Histoire
aller, partons vite si tu veux bienSes yeux se posent sur son reflet. Un reflet qui ne lui ressemble pas. Hier, il était blond. Les cheveux en bataille. Aujourd’hui, ses cheveux sont noirs. Noirs comme le charbon. Et courts. Si courts. Dans l’évier, il y a encore les vestiges de son ancienne identité. Andy. Andrew Williams.
"Tu t’appelles comment ?" Il y a ce moment de doute. Qui s’installe là. Pendant juste une seconde. Mais une seconde de trop.
"Justin". Son père le frappe derrière la tête. Pas violemment. Juste assez pour le rappeler à l’ordre.
"T’as hésité ! Qui hésite quand on lui demande son prénom sérieux ?! Putain Elio, fait un effort merde." Il serre le poing. Du haut de ses treize ans, il a déjà passé sept ans de sa vie en cavale. À bouger d’un endroit à un autre à la simple vue d’hommes un peu étranges qui pourraient être de la police. Ses parents sont des fervents défenseurs de la nature. Certains diront même activistes radicaux. Quand Elio avait cinq ans, ses parents ont planifié et participé à une des plus grandes actions contre les entreprises polluantes et politiques gouvernementales destructrices. Ces actes, bien que motivés par des intentions nobles, les ont rapidement placés sur la liste des criminels les plus recherchés par les autorités. Alors ils sont forcés de fuir. Papa, maman, et les deux enfants. Elio jette un regard à Isa. Elle, elle n’a connu que ça. Cette fuite constante qu’elle semble supporter bien plus difficilement que lui. Il voit bien son regard sur les petites filles des villes. Celles qui ont une vie simple. Elle aimerait troquer ses bottes pour de belles chaussures. Ne plus avoir peur de ne pas savoir où ils seront demain. Il croise son regard, esquissant un sourire chaleureux alors qu’il lui envoie une pensée simple
'ça va aller, tu verras'. Elle hausse doucement les épaules avant qu’il ne rajoute simplement
'promis'.
plus jamais des adieux, rien que des au-revoirsElle s'entraînait quand ils les ont découverts. Et quand elle s'entraîne, c’est autre chose que le gentil enfant des vergers. Isa l’enfant des volcans. Elle a hérité du paternel. La destruction au bout des doigts. Et forcément, c’est moins discret. Maman a senti le danger approcher et s’est précipitée pour les avertir mais c’était déjà trop tard. Plus le temps de fuir cette fois ci. La tension dans l’air est palpable alors que la famille se prépare à faire face aux traqueurs qui les recherchent depuis si longtemps. La mère des deux enfants se fait rassurante, comme toujours. Tout va bien se passer, ils resteront ensemble et se battront pour la liberté. Le père brûle de rage à l’idée qu’ils puissent faire du mal à ses enfants. Plus sanguin, moins patient. Il a ce côté parfois un peu violent dans ses convictions. Aussi bonnes soient-elles. Maman, elle, elle a cette douceur. Cette évidence au bout des lèvres. Quand ils s’assoient ensemble au milieu de la forêt pour apprendre à contrôler ses énergies.
Soudain, un vent violent balaye la clairière, annonçant l'arrivée des traqueurs qui surgissent de l'ombre tel un essaim de prédateurs affamés, encerclant la famille. L’affrontement est violent. Trop violent. Elio tente de se joindre au combat, mais ses pouvoirs sont si futiles au cœur de la bataille. Il cherche à puiser dans la force majestueuse de l'éléphant, mais il maîtrise encore mal ses capacités. Ça ne dure que quelques secondes, trop peu pour faire une réelle différence. Sa mère lui supplie de s’éloigner. De les sauver tous les deux. Protéger Isa envers et contre tout. C’est son rôle de grand frère. Elle essaye désespérément de le convaincre quand le rocher la frappe de plein fouet. Le choc est si violent que des gouttes de sang éclaboussent le visage du gamin. Le temps sembla se figer, laissant place aux cris déchirants d’Elio alors que des mains l'empêchaient d'accourir vers le corps inerte de sa mère. Et c’est comme si ça sonnait la fin des combats. Il suffit d’un instant. Les flammes de la rage paternelle explosent avec violence. C’est comme si la nature s'éteignait en même temps que la vie de celle qui la vénérait. Pourtant, ça ne suffit pas. Les flammes s’étouffent en même temps que l’espoir de s’en sortir.
