ahora te puedes marchar

tw; mort, funérailles, anti-colonialisme, rapports familiaux toxiques, jalousie et mégenrage

La procession fait son chemin jusqu’au cimetière, où préside certains membres éminents du coven local. Emilio est encadré d’un défunt familier qu’il sent sans le voir, ainsi que de sa mère, venue célébrer l’ultime voyage du représentant nécromancien du conseil. Aucun mot prononcé depuis plus d’une heure, avec une bothrops ciselée par la fraîcheur nocturne, ce qui renforce sa présence sous sa veste. Ximena sait se plaindre sans le faire, comme son sorcier sait détester sans se faire détecter. Une bonne partie du chemin a été effectué, en partie grâce aux graines semées par cette coalition silencieuse. En arrivant ici, il y a bientôt un an, le nécromancien l’a accueilli comme un supplice. Météorologique, culturel. Rien n’aurait dû le mener ici, sauf cette prophétie. Il lui avait fallu rejoindre Crowley pour une bonne raison, tout en se déracinant d’une terre avec laquelle son cœur bat à l’unisson. Il fait frais, presque froid à vrai dire, mais aucun des Hernández en présence ne s’en plaignent ouvertement. Manuela salue les proches et apporte les pieuses condoléances qui ne sont là que par principe, parlant au nom de toute une lignée dont elle ne pouvait pas se targuer d’apporter la pureté.

Le manque d’esprit festif, dans le sens latino du terme, est prégnant et alourdit fatalement les expirations du cadet. L’œil va se loger vers l’Oracle qui fait partie prenante de la cérémonie, ce qui n’est pas son cas. Il y a une ambiance trop quiète, là où les voix devraient s’élever autant qu’une musique rituelle, afin d’élever et d’honorer l’âme migrante. Quant bien même il s’agissait d’une âme insignifiante, arrachée à son corps de la plus pathétique des façons.

L’air lui est poisseux, et celui qui entoure certains individus de l’assemblée est profondément vicié. Abrège. Pensée chargée dirigée vers Aster, là où le concerné ne fait que ce pour quoi il est connu ici. Il ne l’entend pas, ne l’entendra jamais, contrairement à celle d’Alejandro qu’il confond comme étant la sienne dans son esprit, lorsque sa chevalière est enfilée, comme aujourd’hui. Là où l’on célébrait les morts, Izel ne souhaitait pas perdre son temps avec ceux des autres ; c’était bien sa façon personnelle de profiter de l’occasion pour se réunir à nouveau avec sa moitié. Raison pour laquelle son regard s’est fait de plus en plus lointain, au fil des minutes, jusqu’à ce que l’on sonne même la fin de la cérémonie.

Le cortège se dissout assez rapidement après ça : beaucoup ne sont venus que parce que le feu représentant rimait avec - vaguement - important. La bonne nouvelle étant qu’ils pouvaient se targuer d’un plus maintenant.

Ne reste plus que les plus proches, qui viennent se frotter aux acteurs de ladite cérémonie. Aster est encadré par ces derniers, tandis qu’Emilio lui, doit se coltiner sa satanée matrice.

“Emilio. — Hm ? — Passe me voir demain, j’ai quelque chose à te donner. — Me donner. Depuis quand me fais-tu des cadeaux ?”

Le regard qu’il lui lance, de biais, est à la fois éteint et réchauffé par des braises pernicieuses. Les deux individus sont dans une position équivalente, une position d’attente et de recueillement, mains jointes reposant vers l’avant. Leur mexicain est tout aussi incompréhensible par les locaux qu’ils ont tendance à parler vite entre eux, alors que ce n’est pas vraiment ce qu’on accorde aux natifs d’habitude.

“Je t’ai donné la vie, c’est le plus beau des cadeaux, ne l’oublie pas. — Nous le savons.” Il y a un sourire qui se dessine sur son visage, quelque chose d’une douceur mesquine. Sang infecté du mélange colon maternel, il ne peut qu’aimer détester cet état de fait. Manuela, qui ne semblait pas prête encore à bouger, s’y sent finalement forcée aux mots de son fils cadet qui la méprisent d’un affectueux. “A demain, mamita.”

