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:: ✦ Archives :: ✧RPs :: RPs abandonnés[Abandonné] Talking rings and talking craddles - Feat Nero Karlsson
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Passée le lobby et les entrées grandiloquentes des bars huppés, la brune se sent arpenter les couloirs immémoriaux des souvenirs. Oubliés les lustres éclatants et les appliques tamisées, ne défilent que les pastels et couleurs délavées. Les questions surgissent comme le devraient les tons vibrants. Si elle se risquait à s’échouer sur chaque écueil, les rues bondées de Memory Lane, elle relèvera uniquement des variations de gris, puis majoritairement bleus, puis roses. L’éclat doré auquel tous aspiraient était une rareté dans ses galeries, une sorte de vêtement qui lui siérait à merveille si elle pouvait mettre la main dessus.
Prenant place dans une causeuse, premier verre de passetemps et mise en jambe, elle rencontre cette couleur dans la rondeur tenue dans sa paume. Elle pourrait trouver cela comique, de marquer un passage chez le médecin. Celui-ci avait été plus difficile à obtenir que les autres, elle l’admettait. Cependant, elle trouvait ironique que son quotidien soit digne de célébration, dans les bonnes circonstances.
Déceptions d’enfance s’entrechoquent avec les jeunes traumatismes, sangs rougeâtres rencontrant des bleus couleur ciel – jusqu’à ce que la seule tâche restante tienne plus du firmament lilas. Des gouttes d’elle, de cris et d’étoffes précieuses, un résumé des plus parlant selon elle.
L’air est lourd de parfum, de fleurs dans son cou et de sel dans les courants. Moira sent un goût de saison sur sa langue, dans le vin, une saveur d’été dont les fruits n’auraient pas connu le soleil. En revenant sur les chemins qu’elle connaissait à peine pour tuer le temps, malgré des voyages toujours plus nombreux, elle tourne en rond. Joyeusement perdue, cherchant la bonne direction tout en refusant les cartes tendues.
Une, deux, trois gorgées, et chaque explosion la fait se sentir plus folle, « Je perds l’esprit petit à petit », pense-t-elle. Elle cherche l’asile, tout en voulant éviter les soins blancs.
Elle note avec une pointe d’amertume qu’elle serait plus à sa place dans les lumières claires du cristal, celles de vitraux. Peut-être pourrait-elle allumer une bougie en lieu et place de ses idées. Qu’était son refus de Croire, si ces récits de destin et de fils invisibles parcouraient ses membres en pluie diluvienne. Après tout, elle était intoxiquée aux « et si » et aux contes de fées, qui était-elle pour juger ceux qui trouvaient du réconfort dans les amis imaginaires.
Blasphème en bouteille, pour celle qui tenait la place de l’interface – elle devrait arrêter d’écouter ce qu’elle consommait. Pensée fugace alors qu’elle demande un autre verre.
Mais tout compte fait, les cloches et l’encens seraient probablement un meilleur décor pour ses rêveries, un remplacement idéal pour ses chambres sombres, lits à moitiés défaits et oreillers trempés. Mais elle aimait demeurer sur le côté, tonnes en tête reposant sur un matelas de briques. Comment voir les couleurs autrement, nostalgie encapsulée de métaphores, petites sphères pleines d’émotions non-dites.
En s’aventurant entre les murs de ses propres pensées – We’re all mad in here – ces questions flottent au-dessus de sa tête en étagères étranges. Les princes et princesses sont remplacés par des livres de comptes. Moira n’avait peut-être jamais été capable de se rappeler des nombres, mais elle tenait le registre de chaque vexation, chaque petites erreurs et faux pas des autres. Elle se transformait en monstre avide, une sorcière sanglante se saoulant de méfaits comme de petit lait. La Bibliothèque des horreurs est complétée par ces attentes, ces points d’interrogations recouvrant le plafond en montgolfières. Leur seule volonté semblait être de cacher les étoiles, en mesquinerie incarnée.
