Histoire
Parfois, rester dans l'ignorance est mieux que de connaître la vérité.Issue d’une famille aisée, qui n’a jamais fait de vagues autour d’elle, le tableau de la famille parfaite en apparence, ancrée dans les bonnes mœurs de la haute, il était donc impensable pour Murphy-Kim Eun Soo, d’avoir une enfant illégitime, issue d’un
adultère La famille Kim était arrivée à Édimbourg dans les années 50 afin de fuir la guerre de Corée qui faisait rage. La famille avait conscience qu’il serait compliqué d’avoir un avenir stable pour eux, mais aussi pour leur descendance, si elle restait alors la famille prit la dure décision de quitter sa patrie. Ils ont construit leur vie petit à petit dans ce nouveau pays dont ils ne connaissaient rien et qui leur offrait l’asile. Les années passèrent, sans qu’il n’y ait de problèmes pour eux, la famille restant très traditionaliste et préférant les unions entre pairs, entre coréens.
Néanmoins, la mère d’Eun Soo ne l’entendait pas de cette oreille, et portée par le vent d’émancipation qui soufflait sur elle, elle décida de quitter son mari coréen -que sa famille l’avait obligée à épouser- afin de construire sa vie avec un écossais dont elle était follement tombée amoureuse. Ce dernier vous dirait avec un tendre sourire qui viendrait fendre son visage, déjà strié, de nouvelles rides de bonheur : “
Le grand amour, le vrai, ça ne se décide pas. Ça vous tombe dessus comme ça, sans crier gare. Et nous, nous avons décidé de le cueillir et de l’entretenir, qu’importe ce qu’on disait.”. C’est ainsi qu’une branche des Kim rejoignit celle des Murphy.
Au début, tout était parfait, jusqu’à ce que la mère d’Eun Soo réalise à quel point les Murphy ne différaient en rien des Kim. Bien évidemment, son mari était d’une infinie tendresse avec elle, mais il subissait aussi la pression familiale sur le dos. Il était aussi le premier de sa lignée à se marier avec une “étrangère” (il n’aimait pas ce terme et fermait le clapet de sa famille si quelqu’un se risquait à mentionner les origines de sa femme), et le plus improbable aux yeux de la mère d'Eun Soo était que les Murphy semblaient aimer vivre en huit clos, dans une grande demeure reculée du centre ville d’Édimbourg.
Famille d’aéromanciens et aéromanciennes -grâce aux mariages arrangés-, la mère d’Eun Soo faisait tâche avec sa botanomancie. Pourtant son mari s’émerveillait des prouesses dont elle était capable. Ils vécurent ainsi, jusqu’à la naissance d’Eun Soo, quatre années plus tard, en 1969. Sa mère
mourut précocement à l’aube des deux ans de sa fille d’une
maladie inconnue, laissant derrière elle sa fille, qui ne l’avait jamais connue, et son mari, en proie à son chagrin, et aux griffes de sa famille.
Les Kim voulurent récupérer leur petit bijou, véritable trésor à leurs yeux malgré la décision de la mère de la petite fille, mais les Murphy ne l’entendaient pas de cette oreille. Eun Soo était une Murphy, et devait rester avec eux au manoir.
Elle grandit ainsi, dans cette cage dorée, un paradis aux épines acérées. Eun Soo avait hérité de la main verte de sa mère, seul souvenir d’elle, avec les photos que son père lui montrait. Eun Soo reprit contact avec sa famille coréenne, pour leur plus grand bonheur. Fan de sport, elle pratiqua différents types de gymnastique, de danse, et même de l’athlétisme tout au long de son adolescence, lui permettant ensuite d’intégrer un parcours de formation de grands sportifs à l’université. Les Murphy la laissèrent faire, à sa grande surprise, jusqu’à ce que la nouvelle tombe : on lui avait trouvé un mari, et, lorsqu’elle aurait vingt et un ans, elle se mariera avec lui. La jeune femme n’avait pas réagi ce jour-là, pas de cris, pas de portes qui claquent, juste de la résignation, comme dans le regard de son père, impuissant face aux grandes figures de la famille. Dès lors, dès ses dix-huit ans, Eun Soo était fiancée à un inconnu qu’elle n’aimait pas et n’aimerait jamais, elle s’en était faite la promesse solennelle. En plus de cela, on avait destiné Eun Soo à un rôle important dans son coven, les contacts aidant, et surtout son futur mari, dont la place était convoitée.