La Hernández salue de loin le Crowley, qui a certainement dû comprendre le manège à son tour. La peau froide de la bothrops glisse un peu plus vers les hauteurs, donne un léger à coup sur la ligne de sa mâchoire inférieure. (Tu n’as d’yeux que pour lui dernièrement. – De qui tu parles ? – Ton protégé. – Il est bien assez grand pour se protéger seul. – Tu sais très bien de quoi je parle, Izel. Et j’étais là avant lui.)

A la discussion télépathique s’ajoute finalement le concerné, à qui Izel laisse immédiatement échapper un salutaire : “J’ai cru que tu ne t’arrêterais jamais.”

tw; mort, funérailles, mégenrage et sens du consentement inexistant

“J'ai cru aussi. Ce n'est pas moi qui ait écris le discours. J'ai oublié la moitié, abrégé et meublé autrement. Autrement, on y serait encore. Il faut de la patience aussi, pour les plus âgés. Prendre son temps pour eux, c'est important de les avoir de son côté tu ne crois pas ? Ne dis-t-on pas que l'on doit respecter ses aînés en plus des ancêtres ?”

Il entend siffler Ximena d’une jalousie qui le fait soupirer aussitôt du nez, et Emilio n’a que l’audace de laisser filer un venin délicat d’entre ses lèvres. Cet ancien-là avait été suffisamment prié et guidé pour son dernier voyage, et il n’en demeurait pas moins que l’expérience avait été tout sauf vivifiante pour le nécromancien.

“C’est important parce qu’ils sont durs de la feuille, oui.” conclut-il sans faire l’effort de penser aux autres ancêtres que l’ancien qu’il venait précisément d’enterrer. Encore un jour à regretter d’être aussi loin de là où l’on festoie vraiment autour de cadavres frais. Au moins, si cela durait trois jours, il y avait de quoi profiter de la cérémonie sans un seul brin d’ennui. “En parlant du respect des aînés. Je t’invite à dîner.”

Et il n’y a pas l’ombre d’une décision à prendre derrière ce qui est annoncé. Il osait espérer qu’Aster avait bloqué son après-cérémonie pour fêter ça dignement. Lui, en tout cas, ne s’était pas gêné de réserver une table pour deux, sans le concerter. Ou bien la ? Aster n’est de toute évidence qu’une entité à part entière dont le genre n’a pas plus d’importance qu’il semble incarner les deux. Emilio lui en reparlerait probablement, mais même Ximena s’avérait être maladroite à ce sujet. Maladroite on purpose, bien plus que lui ne le serait, fatalement.

“Je n’ai pas trouvé un seul restaurant digne de ce nom, mais je compte bien te faire manger la cuisine de mon pays.” Si peu qu'ils soient capables de cette prouesse ici. Il y a comme un relent ancestral dans ses propos, tel le local qui insisterait à sa façon pour inviter l’étranger à sa table. “Je ne m’attends à rien, sache le.” Et il sera probablement déçu quand même, une part de lui le sait déjà. “Tu n’allais pas fêter ça sans moi, de toute façon. Si tu es prêt, allons-y.” Ce serait le vexer d’une part, et entacher la prophétie qui les lie si fort à elleux. Mais il savait que s’il était déçu ce soir, ce ne serait pas la faute au Crowley, qui était déjà sur le bon chemin.

tw; mégenrage

L’Oracle ne se fait pas réellement prier et accepte ce à quoi il était convié, emportant le mexicain à sa suite. S’il n’avait encore jamais eu l’immense privilège de grimper dans ce qui s’apparentait plutôt à un déchet qu’à un moyen de se véhiculer, Izel ne faisait à cet instant pas l’étalage de sa joie incommensurable. Avant même qu’il ne daigne s’essayer à ouvrir la portière, qui lui aurait probablement valu assez rapidement un tour de violence pour la décider, Aster lui dévoile non sans mal que son premier réflexe aurait été le bon. Un coup de pied dans la portière et cette dernière s’ouvre, il attrape cette dernière et laisse Ximena filer le long de son bras pour s’éviter d’être écrasée une fois rentré là. “Merveilleux. Je me sentirais presque comme à la maison.” laisse t-il échapper non sans soupirer, faisant l’éloge des bolides du Mexique qui étaient pour beaucoup et dans les quartiers qu’il fréquentait, particulièrement abîmés comme celui-ci l’était.

