Honey, just... Breathe - ft Davi

Se rendre chez Priya était toujours un moment agréable pour Davi. Il y trouvait toujours de la douceur, de la simplicité et des effusions de joie qui manquaient terriblement à son quotidien. Lors de leur rencontre, des années auparavant, l’Ancre des serments avait ravi son cœur d’une façon bien différente que ce qu’on pouvait croire : Priyanka avait réveillé en lui une créativité éteinte depuis de longs mois, après son arrivée à Édimbourg. Son sourire, le timbre de sa voix, les aspérités de sa peau, ses réflexions à haute voix, l’éclat de ses bijoux, le parfum du thé qui émanait d’elle et de son lieu de vie…Mais aussi la fatigue sous ses yeux, quelques traces de mascara transférées sur ses paupières, la tristesse au coin de sa bouche. Tout en la botanomancienne éveillait les sens du créateur et même si Davi n’appréciait pas toujours ce qu’on accolait au mot "muse", il s’était fait une raison : Priyanka Gilmore était bel et bien devenue la sienne.

Iels s’étaient donné·es rendez-vous chez elle, pour discuter autour d’une tasse de thé. Davi avait pris soin de préparer un bolo de cenoura, proche d’un carrot cake, bien que le sien soit recouvert de chocolat noir et non d’un glaçage en sucre. Il espérait que Priya aimait la carotte car ce n’était pas le type de discussion qu’iels avaient habituellement et c’était la 1re fois qu’il tentait cette recette. Il aurait dû prévoir autre chose, au cas où. Des pancakes par exemple !
Il frappa par réflexe à la porte et fut sorti de ses pensées par une Priya visiblement tout aussi surprise. Regardant sa montre du coin de l’œil, Davi ne s’était pourtant pas trompé d’horaire. À moins qu’il ait loupé un changement d’heure nocturne…

- Bonjour ! Tu n’as pas attendu longtemps dehors ?

Visiblement, elle se réveillait d’une sieste et le zoomancien sentit la gêne pointée dans son propre sourire en se disant qu’il l’avait sorti du sommeil. Elle t’a dit 16h, il est 16h, tu ne pouvais pas savoir !

- Je viens juste d’arriver, ne t’inquiète pas.

Retirant sa paire de bottines, il les poussa du bout du pied pour ne pas qu’elles restent en plein milieu du couloir. C’était étrange, de voir Priya moins apprêtée qu’habituellement et de découvrir ses cheveux sombres gonflés. Ils faisaient comment un halo autour de son visage arrondi. Il y avait quelque chose de spontané, dans sa façon de se montrer à lui ainsi. Et même si Davi savait que ce n’était pas volontaire au vu des lignes sur sa joue, il ne put retenir un doux sourire. Il se sentait privilégié, de la voir ainsi.

- Prends le temps qu’il te faut pour te réveiller. Je vais aller poser le goûter et aller préparer l’eau pour le thé.

Il connaissait l’appartement, y avait gardé Archie une fois et y était venu bien plus en quelques années. Alors la cuisine fut rejointe en un rien de temps, la bouilloire en métal remplie et allumée. Davi n’avait pas encore croisé Neela, le familier de Priyanka et il se demanda si le grand bharal faisait encore sa meilleure sieste alors que sa sorcière s’était réveillée comme un coup de tonnerre.

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Alors que l’eau commençait à frémir, il entendait Priya s’affairer dans le salon. Il n’avait pas besoin d’y être pour s’imaginer parfaitement la danse classique de la botanomancienne : remettre les coussins en place, ranger le livre qu’elle devait lire en ce moment et…éternuer ? Davi se retourna par réflexe même s’il lui était impossible de la voir. Sourcils légèrement froncés, il savait à quel point Priyanka avait peur de tomber malade au risque de contaminer ses parents. Et même si un éternuement ne signifiait pas grand-chose, il savait aussi que la jeune femme avait tendance à s’imaginer le pire après un simple reniflement. Mais Davi ne lui en parlerait pas tant que le sujet ne serait pas amené sur le tapis par elle, pour éviter de planter la graine dans son esprit déjà bien labouré par l’angoisse.
Cherchant deux tasses dans les placards, le zoomancien en trouva une, puis une autre avant d’entendre revenir son amie.

- Si ça ne te gêne pas, j’ai ouvert un peu la fenêtre du salon. Je ne sais pas si je suis malade, je n’espère pas, mais mon père si alors je prends mes précautions. Tu as besoin d’aide ?

