[Abandonné] But your heart can't settle the score ft. Min-ah

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• L’aurore automnale amène la nostalgie. Vagabond certes plus à l'aise à la  •tombée de la nuit, mais le voici bien matinal Lucius. Les mains qui s'affairent déjà à peaufiner les derniers détails d'une commande particulière. Livraison prise un peu à la dernière minute, en cette période chargée pour le coven des enfants vagabonds. Les célébrations d'honneur aux ancêtres commenceront bientôt. Nombreux sont ceux et elles venant commander toutes sortes de couronnes et de bouquets en avance pour fleurir les tombes de leurs disparus, nombreux sont ceux et celles qui se préparent également pour le bal de la longue nuit. Récupérer un bouquet pour sa belle, un autre pour une tante décédée. Les vases de la symphonie vertes sont pleins, devant comme en arrière boutique. D'ordinaire, ils n'auraient probablement pas accepté une telle demande avec si peu de délai.

Fleurir une maison entière, c'est un travail prenant et chronophage. Il faut s'assurer de répondre à la demande du client qui souvent, souhaite une esthétique particulière. Calculer le budget à ne pas dépasser pour rentrer dans les frais. S'assurer d'avoir suffisamment de stock pour fleurir les intérieurs. Mais Lucius est habitué aux demandes de dernière minute. C'est souvent lui que l'on recommande au magasin pour ce genre de choses. Etrangement efficace lorsque le délai est serré, encore plus quand on lui laisse carte blanche comme ici. Et sans budget. Si son employeur.euse s'est d'abord offusqué.e quand il lui a annoncé avoir pris cette commande, avec les explications... Le ton a changé.

On ne dit pas non à la famille Kae chez les vagabonds. Pas après tout ce que l'ancienne matriarche, la regrettée Eun-ji, a pu faire pour leur coven. Encore moins quand il n'y a pas de budget pour assouvir cette demande. Ce caprice, qu'à annoncé saon patron.ne. Mais Lucius ne voit pas la chose ainsi. Certes, Min-ah n'était pas bien éloquente lorsqu'elle s'est présentée en cette journée pluvieuse d'•Automne. Mais il comprend la situation, Lucius. C'est surement encore douloureux d'avoir dit aurevoir. Si le décès n'a pas été soudain, l'ancienne ayant passé une dizaine d'années dans un sommeil profond, il n'est jamais facile de perdre quelqu'un. Peut-être que la jeune femme était particulièrement proche d'elle. Lucius n'en sait rien, ne connaît pas son histoire. Mais il accepte et ne pose pas trop de questions. Se contente de faire de son mieux pour apaiser les maux. Si des fleurs peuvent lui faire plaisir, l'aider à aller mieux alors pourquoi s'en priver ?

Les compositions chargées dans le van, par ce temps •brumeux. Il est encore tôt ce matin, les premières boutiques commencent à relever leurs rideaux pour se préparer à la journée. Lui a déjà commencé aux aurores, s'assurant de récupérer des fleurs fraîches au près des botanomanciens de l'autre côté de la ville. A défaut d'un thermos de café dans son porte goblet, il y installe l'une de ses canettes d'energy drink. Probablement qu'il en consomme trop, que son corps s'y est accoutumé depuis le temps. Mais tant que l'effet persiste, même s'il n'est que placebo, qu'il ne peine pas à garder les yeux ouverts... Ah, ça feras bien l'affaire.

L'autoradio allumé, sachant bien qu'il n'entendra pas son amie Alba qui n'anime que le soir à Leith Fm, l'Oniromancien écoute tout de même les nouvelles du jour. Oh, il ne se passe pas grand chose en ce moment à Edimbourg. On ne parle que de la célébration des ancêtres qui approche, des •Chrysanthème qui envahissent les cimetières. De la météo de •demi-saison, comme d'habitude, grise. Les nouvelles sont entrecoupées par quelques titres en vogue du moment, puis pas l'horoscope qu'il écoute avec attention. Sachant très bien que son signe, le poissons, sera le dernier.


