[Abandonné] sad birds still sing — (Caleigh)

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Sílas ne s’est pas levé avec l’intention de demander pénitence après avoir conduit sa soeur sur le chemin de la détresse, bien qu’il reconnaisse et regrette sincèrement la dureté de ses mots durant leur dispute. Il a toujours songé, malgré leur écart d’âge, qu’il était celui qui devait protéger l’autre des affres de la douleur, sans jamais envisager qu’il pourrait être celui qui porte le coup fatal ; maintenant que c’est chose faite, Sílas n’arbore nullement la fierté comme bouclier, mais se cache plutôt derrière l’invariabilité de son mauvais tempérament, que sa soeur accueille toujours sans contestation. C’est sans nul doute l’une des choses qu’il aime le plus chez elle, sa capacité à endurer ses frasques sans jamais élever la voix ou se lasser, puisqu’elle est, invariablement, celle qui est toujours présente dans le décor de sa vie, davantage importante et douce que la figure qui les a mis au monde. ’’Je n’avais pas prévu d’être en retard’’ est la première chose que Caleigh peut entendre quand il arrive à sa hauteur, et si les mots « je suis désolé » ne trouvent pas le chemin de sa langue, on peut considérer que c’est ce qu’il veut dire, sans trop d’effort certes. ’’Je vais m’asseoir.’’ il la prévient en commençant à effectuer le geste, tirant la chaise pour s’installer en face d’elle, passant la pointe de sa langue sur ses dents du haut, visiblement nerveux d’être dans une nouvelle configuration avec Caleigh ; ils n’ont jamais été des adversaires eux, mais plutôt des coéquipiers fermement accrochés l’un à l’autre dans le tourbillon périlleux qu’est leur vie, et même s’il a l’habitude des relations houleuses, force est d’admettre qu’il souffre que ce soit avec celle qui compte le plus à ses yeux.

Ne sachant pas trop quoi dire, mais se sachant suffisamment en tort pour ne pas lui faire l’affront de la toiser avec son air naturellement hautain, il fuit même son regard durant quelques secondes alors qu’il dépose mollement ses deux mains sur la table du café, mordillant l’intérieur de sa joue avant de se tasser sur sa chaise, franchement penaud mais peut-être pas au point d’admettre ses torts aussi vite ni aussi facilement , plutôt crever sur place c’est clair ’’Comment tu vas ?’’ qui est demandé sans grande conviction parce qu’il se retient de lui dire qu’elle a très mauvaise mine, et qu’il pense être en partie responsable de la rougeur de ses yeux. ’’T’as l’air d’aller bien.’’ il ment toujours aussi mal mais on peut lui reconnaître d’essayer, même si c’est d’une maladresse affligeante.

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“Ce n’est rien…” est la seule chose qu’elle trouve à redire concernant son retard, parce qu’elle est comme ça, Caleigh, qu’elle lui a toujours pardonné ses frasques sans même qu’il ait besoin de lui demander de le faire. Et s’il culpabilise parfois - très souvent, de la large tolérance dont sa soeur fait preuve à son égard, il n’est pas suffisamment clairvoyant pour envisager à quel point elle peut souffrir de son incapacité à se contrôler quand la colère vient frapper son coeur. Il aurait peut-être préféré qu’elle se montre rancunière, agressive et hautaine, cela aurait au moins justifié qu’il ne sache pas faire le premier pas ou ne serait-ce que présenter ses excuses - puisqu’elle le mérite amplement mais, comme d’ordinaire, c’est avec douceur et patience qu’elle l’accueille et, lui, si malhabile avec les sentiments, racle discrètement sa gorge en prenant place face à elle. Il est mal-à-l’aise, le musicien, et cela se voit puisqu’il passe la pointe de sa langue sur ses lèvres, évite d’abord son regard avant de se risquer à hisser le sien jusqu’à son visage, pose d’abord ses mains sur ses genoux puis les remontent sur la table, en ne sachant pas tellement comment aborder le sujet, ni même s’il doit le faire. Il n’y a pas de mode d’emploi pour expliquer à la soeur qu’on a pourri jusqu’à l’os qu’elle nous manque et qu’on s’en veut terriblement de l’avoir blessée - malheureusement.

Alors, faute d’une quelconque banalité ou originalité à brandir pour rompre le silence, il se contente de mollement entrelacer ses doigts entre eux sur la table, en imitant inconsciemment le geste nerveux de son aînée : pendant qu’il lui demande comment elle va, sa jambe se met à tressauter à son tour, comme si le stress chez les Carter était gravement contagieux “Je- ça peut aller.” il ne relève pas l’hésitation mais discerne assez bien le mensonge, le servant, lui aussi, à ceux qui lui posent la même question ; seulement voilà, savoir lire entre les lignes de la brune lui permet aisément de deviner que c’est tout le contraire de ce qu’elle avance, et il ne se ment pas sur l’origine du problème : lui. Cette réalité qu’il accepte, à défaut de pouvoir, fuir l’oblige à prendre une fine inspiration pendant qu’il détourne les yeux à son tour, en essayant de ne pas se laisser submerger par le stress. “Comment tu vas ?” qu’est-il censé dire ? Doit-il mentir ou dire la vérité ? Quelle option leur permettrait de retrouver la complicité qu’ils avaient avant cet incident malheureux ? ’’Ça va.’’ une minute de silence, pendant que ses yeux observe la main de sa soeur qui s’acharne sur son bras. En réponse, il mordille le coin de sa lèvre avant de défaire ses mains pour en glisser une dans ses cheveux, avant de se risquer à dire, d’une voix aussi incertaine qu’hésitante ’’Je voulais te dire, euh… Pour l’autre fois.’’ c’est suffisamment difficile pour qu’il se redresse en remuant légèrement ses épaules, comme si toute la tension nerveuse de son corps s’y était soudainement accumulée. ‘’Je…Je suis désolé. Vraiment désolé.’’ Plantant son regard dans le sien, du moins si elle daigne accepter de le regarder, il lui tend sa paume offerte en pressant ses lèvres dans une expression qui assiège le fait qu’il s’en veut, et qu’il refuse de perdre celle qui l’a sauvé à de multiples reprises, qui a toujours été une constante dans sa vie, et de laquelle il ne veut plus être éloigné ’’Tu ne méritais pas ça.’’ ni sa colère, ni sa méchanceté.