death is not the opposite of life - ichabold

Il y a un soupire qui s'étire hors de tes lèvres. La nouvelle s'est répandue comme une trainée de poudre, la nouvelle est sur toutes les lèvres, toutes les bouches : les parents Karlsson sont morts. Leur décès tombe comme un coup de grâce, comme un deuil important dans les foules des Enfants des Vagues mais aussi parmi celleux qui côtoyaient la famille ou leurs enfants. Tu ne les as jamais vraiment rencontrés, tu ne leur as adressé que quelques mots, par politesse, en souvenir de cet ami d'adolescence perdu si vite de vue. L'école ne garde pas certaines amitiés, tu ne le sais que trop bien. Et tu partages un souvenir, quelques pensées pour Ichabold, disparu parmi les humain‧e‧s, fuyant tout avec un peu de ton argent de poche. Il en avait plus besoin que toi à cette époque.

Lentement, tu poses tes yeux sur le bouton de manchette restant. Effie est lovée dans ton cou, observant vos reflets dans le miroir. " Ceeeecil, tu devrais m'emmener. Pour l'enterrement ? Tu vas t'ennuyer. Mais non ! Et tu ne seras pas sage. Je suis toujours sage, d'abord ! "  Tu lui lâches un regard entendu dans le reflet du miroir, en glissant le bouton dans son le trou pour boucler ta manche. Tu ne la crois pas du tout et elle bougonne, ronchonne en faisant : " Tu ne me crois jaaaamais, en s'accrochant à tes cheveux, tirant quelques boucles. Aie ! Effie ! Tu lâches plaintivement alors qu'elle tire tes cheveux et elle lâche aussi sec, cachant sa gueule dans ses pattes. Oh pardon, Cecil ! Je voulais pas te faire mal. Je sais, ma Effie. Mais tu veux pas que je vienne quand même, hein ? Et ses oreilles basses, ses yeux larmoyants ont toujours raisons de toi et tu souffles : Bon d'accord mais sage comme la peluche sur le lit de ma soeur. Tu promets ? Promis ! " Et la panda rousse frappe entre ses pattes, illuminée de bonheur, de douceur. Contrastant avec l'enterrement à venir.

Et tu pars avec ta famille, discutant avec ta soeur, posant un baiser sur la joue de ta mère. Et lentement, vous vous dirigez vers le lieu de l'enterrement. New Town n'est pas souvent ta destination et tu suis les un‧e‧s et les autres dans le cortège accompagnant les corps. Et tes yeux tombent sur une chevelure que tu reconnaitrais entre mille. Il y a un choc qu'Effie formule avec un : " Ichabold ? " La familier se redresse sur ses pattes arrières, en équilibre sur ton épaule pour mieux observer en plissant le nez. " Mais oui, c'est lui. " Et oui, vous ne rêvez pas. Dans la solennité de l'évènement, Effie échappe à tes bras, dévalant ton corps avant de se précipiter entre les jambes et les corps pour foncer vers l'aéromancien. Et tu es sur ses talons, t'excusant de bousculer les personnes sur ton passage, te retenant de crier contre la panda rousse. Un gentlemen ne s'emporte jamais. Et bien vite, tu te retrouvez nez à nez avec ce vieil ami : " Icha- Bold ! Effie crie, joyeuse et tend les pattes vers le sorcier sans se soucier de rien. Sans se soucier des regards choqués, courroucés. Tu m'as manqué, qu'elle babille, toute heureuse, faisant écho à tes pensées. Et bientôt, elle s'accroche à son pantalon pour escalader le tatoueur. Et ton regard flirte entre l'horreur et l'amusement, les émotions se disputent ton coeur. Je suis désolé. Elle voulait te saluer. Je voulais être la première ! Tu n'étais pas parmi les humain‧e‧s ? Qu'est-ce que tu fais ici ? Effie, c'est l'enterrement de ses parents. Ah ! En effet ! Toutes mes cocoléandes ! C'est comme ça qu'on dit ? Non, c'est condoléances. " Et elle fait un sourire un peu désolé, en répétant le mot.