Quelques temps plus tard, de part ses études et sa passion, on lui accorda de se rendre en Corée du Sud, sa terre natale qu’elle ne connaissait qu’à travers les histoires de ses grands-parents, pour assister aux Jeux Olympiques qui se déroulaient à Séoul, en septembre 1988. Eun Soo allait bientôt avoir 20 ans, et elle savait que c’était sa seule chance de s’échapper de cette prison dans laquelle elle vivait, du moins pour un temps.
Son retour à Édimbourg ne se passa pas comme prévu. La jeune femme avait passé la plus belle semaine de sa vie à Séoul, à pouvoir assister aux épreuves qui se déroulaient littéralement sous yeux. Ses amies de la faculté étaient aussi venues avec elle, alors Eun Soo ne pouvait pas être plus heureuse. Elle avait pu goûter à la liberté, à la véritable jeunesse à laquelle elle n'avait jamais eu droit jusqu'à présent et, autant par provocation que par attirance pour cet inconnu, elle s'était laissée aller dans les bras de cet homme, plusieurs heures, jours durant.
Quelques semaines après son retour, Eun Soo tomba malade. Nausées, perte d'appétit mais envies et fringales ponctuelles... Les Murphy mirent cela sur le dos du retour de Corée, de l'acclimatation à la nourriture écossaise après une semaine à ne manger que la nourriture traditionnelle de son pays.
Pourtant, la jeune coréenne savait qu'au fond, il s'agissait d'autre chose.
Elle apprit sa grossesse dans les toilettes de sa faculté avec ses amies qui l'avaient poussée à faire un test. Mais bien qu'elle avait des amies, Eun Soo avait aussi des ennemies, et elle l'apprit à ses dépends. Sans qu'elle ne sache comment, les Murphy étaient au courant le soir même de ce qu'elle abritait au fond d'elle.
Cette grossesse la fit tomber au plus bas et elle fût reléguée au placard, comme on le dit si bien. Son mariage avait cependant été maintenu, même avancé, dans l'espoir qu'elle mette au monde l'enfant qu'elle portait en étant mariée, afin de sauver les apparences. Pendant les sept mois de sa grossesse, la jeune femme n’avait pas eu le droit de sortir du domaine, ni de croiser du monde, on lui avait inventé une maladie mystérieuse et très contagieuse pour dissuader quiconque de venir la voir. Les contacts avec ses amies de l’extérieur se faisaient difficilement, mais grâce aux familiers, elle recevait la visite d’une chouette quelques fois, familier de sa meilleure amie, qui était au courant de ce que Eun Soo vivait. Son père avait complètement délaissé son rôle de parent, et laissait sa fille subir seule ce qui lui arrivait. Au fond, même lui devait trouver honteux que sa fille ait pu faire l'erreur monumentale de tomber enceinte hors mariage.
Jiyeon naquit donc sept mois plus tard, le 19 avril 1989, en bonne santé malgré sa prématurité, sûrement dû au stress constant que subissait sa mère, alors âgé de 20 ans. Un doux petit canard au plumage blanc était apparu très vite auprès d'elle, toujours niché dans son cou, et on crût alors que la petite fille tout juste née était une hydromancienne. Les rumeurs et messes-basses allèrent bon train les premiers mois qui suivirent la naissance de la petite, le temps que sa magie se développe et ne se manifeste enfin.