Interrogations à propos de sa valeur, l’amour, la vie et la mort, et elle déteste cela. Elle exploserai chacun d’entre eux avec des flèches faites de ses ongles si elle avait assez de doigts. Mais il y en avait juste beaucoup trop ; agresseurs voraces. Son pire tortionnaire avait toujours était son miroir.
Rien ne l’empêche de les haïr, ces mythes devenus réalité. Elle méprise chacun d’entre eux sans exception, navigateurs explorant les recoins de son cerveau sans permission. Elle suppose que le pire tient en son manque d’originalité, la manière dont les heures passaient en gouttes pour des lieux communs aux problèmes ordinaires. L’héritière n’avait jamais été la plus mesurée des Reines, drames virevoltant derrière elle en cape décorant sa robe préférée.
Malgré tout, elle se sent si stupide, créant ce monde dans ses songes, cet Enfer sur terre tout en ayant conscience de n’être ni la première ni la dernière à tomber si bas. Cet abysse tristement – pour ne pas dire pathétique – profond de mal-être.
« Il y a toujours pire ailleurs – Regarde toi, à exagérer un rien – Tu as toutes les raisons d’être épanouie : ouvre les yeux
Comment ose-tu. »
Et le voilà, le nœud du problème, n’est-ce pas ? Comment osait-elle ressentir de cette manière quand tout pourrait être tellement pire, comment osait-elle se plaindre avec sa chance ? Ils soupirent que si elle devait se trouvait confrontée à des épreuves plus difficiles, elle n’aurait d’autre alternatives que de les dépasser. Elle n’aurait pas le choix. Cela lui apprendrait à se montrer si ingrate, elle saurait se contenter de ce qu’elle avait.
Les idées noires étaient un problème de riches, des complaintes à déblatérer entre deux coupes de champagnes, pour ceux qui avaient trop de temps devant eux après tout.
Et comme elle aimerait leur expliquer que si « pire devait arriver », elle se laisserai simplement sombrer. Elle voudrait crier, leur demander comment ils pouvaient être aussi aveugles. Elle aussi souhaiterai mieux que survivre, dépasser cet état de sables mouvants. Que parler lui était intolérable, que le langage avait perdu son sens, au point que le sien lui était devenu étranger, inconfortable ?
En mettant de côté les questions, les toujours devenus impossibilité de répondre, ces néants qu’elle gardait pour elle-même… Elle en avait pour eux, ces observateurs qui déposaient des regards condescendants sur l’Inerte.
Ne voyez-vous pas ? Crache-t-elle sans cible en particulier. Ne comprennent-ils pas qu’elle essayait, hurle-t-elle intérieurement. Les mots s’écrasent en vague derrière des lèvres closes. Elle nageait de toutes ses forces depuis si longtemps, son corps secoué de remous en attrapant tout le froid de la tempête. Si seulement ils avaient été plus perspicaces, s’ils avaient remarqué qu’elle avait contemplé le fond depuis qu’ils l’avaient jetée en mer. Si seulement leurs esprits étriqués pouvaient entrevoir que l’âge tendre, l’innocence et les sucreries avaient été corrompues par le sirop amer et les locomotives. Peut-être alors pourrait-elle leur expliquer.
Mais elle suppose encore qu’ils n’auraient jamais sourcillé en la voyant lâcher ses poupées du haut d’un ravin imaginaire, ils n’y avaient jamais vu de signes.
Peut-être était-elle en effet un peu en colère, bien qu’elle ait caché le plus gros de l’orage. Pourtant, elle avait donné des indices, sûrement des appels désespérés à l’attention, suppliant pour qu’ils remarquent quelque chose tout en culpabilisant. Elle se sentait plus rat d’égout en quête de pain qu’être humain. Constamment dans les limbes, entre la recherche d’intérêt et celle de plaire.
Jusqu’à ce soir, alors que les voix devenaient de plus en plu puissantes, et elle se trouvait incapable de leur échapper. Inspire, pour un moment de clarté, où l’égo est plus fort que la peine, où le respect qu’elle se devait prenait le pas sur les sentiments. Expire, pour tout envoyer valser de nouveau, quand il n’y a plus de raison à laquelle s’accrocher, alors il valait mieux se laisser tomber.