Le silence reprend ses droits. Un silence seulement interrompu par les sanglots d’Isa. Papa est enchaîné sans grand procès. Maman est retournée à la nature. Les terroristes sont enfin éliminés du tableau. On pourra toujours reprendre en main les enfants. Ils seront libérés du fardeau de la fuite. On leur expliquera qu’ils n’y étaient pour rien. Qu’il méritait une vie stable et saine. Là. Au milieu de la ville et de la pollution. Au milieu des gens sains aux idées absurdes.
'J’te promets de toujours me battre, papa…' c'est pas l'école qui nous a dicté nos codesLorsqu'il entre dans sa salle de classe, Elio est accueilli par le brouhaha animé des conversations des élèves. On chuchote sur son passage. Tout le monde a entendu parler de ce qu’il s’est passé. Et si certains n'ont étonnement pas entendu parlé de ses parents, il reste encore son look à critiquer. Cheveux blonds décolorés. Ongles peints. Tatouages visibles. A 15 ans, peu ont la liberté de s’exprimer ainsi. Il marche la tête droite vers un siège vide, ignorant les petits rires qui lui hérissent les poils. Des heures à rester assis pour ingérer des théories qu’il maîtrise déjà. Sa mère lui a tout appris. Quand il restait des heures assis, c’était pour se connecter à la nature, à chaque particule de vie qui pouvait faire vivre l'écosystème qui l’entourait. Pas pour rester le cul rivé sur une chaise à écouter des soi-disant sages déblatérer sur les traditions magiques et autres théories débiles. Les cours de maths sont un enfer, il ne comprend pas l'intérêt de la chose. Il a appris à compter que les choses pratiques. Pour les distances, les jours, les heures. Mais cette abstraction est absurde. Les cours de magie sont ridicules la plupart du temps. Ils passent des heures sur des concepts ou des pratiques qu’il a appris à maîtriser il y a déjà des années. Avoir un prof particulier qui s’adapte à ses besoins et ses envies a probablement aidé. C’est quand ça touche à des sujets qui ne l'intéressent pas que ça pose problème.
Assis sur le bord de la fenêtre, il rêvasse alors que les autres s'entraînent à utiliser la force d’un animal pour briser une planche de bois. A chaque tentative, le corps se défend avec violence. Le goût de l’hémoglobine. L’odeur de l'apocalypse. Le vacarme du silence. Il voit son regard de surprise alors qu’elle s’effondre sur le sol. Il cherche la force de l’éléphant mais il n’y a rien d’autre que l’impuissance de l’inaction. Il s’est déjà écroulé une fois devant eux, ça n’arrivera plus. Alors il observe le garçon allongé là. Endormi. Ses traits sont doux et il semble étrangement apaisé. Il ferme un instant les yeux pour se concentrer sur son énergie à lui. C’est plus dur ici. Ça manque de verdure. Ça manque d’âme. Pourtant, il arrive à se connecter à son souffle. Le zoomancien pose sa tête sur le bord de la fenêtre, calant sa respiration sur la sienne. Ça n'a pas d'intérêt réel. Ce n’est pas comme s’il pouvait contrôler quoi que ce soit. Non. Il se contente d’écouter. De sentir. C’est apaisant.
je ne m'enfuie pas, je voleIl jette un regard à son nouveau colocataire, emmitouflé dans sa couette. Il ne ronfle pas vraiment, mais sa respiration est bruyante. Le garçon n’est pas méchant, mais il regrette la présence apaisante de Lucius. Sans lui, les rêves se font trop violents. Le rouge omniprésent. Il attrape sa veste. Il n’arrive pas à dormir de toute façon. Alors à quoi bon. Il a de la chance d’avoir une chambre au niveau du sol. C’est facile de s’échapper. Il ouvre la fenêtre pour se glisser dehors. Il fait frais. L’été n’est pas encore là. Heureusement, il ne pleut pas.