Pour ainsi dire, il n’a pas le réflexe d’aller boucler sa ceinture, et à peine le contact mit qu’une musique fut vomie par le système hi-fi pas si désuet que ça, lui ; comme s’il s’agissait encore du seul rescapé de l’épave. En espérant que la direction le soit aussi, tant qu’à faire. Si Izel rêvait de mort, il rêvait aussi de la sienne, parfois, et il ne s’attendait pas qu’elle soit aussi ridicule que celle qui avait fait enterrer le représentant des nécromanciens ce jour. “Dans ma prochaine voiture, promis, j'aurais l'option bluetooth pour la musique. Tu nous mettras la camisa negra.” Fronce du nez, Izel le jugeant d’un regard à peine léger. “Tu me ferais presque de la peine, Aster.” laisse t-il échapper, ajoutant juste derrière, dramatique à souhait. “J’étais prêt à t’avouer, ému jusqu’à l’âme, qu’Emperor était un très bon choix.” I Am The Black Wizards, qui plus est. Septième piste de l’album qu’Alejandro écoutait comme si ça allait aider à préparer les défunts en bonne et due forme. Il y a une part de lui qui se sent à sa place, finalement, à cette seule pensée ; et il se surprend à sourire un peu, une fois l’œil détourné vers l’extérieur.

“Donnes mois l'adresse, plus vite on y arrive plus vite tu pourras les insulter sur la qualité médiocre de leur menu pour gringos au palais trop sensible. - Moi qui pensait te faire plaisir.” il lui cède l’adresse, Aster le rentre dans son téléphone et se laisse guider. Ximena se plaint télépathiquement, qu’elle a froid, soif, que le bolide ne lui plait pas, qu’il faut penser à l’avenir et qu’elle espère avoir droit à sa couverture chauffante une fois rentrée à l’hôtel, car les flancs de son sorcier, une fois la nuit tombée, ne suffisaient guère pas face au climat terrifiant de Grande-Bretagne.

“Tiens, tant qu’on y est,” ça lui vient sans doute au mauvais moment, mais il n’y aura jamais de bon moment pour ça. Pour sa défense, Izel ne comprenait pas tout à fait, quant bien même une réunification sous une seule entité lui paraissait tout à fait légitime, voire naturelle. “Il, elle. En ce qui te concerne, j’ignore comment t’appeler. Tu comprends bien que je n’aimerais pas te vexer.” Sa façon de lui demander ce qu’il… elle… iel préfère, le mexicain n’ayant pas particulièrement d’audace linguistique, il se laisserait nécessairement guider par qui de droit. Bref moment de répit, ou de respect qui ne se déguise pas tant que ça. Jusqu’à ce que la monnaie de sa pièce lui soit un peu trop vite retournée, le naturel revenant au galop. “Enfin, si peu t’importe, je choisirais.” Au moins, cela valait le coup d’être précisé : Emilio ne voulait pas que cela devienne un sujet aussi long et ennuyant qu’une Bible. S’il fallait abréger, que ou qui que ce fut, il avait toujours été prêt. Et sans regrets.

tw; mégenrage, ego trip, anti-religion

“Si, ça me fait très plaisir. Mais le fait est que, tout le monde est difficile quand il faut manger sa cuisine natale à l'étranger.”

Ce qui donnait encore plus de crédit à son acidité vis à vis des locaux, alors il ne s’en priverait pas. Le gardien des limbes choisissait ses batailles, certes, mais avait toujours la tendance à se dérober vers les extrêmes, plutôt mauvais que bons, même si ces derniers lui permettaient de garder la main mise sur ses relations. On ne peut pas dire qu’Emilio était une personne particulièrement facile à vivre, de fait, mais on ne lui amputerait pas le charme de l’âme, aussi charbonneuse puisse t-elle être.

Tout ce qu’il sait, c’est qu’Aster, lui, s’en remettra. Lui, en revanche…

“En réalité, c'est iel. Mais il y a beaucoup de gens qui utilisent le masculin par habitude.”

Ce que lui inspirait iel, c’était plusieurs, dans sa façon littérale de l’interpréter - pour sa défense, l’anglais n’est pas sa langue natale. C’est une traduction qui lui parait tout aussi crédible pour se décrire lui-même, étant galvanisé de plusieurs âmes sacrifiées. Hommes, femmes, et peut-être des personnes qui, comme lea Crowley, avait ce ressenti de n’être ni l’un ni l’autre, ou peut-être les deux à la fois. Aussi Emilio est-il silencieux, prit dans le flot de ses pensées et bribes de conscientisations. S’il n’était pas prêt à se faire genrer de la sorte par le monde entier, le mexicain n’était pas totalement insensible au sujet, finalement, son côté spirituel lui parlant davantage que les constructions purement sociales. Ne se nommait-il pas par le nous, parfois ?