Tu ne sais si tu as envie de crier, pleurer ou rire. Mais une chose est sûre, tu n'emmèneras plus jamais Effie a un évènement officiel. Elle s'installe en reine déjà dans ses bras, certaine de ses bons droits. " Effie, ça suffit. N'embêtes pas les gens. C'est pas les gens, c'est Ichabold ! Et puis, tout le monde m'aime bien. " Un long soupire et tu tends déjà les mains pour récupérer ta démone.  Et les yeux de panda mignonne-redonne-moi-du-bambou se tournent vers l'aéromancien : " Tu m'aimes bien, non ? La tête duveteuse se penche, déclenchant son arme fatale : être la familier la plus mignonne du pays. "

C'est étrange de se regarder dans le miroir pour ajuster une cravate toute aussi noire que le reste de sa tenue. C'est étrange de s'être arrangé le plus possible, pour donner le change lors de funérailles dont au fond, il se fiche bien. Quoi que. Il s'en réjouit plus qu'il n'en pleure. Son nom est lavé faute de preuves suffisantes à son encontre. Ichabod était le suspect parfait, trouvé près des lieux du crime ayant coûté la vie aux Karlsson. Le fils en froid avec le reste de la famille, officiellement déshérité et rayé de leurs vies, de leurs souvenirs et des photos de famille. Ce n'est pas lui, qui s'est occupé d'eux. Lui n'a fait que couvrir le véritable auteur des faits : son frère aîné. Un frère qu'il ne blâme pas du double parricide des Karlsson. Un frère qu'il a aidé en dissimulant au maximum les preuves grâce à une fuite de gaz enflammant le salon d'été. Un frère qui n'a pas eu d'autre choix que d'en arriver là. C'était lui ou eux. Nero n'a pas eu besoin de se justifier, Ichabod l'a tout de suite su quand il a été appelé en catastrophe au manoir Karlsson.  

Un séjour en garde à vue, qui n'aura rien donné. Une simple mention sur son casier judiciaire dont le tatoueur se fiche bien. Il était vide, jusqu'à présent. Mais qu'importe qu'il soit rempli d'une ligne maintenant, et d'une mention prouvant que les poursuites ont été abandonnées. ça ne changera pas grand chose à sa vie, ça ne surprendra personne étant donné ses airs de bad boy. Il est pourtant dans le fond, un gentil garçon. Peut-être un peu vulgaire quand ça lui prend. Un peu trop familier. Mais s'il ne s'appellait pas Ichabod Karlsson, il serait un type tout à fait ordinaire. C'est juste qu'il n'est pas ce que l'on imaginerait en venant d'une famille pareille. On l'aurait rêvé politicien ou avocat, avec son aisance naturelle à manier les mots. Si tous les aéromanciens possèdent ce pouvoir inhérent à leur magie, lui a toujours été un bon élève du don de parole et de persuasion. Invaincu au club de débat, toujours implacable quand il faut mettre un·e client·e dehors parce que personne n'a envie d'entendre ses conneries. Il n'y a que vingt mètres plus loin, une fois en dehors du salon de tatouage, qu'iels se rendent réellement compte de la supercherie, prennent conscience que ce sont les mots de l'Aéromancien qui leur ont fait tourner les talons. Neuf fois sur dix, iels ne reviennent pas, trop honteux·euses de s'être fait·es si facilement berner. Il aurait eu du succès, s'il avait suivi la voie des études politiques ou juridiques. Mais il ne l'a pas fait. S'est éloigné dès qu'il a su, dès qu'il a pu, dès qu'il a compris ce qui se tramait réellement au sein de cette maudite famille. S'est juré qu'un jour, il retrouverait Nero pour lui dire qu'il le pardonne. Que rien de tout ça n'était de sa faute. Qu'il était désolé, de l'avoir pris pour un monstre et d'avoir cru aux mensonges de leurs parents.

Il leur aura fallu presque quinze ans pour en arriver là.  
Pourtant, quand on téléphone s'est mit à vibre frénétiquement en lui demandant de venir, le cadet n'a pas hésité. Il n'a pas non plus trembler plus que nécessaire, pour couvrir les actes de Nero. Nero qui en aucun cas, ne méritais de finir sa vie derrière les barreaux d'une autre prison.

Dante accroché au col de sa veste de costume, l'Aéromancien avec ses lunettes noires sur le nez avance solennellement en tête de cortège aux côtés de son frère aîné. Leurs partenaires respectifs derrière eux, l'une récente et l'autre depuis plus longtemps sans que personne n'ait été au courant. Ichabod traîne le pas, alpagué par une dame prétendant être une tante lointaine. La dame a un accent étranger, qu'il distingue comme étant suédois. ça ne le surprend pas plus que ça. Il serre une main de plus, hoche la tête en acceptant les condoléances et regarde le cortège s'éloigner un peu trop.