- Tu peux arrêter la bouilloire si tu veux, je pense que l’eau est assez chaude.

Quant à la fenêtre ouverte, Davi reprit immédiatement :

- Et il fait plutôt bon aujourd’hui, tu as eu raison d’ouvrir.

Pour la rassurer indirectement que l’air dehors n’était pas glacial et n’allait pas entrainer plus d’éternuements, voir un nez coulant. Davi s'était même surpris à retirer son épaisse veste en venant ici : le printemps commençait à pointer son museau et le zoomancien en était ravi intérieurement. Voir les fleurs émerger de la tête, les arbres retrouver leur majestuosité, les animaux sortirent de leur cocon chaud... Tant d'éléments qui ne pouvaient que rendre heureux·se tout·e sorcier·ère - à minima, les enfants des Vergers !
Retournant vers la table pour y poser les 2 tasses sur le plateau sorti par Priya, il prit le temps de la regarder quelques instants : il y avait peu de chances qu'elle soit malade mais il pouvait comprendre son inquiétude, qui allait bien au-delà de sa propre crainte d’attraper quelque chose : la protection de leur famille, bien que de différentes façons, était un de leur point commun.

Son sourire, discret, se fit plus large, presque solaire alors qu'il reprit d'un ton qui se voulait aussi doux que possible :

- Tu as pris quelque chose pour tes éternuements ? Si tu as un peu de sauge ou de thym, on peut en glisser dans la tisane si tu le souhaites.

Au cas où, il se nota dans un coin de tête d’en apporter la prochaine fois si Priya n’en avait pas - même s’il était certain qu’elle en cachait dans ses tiroirs. Avec ce type de phobie venait souvent un placard rempli d’onguents et de traitements, naturels dans le cas des enfants des Vergers.

- Ou en faire brûler ? Après avoir aéré ton salon.

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Davi ne connaissait pas ce “Zephyr” mais il pensa de suite au botanomancien qui portait le même prénom. Surement que c’était lui, même s’il n’avait jamais eu l’occasion de le croiser. Mais savoir que Priya avait suivi les conseils d’un de ses collègues en plus de la prise d’un thé au miel le rassura. Si avec ça et le… petit reste du thym qu’elle tenait entre les mains, elle ne se sentait pas plus en sureté, Davi allait devoir sortir les grands moyens. Grands moyens qu’il n’avait jamais eu à utiliser avec son amie mais s’y était préparé depuis qu’il avait compris la peur qui l’envahissait à chaque éternuement. Oh, le trentenaire en avait passé des soirées à chercher ce que signifiait l’hypocondrie, à se documenter pour savoir comment aider celleux qui en souffraient pour éviter les faux-pas avec Priya. Pour ses ami·es, Davi était capable de beaucoup, quitte à s’oublier parfois.

Il entendit le reniflement mais ne fit aucune remarque. La voir se dissimuler le bout du nez dans son mouchoir et tenter de s’activer pour ne pas penser à sa santé ébranla le zoomancien. Il fit de son mieux pour ne pas lui partager sa propre angoisse de ne pas réussir à l’aider en baissant la tête pour se concentrer sur les gâteaux.

- Tu en veux aussi ? Même si tu vas bien, peut-être tu aimes ça.
- Avec plaisir, j’en consomme beaucoup chez moi.

Plus par plaisir des sens que pour se soigner mais cela rassurerait peut-être Priya encore plus, de savoir que son ami prenait aussi soin de sa santé. Qu’il faisait attention à ne pas apporter chez elle une mauvaise toux ou un mal de gorge qui viendraient nourrir son hypocondrie.

- Avec tout ça je ne t'ai même pas demander. Tu vas bien ?

La laissant mettre le thym dans la théière, il attrapa le plateau garni, prêt à retourner dans le salon pour un lieu plus approprié à la discussion. Cela lui permettait aussi de réfléchir à la question de Priya plus sereinement : allait-il bien ? Ces derniers jours, oui. L’anxiété avait été presque invisible, tant le couturier était terré dans son atelier pour terminer des commandes. Le travail avait tendance à effacer l’angoisse qui faisait palpiter son coeur habituellement, comme si être affairé à sa passion lui permettait de fermer ses pensées à toute intrusion. Il n’avait pas entendu la voix de Liz avant son arrivée ici, s’était fait la réflexion hier soir en se couchant à une heure indécente sans que l’insomnie vienne lui tenir la jambe.

- Et je vais plutôt bien en ce moment, j’ai beaucoup de commandes, c’est… très satisfaisant. Et, on n’va pas se mentir, ça fait aussi du bien à l’égo.