Mais elle était arrivée jusqu’ici, pourquoi s’arrêter en si bon chemin ? Elle avait invité la Faucheuse entre ses draps depuis des années. Elle n’avait ni sauté, ni bu ni empoisonné à douze ans, dix-neuf, vingt-cinq, alors elle suppute qu’elle tiendra le coup jusqu’à quatre-
Alors pourquoi, lors des nuits telles que celle-ci, alors que le progrès devrait être fêté, elle restait limitée aux autres moments de la journée ?
Ce soir, elle repense à chaque matin, aux lumières de la rue. Au moment exact où elle se demande si elle passera sous la berline ou prendra place à son bord, et se sentir terriblement mal une fois assise. Et elle se dit qu’elle n’aurait pas à se poser la question en ayant choisi la première option.
Ces nuitées où elle se souvient des efforts infructueux, des matins impossibles où elle abandonnait son lit à des heures indues dans un état plus triste encore en le retrouvant.
A observer de vieilles cicatrices seulement pour imaginer les rouvrir, juste pour aliéner le reste, l’adoucir un peu
Espérer le mieux et se préparer pour le pire, et le meilleur ne daignait jamais la visiter bien longtemps
Se forcer à la distraction pour sortir de là, et échouer, et écouter les avis lui dictant de se laisser du temps et tout ressentir. « C’est la marche à suivre, c’est guérir » - sans jamais se sentir soulagée et rêver d’un amusement à cet instant précis.
Quand le mieux qu’elle pouvait donner n’était jamais suffisant
A quoi bon ?
Lorsqu’elle songe qu’avec un billet et un peu de préparation,
Tout ne pourrait être qu’un lointain souvenir,
Tout ceci, terminé, sans importance
Cela constituait le chant de chaque alarme de la matinée, se demandant où elle était. Puis se rappelant des cauchemars qu’elle avait laissés derrière elle, se morfondant en s’habillant, car même le pire des sommeils était plus doux que ses habitudes éveillées.
Elle avait déjà entendu qu’il s’agissait de la sortie facile, celle sans fleurs ni applaudissements. Qu’il s’agît du choix égoïste, quand bien même la sensation que tout et tout le monde s’en trouverait arrangé ainsi. Ce n’est qu’une illusion, une pensée traitresse que son esprit malade lui envoyait, quelques doses artificielles ici et là la répareront.
Ces recommandations balancées avec quelques compliments : elle était si forte, bien sûr qu’elle pouvait y arriver. Elle l’avait déjà fait tant de fois. Des mots gentils pour compenser les plus durs, persiflant qu’elle devait juste se mettre un peu de plomb dans la cervelle.
L’idée ne manquait pas d’attrait, cependant.
La difficulté était qu’elle était fatiguée de tout cela, de ces jolies pancartes l’encourageant à aller mieux et des reproches. Elle était juste
Fatiguée. Du courage, d’essayer.
Elle avait suivi les règles, obéi aux conventions, sans résultat.
Elle poursuivait, mais plus par habitude que par volonté.
C’est ce qu’elle penserait, si elle était une femme plus faible. Les caprices d’adolescente n’avaient pas de prise sur elle, du moins en public. Pour eux, elle ne présentait un bon jour, oubliant les larmes amères et les remarques acides dans la salle de bain. Elle finissait ses discours quand elle ignorait où sa phrase la menait, mais n’était-ce pas le travail d’un bon produit, elle et le prix au-dessus de sa tête et sur sa balance. Elle surveille les valeurs quotidiennement, et les chiffres lui déplaisent, mais elle ferait tout pour quelques pièces en plus, pour les dépenser plus tard.
Croisant les jambes, elle finit son second verre puis sort son poudrier pour vérifier que le plâtre reste en place. Satisfaite, elle dissimule au mieux cette aura pitoyable – elle la mettra sur le compte de la lune, et des cartes de tarot familial (car les mauvais parents font des enfants stupides, de toute manière), pour expliquer ce débordement.
Elle croit entendre son compagnon du soir arriver, et elle sert deux généreuses portions du meilleur whiskey qu’elle ait pu trouver en avance.