Lui qui aurait voulu faire quelques grandes enjambées pour les rattraper et retrouver sa place, pour ne pas laisser Nero affronter cette épreuve seul, pour ne pas non plus laisser Liya avec des gens qu'elle ne connaît pas ou peu, le voilà stoppé par une voix qui lui fait froncer les sourcils. Baissant les yeux face à un panda roux trop enthousiaste et peinant à prononcer les mots correctement, l'Aéromancien récupère la boule de poils ayant escaladé sa jambe pour la tenir dans ses bras et ne pas risquer qu'elle ne tombe par maladresse. « Plus maintenant, je suis rentré. » Dante, mortifié et trop discret, ne saigne pas sortir de derrière le col de costard de son sorcier.

« Bien sûr que je t'aime bien, Effie. Et merci pour tes condoléances. »

Lui qui espérait au moins une fois dans sa vie être un fils idéal pour ne pas apporter l'embarras sur ce qu'il reste de la famille, voilà que l'agent du chaos décide d'intervenir pour lui rappeller que jamais, il ne sera un Karlsson. Ou du moins, qu'il ne sera jamais ce qu'un Karlsson est censé être. Souriant à Cecil, déplacant Effie dans son bras gauche pour tendre une main droite vers cet ancien camarade de classe pour la serrer, Ichabod précise :

« C'est à croire que je n'arriverai jamais à être comme toi, Cecil. J'ai toujours besoin de me faire remarquer, même quand ce n'est pas de mon fait. Merci d'être venu. »

Jamais comme lui, qui est un fils dont l'on a pas honte. Un garçon bien élevé, avec une place dans son coven -de ce qu'il en sait, de ce qu'il s'en souvient en ayant vu un nom lui parlant au sein du Journal de l'Edimbourg magique. Mais qu'importe. Lui n'a jamais eu vocation à être cet enfant idéal, contrairement à son vieil ami de l'Académie. Et quand il voit ce qu'essayer d'être un bon enfant aux yeux des Karlsson a fait à son aîné, il est difficile pour le tatoueur de regretter ses choix de vie et sa fuite.

Et si le familier d'Ichabod n'est pas le seul à être médusé, complétement interloqué par Effie, toi, tu en as pris l'habitude. Mais tu tiques quand même. La panda rousse ne pense jamais à mal dans sa spontanéité, dans sa désinvolture, dans le monde qui passe et elle, qui reste immuable. Tu ne l'échangerais pour rien au monde. Mais, par tous les ancêtres, elle a le don de te mettre la honte comme jamais. Pourtant le vieil ami ne semble pas en prendre ombrage alors qu'il tire la créature douce et moelleuse dans le creux de ses bras. Effie est toute heureuse et touche de ses pattes sa joue : " Ooooh j'aime quand les gens reviennent. Je t'ai manqué ? Effie, gourmandes-tu. Quoi ? T'es jaloux car j'ai manqué à Ichabod et pas toi ? Mais, tu inspires, te stoppes. Ce n'est pas le moment de te disputer avec elle. Vraiment pas. Tes yeux parcourent le paysage, vont de visages crispés en murmures outrés. Tu choisis de te retourner vers ton ancien camarade de rugby et lui prendre la main  avec douceur et délicatesse. Tu la serres doucement, sans aucune hésitation. Tu lui offres aussi un regard reconnaissant en sachant comme Effie est chaotique. Oh non, tu fais, confus, un peu perdu. C'est plutôt moi qui viens de me faire remarquer, et un regard va vers Effie. Surtout de son fait mais la familière n'en a rien à faire alors qu'elle s'installe comme une reine sur le bras de l'aéromancien. J'en suis désolé, Icha', l'ancien surnom a des goûts de nostalgie, d'enfance échouée, abandonnée. Tu as toujours été une personne formidable. Parce que parfois les familles abîment tellement facilement leurs gosses. Parce que parfois on ne dit jamais à l'autre qu'il est assez précieux, qu'il en fait assez. Et tu sais comme la famille d'Ichabod est l'ombre au tableau. Sinon il ne se serait pas cassé. Sinon il ne se serait pas enfui. Ne laisses personne t'en faire douter. " Rajoutes-tu avec bienveillance.