Il posa le plateau sur la petite table du salon avant de s’asseoir dans le canapé confortable. Il régnait chez l'Ancre des Serments une ambiance cosy et chaleureuse qui plaisait toujours à Davi. Quelque chose dans son intérieur lui rappelait son style de création, dans les nuances d’orange et de jaune et les drapés lourds des rideaux. Peut-être que cela expliquait en partie qu’il s’y sentait comme chez lui.

- Tu seras même étonnée d’apprendre que j’ai organisé un atelier de couture et que personne n’y a été blessé !

Un léger rire s’échappa de ses lèvres, jamais très à l’aise quand il était question de se laisser aller à la joie. Mais à nouveau, Priya avait ce don pour le mettre à son aise, comme un printemps éternel qui l’accompagnait à s’ouvrir un peu plus chaque jour.

- Et toi, la saison des amours avance bien j’imagine ?

En tant qu'Ancre des Serments et vu la période, elle devait avoir de nombreuses visites ici !

Les félicitations, Davi en entendait souvent dans son métier, mais les prenait rarement en compte. Pas qu’il soit suffisant au point de ne pas écouter ce qu’on lui partageait, mais l’honnêteté manquait parfois, dans les mots des membres de son domaine. Et si, devant, les compliments fleurissaient comme au printemps, derrière, les médisances en faisaient de même. Mais quand cela venait de Priyanka, l’une de ses rares amies et l’une de ses premières clientes à Édimbourg, le zoomancien laissa un peu tomber le masque et sentit ses joues rosir à son retour. Oui, il pouvait être fier de lui et il essayait férocement de ressentir le sentiment malgré le perfectionnisme inhérent à sa personnalité. Oui, il était bon professeur malgré l’angoisse et les hésitations du début. Quand on commençait tout juste à relever la tête après des années englué dans la dépression, il était difficile d’accepter la saveur délicieuse de la satisfaction.

Immobile sur le canapé, le regard rivé sur les mains graciles de son amie, Davi sentit sa créativité s’enclencher comme le rouage d’une montre : une paire de gants, à demi-ajourés, en voile Tencel, qui viendrait habiller délicatement les doigts, quel que soit le genre de la personne. Un accessoire qu’on revêtait uniquement en hiver par besoin plus que par esthétisme, mais qui pourrait venir donner une touche originale à une tenue toute simple.

- Oh… J’ai trop rempli cette tasse, je vais la prendre.

Revenant dans la réalité, il ne sut trop quoi faire alors que Priya avait déjà pris les devants en essuyant la table et en lui servant une autre tasse, moins remplie. Au moins n’en mettra-t-il pas partout… La fumée qui s’en échappa lui dicta d’attendre avant de goûter la tisane. La chaleur restait toujours un problème pour Davi, qu’elle soit issue d’une eau fumante, d’un pain grillé ou d’un incendie.

- Sinon, oui j’ai de jeunes couples en ce moment qui viennent me voir. Je pense que cette année on va être servi côté mariage.

La savoir bien occupée lui tira une mine satisfaite. Ici, le printemps était une période qui occupait la nature à reprendre ses droits après un rude hiver et les humains, à préparer des unions. Une belle saison, douce et moins humide que la précédente où les fleurs reprenaient de la vigueur et les âmes, des envies de rencontres. Davi se souvenait parfaitement de ces mois, à Rio Branco. Pas de plantes qui recouvraient leurs couleurs, mais des orages impressionnants et parfois, des coulées de boue qui emportaient tout. Les après-midi et soirées n’étaient pas uniquement faits de retrouvailles autour d’un verre ou d’une tisane, mais bien des périodes où on tentait d’éviter les grosses gouttes en rejoignant ses ami·es. Davi se souvenait adorer l’ambiance qui régnait pendant ces quelques heures, le bruit de la pluie sur le toit de leur maison. Et si c'était habituel par chez lui et qu'on vivait avec, comme ici avec le froid de canard de janvier, il arrivait que la pluie finisse par noyer le monde que le zoomancien chérissait tant. Ça aussi, il s'en rappelait.

- D’ailleurs, tu fais dans les robes de mariée ? Quelques jeunes filles du coven qui viennent me voir me demandent au passage si je connais une boutique pour trouver des robes de mariées écoresponsables, vegan, mais j’avoue que je n’en sais rien.