Mais ça suffit à le garder éveillé, Lucius, pour qu'il roule jusqu'aux plaines oniriques. En se demandant bien si cet horoscope veut dire quoi que ce soit. Il n'a pas prévu de voyager, pas en ce moment, il n'a certainement pas le temps avec le travail. Les études sont loin derrière lui et il n'a jamais été bien scolaire, Jager. Quand au dialogue... Oui, il est plutôt doué pour ce genre de choses généralement. Mais c'est une chose qu'il semble partager avec beaucoup d'autres Oniromanciens.

Il est en avance. Vérifie le numéro de la maison sur son agenda pour être certain d'être au bon endroit. S'il espère ne pas trop déranger en arrivant de bonheur sur son horaire, n'ayant certainement pas prévu qu'il roulerait si bien sur la route pour arriver jusqu'ici, le voilà un peu penaud devant la porte d'entrée à se demander s'il doit sonner ou bien frapper. La maison semblant vaste, le fleuriste opte donc pour la sonnette. Une petite pression discrète, qui il l'espère, ne feras pas trop sursauter l'habitante de ces lieux.

Depuis dix ans, l'oracle nocturne déroule ses pas au jour le jour, à la nuit la nuit. Errance à la frontière somnambule, chasse les visions de ces rêves percés à jour. Masquant ses frustrations, ses contrariétés. Le visage fermé. Fatigué. Des années qui l'échappent, dévalent les escaliers de la vie sans qu'elle ait la moindre emprise dessus. Spectatrice qui voit les visages au ralenti, perçoit les ondes sonores dilatées. Non pas à la manière d'un prédateur calculant les actes de sa proie, mais à celle d'un animal laissé à l'abandon qui, par automatisme, instinct de survie, se contente du minimum pour maintenir la pompe en marche. Imperméable aux joies, aux peines, à chaque extrême, son visage reste de marbre. Seuls ses ancêtres, maîtres de son esprit et de son âme, comprennent la tempête qui l'étreint et la tourmente. Un instinct de préservation. Maintenir les apparences : pierre angulaire de son éducation. De quoi montrer une certaine prestance que seuls ses proches savent superficielle. Sans doute est-ce là ce qu'elle peut faire de mieux. Même si elle redoute les festivités à venir qui ébranlent déjà les plaines oniriques. La perte récente de sa grand-mère l'empêche de s'investir dans l'organisation des célébrations cette année. Plus que les autres...

The piercing, radiant moon
The storming of poor June
All the life running through her hair
Approaching guiding light
Our shallow years in fright
Dreams are made, winding through my head
Le silence et l'obscurité sont maîtres mots dans la maison de Dean Village. Les rideaux occultant n'ont pas été ouverts depuis des semaines. Les fenêtres sont restées fermées. La poussière s'entasse sur les affaires agglutinées. Eun-Ji vivait dans un chaos ordonné. Si bien que chaque bougie à ras et chaque livre ouvert sur une commode paraît faire partie intégrante d'une décoration mystique minutieusement calculée. La bâtisse ressemble à une caverne aux mille trésors. Ancienne, son architecture pourrait servir au prochain fantasme cinématographique de Tim Burton. L'agencement des pièces n'est pas en reste. La grand-mère accumulait les livres ésotériques de toute origine, toute langue. Des délires religieux aux mythes en passant par les folklores. Each legend carries a part of truth. Le dédale dessine un "L" sur un étage. Le rez-de-chaussée aux fondations inégales ajoute quelques marches ci et là, épousant un relief sur trois niveaux différents. L'étage se rejoint par deux escaliers différents. L'un fait de métal raffiné conçu par un artisan créatif, et le second de bois, plus modeste, où des sculptures représentent la symbolique des covens. À l'image de feu sa propriétaire, la demeure oscille entre grandeur et simplicité, le tout dans une exécution atypique décrivant les méandres d'un rêve en perpétuelle évolution. N'est-ce pas triste que la vie ait quitté ces murs ?