“Elio… Tu devrais pas faire ça. Y’a un examen demain” Il regarde la petite hermine et son air réprobateur. Elle essaye encore parfois de jouer le rôle de la raison. Pourtant, il sait pertinemment qu’elle rêve, elle aussi, de liberté. Il esquisse un sourire alors qu’il se transforme en renard. Il ne maîtrise la transformation que quelques instants, mais c’est assez pour traverser la cour. Assez pour s’échapper vers d’autres horizons.
Les nouveaux horizons, c’est eux. Cat et Red. Elio n’a eu à faire beaucoup pour les convaincre de le rejoindre. Il est un peu plus de minuit quand ils montent les marches qui mènent à Calton Hill. Le plan n’est pas très élaboré. Se poser avec des bières, fumer des joints, observer les étoiles et refaire le monde. Pourtant, ils ne sont même pas encore en haut que le plan déraille. Il suffit d’un regard pour capturer l'éclat malicieux qui étincelle au fond de ses yeux. Quand il s'approche de Red, un sourire s'étire sur ses lèvres, annonçant des intentions peu louables.
“Y’a deux rambardes là… On fait la course de qui arrive en bas en premier ?” Il arque un sourcil, défiant Red du regard.
"Allez, Red! Fais pas ton p’tit fragile! Cat, tu surveilles !" Ils savent tous pertinemment que c’est une idée de merde. Mais l’excitation et l’adrénaline sont difficiles à résister. Red ne va clairement pas s’avouer vaincu face à un petit merdeux de 18 ans. L’escalier est assez court pour ne pas prendre trop de vitesse. Alors pourquoi pas. Red répond à la provocation avec une facilité déconcertante. Il est un peu plus vieux, il pourrait être la voix de la sagesse. Mais non. Il entre toujours dans tous les plans foireux qu’Elio peut proposer.
Le cœur du gamin s’accélère déjà sous l’anticipation, l'adrénaline pulsant dans ses veines. Il faut sauter pour monter sur la double rambarde avant de se laisser glisser jusqu’en bas. Il éclate d’un rire que seuls ceux qui sont déjà un peu high peuvent avoir. Il observe son opposant se placer devant sa rambarde à lui. Red a cette lueur dans le regard qui fait rater un battement de cœur au jeune zoomancien.
“Prêt ?! UN DEUX TROIS” Et ils s’élancent comme des idiots. Comme ça. Sans plus de préliminaire. Le vent fouette son visage alors qu’il prend rapidement de la vitesse. Il aurait dû s'attacher les cheveux. L'excitation mêlée à une pointe de peur lui donne une sensation électrisante. Dans cet instant à la fois fugace et infini, Elio se sent vivant. Foutrement vivant. Il rit à la lune. Le poids des cauchemars se dissipe temporairement dans le frisson de l'aventure. Il comble les vides avec tout ce qui lui passe sous la main. Avec l’écho de la nuit qui défile sous ses yeux et le rire de Red qui répond au sien.
Malheureusement, l’arrivée est moins épique que la descente. Les pieds de Red se défilent sous la vitesse, l’entrainant tête la première vers le sol. Heureusement, ce sont ses genoux et ses mains qui prennent le choc. L'instinct d’Elio le fait se transformer juste un instant pour le faire retomber sur ses pieds. Le zoomancien lève les yeux vers son opposant, ressentant brutalement sa douleur.
“Fuck!” Il se précipite sur lui, observant ses genoux et ses mains en sang.
“... J’ai quand même gagné hein” Putain. Il est con. Elio aide Red à se relever, son regard empreint d’un mélange de culpabilité et d’inquiétude.
