[TERMINE] Toulouse & Berlioz #1

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« C’est très moche. » Décrète Icarus, perché sur un petit tabouret positionné juste à côté de Silas, lui-même assis sur un tabouret ; le dos cavalier, un genou remonté et le menton appuyé sur le dit genou, il active mollement son poignet à tracer des lignes sur la toile, à l’aide d’un pinceau enduit d’une peinture rouge vive. « Je sais. » Répond-t-il d’une voix morne sans poser les yeux sur son familier, qu’il considère avec un petit soupir avant de poursuivre son oeuvre, bien qu’il soit odieux de nommer son tableau ainsi. « C’est quoi ? » Le pinceau s’éloigne de la toile bafouée de traits et de couleurs, tandis qu’il rétorque, sûr de lui cette fois : « Une maison, ça se voit ! » Icarus n’est pas de mauvaise volonté, la preuve ! Il prend quelques secondes pour observer la peinture, penchant son museau à droite et à gauche avant de dire, presque peiné pour son sorcier : « On dirait une patate. » S-u-p-e-r.

Reculant légèrement son menton en même temps que sa main, Silas regarde longuement son chat avant de se confronter sa peinture, comprenant bien rapidement la comparaison. Il voyait une maison, il voit désormais une pomme-de-terre. « Ben c’est une maison moderne. Tu connais l’art contemporain ? » « C’est plus de l’art abstrait là. Mais bien abstrait, hein. Même l’abstrait n’en veut pas. » Un grognement agacé s’extirpe de sa gorge tandis qu’il abandonne son pinceau dans un bocal rempli d’eau, en mordillant l’intérieur de sa joue.

C’est alors que sa soeur revient dans le salon, avec deux tasses de thé ; il balance sa nuque en arrière pour la regarder avec une moue boudeuse, presque enfantine puisque, avec elle, il se sent en sécurité, protégé. « Il se moque de ma maison… » Lui souffle-t-il d’un air faussement peiné, qui ne vient point attendrir le chat bien trop franc pour se taire. « Pas de ta maison, de ta pomme-de-terre. » De mieux en mieux. Il redresse sa nuque pour observer sa toile, ne pouvant s’empêcher de grimacer sans la quitter des yeux tandis qu’il demande, à son aînée, d’une voix presque hésitante : « Tu trouves que c’est moche, toi aussi ? »

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Quand bien même voit-il arriver le thé avec délice, c’est l’avis de son aînée qu’il invoque, puisque c’est bien elle que la nature a doté d’un sens artistique pictural, qui lui fait cruellement défaut ; l’une de ses mains part à l’assaut de la tasse fumante, de laquelle s’échappe une odeur gourmande, tandis qu’il l’observe par-dessus son liquide ambré, joliment coloré par le miel. « Heuuu… Nooon… C’est heu… » L’hésitation n’est pas le signe avant-coureur des éloges à venir, et ce bégaiement dans la bouche de sa soeur empêche la sienne de boire sa première gorgée. « Quoi ? » Fronçant légèrement ses sourcils, il grimace en attendant que la sentence tombe. « Original, oui. » Original étant le mot qu’on emploie pour ne pas dire moche, il s’offusque presque en penchant son menton sur le côté, visiblement outré du peu de considération qu’on alloue à sa… le truc qu’il a peint. « Vous ne comprenez rien à mon art. » Notez qu’il a dit mon art et pas l’art en général, considérant peut-être que l’art lui-même ne comprendrait pas le sien, vous me suivez ?

Elle ébouriffe ses cheveux d’un geste presque maternel mais il tord sa nuque pour lui échapper, la moue boudeuse et l’oeil mécontent. « Vous êtes durs. C’est mignon, je trouve, moi. »  « AH ! » Lance-t-il d’un air victorieux, en redressant même ses épaules car il vient de gagner en popularité. « Ah, Sílas, je crois que Clover te préfère à moi. Elle n’est pas aussi gentille avec moi… » « C’est parce que tu es une migraine ambulante. »  Zieutant en direction de l’aquarium, Silas hoche son menton de haut en bas comme pour approuver les dires. « Ah ? Les méduses ont des migraines ? Tiens donc. » « J’sais pas si elles ont des migraines mais elles sont aveugles, ça c’est sûr. » Icarus regarde tour à tour les trois, avant de leur tourner le dos pour se mettre en boule, les yeux clos ; pour lui, c’est l’heure de la sieste, il a suffisamment distillé ses bons conseils pour l’instant.