Un sourire préfabriqué est demandé à l’accueil, et elle lève le reflet en chorégraphie répétée.
-
Ce n'était qu'un jour comme les autres, mais au moins il y avait de l'alcool.
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Pronoms RP : he/him
Âge : 35 ans
Tuer le temps : Bourrasqueur des Enfants des Vents depuis 2016, il est destiné à avoir un grand avenir en politique. Avenir dont il ne veut pas, assurément, mais qu'il n'a pas vraiment d'autre choix que de poursuivre sous peine de conséquences désastreuses.
Familier :
Freja, la chouette chevêche qui semble en permanence en colère. Ce n'est pas qu'une apparence, croyez-le ; elle déteste tout et tout le monde. Attention aux coups de bec !
Freja, la chouette chevêche qui semble en permanence en colère. Ce n'est pas qu'une apparence, croyez-le ; elle déteste tout et tout le monde. Attention aux coups de bec !
Compte en banque : 1736
Arrivé.e le : 09/10/2023
Messages : 1232
Tout était pourtant censé être parfait. La solution miracle trouvée, un énorme mensonge qui nous sauverait tous les deux. Mensonge porté sur des épaules qui ne sont pas les miennes bien entendu ; pour le coup, je ne suis pas tranquille avec cette idée. Me reposer entièrement sur une autre personne, c'est peut-être un peu trop...compliqué pour quelqu'un comme moi, solitaire, porteur de tant de secrets qu'une vie entière ne suffirait pas à les dévoiler et les comprendre. Mais je n'ai pas d'autre choix cette fois, je dois collaborer. C'est littéralement une question de vie ou de mort.
La seule façon d'éviter ce mariage est d'affirmer que ma chère et tendre fiancée est complètement stérile, incapable de concevoir un héritier. Quel scandale ce serait, si c'était vrai ! Une véritable trahison, suffisante pour traîner à la fois les Auchincloss et les Karlsson dans la boue. Oh, nos parents à tous les deux n'accepteraient pas facilement cette éventualité ; mais la fatalité naturelle, aidée d'un coup de pouce médical, suffirait à leur faire fermer leur clapet. C'est ce que j'espère au fond, mais...comment savoir si les choses ne risquent pas de tourner au vinaigre ?
J'ignore comment sont les Auchincloss, ne les ayant côtoyé que dans le cadre des soirées mondaines où tout le monde se pare de son plus bel apparat, enfile un masque et s'assure d'être suffisamment au-dessus de la moyenne pour s'attirer moultes attentions de la part d'un puissant. Oui, ces soirées ne servent qu'à balancer une bonne couche d'hypocrisie, un soupçon de rumeurs et une touche de malaise peut-être lorsque les personnes comme moi se retrouvent piégées dans ce genre de rassemblement. Il n'y a donc aucune raison pour qu'il en soit autrement pour chaque autre individu piégé dans cette impasse, qu'ils diffèrent de la norme, qu'ils soient sincères et montrent leur vrai visage. Sont-ils aussi monstrueux que les Karlsson, dans l'intimité de leur manoir ? Celle à qui j'ai passé la première bague au doigt connaît-elle également le désespoir et la douleur d'une filiation parfaite ? "Peut-être qu'elle aussi, elle souffre une fois les portes closes..." cette pensée, je la chasse d'un mouvement de tête. Je ne peux pas me permettre de faire preuve d'empathie, pas encore. Si je commence à compatir à la douleur des autres, la mienne n'en deviendra que plus insupportable. je ne peux pas me le permettre...j'ai encore le mince espoir de vivre, survivre encore quelques années.