Un soir, alors que Eun Soo était partie sur un coup de tête, laissant sa fille dans les bras de son grand-père, pantois, Jiyeon, alors âgée de presque sept mois, manifesta sa magie pour la première fois : une lueur chaude et réconfortante émana de son petit corps, ses yeux plantés dans les yeux de l'homme qui la portait, alors émerveillé. C'est ainsi qu'on comprit que la petite appartenait au coven des flammes, qu'elle était une enfant des Volcans. Jiyeon reçut de la part de sa mère et de sa famille coréenne un bracelet fin en or où trônait sa pierre de naissance, un petit diamant, de la manière la plus pure et brute qui soit, sans artifices. Plus tard, Jiyeon apprit que sa famille maternelle avait fait appel à une bijouterie familiale de pyromanciens coréenne basée à Busan pour confectionner son bijou, qui avait traversé des milliers de kilomètres pour venir orner son poignet, bijou qu’elle chérissait du plus profond de son cœur.
On avait accepté que Eun Soo et Jiyeon restent au domaine, le temps pour la mère de finir son diplôme et d’avoir un travail. Mais cette situation énervait au plus haut point les hautes têtes de la famille qui voyaient d’un mauvais œil la présence des deux coréennes, surtout depuis que la famille de l’homme que devait épouser Eun Soo avait demandé à ce que les fiançailles soient rompues. De plus, la petite Jiyeon posait pas mal de soucis : accès de colère, tantôt de tristesse, restant parfois muette pendant plusieurs jours, la petite fille donnait du fil à retordre aux adultes qui l’entouraient qui ne voyaient en elle qu’une petite fille capricieuse qui ne savait pas être reconnaissante auprès des adultes.
Bien que confiée à son coven régulièrement, Jiyeon était seule pour comprendre et maîtriser sa magie. Son canard, qui avait été baptisé Emet par la petite fille lorsqu’elle sut parler, jouait le rôle de garde-fou. Il sentait la méchanceté et la vilenie des personnes autour de sa maîtresse, il ne supportait pas l’hypocrisie et les comportements qu’elles avaient envers la petite fille dont l’esprit n’était pas encore terni par la perfidie des adultes.
Jiyeon passait beaucoup de temps avec sa mère quand elle en avait l’occasion. La botanomancienne montrait la beauté de la nature à sa fille, et, ensembles, elles cherchaient des roches que la petite pouvait déplacer aisément, lorsque la nuit tombait plus vite en hiver, Jiyeon s’entraînait à émettre sa petite lumière propre à elle, au plus grand plaisir d’Emet qui venait se réchauffer les plumes auprès d’elle. Néanmoins, la jeune pyromancienne semblait en retard sur la maîtrise du feu. Aucune flamme ne s’était encore manifestée alors qu’elle commençait déjà à être grande.
Plus le temps passait, et plus la petite fille se rendait compte de l’environnement dans lequel elle grandissait. Là où elle pensait que toutes les grandes personnes autour d’elle l’aimaient, elle se rendit compte qu’il n’y avait que sa mère et Emet qui étaient là pour elle, sans compter les membres du coven qui veillaient sur elle. Un puit sans fond se creusa jour après jour dans son coeur, sans qu’elle ne sût jamais comment le combler. La petite fille voyait son familier mordre, donner des coups de becs, ou de palmes, aux sorciers et sorcières qui l’approchaient de trop près, aux familiers auxquels les propriétaires avaient expressément demander d’aller prêcher le faux pour avoir le vrai de la bouche de la jeune pyromancienne. Elle entendait sa mère hurler tous les soirs pour se faire entendre de ces personnes qui les méprisaient toutes les deux, sans que Jiyeon ne comprenne pourquoi.
Un tourbillon d'émotions venait bouillir en elle, grandissant et prenant de l'ampleur jour après jour, venant lui compresser le cœur, rendant sa respiration douloureuse, et sa vue floue. Emet ne pouvait rien faire dans ses moments-là, il était impuissant, et il essayait tant bien que mal de mettre fin aux disputes incessantes en faisant ce qu'il savait faire de mieux : mordre.
