MISSION CHU
Juin 2024
Ou l'on ment allégrement
TW: Drogue / Attentat / Insomnie
La nouvelle tomba comme un couperet.
Imaginez une classe qui travaille d’arrache-pied, qui passe un examen final et en sort plutôt satisfait ; au retour, à l’attente des résultats, non pas une bonne note, non pas une mauvaise note, non pas une catastrophe mais l’entièreté des élèves, de la promotion, recalé. Une école si nulle qu’elle en voit ses subventions retirées, ses futures inscriptions toutes abandonnées, son nom rayé. Voilà quel était l’état de la police sorcière se trouvant du côté humain, une petite poignée de mage toutes et tous abattus par la nouvelle sortie de nulle part.
Personne ne s’y attendait.
Je me trouvais tranquillement dans mon canapé, le soir, à somnoler vaille que vaille, quand le téléphone sonna, que les messages et la panique affluèrent.
Depuis, je n’avais que peu dormi, encore moins que d’habitude, tentant de demeurer au maximum de mes capacités à l’aide de café, boissons énergisantes et substances illicites. Il s’avérait difficile de jauger la limite, j’espérais m’y tenir.
Dans cet état frénétique peu contrôlé, et pour être honnête au bord du gouffre, on m’avait envoyé enquêter aux abords du parlement, là où l’attentat avait eu lieu.
Parmi les badauds, une silhouette se détachait ; on aurait dit un journaliste de prime abord mais cette personne, de loin, semblait stressée. Après quelques instants à avoir scruté les lieux clefs de l’attaque, l’ombre s’éloigna suspicieusement du bâtiment. Je savais que d’autres sorciers s’étaient désignés pour mener l’enquête mais je n’avais pas le temps de prévenir le volontaire.
Afin d’apparaître comme un homme lambda, j’avais enfilé ma meilleure tenue de roller ; fashionista de Decathlon, cela me permettait de rapidement réduire la distance entre le suspect et moi. En effet, le bougre (ou la bougresse) se trouvait à l’autre bout de l’esplanade et s’enfonçait déjà dans le méandre des rues, si peu éclairées à cette heure nocturne.
Le chemin emprunté me semblait décousu, abscons ; une seule chose me vint à l’esprit, ma proie se savait poursuivie. Il me fallait à la fois ralentir et, parfois, bifurquer pour le retrouver plus tard car, étrangement, je n’arrivais tant à réduire la distance.
Quand enfin il ne me semblait plus très loin, les portes du CHU me bloquèrent l’accès.
Comment était-il entré ? Commençant à arpenter l’enceinte, je décrétai rapidement qu’il m’était impossible de franchir l’enceinte en escaladant, du moins non sans risque. Certes, l’adrénaline et d’autres produits me donnaient des ailes (et pas que le liquide en canette), mais l’idée de devoir atterrir en roller me refroidissait. Et Kidlat, lui, m’interdisait clairement de le suivre.
De retour au portail d’entrée, je tombai sur une connaissance.
Pas n’importe laquelle.
Je ne l’avais pas vu pendant des années, puis un sécateur à la main, puis en train de vivre bien trop précocement une fuite urinaire. La voyant parler à l’interphone, il me fallait intervenir. Cependant, la paranoïa -car j’étais assez conscient de savoir qu’il s’agissait bien d’une paranoïa- due à mes lignes blanches me poussaient à ne pas révéler ma fonction de policier.
L’accostant, une main sur l’épaule, je poursuivi.
J’ai fait aussi vite que j’ai pu, chérie.
La transpiration, les cernes sous les yeux et les pupilles dilatées devaient jouer en ma faveur et faire comprendre à April dans quel état je me trouvais.
J’entrai dans son jeu car, dans mon esprit brouillé et beaucoup trop énergisé, si la personne que nous poursuivions était entrée sans anicroche, peut-être que des acolytes l’aidaient à l’intérieur de l’hôpital. De plus, montrer mon badge ou mon arme policière ne feraient que faire paniquer la sécurité qui, alors, alerterait notre cible, ou ses alliés, de plus bel.
Approchant ma tête de l’interphone, la peau luisante et les pupilles tremblantes, je repris :
Vous ne voyez pas qu’elle souffre ? Ce sont des urgences oui ou non ?
- TL;DR:
Cin', dans un état presque second, a poursuivi de son côté le suspect jusqu'au CHU. Il est en roller alors n'ose escalader les murs, son familier lui arrive à rentrer. IL croise enfin April et rentre dans son jeu, insistant sur l'interphone en jouant le rôle du mari paniqué.