Il y a peu de temps pourtant, je n'aurais jamais montré une telle faiblesse - car c'est ainsi que je le vois, pour être honnête. J'aurais occulté les sentiments des autres, me serait contenté d'un égoïsme de sécurité. J’ignore pourquoi je commence à ressentir de la pitié pour les autres, pourquoi mon coeur s’est dégelé…ou plutôt, je fais semblant de l’ignorer. Car je sais très bien ce qui se passe, et je ne suis pas encore certain de comment réagir. Côtoyer Jager a des effets indésirables sur ma personne, dont celui-ci. Je m’affaiblis, je laisse le monde entier entrer dans mon esprit, et je commence à comprendre que la fin est peut-être plus proche que je le croyais. Tout ça à cause d’une relation sincère…et de quelques réflexions de mon petit ami, qui ne comprend pas pourquoi je suis si froid et distant. Pourquoi je lui cache toujours beaucoup de choses, aussi. Mais ce n’est pas ma faute…pas la sienne non plus, d’ailleurs. Je ne veux juste pas être enfermé comme un fou dangereux, je tiens au peu de liberté qu’il me reste.
Revenons à cette nouvelle empathie qui me gâche tant la vie ces derniers temps. Quand je me rends compte qu’elle m’envahit, j’avoue dans la panique me précipiter vers le comportement inverse, être un peu plus violent que d’ordinaire. Je dois être une statue de pierre au coeur de glace, ne pas permettre à qui que ce soit de me briser plus que je le suis déjà. Alors pourquoi est-ce que je ne parviens pas à redevenir comme avant ? Est-ce que j’ai oublié comment faire, en si peu de temps ? Est-ce que c’est…de la faute de Thanikos peut-être ? C’est étrange dit comme ça, mais mon alter le plus humain est certainement derrière tout ça. Oui, je suis persuadé que son énergie associée à celle de Jager est la raison pour laquelle je peine tellement ces temps-ci. Je dois reprendre le contrôle…ne plus le laisser sortir si souvent. HA ! Comme si j’en étais capable. C’est une douce illusion dans laquelle je me berce, j’ai l’impression.
J’ignore encore pourquoi je lui ai proposé ce rendez-vous, plus encore pourquoi celui-ci a été fixé hors des frontières sorcières. Tout ce que je sais, c’est que notre rencontre avec Moira ne doit pas être observée, écoutée, bref…je m’assure que les oreilles ne traînent pas autour de nous. Voilà pourquoi au lieu de partager un moment dans un établissement renommé - puisque je ne vais pas non plus faire l’affront d’inviter une demoiselle de son rang dans un pub mal famé de Leith, j’ai tout de même quelques standards, merci bien - j’opte pour un endroit plus simple, entouré d’inconnus dépourvus de magie, et donc…potentiellement incapables de lire les pensées ou de reconnaître deux représentants de l’aristocratie écossaise.
Installé sur ma moto, une nouvelle liberté supplémentaire que je me suis offert il y a un moment maintenant, je traverse le portail d’Edimbourg en priant pour que personne ne cherche à m’arrêter d’un côté comme de l’autre. On pourrait se dire que depuis le temps, je devrais cesser d’appréhender mes visites de l’autre côté du miroir…mais pour être honnête, mes entrailles se nouent toujours autant lorsque je vois le monde des humains pour la première fois depuis un moment. C’est un sentiment étrange qui m’envahit, deux émotions totalement opposées.
La terreur tout d’abord ; celle qui date d’une époque où j’étais encore innocent et naïf, ignorant des dangers que recèle ce monde et espérant simplement le découvrir aux côtés d’Aurelius. Cette terreur qui se réveille parfois une fois le portail passé, que je peine à maintenir à distance et espère toujours qu’elle ne m’envahira pas au pire moment.
L’excitation ensuite, une excitation apprise à l’âge adulte. Braver l’interdit, quand bien même celui-ci n’a jamais vraiment été formulé, est un pari intéressant. Passer dans ce monde me donne aussi l’illusion d’avoir plus de liberté. Dans une autre vie - il y a quelques années à peine, donc - je m’y réfugiais pour goûter à la luxure qui m’était interdite, partager les draps d’inconnus et disparaître au petit matin. J’avais mes habitudes d’ailleurs, je suis connu de certains dans ce monde et quand on y pense, c’est presque ironique. Je fuis mon foyer pour me réfugier dans un endroit qui veut ma peau…n’est-ce pas un comportement destructeur une fois de plus ? Ah. Je ne devrais pas y songer.