Your lives are open wide
The V-chip gives them sight
Of all the life running through her hair
The spiders all in tune
The evening of the moon
Dreams are made, winding through my head
Oiseau de nuit, d'ordinaire Min-Ah se couche à l'aube. Une lecture complexe a occulté le temps qui passe. Les rideaux fermés n'ont pas permis aux rayons du soleil d'alarmer la locataire. Le retentissement de la sonnette lui fit quitter les yeux du livre. Un coup d'œil à la vieille horloge ne l'aide pas à comprendre qui viendrait troubler le calme de la maison si tôt. Ce qui ne l'empêche pas de se lever. Après tout, le monde vie de jour. Et aujourd'hui, elle attend une visite particulière. Dans son errance fantomatique, Min-Ah s'est laissée-aller à un caprice bien réfléchi : celui de fleurir cette maison. Quand Eun-Ji était encore de ce monde, il y avait toujours un peu de verdure et des pétales colorés aux senteurs qui variaient selon les saisons. La plupart du temps, des cadeaux. Reçus du coven ou même d'autres sorciers. Loin d'avoir cette aura, Min-Ah s'est rendue compte, après la mort de sa grand-mère, que le fleuriste n'apportait plus de bouquet. Les disciples ne gratifiaient plus cette maison de leurs donations. Elle n'en est pas contrariée le moins du monde. Cependant, la vagabonde se rend compte que ce manque de vie creuse d'autant plus le fossé qui la sépare du monde réel. Peu de cérémonie dans ses gestes pourtant emprunt d'une douceur infinie. Ses traits sont tirés par la fatigue, yeux encore rouge de pleurs qu'elle n'a sus contrôler il y a quelques heures encore. Min-Ah est habillée d'une veste à manche longue en coton, noire, fine, au col dessinant le port d'un châle. Un débardeur gris prêt de sa peau, un pantalon ample à mi-chemin entre un jogging et un pyjama. Un sourire timide sitôt effacé accueille le visiteur à la porte.
Le fleuriste a un peu d'avance.
Tant mieux.
« Bonjour.
Vous êtes en avance.
Tant mieux. »
En se mettant de côté, elle invite le vagabond à entrer.

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Dans •Un automne jonché de taches de rousseur, Lucius n'a pas à attendre bien longtemps pour que la porte ne s'ouvre révélant ainsi l'habitante de ces lieux. Vit-elle seule dans une si grande maison ? N'y a-t-il pas quelqu'un pour l'accompagner, une personne chère à son cœur pour partager cet espace ? A priori non. Se contenant d'offrir un sourire doux à la jeune femme, le fleuriste hoche la tête :

« Ravi que ça ne vous dérange pas, j'ai mal calculé mon temps de trajet je suis désolé. »

Oh, il essaye de ne pas faire de réflexion. De ne pas se montrer trop intrusif. Il a bien remarqué son visage fatigué, à la jeune oracle nocturne. Mais lui non plus n'a pas l'air bien reposé. Il ne l'est jamais vraiment, bien qu'il dorme plus que la moyenne. Toujours constamment épuisé avec cette narcolepsie, toujours fatigué en errant dans les rêves des autres par accident. Lucius il ne dort jamais vraiment, ne trouve le repos réellement que lorsqu'il consomme à l'occasion un somnifère anti-rêves. Ou d'autres substances plus discutables. Bien qu'il n'en abuse pas réellement, il lui arrive tout de même d'en prendre. Pas bien difficile de se fournir à Leith qu'il connaît comme sa poche pour y avoir grandi. Ou carrément au près de ses contacts botanomanciens. S'il n'en est pas très fier, il ne s'en cache pas vraiment non plus. Sauf probablement au près de ses parents et en particulier de sa mère pour ne pas trop lui faire de peine ou ne pas la décevoir. Après tout, Madame Jager est fière d'avoir élevé un gentil garçon. Poli et serviable, toujours courtois. Lucius c'est un peu sa fierté bien qu'il n'ait malheureusement pas hérité de sa magie de pyromancienne.