Parce que les idées qu'on laisse à sa marmaille imprégné si facilement, si fatalement le moindre recoin de leurs esprits.
Parce qu'on est jamais vraiment libres de ça. De tout ça.

" Est-ce que c'est le bon moment pour te demander ce que tu deviens ? Fais-tu lentement alors que le cortège continue à avancer, avec un petit sourire coupable de le retenir. Et tu finis par le relâcher, le laisser s'avancer avec toi sur tes talons. Effie a posé le nez sur l'épaule du tatoueur et renifle Dante : Daaante ! Tu m'as manqué aussi ! Pourquoi tu te caaaaches ? " Insupportable à sa façon, elle pose déjà ses pattes sur l'épaule de l'aéromancien, s'apprêtant à bondir dans son cou. De derrière, tu lui décroches un regard assassin, Effie plisse les yeux et en lâche un " Pfff. Même pas drôle. " Mais elle sent bien que si elle se glisse dans sa veste, tu risques de la ramener illico presto chez toi, chez vous. D'un doigt que tu passes sur sa truffe, tu la vois s'enterrer dans les bras de tin vieil ami. Crise évitée.

Du coin de l'oeil, tu observes la longue chevelure brune de l'oniromancienne, de ta soeur de coeur. Il y a un début de sourire, une étincelle dans les yeux et le regard passe aussi vers Lucius : " Est-ce qu'on va toustes faire parti‧e‧s bientôt de la même famille ? La taquinerie glisse sur la langue et tu clarifies après un raclement de gorge. Tu es avec Liya ? " Cela, l'oniromancienne a oublié de te le dire. Peut-être parce que parfois le bonheur semble trop irréel. Bien trop fragile pour être partagé. Parfois la peur semble chuchoter, murmurer que rien ne dure jamais. Que l'amour finit par se tirer. Que les bonnes choses ne durent jamais.

Cecil a toujours été un meilleur fils que lui. La seule ombre au tableau s'appelle Effie, mais personne ne semble jamais en vouloir à la familière. Sans doute parce qu'elle sait se faire aimer et que personne n'a le cœur de rejeter une créature aussi adorable qu'elle. ça lui rappelle le syndrome des petits chiens, il a lu ça quelque part. Ou vu une vidéo qui en parlait lors d'une nuit d'insomnie comme il en a tant. Quand les propriétaires de petits chiens ne font pas spécialement d'effort sur l'éducation de leur compagnon en pensant que la petite taille ne causera pas d'accident grave contrairement à un plus gros canidé. Effie, c'est un peu pareil : puisqu'elle est mignonne, on la laisse faire ce qu'elle veut. Il y a beaucoup de familiers à qui l'on passe beaucoup de choses, Effie est bien loin d'être la seule. Il se rappelle d'ailleurs du petit Fenec lors de leur soirée au Pub avec Liya à la saint valentin. Tout aussi adorable que la panda dans ses bras, mais tout aussi chaotique et manquant de faire tomber une pauvre serveuse avec son plateau plein.

Alors oui, peut-être qu'il est une personne formidable comme le dit Cecil. Quoi qu'il en doute fortement. Son familier est bien plus discret, voire même carrément mutique, ce qui contraste fortement avec Effie. Mais il n'est pas un aussi bon fils que le Galbreath. Est-ce que c'est réellement la faute des parents ? Madame Galbreath, il s'en souvient comme d'une femme sévère et un brin austère, quoi que relativement juste et réfléchie. Monsieur Galbreath, il ne l'a que peu connu par rapport à son épouse. Du peu qu'il ait pu fréquenté les parents, Ichabod s'est tout de même rendu compte que sans qu'elle soit simple, la vie chez les Oniromanciens était tout de même bien plus douce que chez lui.

Rigolant à la réflexion de la famille, le tatoueur secoue la tête amusé :

« Je m'estime heureux de ne pas avoir été une fille, ta mère aurais sans doute proposé des fiançailles entre nous si c'était le cas. »

Peut-être que ça aurait pu fonctionner. C'est sans doute le plus drôle dans l'histoire, Ichabod et Cecil se sont toujours relativement bien entendus. ça aurait pu régler les problèmes de tout le monde et une fois encore, l'Enfant des Ventes regrette de ne pas être né femme. Pas qu'il se sente particulièrement mal avec son identité d'homme. Il a juste pris conscience que la vie aurait été différente, peut-être plus simple s'il avait été la petite dernière et pas le petit dernier d'une fratrie de garçons. Mais il semblerait qu'effectivement, les deux vieux amis soient condamnés à faire partie d'une même grande famille. Une famille étendue, qui n'a pas de réel lien de sang pourtant. Parce que oui, il y a Liya tout devant. Mais il y a aussi Lucius, l'aimé de son frère aîné.