Je suis en retard à notre rendez-vous, mais elle ne m’en voudra pas. Elle n’a pas intérêt de toute façon, car ma présence est déjà un cadeau que je lui fais. Je pourrais accepter notre destin et l’enfermer dans une vie de malheur, mais j’accepte de me battre pour une fois. Parce que j’ai tout à y gagner évidemment, pas par altruisme ; empathique certes, mais il ne faut pas pousser. Je gare ma moto proche du pub, retire mon casque et entre dans l’établissement.
Elle est repérable, Moira, quand bien même elle tente de se fondre dans le décor à squatter près du comptoir. Son apparence soignée la trahit au milieu de la plèbe, pourtant ses vêtements loin d’être ostentatoires. Je m’approche sans un regard pour quiconque, et m’installe à ses côtés sans un mot. Visiblement, elle a pris de l’avance sur sa commande. Je me retiens de lever les yeux au ciel, et au lieu de ça, accepte volontiers le verre.
“Il n’y a rien à célébrer.”
Nous n’avons encore rien lancé, dans ce plan machiavélique qui est le nôtre. Je la fixe du regard, mes yeux trop clairs et si déstabilisants se plongeant dans les siens presque aussi perturbants. D’un point de vue objectif, nos enfants seraient absolument parfaits…mais je n’aime pas y songer. Je suis persuadé que ce genre de pensées me vient directement de l’endoctrinement des Karlsson, et elles me donnent envie de vomir.
“Nous avons du pain sur la planche. Mais ce soir…ce soir, c’est notre dernière soirée libre. Une fois les rumeurs lancées, nous serons surveillés jour et nuit. Alors profite, Auchincloss, et savoure ce whisky.”
Pour ma part, à peine les mots déblatérés que je porte le liquide ambré à mes lèvres pour en boire une longue rasade. L’alcool brûle ma gorge pourtant habituée, et j’affiche une grimace qui disparaît pourtant en quelques secondes. Je pose le verre, et balaye la salle du regard. J’ignore ce que je cherche. Un comportement étrange, peut-être ? Ce type là-bas…est-il un espion à leur solde ? Non, il semble s’en aller. Et elle…non, une fois de plus. Elle est trop loin pour entendre quoi que ce soit de toute façon. Ce serait tout de même plus pratique d’avoir un moyen de détecter la magie chez les autres, au moins ma paranoïa serait moins nourrie par mes craintes.
“As-tu trouvé un médecin digne de confiance ? Il faut se dépêcher. Les Karlsson sont très impatients.”
Madame Karlsson en particulier. J’ignore pourquoi elle se projette tant dans cette union, mais je me souviens qu’elle a fait tout un cirque pour chacune de mes fiançailles. Cette fois pourtant, j’ai cette étrange impression qu’elle le prend d’autant plus au sérieux…et ça ne me dit rien qui vaille. Que se trame-t-il donc dans cet esprit malade et psychopathe ? Qu’espère-t-elle obtenir ? Elle possède pourtant déjà tout ce qu’une aristocrate rêverait de posséder…à part peut-être une influence très ancrée en politique, mais je ne vois pas le rapport avec les Auchincloss.
La seule façon d'éviter ce mariage est d'affirmer que ma chère et tendre fiancée est complètement stérile, incapable de concevoir un héritier. Quel scandale ce serait, si c'était vrai ! Une véritable trahison, suffisante pour traîner à la fois les Auchincloss et les Karlsson dans la boue. Oh, nos parents à tous les deux n'accepteraient pas facilement cette éventualité ; mais la fatalité naturelle, aidée d'un coup de pouce médical, suffirait à leur faire fermer leur clapet. C'est ce que j'espère au fond, mais...comment savoir si les choses ne risquent pas de tourner au vinaigre ?