“P’tain, tu t’es bien amoché…” Cat, les sourcils froncés dans une expression de consternation, lance à Elio un regard acéré.
"Vous êtes vraiment inconscients, tous les deux," il crache, sa voix empreinte d'une autorité cinglante. Il vient observer les blessures de son acolyte, repoussant Elio sur le côté sans même s’en rendre compte. Red, lui, laisse échapper un petit rire malgré la douleur.
"On a juste besoin de meilleures techniques de descente, c'est tout." Il les observe, se sentant soudainement très loin d’eux. Comme en dehors d’une bulle qu’ils viendraient de former. Ses sourcils se froncent un peu alors qu’il enfonce ses mains dans ses poches, comme un enfant vexé d’être mis de côté. Il ressort un joint, l’allumant avant de lâcher en direction de Red…
“Pour la douleur ?” ils m'entrainent au bout de la nuitIl travaille pas ce soir. Il pourrait être n’importe où, pourtant, il est là. Il est là parce qu’il est pas foutu de rester seul. Du moins, pas en ville. Les seuls moments où il accepte la solitude, c’est au cœur de la forêt. Mais c’est parce qu’il est avec elle. Il observe la salle encore bondée malgré l’heure avancée. Les effets de l'alcool et de la cigarette commencent à se mêler dans son esprit, créant une confusion presque onirique. Ses sens se mélangent comme dans un rêve. Il peut presque sentir les couleurs danser sur sa peau, voir les sons se mouvoir entre les corps, toucher les rires des gens heureux. Il repose sa tête contre le mur, fermant un instant les yeux. Il y a cette solitude qui frappe au creux du cœur. Là, au beau milieu de cette foule d’âmes égarées.
Il rouvre les yeux en entendant la voix de Cat un peu plus loin. Là, assis dans un canapé un peu plus loin. Il a ce sourire au lèvre qu’Elio connaît trop bien. Celui qui veut rassurer. Celui pour convaincre son interlocuteur que faire du business avec lui est la meilleure idée qu’il puisse avoir. Il a l’air si à l’aise dans cet élément familier. Leur regard se croise un instant et il sent ce petit moment de flottement. Il le connaît trop bien. Alors que ses yeux auraient dû se reconcentrer sur ce potentiel client, il s'arrête dans ses yeux. Et sans un mot, il peut comprendre son
‘ça va?’ attentif. Ça va. Elio se pare de son sourire de malice, se contentant de lui faire un clin d'œil si peu subtile. Et il sait qu’il va le déconcentrer s’il reste là, alors il se lève pour fuir son regard inquisiteur, s’aventurant dehors en se faufilant entre les gens.
Dehors, l'air frais le saisit, contrastant avec la chaleur étouffante de l'intérieur. Il passe tout près de Bear, qui surveille les allées et venues des clients, ne pouvant s'empêcher de lui souffler
“Bouh!” à l’oreille. Elle grogne un peu, marmonnant de la laisser faire son job. Il s’adosse un instant sur le bord de la porte en observant son visage fermé. Il compte chaque sourire qu’il réussit à lui arracher au fil des années. Il a mis du temps à obtenir le premier, et il doit avouer qu’il reçoit encore chacun de ces instants comme des trésors précieux. Assez rares pour être chéris. Mais ce soir n’en est pas un. Elle est concentrée sur les deux idiots qui s’engueulent juste à côté de l’entrée, réfléchissant au moment où elle bougera pour leur faire comprendre, avec assez peu de tact, qu’ils ont intérêt à aller se foutre sur la gueule ailleurs. Il se détache de la porte, envoyant un bisou dans l’air à la videuse qui lève les yeux au ciel avec exaspération. Et ça le fait doucement rire, lui. Il ne peut pas s'empêcher de lui envoyer une pensée
'Love you, too'.