« Et c’est quoi, là, à gauche ? Un… gros pâté ? » Il suit la direction de ses yeux en fronçant légèrement les sourcils, ne se rappelant même pas de ce qu’il voulait peindre à cet endroit. Un arbre ? Ah non, c’est bon, il se souvient maintenant…. « C’est toi. » Il apporte sa tasse à ses lèvres pour en boire une gorgée sans la quitter des yeux avec un air malicieux au visage, laissant tout le loisir à Clover de l’appuyer : « C’est très ressemblant ! »

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Son oeuvre ne provoque pas l’unanimité. Il en joue l’offusqué et l’étonné mais, au fond, il sait très bien que son gribouillie informe ne ressemble ni de près ni de loin à une maison ; peut-être dans le noir derrière un mur et à douze kilomètres, et encore, il faudrait un bigleux pour juger. Heureusement, Clover vient le soutenir dans sa déconvenue, puisque son propre familier n’a pas la décence de le faire lui-même ; la preuve qu’il s’agit bien d’un chat. Ce dernier se mettant en boule sur le tabouret qu’il occupe, il part vers d’autres contrées en laissant la pauvre Caleigh seule dans cette bataille bonne enfant…

La cible est encerclée, positionnée entre son petit-frère malicieux et son familier qui, pour une raison quelconque, a décidé de la trahir ; la guerre ouverte est déclarée. Les hostilités commencent lorsque la cible, isolée, demande quel est ce gros pâté dans un coin du tableau… L’occasion est trop belle pour être ignorée alors, la perche est saisie, et plutôt deux fois qu’une. « C’est toi » A-t-il rétorqué, bien trop fier pour ne pas boire une gorgée de son thé au miel après une telle attaque frontale, qui vient surprendre la malheureuse déjà blessée. Le coup fatal est porté par Clover qui, depuis son aquarium, appuie l’assaillant : « C’est très ressemblant ! » Après avoir bu sa gorgée de thé, le brun lève sa tasse en direction de la méduse, comme pour trinquer à distance avec cette dernière. « Tu vois, je suis doué pour faire les portraits. » Si même Clover le dit !

Mais leur pauvre victime n’a pas dit son dernier mot et, par une rébellion inattendue, s’insurge d’abord verbalement. « Comment oses-tu manquer de respect à ta grande sœur ?! » Il s’apprête à lui répondre mais, ayant tout juste le temps de déposer sa tasse sur le petit meuble à côté de lui, il se fait attaquer par un pinceau verdâtre, qui vient recouvrir sa joue avec les pigments froids, qui lui arrachent un frisson désagréable. « EH ! » Il éloigne son visage en penchant tout son corps vers la droite, manquant de tomber à la renverse sur son tabouret ; il se rattrape de justesse au poignet de sa soeur, qu’il garde dans son étreinte quand il attrape son propre pinceau de sa main livre, colorée de rouge, pour venir lancer son épée-pinceau contre le visage de sa soeur, le traversant en diagonale. L’observant un instant d’un oeil amusé, il pouffe de rire en mordant dans sa lèvre inférieure, essuyant enfin la peinture verte sur sa joue. « Le rouge n’est pas ta couleur, hein… » Il trempe alors son pinceau dans du bleu, se retournant vers sa soeur avec une étincelle malicieuse dans l’oeil, ses lèvres pressées dans un sourire équivoque. Si elle ne fuit pas, elle aura bientôt le visage barbouillé de peinture…

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La raillerie, encouragée par la méduse qui les observe depuis son aquarium, ne peut que le faire sourire avec un prompt amusement, tandis qu’il fait danser ses sourcils sur son front comme pour remuer silencieusement le couteau dans la plaie et la provoquer, comme lorsqu’ils étaient enfants — bien que, à les observer ainsi jouer, difficile d’affirmer qu’ils ont grandi autre que physiquement. « Clover a raison, tu donnes la migraine. » Clame-t-il en essuyant sa joue à l’aide du revers de sa main, grimaçant légèrement sous le contact de la peinture froide et n’osant guère constater l’état de son t-shirt, avant de finalement se laisser emporter par cette bataille colorée puisque, lui aussi vient traverser son visage féminin d’un large coup de peinture mal maîtrisé, qui part de sa tempe gauche et qui rejoint plus ou moins le coin de sa lèvre à droite.