J'ignore comment sont les Auchincloss, ne les ayant côtoyé que dans le cadre des soirées mondaines où tout le monde se pare de son plus bel apparat, enfile un masque et s'assure d'être suffisamment au-dessus de la moyenne pour s'attirer moultes attentions de la part d'un puissant. Oui, ces soirées ne servent qu'à balancer une bonne couche d'hypocrisie, un soupçon de rumeurs et une touche de malaise peut-être lorsque les personnes comme moi se retrouvent piégées dans ce genre de rassemblement. Il n'y a donc aucune raison pour qu'il en soit autrement pour chaque autre individu piégé dans cette impasse, qu'ils diffèrent de la norme, qu'ils soient sincères et montrent leur vrai visage. Sont-ils aussi monstrueux que les Karlsson, dans l'intimité de leur manoir ? Celle à qui j'ai passé la première bague au doigt connaît-elle également le désespoir et la douleur d'une filiation parfaite ? "Peut-être qu'elle aussi, elle souffre une fois les portes closes..." cette pensée, je la chasse d'un mouvement de tête. Je ne peux pas me permettre de faire preuve d'empathie, pas encore. Si je commence à compatir à la douleur des autres, la mienne n'en deviendra que plus insupportable. je ne peux pas me le permettre...j'ai encore le mince espoir de vivre, survivre encore quelques années.
Il y a peu de temps pourtant, je n'aurais jamais montré une telle faiblesse - car c'est ainsi que je le vois, pour être honnête. J'aurais occulté les sentiments des autres, me serait contenté d'un égoïsme de sécurité. J’ignore pourquoi je commence à ressentir de la pitié pour les autres, pourquoi mon coeur s’est dégelé…ou plutôt, je fais semblant de l’ignorer. Car je sais très bien ce qui se passe, et je ne suis pas encore certain de comment réagir. Côtoyer Jager a des effets indésirables sur ma personne, dont celui-ci. Je m’affaiblis, je laisse le monde entier entrer dans mon esprit, et je commence à comprendre que la fin est peut-être plus proche que je le croyais. Tout ça à cause d’une relation sincère…et de quelques réflexions de mon petit ami, qui ne comprend pas pourquoi je suis si froid et distant. Pourquoi je lui cache toujours beaucoup de choses, aussi. Mais ce n’est pas ma faute…pas la sienne non plus, d’ailleurs. Je ne veux juste pas être enfermé comme un fou dangereux, je tiens au peu de liberté qu’il me reste.
Revenons à cette nouvelle empathie qui me gâche tant la vie ces derniers temps. Quand je me rends compte qu’elle m’envahit, j’avoue dans la panique me précipiter vers le comportement inverse, être un peu plus violent que d’ordinaire. Je dois être une statue de pierre au coeur de glace, ne pas permettre à qui que ce soit de me briser plus que je le suis déjà. Alors pourquoi est-ce que je ne parviens pas à redevenir comme avant ? Est-ce que j’ai oublié comment faire, en si peu de temps ? Est-ce que c’est…de la faute de Thanikos peut-être ? C’est étrange dit comme ça, mais mon alter le plus humain est certainement derrière tout ça. Oui, je suis persuadé que son énergie associée à celle de Jager est la raison pour laquelle je peine tellement ces temps-ci. Je dois reprendre le contrôle…ne plus le laisser sortir si souvent. HA ! Comme si j’en étais capable. C’est une douce illusion dans laquelle je me berce, j’ai l’impression.
J’ignore encore pourquoi je lui ai proposé ce rendez-vous, plus encore pourquoi celui-ci a été fixé hors des frontières sorcières. Tout ce que je sais, c’est que notre rencontre avec Moira ne doit pas être observée, écoutée, bref…je m’assure que les oreilles ne traînent pas autour de nous. Voilà pourquoi au lieu de partager un moment dans un établissement renommé - puisque je ne vais pas non plus faire l’affront d’inviter une demoiselle de son rang dans un pub mal famé de Leith, j’ai tout de même quelques standards, merci bien - j’opte pour un endroit plus simple, entouré d’inconnus dépourvus de magie, et donc…potentiellement incapables de lire les pensées ou de reconnaître deux représentants de l’aristocratie écossaise.
Installé sur ma moto, une nouvelle liberté supplémentaire que je me suis offert il y a un moment maintenant, je traverse le portail d’Edimbourg en priant pour que personne ne cherche à m’arrêter d’un côté comme de l’autre. On pourrait se dire que depuis le temps, je devrais cesser d’appréhender mes visites de l’autre côté du miroir…mais pour être honnête, mes entrailles se nouent toujours autant lorsque je vois le monde des humains pour la première fois depuis un moment. C’est un sentiment étrange qui m’envahit, deux émotions totalement opposées.
