul comme un grand, sans avoir besoin d'aide. Ichabod toujours ganté s'empresse d'aller l'aider à se dépêtrer en roulant sur son tabouret. Attaqué par le sopalin puis par le cellophane, sale journée pour l'apprenti. Le tatoueur ne doute pourtant pas un seul instant qu'il s'en plaindras, iras chouiner pour faire profiter tout le monde de ses talents de dramaturge. Une fois son jeune apprenti dépêtré du terrible rouleau de cellophane, Ichabod esquisse un petit sourire amusé. Ce n'est jamais simple de commencer, lui n'a pas souvenir de s'être autant embrouillé à ses débuts dans le tatouage, mais tout de même. L'Aéromancien n'est pas le genre de personne à vraiment juger les maladresses des uns et des autres, s'en amuse de manière sincère plus que réellement moqueuse en général.

« ça viendras t'en fais pas trop pour ça. Un jour, tu deviendras toi aussi un grand maître des rouleaux quand tu saura les dompter. »

L'hydromancien libéré de sa prison de plastique, Ichabod lui désigne les ciseaux posés bien en évidence sur la tablette plastifiée et aseptisée. Une formation sur laquelle il se montre intransigeant pour le coup, l'hygiène qui est importante à ses yeux. Le fait que Sunhwa ait déjà une formation d'infirmier a aidé à ce qu'il approuve sa venue dans le shop, lorsqu'un vote a été fait entre les résident.e.s.

« Le mieux dans la vie, c'est toujours de ne pas paniquer, le moins possible. Que ce soit pour l'emballage du client, ou pour un date. »

Plus facile à dire qu'à faire, de garder la tête froide en toutes circonstances. Fais ce que je dis et pas ce que je fais.