« C'est extrêmement récent avec Liya. »

A peine quelques jours, car ni l'un ni l'autre n'osait aller de l'avant dans cette relation pourtant si évidente, se dessinant depuis plusieurs mois entre eux. Comme deux abrutis incapables de voir ce qu'ils avaient sous le nez depuis si longtemps. Comme deux idiots qui avaient trop peur de ce que ça pourrait impacter, si leur histoire devenait plus qu'une simple amitié.

« On va être condamnés aux repas de famille ensemble, on ne peut pas y échapper. »

Même pas après avoir fuit, comme lui l'a fait. Remettant en place la broche familiale qu'il n'avait pas sortie depuis plus d'une décennie après que Effie l'ait légèrement déplacée, l'Aéromancien reprend le pas en compagnie du Vagabond. Cette broche, c'est pour ses frères qu'il la porte aujourd'hui. Pas qu'il en ait spécialement quelque chose à faire, de l'avis des autres familles du gratin réunies aujourd'hui. Le tatoueur sait déjà qu'il n'est pas bien perçu par elleux, que la broche pour affirmer son appartenance au clan Karlsson-McGuire n'y changeras pas grand chose. Mais c'est tout ce qu'il leur reste, d'Aurelius. Au fond de lui, le cadet de la famille espère que leurs parents n'auront pas le loisir de le rejoindre au sein du monde des ancêtres, dans l'autre vie, de l'autre côté du voile. C'est égoïste, mais il préfère savoir son frère seul que mal accompagné dans l'au-delà. Seul, en attendant que Nero et lui ne le rejoignent un jour ou l'autre.

« Je suis content qu'elle soit venue pour ne pas me laisser seul. Elle était pas obligée. »

Il y aura des conséquences, le tatoueur le sait. Il y aura des photos de l'enterrement dans la presse de l'Edimbourg sorcier demain. D'avance, il se doute que les chasseur·euses de scoop tenteront de dissimuler les informations sensibles, comme l'identité de leurs deux amants Oniromanciens. Mais on verra bien qu'à côté des deux fils Karlsson restant, se tiennent d'autres sorcier·ères extrêmement proche d'eux. Et on reconnaîtras probablement Liya. Peut-être pas Lucius, qui de ce qu'il en sait, a la chance de ne jamais avoir été personne. C'est envieux, comme situation.

La réflexion d'Ichabod t'étire un frémissement d'horreur. Le sujet des mariages, des fiançailles est sensible, susceptible pour toi. Tu le chasses un peu, en étudiant la figure de l'ami perdu de vue, en réfléchissant au court des évènements. En vérité, le fiasco Carmen t'a sauvé, sans doute, accordé le répit nécessaire dont tu avais besoin. Et puis, il y a aussi ton coeur qui tend, ricoche sur Jingyi, sur son sourire, sur ce que ça provoque, gigote en toi. Un battement de cils et ton coeur décoche, s'écroule dans ton ventre. Une gentillesse, une douceur de sa voix et tout dérape, s'échappe. Tu en es tellement, tellement amoureux. Tu en es tellement dépendant. T'as tout foutu en l'air. Et plus jamais son sourire ne t'éclairera, ne t'éblouira. Plus jamais tu ne la reverras. Les pensées sont chassées, repoussées alors que tu glisses : " Ou peut-être que tu te serais retrouvé au bras de mon frère, à la place de sa fiancée actuelle. Un petit silence, un fin sourire : moi, j'ai la paix sur ses questions là depuis que j'ai douze ans. " Depuis que ta fiancée s'est tirée. Depuis que tu as perdu un semblant de sœur aînée. Il y a un petit silence, une pesanteur dans l'estomac. " Plus tard mon tour arrivera, mieux je me porterai. " Et tu as déjà ton coeur à soigner, à apaiser. On verra plus tard pour le reste.

Ou peut-être pas. Les paroles de Judd tourne dans ta tête, ricoche dans la moindre cellule de ta cervelle : tu lui dois le crépuscule. Mais quand ? Là est toute la question. Là demeure toutes tes pensées.