La terreur tout d’abord ; celle qui date d’une époque où j’étais encore innocent et naïf, ignorant des dangers que recèle ce monde et espérant simplement le découvrir aux côtés d’Aurelius. Cette terreur qui se réveille parfois une fois le portail passé, que je peine à maintenir à distance et espère toujours qu’elle ne m’envahira pas au pire moment.
L’excitation ensuite, une excitation apprise à l’âge adulte. Braver l’interdit, quand bien même celui-ci n’a jamais vraiment été formulé, est un pari intéressant. Passer dans ce monde me donne aussi l’illusion d’avoir plus de liberté. Dans une autre vie - il y a quelques années à peine, donc - je m’y réfugiais pour goûter à la luxure qui m’était interdite, partager les draps d’inconnus et disparaître au petit matin. J’avais mes habitudes d’ailleurs, je suis connu de certains dans ce monde et quand on y pense, c’est presque ironique. Je fuis mon foyer pour me réfugier dans un endroit qui veut ma peau…n’est-ce pas un comportement destructeur une fois de plus ? Ah. Je ne devrais pas y songer.
Je suis en retard à notre rendez-vous, mais elle ne m’en voudra pas. Elle n’a pas intérêt de toute façon, car ma présence est déjà un cadeau que je lui fais. Je pourrais accepter notre destin et l’enfermer dans une vie de malheur, mais j’accepte de me battre pour une fois. Parce que j’ai tout à y gagner évidemment, pas par altruisme ; empathique certes, mais il ne faut pas pousser. Je gare ma moto proche du pub, retire mon casque et entre dans l’établissement.
Elle est repérable, Moira, quand bien même elle tente de se fondre dans le décor à squatter près du comptoir. Son apparence soignée la trahit au milieu de la plèbe, pourtant ses vêtements loin d’être ostentatoires. Je m’approche sans un regard pour quiconque, et m’installe à ses côtés sans un mot. Visiblement, elle a pris de l’avance sur sa commande. Je me retiens de lever les yeux au ciel, et au lieu de ça, accepte volontiers le verre.
Nous n’avons encore rien lancé, dans ce plan machiavélique qui est le nôtre. Je la fixe du regard, mes yeux trop clairs et si déstabilisants se plongeant dans les siens presque aussi perturbants. D’un point de vue objectif, nos enfants seraient absolument parfaits…mais je n’aime pas y songer. Je suis persuadé que ce genre de pensées me vient directement de l’endoctrinement des Karlsson, et elles me donnent envie de vomir.
Pour ma part, à peine les mots déblatérés que je porte le liquide ambré à mes lèvres pour en boire une longue rasade. L’alcool brûle ma gorge pourtant habituée, et j’affiche une grimace qui disparaît pourtant en quelques secondes. Je pose le verre, et balaye la salle du regard. J’ignore ce que je cherche. Un comportement étrange, peut-être ? Ce type là-bas…est-il un espion à leur solde ? Non, il semble s’en aller. Et elle…non, une fois de plus. Elle est trop loin pour entendre quoi que ce soit de toute façon. Ce serait tout de même plus pratique d’avoir un moyen de détecter la magie chez les autres, au moins ma paranoïa serait moins nourrie par mes craintes.
Madame Karlsson en particulier. J’ignore pourquoi elle se projette tant dans cette union, mais je me souviens qu’elle a fait tout un cirque pour chacune de mes fiançailles. Cette fois pourtant, j’ai cette étrange impression qu’elle le prend d’autant plus au sérieux…et ça ne me dit rien qui vaille. Que se trame-t-il donc dans cet esprit malade et psychopathe ? Qu’espère-t-elle obtenir ? Elle possède pourtant déjà tout ce qu’une aristocrate rêverait de posséder…à part peut-être une influence très ancrée en politique, mais je ne vois pas le rapport avec les Auchincloss.