Il s’allume une clope en s’éloignant vers l’arrière cours du bar. L’air est frais et il regrette de ne pas avoir récupéré son manteau. L’esprit ailleurs, il pense à Isa. Il devrait l’appeler. Pourquoi est-ce que ça doit toujours être aussi compliqué ? Une légère brise agite ses cheveux, apportant avec elle l'odeur familière de la nuit. Pour un instant, il se sent libre, déconnecté du tumulte de sa vie quotidienne.
“T’es encore en train d’fumer ?” Le brun sursaute. La réaction est excessive. Comme souvent.
“Putain, ça va pas d’faire des crises cardiaques aux gens comme ça là ?!” Il pose son poing sur sa poitrine, comme si ça pouvait faire ralentir les battements de cœur qui sont partis en vrille.
“C’est qu’une clope” Pas la bonne personne à qui dire ça, évidemment. Rat le fixe sans un mot et Elio finit par écraser sa cigarette en marmonnant. Il vient se poser contre le mur près du comptable.
“Qu’est ce que tu foutais ?” Il secoue la nourriture d’Ernest et Elio ne peut pas s'empêcher de sourire comme un idiot. Il aime tellement qu’ils soient tous investis dans ce nouveau membre de la famille. Et comme s’il avait entendu qu’on pensait à lui, le hérisson sort le bout de son nez. L’appel de la bouffe.
“Regarde le qui débarque dès qu’on lui ramène de la bouffe !” Il rit, l’observant sans un mot, se contentant de ressentir cette douce émotion de joie que l’animal émet. Ce n’est pas une pensée élaborée. Non. Un simple écho de bonheur qui réchauffe son ventre. Du moins jusqu’à la prochaine bourrasque qui s’engouffre dans la ruelle.
“Vas y, on s’pèle… J’rentre” Ils retournent simplement à l'intérieur, croisant Chameleon qui se bat avec le changement de fût. Il voudrait bien l’aider, mais elle va gueuler s’il daigne soulever le fait qu’il pourrait le faire en deux minutes.
“Le fait pas exploser hein” Un petit rire moqueur s’échappe de ses lèvres. Regard de la mort. C’est peut être lui qu’elle va faire exploser finalement.
“J’te propose pas d’aider du coup, j’imagine ?” Elle répond du tac au tac
“J’te propose pas d’arrêter d’te foutre de moi du coup, j’imagine ?” Touché. Il rit, venant déposer un baiser sur sa joue.
“Et arrête un peu d’picoler, tu sens le whisky d’ici !” Il se tourne vers Rat pour tenter d’avoir un soutien potentiel, mais c’est peine perdu. C’est même Salmon qui débarque pour enfoncer le couteau dans la plaie
“Mais qu’est ce que tu fous là d’ailleurs ? T’es pas off ce soir ?” “Bah, dites que vous voulez pas d’moi tant que vous y êtes !” “On veut pas d’toi” Il fait un doigt à Silas qui vient de débarquer dans l’arrière salle avec un tas de verres sales.
“Vous méritez pas mon amour, bande d’ingrats!” j'suis un voyou, c'est comme ça qu'on dit tout simplement“Pourquoi c’est toujours moi l’bad cop?” Ses lèvres s’étirent dans un sourire moqueur, révélant une pointe d'ironie dans son regard.
“T’as vu ta tête ? T’as vu la mienne ? Y’a pas photo…” Depuis qu’il s'est rasé la tête, elle n'arrête pas de le tacler. Qu’entre ses tatouages et sa gueule, on dirait qu’il sort de taule. Et comme il veut pas dire ce qu’il faisait pendant les deux mois où il a disparu, elle en joue. Il secoue la tête en levant les yeux au ciel. Madame et son air innocent. C’est parce qu’ils ne la connaissent pas. Un vrai petit démon.
“T’es sérieuse ? Putain mais moi tu m’fais flipper quand tu m’regardes avec tes yeux là.” Ses yeux se plissent légèrement sous l'effet d'une irritation feinte. Ses sourcils se froncent, soulignant son mécontentement. Elio écarquille les yeux avec une expression de peur volontairement accentuée.