Les deux se tournent vers l'horizon, les pensées se détournent un instant, un moment vers la silhouette de Liya, petite soeur de coeur et vers Lucius, cousin choisi. Aux paroles d'Ichabod, il y a un sourire s'arrachant à tes lippes : " L'amour prend son temps, tu commentes sans jugement mais juste heureux pour elleux deux. Pour toi, tout est complexe, funeste. Pour elleux, ça a l'air doux, tranquille, facile. Un rire au mention des repas de famille : j'aime bien ça les grandes tablées, les rires et l'impression qu'on est une grande famille. Et puis, le tiramisu de ma mère est un délice, un clin d'oeil. Demandes à Liya de lui demander la prochaine fois qu'elle pose les pieds chez les Galbreath. Chez la riche et antique famille oniromancienne, on mange bien et on aime les réunions de famille à n'en plus finir. Bien sûr, la dague n'est pas loin lorsque l'oncle s'invite à la table. Bien sûr, vous avez vos drames et vos larmes. Oh pardon, Icha', souffle la voix de la panda rousse alors qu'elle l'aide à remettre sa broche en faisant son regard de jesuismignonnenem'enveuxpas. Tu t'arrêtes un instant aux mots de l'aéromancien, clignant des yeux. Pourquoi elle ne serait pas obligée ? Il y a un petit silence et tu expliques : elle t'aime, tu l'aimes, vous vous aimez. C'est normal d'être ensemble dans les épreuves. Tu es là pour elle, je n'en doute pas, quand il est question de son géniteur, un frisson de colère face à la mention de cette enflure. Tu n'oublies pas l'état de Liya il y a quelques semaines. Tu n'oublies pas son chagrin, sa détresse et tes promesses qu'il dorme mal. Et je la connais bien : elle ne voudrait pas être ailleurs. " Pas en cette journée de douleur, pas lorsqu'on enterre des cauchemars. Tu sais peu de choses sur la famille Karlsson. Tu n'es pas dupe sur la réputation de la famille qui a fait naître ton vieil ami.

" Je ne voudrai pas être ailleurs non plus, te permets-tu de souffler. Une main effleure sa manche, un geste de tendresse, de soutien. C'était important pour moi, au-delà de l'obligation, de venir te soutenir. Un autre silence : je suis content de te revoir aussi. Les années m'ont fait souvent me poser la question sur ce que tu devenais. " Et tu reviens sur le dos de la brune marchant devant : " Du coup, c'est récent, c'est ça ? Elle te plaisait depuis longtemps ? " Il y a le rappel de discussions d'adolescences autour des filles, de qui a embrassé qui et de l'alcool qu'on fait tourner en cachette aux soirées post-match. " Est-ce que tu fais encore du rugby ? " Il y a comme une urgence du temps perdu, des années qui ont distendues les liens.

« On a eu de la chance toi et moi. »

Cecil avec le fiasco Carmen. Ichabod, parce qu'il a claqué la porte sans laisser le temps à ses parents de dire ouf. Ils étaient de toute manière plus concentrés sur son aîné, lui avait encore un peu de temps, mais ça n'aurait probablement pas tardé. Il aurait eu le droit lui aussi, aux dîners qui mettent tout le monde mal à l'aise entre deux familles pour s'assurer que les enfants restent dans le même cercle social, sans aller se mélanger à n'importe qui. Nero lui, a dû faire face aux attentes de la famille Karlsson. Plusieurs fiançailles ont été rompues, les dernières en dates ne le sont pas encore officiellement mais le seront très bientôt, avec le décès des parents. Parce qu'il n'y a plus personne pour obliger son aîné à faire quoi que ce soit, à aimer une femme parce que c'est ce que l'on attend de lui, ce qui est censé être "normal". On les a élevés comme ça, les fils de la famille. Un homme avec une femme, un mariage et des enfants avec au moins un fils pour préserver la lignée. C'est ce que l'on attend des garçons dans ces vieilles familles, les filles elles doivent se contenter d'accepter un mariage avec l'un d'eux, espérer tomber sur un gars qui ne soit pas si pire que ça à supporter. Et après, on se contente de faire semblant d'être un couple et une famille heureuse, quand un fils est né et qu'il faut tout de même continuer à se montrer en publique. Nero lui n'a jamais voulu ça. N'a même jamais aimé les femmes. Aurait été malheureux, encore plus qu'Ichabod qui à un moment face à la détresse de son frère empêtré dans ses dernières fiançailles avait même proposé de revenir pour prendre sa place et lui épargner ça. Lui au moins, aime le genre opposé au sien. ça n'aurait pas été aussi terrible.