Un soir, alors que Jiyeon allait bientôt entrer à l'Académie, au plus grand plaisir des Murphy, un incendie se déclara. Aucune perte humaine ne fût à déclarer, seulement des pertes matérielles, d'une aile du domaine que Jiyeon et Eun Soo avaient l'habitude d'utiliser. La faute fût mise sur le dos de la jeune Jiyeon qui jurait que ce n'était pas elle, ne sachant toujours pas maîtriser le feu, les Murphy le sachant très bien. Pourtant c'était la cible idéale, et cet événement permit aux Murphy de couper les ponts avec ces deux étrangères, les chassant pour de bon du domaine et de leur vie. Le père d'Eun Soo ne fit rien pour empêcher cela, et la jeune femme lui en était reconnaissante. Elle et sa fille étaient enfin libres.
Avec l'aide de sa famille, Eun Soo s'installa dans un coin tranquille de Green Bank, loin du domaine maudit dans lequel elles avaient vécu, et où Jiyeon pourrait être la petite fille qu'elle devait être. Elles purent ainsi profiter d'instants privilégiés ensembles, avant le départ de la pyromancienne pour l'Académie, permettant à la petite fille de faire jaillir de ses petits doigts encore frêles de petites flammes, tant attendues, devant le regard fier et ému de sa mère et de son familier.
Les années de Jiyeon à l'Académie furent ce qu'il y a de plus normal, du moins, selon ce qu'on considère comme étant normal chez une enfant ayant grandi dans un contexte dysfonctionnel et empli de violences, puis chez une pré-adolescente dont les hormones en folie ne l'aidaient en rien à comprendre et contrôler les émotions qui l'habitaient, puis chez une adolescente trop curieuse, qui se cherche désespérément mais qui ne trouve aucune réponse auprès de sa seule figure d'attachement. Concernant son père biologique, Eun Soo restait muette, et rien ne la faisait changer d'avis, pas même sa fille de 15 ans qui claque la porte de la maison à une heure avancée de la nuit, Emet sur les talons.
La jeune pyromancienne se mit à détester l'Académie, cela lui rappelait trop le domaine des Murphy, nom qu'elle avait en exècre, et qu'elle souhaitait changer aussi vite que cela lui aurait été permis.
Jiyeon fut alors impliquée dans des histoires de bagarres, pointée du doigt comme étant celle qui a initié les hostilités trois fois sur deux, de vols, élèves comme professeurs étant touchés, avec la complicité de son familier. Jiyeon démentait à chaque fois, jurant que ce n'était pas elle, arrachant un soupir de déception à sa mère, craquelant un peu plus le cœur déjà fragile de la pyromancienne. Sa présence était devenue détestée, les élèves se décalant sur son passage. Alors Jiyeon se dit que, quitte à être accusée de méfaits qu'elle n'avait pas commis, elle allait en être réellement l'autrice. Emet se mêlait aux bagarres, essayant de protéger sa maîtresse du mieux qu'il pouvait. Il comprenait la douleur qui l'habitait et souhaitait être un véritable pilier pour elle.
Eun Soo ne reconnaissait plus sa fille et était complètement démunie face au mal être qu’elle ressentait, sans avoir la clé pour permettre à Jiyeon de trouver des façons saines pour faire face à ses difficultés, Eun Soo ayant elle même enfermée au plus profond d’elle toutes les émotions qui pourraient venir perturber son quotidien et son équilibre interne.
Valait mieux ne rien ressentir du tout que tout à la fois.Bon gré mal gré, Jiyeon obtient le diplôme de l’Académie à quelques points près, mais autant à 18 ans qu’à 30 ans, on ne sait jamais vraiment ce que l’on veut faire dans la vie. Elle emprunta une voie plus par convenance que par réelle passion, et c’est ainsi qu’elle passa deux ans dans un cursus de langue et culture celtes. Elle passa beaucoup de temps avec ses grands-parents maternels afin d’apprendre le coréen, Eun Soo l’ayant trop peu pratiqué elle-même, elle était dans l’incapacité de l’apprendre à sa fille.