Elle est vexée ; il le constate sans peur et se permet même de la taquiner davantage en affichant une mine déjà victorieuse, mise à mal par la soudaine fuite de son adversaire qui part en direction de la cuisine. « Trouillarde ! » Avec sa palette et son pinceau, il la suit d’un pas vif et, à l’image de deux cow-boys s’affrontant dans un duel digne du far-west, ils s’observent quelques secondes, l’un en face de l’autre, brandissant leurs pinceaux comme s’il s’agissait d’une terrible menace. Et dans ce moment de flottement espiègle, ou chacun guette le moindre geste de l’autre pour lancer les hostilités, depuis le salon, ils peuvent entendre une voix râleuse : « C’EST PAS BIENTÔT FINI CE RAFFUT J’PEUX PAS DORMIR JE VAIS AVOIR DES CERNES » Déconcentré par la voix de son familier, qui attire un instant son menton en sa direction, la brune en profite pour grappiller des munitions avec son pinceau et lance, presque d’un geste désespéré, ce dernier vers son frère, qui se voit éclabousser de pigments. « Tu seras mon chef d'œuvre, j’en suis sûre ! »  Il le sait, qu’il est un chef-d’oeuvre : c’est bien pour ça qu’il est le dernier rejeton de leur famille, avant lui, il n’y a eu que des brouillons.

Mais fini de jouer. C’est la guerre qu’elle veut, c’est la guerre qu’elle aura. Abandonnant sa palette usée et son pinceau sur le plan de travail de la cuisine — qui heureusement pour son esprit maniaque n’est pas la sienne, il retourne calmement dans le salon pendant qu’elle est en train de recharger ses cartouches liquides et colorées ; en usant de sa télékinésie, le coréen se saisit de plusieurs bouteilles de peintures : du jaune, du rouge et du vert, qui se retournent silencieusement au-dessus de la tête féminine pour déverser leur peinture sur sa sombre chevelure, tandis que la tasse de l’assaillant traverse le salon pour parvenir jusqu’à ses mains. « C’est pas vraiment le moment de prendre une douche, Caleigh… » Prenant appui sur un tabouret, il observe sa soeur dont le sommet du crâne est un curieux mélange entre plusieurs teintes, et qui commencent à couler sur les longueurs. « T’en penses quoi, Clover ? J’ai gagné ? » Buvant une gorgée de son thé au miel, il ne quitte pas sa soeur des yeux, l’oeil grandement malicieux. Il a gagné, il le sait.

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Entre la soeur et le frère, la bataille est rude : l’appartement de Caleigh, haut lieu de leur affrontement sans pitié, est devenu un champ de bataille sur lequel ne coule pas du sang mais de la peinture qui, on le devine aisément, sera tout aussi difficile à retirer. La cuisine étant déjà parsemée ici et là de traces colorées sur les murs et même les placards, c’est dans le salon qu’ils retournent afin de reprendre des munitions puisque, de toute évidence, la demoiselle ne s’avoue pas vaincue.

Caleigh est la première à investir les lieux pour renflouer les stocks, mais son cadet est sur ses talons et, bien qu’on puisse le traiter de tricheur, il use de sa télékinésie pour renverser deux bouteilles de peintures sur la sombre chevelure de sa soeur, qui s’immobilise au milieu de la pièce en courbant ses épaules vers l’intérieur, à la fois surprise et ahurie du geste. Lui, loin d’être effleuré par la culpabilité, se saisit de son thé en même temps qu’il s’installe sur son tabouret, un air déjà victorieux au visage… Peut-être trop, d’ailleurs ? « Pff… Vous avez pas des choses plus constructives à faire que de vous battre comme des enfants avec de la peinture ? » La traitre ! Il y a peu, elle était de son côté… Il ne se prive d’ailleurs pas de lui faire remarquer, tenant sa tasse près de son visage mais tournant son menton vers l’aquarium afin de râler, sans voir l’élan malicieux qui passe sur le visage de sa soeur. « T’abuses, Clover ! Je te croyais dans mon équipe. » « Hm… Tu sais, finalement, je pense que c’est le moment parfait pour prendre une douche, Sílas. » N’entrevoyant guère le sous-entendu, il s’apprête à annoncer qu’il compte en prendre une après avoir bu son thé mais le contenu de sa tasse s’échappe de celle-ci pour se retrouver sur son crâne, ruisselant sur sa chevelure, ses tempes, ses oreilles et jusqu’à ses épaules. « Mais ! » À son tour, il se crispe en espaçant ses lèvres de quelques degrés, ne pouvant s’empêcher de frissonner au contact de la boisson froide échouée sur sa tête. « T’as pas honte ! » Non, visiblement ce n’est pas un sentiment éprouvé par Caleigh. L’amusement vient fendre rapidement son masque outré, si bien qu’il dépose sa tasse vide à côté de lui afin de venir essuyer ses paupières, surtout déçu de n’avoir plus rien à boire désormais. « T’abuses, il y avait du miel dedans en plus ! » Non pas que ce soit plus important que son t-shirt, mais quand même. « Alors, le gagnant, Clover ? » « Vous me fatiguez. » Un léger rire emportant ses lèvres, il hausse les épaules avant de tendre sa main à sa soeur, prêt à s’engager sur le compromis : « Pour la survie de tes meubles, je propose qu’on soit à égalité ? » « Vraiment une phrase de perdant, ça. » Rétorque Icarus sans bouger de sa position, donnant toujours l’impression qu’il dort. « Le thé, c’est bon pour la peau, non ? » Pas sûr que ce soit autant efficace de cette façon…

