Wild hearts

Une soirée calme au Friday 13th. Le visage plaqué contre une vitre froide, Bear regarde l’eau tomber drue dans la ruelle sombre, s’amuse un peu à se masquer régulièrement la vision par un souffle de buée. Elle n’aime pas faire figuration, et c’est clairement le rôle qu’elle se doit d’endosser ce soir : présente au cas où, parce qu’un pub normal ne ferme pas même quand il est presque désert et qu’il faut bien des muscles pour éviter les débordements. En cette fin de soirée, la zoomancienne a du mal à considérer quoi que ce soit de menaçant cependant : quelques tables tout juste, deux habitués au comptoir en train de faire causette avec Ferret, pas tellement de passage au dehors – et elle, à attendre toujours, Godo peut-être. Index vient gribouiller une bouille de chat avec d’épaisses moustaches sur le voile opaque, et Bear se redresse en lâchant un de ses habituels grognements.

Pieds qui trainent en prenant un malin plaisir de faire le plus de bruit possible – loin d’être suffisant pour vraiment irriter les agaçants tardifs, putain de fond sonore qui grésille doucement au-dessus d’elle. Comme d’habitude, Ferret semble amusé par la situation, à en juger par son regard en coin et son sourire qui s’étire un instant. De leur petite bande, le sorcier est probablement celui qui se permet le plus de choses avec elle, n’hésitant pas à effleurer ses limites sans jamais les franchir vraiment – et elle aime bien ce courage stupide et inconscient, ses blagues vaseuses parfois, quand bien même il surjoue et qu’elle le couvre d’insultes. Il ne la comprend pas mieux que les autres mais connait sa nature et partage son lien aux choses… au moins un peu.

Se hisse sur une chaise haute adjacente au bar, adresse un regard teinté de désespoir à son comparse et laisse son front s’écraser lourdement contre le panneau de bois. « La vie est une puuuute », qu’elle lâche spontanément, cordes vocales enrouées. « Putain de pute, pute pute. » Elle redresse la tête, emprunte douloureuse qui rougit déjà, adresse un regard froncé et débordant de dédain aux deux habitués qui se sont tus en la voyant débarquer. « J’me fais chier, Elio. Aide. Moi. »

@Elio Myers

Wild hearts

06.04.24

ft. @Letha Stone

La vie est une pute

TW : alcool

Il les aime bien. Ces deux gars qui sont souvent là. Il connaît leurs vies par cœur à force de les entendre. Ash, ça fait bien 4 mois que sa copine s’est barré avec le prof de yoga. Faut dire, ça fait un moment qu’il se passait plus rien entre eux. Il veut rencontrer des nouvelles filles, mais il sait pas trop y faire. Il est pas moche. Ni con d’ailleurs. Il est même assez mignon dans son genre. Petites lunettes et une bouille de premier de la classe. Il a son petit charme. Son problème, c’est que les filles, il sait pas comment les aborder. Il dit toujours le truc qu’il faut pas. Son pote est pas tellement mieux loti. Eternel célibataire un peu jm’en foutiste. Il passe probablement trop de temps à la salle de sport pour être bien dans sa peau. Il fait des blagues un peu beauf. Ils forment un groupe assez étrange tous les deux. De ceux qu’on comprend pas vraiment le pourquoi du comment. Mais ils se connaissent depuis toujours. Alors forcément …

Il l’observe du coin de l'œil. Bear. Il aime l’observer. Parfois pour pouvoir l’emmerder, souvent parce qu’elle a une façon d’être qui le fascine. Si elle est généralement un mur, il suffit souvent d’un rien pour que les émotions s’expriment chez elle d’une façon si pures et instinctives. Et là, Bear s’ennuie. Tout dans son corps exprime la lassitude et l’exaspération. Elle s’emmerde. Faut dire, lui aussi, il s’emmerde. Pas qu’il n’aime pas discuter avec les deux piliers de bar. Non, c’est juste que ça laisse trop de temps aux pensées pour divaguer. Ça manque d’actions. De vie. De tout. Elio, il préfère quand tout va vite. Quand il sait plus où donner de la tête. Il aime quand ça crie, quand ça chante, quand ça titube sur l’incertitude. Et là, tout est si calme.

Il rit quand elle pose sa tête contre le bar, s'apprêtant à répondre 'Comme toi'. Il l’aurait probablement fait s’ils n’étaient que tous les deux. D’ailleurs, son cerveau a mis trop de temps à censurer ses mots qui ont déjà commencé à franchir ses lèvres. Alors, il se corrige, soufflant avec malice un “Comme moi” qui fait sourire les deux piliers. Il prend quatre verres de shot, les plaçant devant lui. Et comme il ne peut pas vraiment faire simple, il attrape la bouteille, la balançant en l’air avant de la rattraper à l’envers pour servir les quatre verres un à un. “Tient déjà”. Il lève son verre, faisant signe aux deux garçons de faire de même. Il est tard, ils peuvent bien profiter un peu. Et puis, qu’est ce qu’il peut bien se passer un mardi soir à 23h ? Hein ?