Bien loin de se douter que son vis à vis n'ait pas eu une vie familiale aussi paisible et compréhensive que la sienne, le voilà donc à essuyer ses chaussures sur le paillasson pour ne pas risquer de salir l'intérieur de l'imposante maison.

« J'aimerai faire un petit tour avec vous si ça ne vous dérange pas, pour repérer les lieux et voir où installer les fleurs. Même si vous m'aviez décrit les lieux lors de votre visite à la boutique, c'est important d'harmoniser pour que vous vous sentiez bien. »

Sans vraiment connaître le mobilier et l'agencement de la maison, Lucius a donc tablé sur des compositions assez classiques. Difficile de se projeter en matière d'agencement des fleurs si l'on ne connait pas encore l'environnement qui les accueilleras. Bien que son métier soit parfois jugé un brin simplet c'est en réalité tout un art. La plupart des gens n'ont simplement pas conscience du travail fourni derrière les présentations florales décorant les tables des mariages, les intérieurs des appartements et les belles réceptions huppées. Mais il faut savoir quelle fleur symbolise quoi. Retenir tout un tas de noms de variétés. S'appliquer dans ses gestes pour exécuter des bouquets qui tiennent bien. Avoir un certain œil artistique, un peu comme un décorateur d'intérieur pour harmoniser les textures, les couleurs et les niveaux des ornements.

La prochaine fois, s'il y en a une et que Mademoiselle Kae est satisfaite de son travail, il pourra faire mieux. Apporter un service plus personnalisé pour convenir à la maison. Pourquoi pas mettre une commode particulière en valeur même, si elle y tiens ?

« Comme c'est la toute première fois que je travaille pour vous, j'ai opté pour des compositions assez simples. J'ai préféré partir sur des tons de blanc et des touches de mauve avec des fleurs de saison, pour être certain que ça ne jurerai pas trop avec votre décoration. »

Un grand espace jonché de bibelots, de livres, de souvenirs, de rires et de pleurs. La maison peut paraître spacieuse, mais le manque à combler n'est pas de meuble ni de compagnie. Dans cette demeure, Min-Ah ne se sent pas seule. Abandonnée, peut-être, mais le passé de ces lieux remplit le vide du plan physique. C'est le reste qui pêche...

À la traversée du parvis par le jeune homme, Min-Dae, le familier de Min-Ah, survole le plafond pour se cacher dans un endroit plus sûr. Visiblement, il n'est pas d'humeur à rencontrer qui que ce soit. Min-Ah l'influence de trop. Car elle non plus, n'est pas d'humeur à rencontrer ni parler. Que ce soit avec des proches ou des connaissances plus éloignées. Toutefois, la vie suit son cours. Malgré l'impression que le temps se soit figé autour d'elle, c'est une évidence impossible à nier : les jours passent. Ils se ressemblent et se mélangent. N'apportant à Min-Ah que la différence du jour et de la nuit. Encore que, les rideaux épais bien fermés, il n'est pas aisé de conserver le rythme circadien d'un humain normal. De toute façon, par sa nature d'oniromancienne, la nuit a toujours été son moment favori. Pourquoi s'échiner à vouloir vivre de jour ?

Le fleuriste découvre l'intérieur de la maison décrite par Min-Ah lors de son passage à la boutique. La jeune femme avait été à la fois précise et impersonnelle. Le plus pragmatique et concis possible. Bien qu'elle apprécie les fleurs, ce n'est pas son domaine de prédilection. Différencier les plantes des fleurs est déjà bien à son niveau ! Hormis quelques espèces particulières, il serait risqué de lui prêter un quelconque savoir sur les créations composées par les fleuristes. Alors le factuel lui avait semblé être la meilleure manière de donner les billes suffisantes à Lucius pour faire son travail. Ce que l'oniromancien apportait à sa grand-mère était un bon modèle, un bon départ. Min-Ah avait placé sa confiance en lui pour ce qui était des choix à faire pour apporter un peu de vie à cette maison bien calme.