C’est ainsi qu’à ses 20 ans, en 2009, en ayant ras le bol de ses études, Jiyeon décida de partir en Corée du Sud. Sa mère crût d’abord que sa fille allait chercher son père, mais il s’agissait surtout pour la jeune femme de renouer avec ses racines, de comprendre d’où elle, et le reste de sa famille, venait. Surtout qu’après la guerre, la Corée du Sud connut une croissance économique exponentielle comme aucun pays n’en a jamais connu, et la jeune femme souhaitait voir ça de ses propres yeux.
Elle n’avait prévu aucun itinéraire précis, elle voulait juste découvrir son pays natal, à sa façon. Elle commença par Séoul, puis longea les côtes jusqu’à Daejeon, rejoignit Gwangju, passa quelques semaines à Mokpo puis remonta vers l’est, à Busan. Là, elle y resta plusieurs mois. La pyromancienne se souvenait que son bracelet qui lui avait été offert avait été fabriqué par la bijouterie Seo, bijouterie familiale, installée justement à Busan. La jeune femme y avait fait un saut, sans rentrer dans la boutique, juste pour voir le bâtiment et ses propriétaires depuis l’extérieur. Et puis, il n’y avait rien d’étrange pour une coréenne de s’intéresser aux bijoux, d’autant plus à une bijouterie familiale traditionnelle, cela permettait de soutenir le commerce de proximité. Même si Jiyeon ne se considérait pas comme quelqu’un ayant la main sur le cœur, elle savait que l’importation et l’exportation pouvaient être un vrai fléau pour l’économie des villes d’un pays.
La bijouterie de la famille Seo devint rapidement son refuge. Quand Jiyeon ne vadrouillait pas dans les marchés, ou sur les côtes, elle était à la bijouterie, afin de parler et d'échanger avec la famille de pyromanciens. Elle n’avait jamais eu l’occasion de parler de sa magie avec d’autres personnes que les membres de son coven, alors elle chérissait ces moments passés avec les Seo qui lui apprenaient beaucoup à travers leurs discussions, et notamment avec le jeune fils, Seung-Min, de 3 ans son aîné malgré tout. Il passa du temps à lui montrer les meilleurs coins de la ville côtière - Emet adorait aller tremper ses pattes au parc Pyeonghwa. Seung-Min lui fit aussi découvrir les restaurants incontournables, tenus par des personnes âgées installées ici depuis des générations, il lui montra même son travail à la bijouterie, et la jeune femme se risqua quelques fois à l’aider, appréciant de faire quelque chose de ses mains, de permettre à des personnes de trouver leur bonheur, de trouver le bijou qui leur correspond et qui sera chéri pour de longues années.
C’est à travers leurs discussions qu’elle apprit l’existence de son frère aîné, Seo Ryung, et de l’histoire autour de lui et ses relations avec sa famille.
L’image des Seo s’assombrit aux yeux de Jiyeon, qui n’appréciait guère leur comportement vis-à-vis de leur fils, ayant elle-même été cette enfant turbulente, souvent violente, qui aimait aller à l’encontre des règles familiales pour se faire ses propres expériences. Elle sentait que Seung-Min n’était pas totalement du côté de sa famille, et qu’il appréciait beaucoup son grand frère - la preuve étant qu’il était toujours en contact avec lui. Cela rassura la jeune femme, qui se dit alors que cet inconnu, cet homme dont elle ne savait rien mais qui était vu comme un paria ici, avait au moins une personne sur qui compter dans ce monde. Sans qu’elle ne le connaisse, Jiyeon se surprit à lui souhaiter d’être heureux, alors que c’était quelque chose qui ne préoccupait jamais la jeune femme en temps normal. La seule chose qui comptait, c’était elle, elle et Emet, son avenir, sa vie. Pas celle des autres.