Il plissa les yeux et fronça les sourcils, par habitude plus que par ennui. À la réflexion, il n’en avait jamais fait, mais une robe de mariée n’était qu’une robe parmi d’autre, juste plus importante aux yeux de la personne qui la portait (quoi que ça dépendait certainement).
Laissant Priya aller fermer la fenêtre, il n’était pas certain que le sujet de robes de mariées soit celui qu’iels devaient discuter à l’instant au vu de l’insistance de son hypocondrie.

- On ne m’en a jamais demandé, mais ça peut entrer dans une commande personnalisée. Si tu veux, je pourrais te passer un catalogue photo que mon équipe a fait et tu pourras leur montrer lors de leur prochains rendez-vous ? Qu’elles puissent se rendre compte du style de la marque, de notre façon de travailler…

Lui n’aurait jamais pensé à se créer un catalogue avec des photos de ses créations ou de défilés. Il n’avait déjà pas de site web, pour vendre au-delà de ses boutiques et si ses réseaux sociaux commençaient à prendre de l’ampleur ce n’était certainement pas grâce à Davi !
Penchant la tête sur le côté, toujours en réflexion, il reprit avec douceur.

- Si elles viennent de ta part, nous pourrons réfléchir à un prix raisonnable en fonction de leurs possibilités. Comme une sorte de… partenariat entre toi et moi.

Il s’étonna d’y avoir pensé : Davi travaillait les fibres de tissu, par celles du commerce.

- Enfin, je dis elles, mais une robe peut être portée par qui le veut même si je me doute qu’un homme en jupon ne soit très en vogue dans la communauté d’Édimbourg…

Un léger rire, plus gêné qu’amusé, échappa de ses lèvres. Le mariage entre deux personnes du même genre n’était pas encore accepté par ici et si Davi ne comprenait pas vraiment en quoi cela pouvait poser problème, il trouvait ça triste.

Zieutant la tasse toujours fumante, il reposa son attention sur son hôtesse

- En tout cas, toutes ces affaires ont l’air de te rendre heureuse. Tu as un teint lumineux et tu sembles en forme. Ça me fait plaisir de te voir ainsi.

Une façon détournée de lui dire qu’elle n’avait pas les signes annonciateurs d’un quelconque rhume ou d’une grippe épuisante. Priya allait bien et irait bien.

TW : angoisse, mention de dissociation et de brûlures

Oh, du temps, il en prendrait pour réaliser de telles tenues. Mais n’était-ce pas ce qui l’émerveillait dans son métier, de passer des heures à tenter de mettre en valeur chaque personne à travers le choix des coupes et des tissus ? De créer du bonheur et d’apporter de la confiance à travers une création faite sur mesure ? Et si Davi n’avait jamais mis ses mains au service de futur·es marié·es, c’était surtout par manquer d’intérêt pour la thématique plus que par crainte d’y passer trop de temps. Mais la passion qui se dégageait de son amie, la brillance de ses yeux et son sourire complice venaient de piquer de curiosité l’artiste : si Priya avait un tel éclat en parlant de son métier, comment ne pas s’y intéresser ?

- Ne t’inquiète pas pour le temps que cela nous prendra. C’est notre travail après tout.

De recevoir, d‘écouter, d’imaginer, de sélectionner, de croquer, de confectionner. Et si le brun avait tendance à préférer les dernières étapes de cette activité et avoir besoin d’autres regards et oreilles attentives pour les premières, il appréciait généralement ces bribes échangées et les idées évoquées lors des rencontres avec sa clientèle. Même si on le choisissait pour son univers et sa patte artistiques, l’essence des créations et vêtements cousus venait avant tout des mots, des murmures et même des micro-expressions captées lors des tout premiers échanges. Rien ne venait de nulle part et Davi avait appris à apprécier ces instants au fil des années, même si être à l’écoute du moindre détail épuisait très rapidement sa jauge d’énergie.

En voyant s’asseoir confortablement la botanomancienne, le brésilien sentit son coeur se gonfler de contentement : à défaut d’être apaisée, au moins se sentait-elle à son aise dans cette discussion et leur relation. Dès leur première rencontre, Priya avait pris une place prépondérante dans son coeur. Si certain·es s’imagineraient déjà une forme de coup de foudre qui le ferait chanter des aubades sous la fenêtre de l'Ancre des serments ou d’une attache romantique digne d’un film hollywoodien, il n’en était rien. Davi aimait simplement ce que la trentenaire dégageait, de l’aura qui entourait ses mouvements, de la chaleur de ses mots et de son rire communicatif. À chaque discussion, Priya déclenchait chez lui des idées et enclenchait les rouages de sa créativité. Mais aussi, sa simple présence avait tendance à l’arrimer à la réalité là où d’autres le faisaient s’éloigner et se renfermer dans ses angoisses au point où il dissociait de l’instant. Pour elle, Davi aurait été capable de beaucoup et certainement que la sorcière ne s’imaginait pas à quel point son dévouement n’avait pas de limite. Ce n’était pas quelque chose dont iels avaient déjà parlé, le brésilien sentant une certaine inquiétude pointer à l’idée de lui avouer comment il la percevait. Mais à cet instant, le couturier était au moins certain d‘une chose : il pouvait tenter de l’aider à se sentir moins anxieuse face au trouble qui la consumait petit à petit.