“OUAIS CEUX LÀ. Vade retro satana! ” Il fait un signe de croix avec ses doigts comme pour terminer un rituel avant qu’un sourire de malice ne se dessine sur ses lèvres.
“Aller, en plus, j’le rassurerais en prenant sa main et BIM, lecture de pensée. Par contre, j’espère que t’as de quoi t’faire une tisane à la menthe poivrée après parce que ça m’fout un de ces mal de tête de lire les pensées.” On sent le jugement dans son regard. Pourtant, elle devrait avoir l’habitude depuis le temps. Elle lève les yeux au ciel avant de poser sa main sur la poignée, faisant fondre le métal sans grande difficulté. Elio pourrait utiliser la force d’un animal pour faire ce genre de chose, mais c’est quelque chose qu’il n’a jamais réellement pu refaire depuis la mort de sa mère. Depuis son incapacité à la sauver.
Chameleon pousse la porte du bar. Il est encore tôt et seul son propriétaire est déjà là. Comme prévu. Elio a déjà fait une première partie du job. Réunir les rumeurs, creuser des premières pistes viables. Ce crevard mérite de foutre la clé sous la porte. C’est pas le fait que son bar soit un beau succès le problème. Non, ça il n’a aucun problème avec ça. Mais le fait de les dénoncer aux flics comme ça. Elio, ça lui donne envie de pleurer du sang.
"Écoute-moi bien," crache-t-elle d'une voix rauque, sa silhouette frêle contraste avec la violence dont elle fait part quand elle attrape la cravate du gérant entre ses doigts.
"On sait c’que tu fais, alors t’as intérêt à nous filer tous les détails si tu veux garder tes couilles” Elio hausse les sourcils, surpris de l’entrée en matière de sa coéquipière. On est pas dans la finesse aujourd’hui. Il attrape une chaise pour venir s'asseoir en face du bureau où Morrow était installé. Il s'approche de l'individu avec précaution, adoptant une attitude moins agressive.
"Écoute, mec," intervient-il d'une voix douce mais ferme, sa présence apportant un léger répit dans la tension palpable.
"On est pas là pour t’faire du mal. Si tu nous dis ce qu'on veut savoir, on pourra peut-être t'aider à t'en sortir." Oui, c’est des paroles en l’air. Ils n’ont aucun intérêt à faire perdurer ce bar qui leur prend une clientèle de qualité. A la rigueur, aider le gars à éviter la prison, si Cat est d’une humeur généreuse, pourquoi pas. Mais c’est le grand maximum. Mais finalement, la question ne se pose pas. Morrow n’est pas d’humeur partageuse. Les minutes s’allongent. Ils n’ont pas le luxe de prendre leur temps, les premiers employés ne vont pas tarder à arriver. Le duo de Friday change subtilement de stratégie. Là. Sans même un mot échangé. Elio passe de l’ambiance grand frère protecteur à un rôle plus charmeur. Il y a ce trouble dans le regard de sa victime qui l’amuse quand il effleure son visage. Quand il lui reparle de ses couilles qui seraient manquées si elles venaient à disparaître. Un échange de regard et ils se synchronisent avec Adna pour qu’elle pose les bonnes questions, au bon moment. Sa main se pose sur le propriétaire du bar alors qu’il ne peut pas s'empêcher de penser à ce qu’il ne doit pas dire. La sensation est désagréable. Elio n’aime pas lire les pensées. Déjà parce qu’il ne contrôle pas bien le pouvoir. Les pensées ne sont pas linéaires, elles partent dans tous les sens et c’est rapidement un bordel. Ça nécessite de se concentrer sur ce qui est important. Mais utilisé dans les bonnes conditions, il faut avouer que ce pouvoir permet des merveilles. Comme les informations de l’emplacement des livres de comptes et les détails des opérations frauduleuses. La clé de sa disparition au bout de la pensée.