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Il est trempé et porte désormais l’odeur du thé à la menthe et au miel sur ses vêtements ; non pas que les effluves lui déplaisent mais il préfère les avoir sur la langue plutôt que sur la peau ! Et comme sa soeur-démoniaque-infernale-satyre n’a pas honte de son méfait, il la toise d’un oeil d’abord mauvais avant de pousser ses lèvres en avant dans une moue boudeuse, qui l’attendrissait lorsqu’ils étaient enfants mais qui n’a plus le même effet aujourd’hui : faut croire qu’il est moins mignon à presque trente ans plutôt qu’à sept. « Arrête de sourire comme ça ! Si j’attrape froide et que je meurs dans d’atroces souffrances parce que j’aurais une narine bouchée, ce sera ta faute. » L’élan dramatique lui fait baisser le menton pour qu’il puisse tirer sur le tissu blanc de son t-shirt, avant de lever les yeux vers sa soeur et de se rendre compte que son sort est bien pire, puisqu’elle a les cheveux entièrement recouverts de peinture, et que ladite peinture dégouline sur ses épaules, son front et sûrement dans son dos…

Amusé, il relâche son t-shirt en croquant dans le coeur de sa lèvre inférieure, lui octroyant un sourire taquin tandis qu’il s’efforce de maintenir un rire mutin pendant quelques secondes, avant que celui-ci se fasse entendre, presque malgré lui. « Franchement, le vert te va bien au teint ! Tu devrais te colorer les cheveux, fais-moi confiance. » Moqueur, il se retourne ensuite vers Clover qui refuse de statuer sur le gagnant, permettant au plus jeune de proposer une issue favorable à tous : l’égalité pour la paix des ménages, même fraternels ! « Vraiment une phrase de perdant, ça. » Le râleur de service s’étire avant de rejoindre le sol pour les mépriser du regard, avançant de sa démarche chalouper jusqu’à la cuisine, probablement dans l’idée de se trouver quelque chose à se mettre sous les moustaches. Heureusement, malgré la non-coopération de leurs familiers, sa soeur est d’accord avec lui — un miracle. « Pour la survie de mon t-shirt, aussi. C’est d’accord. » Serrant la main de sa soeur dans la sienne, il pouffe de rire en voyant la peinture qui continue de dégouliner de chaque côté de sa chevelure, s’estimant comme le plus chanceux des deux et assurément avec raison. « Oui, le miel aussi d’ailleurs. Moins sûre pour la peinture, par contre. Tu as intérêt à ce que mes cheveux et mon t-shirt en sortent indemnes, petit frère… » -  « Tu me menaces ? » Faisant mine d’être outré, il pose l’une de ses mains près de sa gorge en reculant son menton pour espacer ses lèvres de quelques degrés, avant de dire :  « Pour les cheveux, un bon shampoing suffira… Sinon on te fera la boule à zéro ! Pour le t-shirt, en revanche, je n’ai aucun espoir et aucune solution. » On ne pourra pas dire qu’il n’a pas essayé ! Haussant ses épaules, il s’avance pour récupérer les deux tasses de thé, proposant : « Je vais refaire du thé et tu vas essayer de sauver tes cheveux ? » Non pas qu’il s’inquiète mais il pense qu’être chauve ne la mettrait pas vraiment en valeurs.

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