-…ces éternuements ne sont pas de bon augure… Je m’inquiète peut-être pour rien. Mais je dois bien avouer que je deviens vite anxieuse à l’idée d’être malade et que l'état de santé de mon père n'arrange rien.

Davi hocha du menton lentement, à l’écoute et surtout, en réflexion sur ce qu’il pourrait lui répondre. Il ne connaissait pas l’origine de son hypocondrie et surtout, n’était pas psychologue. Un suivi pourrait certainement l’aider ou à défaut, la rassurer quand la panique ébranlait sa confiance en sa santé. Lui… Lui, il pouvait l’écouter, discuter et lui montrer qu’elle n’était pas seule.

Se rapprochant un peu de la table, mains closes sur ses genoux, le zoomancien n’avait toujours pas touché à son thé. Bientôt, le liquide aurait refroidi et la porcelaine serait plus légère entre ses mains craintives.

- Tu me dis si mon conseil est de trop, mais… l’anxiété est un cercle vicieux. Elle se nourrit d’elle-même. Plus on pense à ce qui nous angoisse, plus on angoisse et plus on angoisse plus la peur de ce qui la nourrit nous parait devenir réelle. Et plus elle devient réelle dans notre tête, plus on angoisse, etc, etc. Je ne vais pas te dire de ne pas y penser et que ça résoudra ton inquiétude, mais… peut-être d’essayer de te raccrocher à quelque chose de tangible, de réel et de rassurant.

Ses yeux verts plongés dans ceux bruns de Priya retombèrent sur sa propre tasse, encore pleine et fumant légèrement. Jamais il n’avait évoqué les incendies de 2019 avec son amie. Jamais il n’avait parlé de sa peur de la chaleur ni évoqué l’origine des brûlures qui parsemaient sa main et son bras gauche. Jamais il n’avait donné la véritable raison de l’absence de son familier dès qu’iels se voyaient. Mais peut-être qu’en lui évoquant un soupçon de ce qui faisait éclater son coeur à chaque réminescence, Davi réussirait à maintenir Priya dans la réalité.

- Je ne suis pas à l’aise avec la chaleur. Quelle que soit la source. Quand je m’y retrouve confronté, j’essaye de me fixer sur une activité qui occupe ma tête ou mon corps. Souvent, c’est la couture ou le dessin. J’ai toujours un carnet dans mon sac au cas où. Et en ce moment… C’est discuter avec toi. De mariage, de tenues et des délicieuses tisanes que tu prépares. Et avant que tu t’en veuilles de me les servir chaudes, je ne t’en ai jamais parlé alors tu ne pouvais pas le savoir.

Son ton se voulait aussi apaisé que possible, même si l’idée d’évoquer avec quelqu’un ses propres peurs fit tambouriner son myocarde. Il l'entendit pulser dans ses oreilles.

- Qu’est ce qui te fait du bien ou qui focalise tes pensées en général ?

Regard à nouveau haut, il espérait ne pas avoir ramené trop de "lui" dans le malaise de Priya. Avalant difficilement sa salive, Davi sentit sa gorge asséchée par tant de mots qui revêtaient un caractère urgent au vu de ce que la jeune femme lui avait exprimé. Peut-être qu'en lui partageant sa technique, elle trouverait un moyen d'apaiser un peu ses angoisses. Il s'agirait plus d'un pansement que d'une véritable solution, mais au moins se laisserait-elle moins envahir par l'anxiété. Peut-être... S’il allait bien devoir repartir d’ici à un moment, le couturier espérait réussir à planter une petite graine apaisante dans l'esprit de son amie avant. La savoir davantage ancrée à la réalité, là où un éternuement n’était que le signe d’une vilaine poussière se logeant près du bout de son nez, serait le symbole d’une réussite pour le zoomancien. Qu’il avait su se montrer présent quand elle en avait besoin.