« ça fait trop longtemps que je n'ai pas eu une grande tablée. »

ça fait longtemps qu'il a laissé cette vie derrière lui. Depuis plus de dix ans maintenant, les grandes tablées se font avec des bières et des pizzas à rire ensemble sans se soucier de se tenir suffisamment droit et d'utiliser la bonne fourchette pour respecter l'étiquette. ça aurait mis ses parents dans un coma, de le voir comme ça, lui, un Karlsson quoi qu'on en dise et malgré le fait qu'il ait été renié. C'est ce qui lui a permis de se cacher si longtemps sans être retrouvé : on ne s'attend pas à voir un membre de la famille dans un quartier populaire à vivre si simplement. On ne l'a jamais vraiment cherché non plus, maintenant, il le réalise. Il y a des enfants qui fuguent par désespoir, pour avoir une attention qu'iels n'ont pas autrement. Ichabod lui, a cherché à disparaître et le doit à Cecil l'ayant grandement aider pour passer de l'autre côté de la barrière, parmi les humain.es, là où il ne serait personne.

Cecil a raison. Pourquoi est-ce qu'elle ne serait pas obligée ? Parce que c'est récent, se dit Ichabod. Que oui, lui aussi est là quand son père lui pèse trop et qu'elle ose en parler, se confier à ce sujet. Ce n'est pas toujours le cas, pourtant, le tatoueur la connaît assez pour savoir quand ça ne va pas, quand elle dort encore moins que d'habitude et qu'elle termine à boire autant de café que lui au lieu de se rabattre sur du thé comme à son habitude.

« On règleras le soucis du paternel plus tard. Au moins, la question des parents est réglée d'un côté sur deux. »

Peut-être que s'ils se mariaient rapidement, ça règlerait la situation ? Peut-être qu'il lui ficherais la paix, de la savoir avec un Karlsson ? ça voudrait dire se précipiter pour des noces et l'Aéromancien est de l'avis de son ami : l'amour ça prend du temps. ça ne règleras pas tous les problèmes de toute manière, qu'elle ait ou non une bague au doigt.

« Hm, depuis hier. Officiellement. »

Oui c'est récent. Pourtant ça fait bien plus longtemps que ça leur pend au nez, que c'est là juste sous leurs yeux et que l'un comme l'autre se questionnait inutilement sur ses sentiments alors que c'était évident.

« Mais ça fait plusieurs mois qu'on se posais des questions sans en parler. On a eu beaucoup de dates qui n'étaient pas des dates mais qui en étaient quand même. C'était des sorties entre amis, mais je connais pas beaucoup de potes qui sortent ensemble à la Saint Valentin pour autant. »

Soudainement, Ichabod se stoppe pour rigoler de bon cœur à la question du Galbreath. Est-ce qu'il fait encore du rugby ?

« A mon âge ?! »

Afin de justifier son manque d'activité, il s'autorise à sortir une cigarette de son paquet, de l'allumer avec son briquer :

« Je fume comme un pompier, je bois trop, j'ai mal au dos avec mon travail de tatoueur à me contorsionner toute la journée. J'ai trente trois ans, j'arrive à prédire la météo avec l'état de mon genou droit le matin. Je l'entend, à la manière dont il craque, pour savoir s'il va pleuvoir ou non. J'ai même plus besoin de ma magie pour ça. »

Tirant sur sa cigarette, ajustant ses lunettes de soleil et le petit panda roux dans ses bras pour ne pas lui souffler la fumée dans la truffe, l'enfant des vents hausse les épaules :

« On ferait mieux de continuer à parler de filles. Je suppose que toi aussi, tu ne cours plus aussi vite que quand on avait quinze ans. »

Qui que, lui était un pilier. Ichabod lui, était un ailier devait être rapide et sprinter le plus vite possible pendant que les autres le protégeaient. C'est peut-être pour ça, que lui a mal au genou.