“Fais comme tu le sens. Mais merci d'avoir demander. Tant que tu as conscience que je ne suis en réalité ni l'un ni l'autre, que je ne me reconnais en rien dans les cases de la société, ça me va. - Bien.”

C’est noté dans un coin de son esprit, sans que cela ne soit gage de rigueur sur le meilleur terme à employer. Aster avait déjà quelque chose de trop précieux pour un vivant : sa confiance. Au moins un fragment, sinon il ne serait pas plus présent que prompt à faire de son genrage un sujet, ni même l'accompagner dans sa quête, qui était finalement devenu leur. S’il fallait l’enterrer un jour, il saurait au moins quelle esclandre faire auprès des autres, s’ils se trompaient. A l’inverse, l’Oracle savait qu’il n’était qu’Izel et le serait à jamais.

Lorsque leur chemin se termine - bon sang que les changements de vitesses sont rudes dans cette Civic - il y a un moment de flottement, et puis, il y a comme un premier verdict qui tombe, sans doute dans le non verbal englobant les mots expulsés des lèvres du Crowley.

“Je crois que c'est ici.” L’œil du mexicain rejoint la direction que prend celle de son comparse. Léger froncement de sourcils. Jusque là, rien de bien inadmissible. Même la devanture ne payait pas de mine, ce qui était le cas au Mexique, souvent. “Hé bien, j’espère que je ne serais pas aussi déçu qu’en ouvrant une Bible.” De toute évidence, s’il avait un tant soit peu tenté l’expérience, ç’aurait été pour la brûler ensuite - le Livre, pas la devanture (encore que). Maigre compensation là où des générations opprimées lui dictaient depuis toujours d’aller les venger. Le commencement entremêlé à la fin. Tout était perpétuellement Un.

Attablés là où la salle est déjà bien remplie - gage de qualité potentiel, sinon inquiétant si ça ne l’était justement guère - Izel ne daigne pas regarder un seul instant l’espèce de menu qui trônait d’ores et déjà sur leur table, hélant en espagnol mexicain ce qui s’apparentait selon lui au gérant. Ou à petit chef, ce qui était tout à fait la même chose dans ce genre d’établissements.

“Qu’est-ce que vous servez ?” Le fort accent chilien qui s’échappe des lèvres du concernés suffisent à lui décocher une moue arrivée là d’une lenteur exponentielle, mais certaine. Au moins, il lui répond, mais pas sans baragouiner certaines choses qu’il ne comprend pas tout à fait. L’espagnol et ses dérivés était bien plus subtils qu’il n’y parait. “Ca fait longtemps que vous cuisinez ici ?” se permet-il de demander, tant qu’à faire, sous l’incompréhension manifeste de l’Oracle - au moins, la seule chose réellement compréhensible était les plats listés, et il avait bien entendu dû les happer au passage.

“A quel point est-ce que tu souhaites pleurer du nez ?” reprend t-il enfin en anglais, à l’attention d’Aster. “Je consomme moins de viande animale qu’autrefois. Si c’est également ton cas et que le pico de gallo ne t’effraie pas, je te conseille vivement de prendre la même chose que moi.” Et s’ils étaient malades, ils seraient deux à l’être, ce qui n’était pas une si mauvaise issue dans le pire scénario, à dire vrai. Sans doute un coup du sort pour avoir honteusement félicité le départ ridicule quoique tragique du représentant du conseil.

Le service est plutôt rapide, ce qui est à la fois profitable et propice au doute sur la qualité.

“Mes plus humbles adieux.” Un souhait tout à fait sommaire mais qui a du sens, lorsqu’ils finissent par se mettre à manger leur plat. Les discussions concernant leur conspiration prophétique attendra, il y a de toute façon trop d’oreilles autour d’eux pour ça. Izel se met à mâcher plus lentement, comme s’il venait de s’apercevoir de quelque chose d’étrange, voire d’anormal. Ce n’est qu’après deux-trois bouchées qu’il s’en aperçoit, le constat est alarmant.

“Par les ancêtres, c’est du blé.”

Les tortillas… sont au blé.