Il lui fallait toutefois faire le tour du propriétaire pour voir comment agencer ses compositions. Le blanc et le mauve, deux teintes qui allaient pouvoir mettre en valeur les différentes pièces appréciées par Kae Eun-Ji, en contraste avec l'obscurité dans laquelle est plongée la maison. Sans commentaire sur son choix, Min-Ah invite d'un geste Lucius à la suivre.

« Suivez-moi », déclara-t-elle simplement.

En quittant l'entrée, Min-Ah serpenta les pièces les unes après les autres tout en les présentant au fleuriste. Pendant cette visite guidée, la jeune femme tint à décrire l'attachement que sa grand-mère avait pour chaque pièce ; le premier salon où elle recevait ses disciples, ses amis. Le second, plus intime, qu'elle réservait à Brivael et sa famille. Un couloir sinueux qui mène jusqu'à une bibliothèque cerclée d'une coursive et d'un escalier en colimaçon pour atteindre les étagères les plus hautes. Le dernier livre qu'elle lisait encore ouvert, pages contre la console de lecture. Le dernier bout de papier sur lequel elle annotait des réflexions sur la maîtrise des rêves et comment un oniromancien, même moyen, pouvait reprendre le contrôle sur ce qu'il voyait et à quel point il le voit. Des notes incomplètes que son successeur pourrait poursuivre ? Plus qu'une guide, Eun-Ji était une chercheuse. Une exploratrice des rêves et de leur complexité.

Passées les pièces à vivre, vinrent les chambres, dont chacune avait sa propre ambiance. Sa suite, plus étroite que les deux autres chambres, baignait dans un noir-argent sobre qui pouvait symboliser l'absence de songes. Un moyen, peut-être, de retrouver le calme et le repos en mettant de côté les visions apportées par les rêves des sorciers qu'elle rencontrait... Sa chambre ; sa prison, son lit de mort. Min-Ah se retrouva nouée en poussant cette porte. Aucune description pour cette pièce. Lucius la connaissait. Avait déjà vu Eun-Ji allongée sur ce matelas, dans ces draps que Min-Ah entretenait avec la plus grande des attentions pour assurer le plus de confort possible à sa grand-mère.

« Vous pourriez commencer par cette pièce. »

Les yeux rivés sur le lit, l'oniromancienne ne parvient pas à passer l'encadrement de la porte. Son regard pouvait-il suffire à traduire tout ce que représentait cette chambre ? Pas assez, sans doute.

« Grâce à vous, sa chambre avait toujours ce parfum doux et apaisant.
Mais plus maintenant », se contente-t-elle d'exprimer en désignant de son menton les vases de fleurs fanées, séchées par le temps.

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Des situations délicates, Lucius en a déjà connues avec certains clients. Si les fleuristes aident à célébrer des évènements heureux, comme les histoires d'amour en composant d'imposants bouquets de roses pour déclarer sa flamme à sa belle, son métier l'amène parfois sur un autre terrain. Le plus triste ce sont souvent les enterrements, certains plus que d'autres. Il y a dès fois où la famille s'y attendaient depuis un moment, s'étaient fait une raison que leur proche était sur la fin et que c'est plutôt une bonne chose qu'il ou elle trouve le repos. Mais ce n'est en général pas le cas. Parce que c'est souvent difficile de perdre quelqu'un. Que ce soit abruptement du jour au lendemain sans prévenir, ou même si on le savait tout au fond que la fin était proche on ne l'accepte que rarement.