Après presque deux années passées à Busan, Jiyeon dût cependant revenir à Édimbourg. Alors âgée de 22 ans, elle n’avait aucun diplôme, juste son expérience à la bijouterie et dans un restaurant de la ville côtière où elle avait travaillé un an pour donner un coup de main aux gérants, ainsi que pour se faire de l’argent au passage. Son retour fût chaotique, revenir dans la maison de sa mère où elle avait grandi fût un véritable choc, elle avait été propulsée une dizaine d'années en arrière et revivait chaque nuit, son canard contre son cou pour la réconforter, les affres que sa mère avait subi à cause d’elle. Au fond la jeune femme s’en voulait. Elle ne croyait en rien, mais demandait chaque jour quelle force supérieure avait décidé qu’elle s’incarnerait, si cela impliquait de ruiner la vie de sa mère.
Néanmoins, bien que de retour à Édimbourg, quelque chose au fond d’elle la poussait à partir à nouveau. À découvrir d’autres endroits de son pays natal, et notamment sa gastronomie. Elle passa plusieurs nuits blanches à apprendre l’histoire de son pays, de mieux comprendre son développement, et les nouvelles activités, ainsi que toute l’histoire de sa gastronomie. Jiyeon entreprit des formations afin de comprendre le fonctionnement d’une entreprise, la gestion de son économie, et plus particulièrement la manière de gérer un restaurant.
Lors de ses premiers mois de formation, elle rencontra un homme, du moins, un homme était venu l’aborder. De cinq ans son aîné, hydromancien, il avait bientôt achevé son cursus afin de devenir lui-même formateur, et avait remarqué la jeune femme au détour d’un couloir. D’abord fermée à la discussion, Jiyeon laissa une chance à l’hydromancien, se disant que cela ne pourrait que lui être bénéfique, d’un point de vue professionnel.
Ils débutèrent une relation quelques jours après, Jiyeon acceptant de s’installer chez lui dans le quartier de Leith. Les années qui suivirent furent ponctuées de longues journées passées à imaginer la disposition du restaurant, l’espace attribué aux familiers, l’organisation de la salle, le menu, où se fournir, et tout ce qui va avec la création d’une entreprise. Jiyeon passa beaucoup de temps à tout élaborer pour que tout soit parfait et que son prêt soit accepté afin de pouvoir acheter le local dans le quartier de New Town.
La jeune femme put ouvrir son restaurant, avec l’aide ses grands-parents maternels, ainsi que grâce à Seung-Min avec qui elle a gardé contact depuis son voyage à Busan, qui l’avait aidé afin de faire venir des produits locaux directement de Corée, en 2015. Les débuts furent un peu compliqués, le temps que le restaurant fasse parler de lui, que les gens aient envie d’y passer une tête, de s’y arrêter, juste pour regarder le menu au moins. Mais petit à petit Jiyeon eut une clientèle régulière qui lui permit de faire du bénéfice. Pendant tout ce temps son couple avait été mis au placard, elle avait pris un appartement pas loin du restaurant, la rapprochant de son coven, et avait mis toute son énergie dans son projet.
Elle écrivit même une fois à Seung-Min qu’elle avait cru apercevoir son frère au coven, sans qu’elle n’ait eu l’occasion de lui parler. La jeune femme se dit que le coréen serait content de savoir que son frère va bien d’une manière ou d’une autre, et elle put au moins mettre un visage sur ce nom qu’elle avait entendu plusieurs années auparavant.