« On en attrape moins qu'avant, parce qu'on est moins souples, mais on sera toujours capables de courir quand il y a une jolie sorcière dans les parages. ça inspire souvent plus qu'une balle ovale. »

Ichabod parle de chance, de vie qui vous a loupé de peu. Tu es d'accord, au fond. Il s'en est fallu de peu et tu te serais retrouvé marier avec Carmen. Le mariage n'aurait été porteur, voleur que de l'échec, du malheur laissé, dressé dans des alliances. Elle t'aurait détesté et tu te serais usé à essayer, à tenter de l'aimer. L'amour adelphique se serait crashé, craquelé sous le devoir, sous le déshonneur. Dans l'horreur. Un frémissement mord ton échine : " Oui, on en a eu. De la chance. Tu susurres. J'espère qu'on en aura encore dans le futur. " Un petit sourire, une œillade timide parce que bien sûr, il y a l'espoir d'en être de sa chance, de ses bonheurs, de l'histoire qu'il va tisser, laisser. " Il peut en avoir de nouveau, des grandes tablées, si tu en as envie. Un regard vers le dos de son aîné : si vous en avez envie. Tu corriges et tu laisses égarer, égrainer. Ou pas. C'est à vous maintenant de créer vos traditions, de décider si vous avez envie d'une tablée en petit comité ou de grande table à n'en plus finir. Vous êtes libres, maintenant, de faire comme vous l'entendez. " Il y a un souvenir tendre au souvenir de la table de ton anniversaire, de ce que ta mère a fait pour toi. De la gueule de ton père quand il a vu ton parrain débarquer. Il ne manquait qu'elle pour que ce soit parfait. Il ne manquait que Jingyi.

Parfois les décès permettent de faire table du passé. Parfois, il y a une nouvelle famille qui se crée sans crier gare. " Et ça ferait tellement suer tes vieux de voir ce que vous en faites, fais-tu avec une pointe de malice. " Et tu te dérides. Tu redeviens l'adolescent, échappant au regard maternel. Tu as de nouveau quinze ans dans un souffle. Tu étouffes un rire dans ta main en imaginant la scène : " Je donnerai cher pour voir ça. " Est-ce que c'est une invitation à se revoir ? Oui, sans doute.

" Je lui ai offert de l'aider, tu sais, les yeux vont vers Liya. Pour son paternel. Un petit silence, un début de sourire cruel, suffisant : j'ai peut-être déjà commencé. " Mais tu n'en diras pas plus. Tu te contentes de laisser aller les choses, de souffler l'évidence. " Mais, je te fais confiance. Tu ne lui dis rien, n'est-ce pas ? " Effie accompagne le geste en posant sa patte sur la bouche de l'aéromancien, en faisant " chuuuut ". Tu en lâches un bref, un fugitif sourire et la conversation bascule sur sa relation avec ta petite sœur de coeur. " Des dates pas dates ? C'est quoi ça ? Si tu savais que Jingyi et toi n'en êtes pas tellement éloigné‧e‧s. Oh si, moi, j'en connais. J'ai une amie comme ça. Enfin, tu baisses les yeux, j'avais une amie. Même scénario, je l'invitais pour la Saint-Valentin, on va aux restaurants sur nos trente-et-uns et on partage des desserts. Un petit silence. Tu vois, c'est pas que toi ? " Il y a un rire un peu amer : putain, quand est-ce qu'elle arrêtera de te manquer ? Quand est-ce qu'un coeur ça arrête de saigner ? Quand est-ce qu'on arrête de s'effondrer ? Tu sais pas, t'essaies juste de respirer.

Il s'arrête un instant pour éclater de rire à ta question et tu roules des yeux : " Oh ça va ! Tu n'es pas si vieux. Mais tu sais il y a un bon kiné dans le coin pour ton genoux et ton dos. Ca te fera du bien, tu fais avec humour alors qu'il tire sur sa cigarette. Il y a un rire qui t'échappe à ses mots et tu lâches un : moi, j'ai continué le sport. J'ai pas le choix vu le métier que j'ai. Tu glisses doucement. Mais plus de rugby. A mon grand regret, c'est peut-être une des seuls fois où tu le dis franchement. Tu as choisi ce qui était nécessaire, ce qui était le mieux. Tu t'amuses de ses mots et tu lâches vraiment comme l'homme le plus basique du monde : et il y en a des sacrément jolies, non ? Un rire résonne encore. Tu t'excuses à un des convives vu le regard choqué, interloqué qu'il a. Tu as eu beaucoup de copines avant Liya ? Un grand sourire : moi, c'était déjà que de la gueule quand j'étais ado et c'est encore le cas adulte. A croire que personne ne veut de Cecil Galbreath. " De toute façon, tu le sais, tu en es persuadé : t'es mieux seul.