Alors, Lucius sait se montrer délicat dans ces moments difficiles. L'Oniromancien est doux, ne presse jamais personne et s'efforce de ne pas demander de détails s'il sent que la personne en face n'est pas en mesure. Parfois, ça les soulage aussi quand il demande simplement si la personne aimait un type de fleurs en particulier, ou une couleur. En parler peut faire remonter des souvenirs plus heureux, du temps où leur proche était encore parmi les vivants et quand il voit ne serait-ce que l'ombre d'un sourire se dessiner sur le visage d'une personne endeuillée, Jager se sent bien. Il sait qu'il a soulagé les maux de quelqu'un, simplement avec un peu de gentillesse et de considération, qu'il a su accorder la douceur dont le client avait besoin dans son chagrin.  

Il laisse Min-ah lui montrer la maison, bien plus grande qu'il ne l'imaginais de l'extérieur. S'il connaît les lieux, le tatoué n'est familier qu'avec la chambre de la défunte. On ne lui avait jamais demandé de décorer le reste de la maison, mais si ça peut soulager la peine, alors il le feras bien volontiers. Pas uniquement pour l'argent, pas uniquement pour le carnet d'adresses que ça pourrait lui apporter. D'ailleurs, il doute fortement qu'elle invite qui que ce soit à passer du temps entre ces murs. Qu'aucun invité ne viendra ici pour demander qui a fleuri la maison afin de faire appel à ses services également. Les volets sont fermés, elle a sans doute besoin de s'isoler pour faire son deuil et organiser ses pensées. Chaque personne est différente, il le sait. Lui n'a encore jamais été vraiment confronté à la mort directement. Une grande tante, quand il était petit, dont il n'était pas spécialement proche non plus. A cinq ans, il ne s'en rappelle pas vraiment. Ses grands parents s'ils sont toujours en vie, habitent encore de l'autre côté de l'Atlantique, il n'en est pas spécialement proche non plus. Ses parents ? Ils sont encore en bonne santé et relativement jeunes, ont encore de belles années devant eux si la tragédie ne les frappe pas. Alors puisqu'il ne sait pas, il ne juge pas. Et même s'il savait, il ne le ferait pas non plus. Parce qu'il n'aime pas avoir des apriori sur les gens Lucius, estime que ce n'est pas sa place de dire à quelqu'un si il ou elle a le droit d'être triste ou non et de quelle manière.


Min-ah elle n'arrive pas à passer la porte de la chambre. Il comprend que c'est douloureux, mais acquiesce simplement sans se permettre la moindre réflexion. Voulant à tout prix éviter une quelconque maladresse, de peur de mal choisir ses mots et de la blesser. Lucius qui redescend donc dans son Van, pour commencer à décharger. A se mettre au travail pour fleurir la maison et surtout la chambre en premier. Il réfléchit devant les différentes compositions, tente de se rappeler du mobilier, des couleurs. Sans savoir en avance, il a pris des fleurs qu'il avait déjà amené ici. Dans le doute. Car les choses familières peuvent amener un certain confort à une âme en peine. Que le changement ce n'est pas forcément toujours bon.

Lisianthus et Dhalias pour parfumer la chambre, cette pièce qui semble compter plus que les autres pour Min-ah. Probablement parce que c'est ici que son aïeule a passé les dernières années de sa vie à dormir. Sans doute que s'il était nécromancien, il serait plus sensible encore à l'énergie présente dans cette chambre. La présence de Eun-ji se fait encore sentir entre ces murs.

« J'ai choisi ces fleurs là pour cette pièce. Elles sont synonymes de gratitude, de charisme et d'amour. ça me semblait approprié, pour remercier votre grand-mère d'une certaine manière. Elle était très appréciée dans notre coven... »

Mais ça tout le monde le sait, que Eun-ji était une figure importante pour les enfants vagabonds. C'est pourtant important de la remercier de tout ce qu'elle a fait pour eux, sur plusieurs générations qui sont venus la consulter pour avoir des réponses sur leur avenir en partageant un rêve avec elle lors de leur jeunesse. Surtout et encore plus en ce moment, lors de la semaine de vénération des ancêtres. S'il n'y a que la famille Kae qui soit réellement liée à Eun-ji, Lucius est certain que beaucoup de vagabonds auront tout de même une pensée pour elle dans les jours à venir.