L’hydomancien avait beaucoup souffert de son absence et de la distance de la jeune femme, les comportements de cette dernière ne cessaient de créer des tensions et des disputes au sein du couple. Tantôt joyeuse, tantôt renfermée à cause du stress et de la peur, Jiyeon avait les émotions en ébullition et son entourage en pâtissait grandement. Elle passait plusieurs soirs au restaurant après la fermeture afin de
fumer et boire, seule avec Emet et de la musique, dans son monde, faisant danser quelques flammes par-ci par-là du bout des doigts, s’émerveillant de la destruction qu’elle tenait entre ses mains. L’hydromancien voulait absolument qu’elle s’ouvre à lui, sous prétexte qu’ils étaient un couple, mais Jiyeon ne l’entendait pas de cette oreille. Trop concentrée sur ses projets, elle ne voulait pas s’enchaîner elle-même avec cette relation.
Pourtant lorsque l’affaire décolla vers 2018, l’hydromancien tenta sa chance et la demanda en mariage. Premier refus. Éloignement plus poussé de la jeune femme. Elle passait tout son temps au restaurant, dans les cuisines mais aussi en salle afin de nouer un contact avec ses clients, de leur parler du pays, de sa culture, afin de satisfaire la curiosité de ces personnes qui ne connaissaient rien de tout ça. Et lorsqu’elle n’était pas au restaurant, elle emmenait Emet dans son sac à dos en virée à moto. Les deux étaient inséparables et Emet s’occupait des familiers du restaurant, qui avaient leur propre menu de proposé, non content d’avoir des responsabilités et de pouvoir travailler avec sa maîtresse, afin de la protéger.
Trois ans plus tard, après une troisième demande toujours soldée par un refus, Jiyeon mit fin à sa relation, en 2021, à l’aube de ses 32 ans. Son restaurant était assez prospère pour qu’elle puisse vivre de ces revenus, et elle avait déjà son indépendance pour son appartement, alors ce ne fût rien de compliqué. Elle aimait cette solitude, cette tranquillité à laquelle elle avait toujours aspiré. Avec le développement d’internet et des réseaux sociaux, les échanges avec Seung-Min se faisaient réguliers, et elle rendait visite à l’homme de temps à autre, quand le restaurant ne lui prenait pas tout son temps. La jeune femme avait donc appris que Ryung avait repris contact avec son frère, elle se surprit à être contente pour Seung-Min mais surtout pour Ryung.
Aujourd’hui la jeune femme de bientôt 35 ans tient son affaire d’une main de maître et se concentre uniquement sur celle-ci, entretenant une relation cordiale avec sa mère, tout en essayant de gérer les assauts incessants de son ex-compagnon qui n’a pas supporté la rupture.
- Chronologie:
1969 ⨳ naissance de Eun Soo, mère de Jiyeon
1988 ⨳ voyage de Eun Soo à Séoul pour les JO, malgré ses fiançailles, elle a une aventure et tombe enceinte
1989 ⨳ naissance de Jiyeon
1994 ⨳ incendie au domaine, Jiyeon et Eun Soo se font chasser par les Murphy
1995 ⨳ entrée de Jiyeon à l’académie
2007 ⨳ Jiyeon quitte l’académie et commence des études en langues et cultures celtes
2009 ⨳ Jiyeon arrête ses études et part en Corée du Sud, rencontre la famille Seo à Busan, et notamment Seung-Min, frère cadet de Ryung
2011 ⨳ retour de Jiyeon à Édimbourg, commence des formations pour ouvrir son restaurant, début de sa relation
2015 ⨳ ouverture du restaurant de Jiyeon à New Town, The Eastern Sea, la jeune femme prend un appartement dans le quartier pour être plus proche de son lieu de travail et de son coven
2015 - 2024 ⨳ voyages réguliers à Busan, et à travers la Corée, pour voir Seung-Min mais aussi pour rencontrer de nouveaux producteurs avec lesquels elle peut faire affaire pour son restaurant
2019 ⨳ assiste à l’ouverture du Friday 13th et y met très souvent les pieds après une dure journée
2021 ⨳ fin de sa relation, indépendance totale de Jiyeon, contact réguliers avec Seung-Min