Caractère
Lunatique, il y a des jours avec, des jours sans. De manière générale, ses humeurs se callent avec la lune... littéralement. Quelque soit son humeur, Min-Ah la garde pour elle. Même si c'est inscrit sur ses traits, ce qui permet aux personnes qui la connaissent de jauger de son état. D'un naturel discret, elle n'est pas du genre à vouloir se mettre en avant. Sa confiance en elle est fragile, a dû se bâtir à contre-courant des remarques parentales déplacées. Devoir se confronter à une éducation stricte l'a rendu consciencieuse, méticuleuse, organisée. Tout doit constamment être parfait, bien fait, et le rester. Ce qui n'est pas sans lui avoir forgé un côté obsessionnel avec son environnement... Tout doit être parfaitement aligné, trié par ordre (alphabétique, colorimétrique, etc). De façon à ce que si vous la voyez avec une mèche rebelle, c'est qu'elle a décidé d'avoir cette mèche rebelle. Un côté conservateur et traditionnaliste la guide dans la plupart de ses choix. Plus que son environnement, il y a des tocs, des manies, qui persistent et se montrent dans les moments de stress.
Min-Ah n'est pas très douée pour gérer ses émotions. Pour autant, elle ne se refuse pas de ressentir les choses. C'est une femme très attachée à ce qu'elle aime, aux autres, aux lieux, aux souvenirs. Un sentimentale de la tête aux pieds. La plupart de ses sentiments sont bons. Elle aime aider, prendre soin de ceux qui partagent un bout de chemin avec elle. Même si, depuis peu, la douce Min-Ah se referme. De plus en plus, on la sent rejeter ce qui peut se passer de bien, de bon. Un côté cynique et des sarcasmes qu'on n'a plus à deviner sur le mouvement de ses sourcils. Faute à une sincérité exacerbée par la vulnérabilité dans laquelle elle se meut peu à peu. Malgré sa dévotion et son investissement auprès du coven, Min-Ah considère devoir faire ses preuves, encore et toujours. Une charge mentale qui pèse sur ses épaules endeuillées. Obstinée et orgueilleuse, elle ne demande d'aide à personne. Ce serait donner raison à ses parents. Alors elle prend sur elle. Est irritable, susceptible, sur la défensive.
Histoire
La famille de Kae Min-Ah est installée au coven des enfants vagabonds depuis la nuit des temps : tous sont passés par le cursus de l’académie (en Corée du Sud ou ailleurs, pour s'imprégner d'autres cultures), même ceux que la vie a conduits vers des carrières plus “humaines”, et avec d’excellents résultats. Ils se sont rapprochés d’Édimbourg il y a seulement deux générations, celle de Min-Ah est la première à naître en Écosse. Le mariage d’un membre de la famille avec une écossaise poussa une grande partie de la famille à quitter la Corée du Sud pour la capitale des sorciers. Afin d'assurer la pérennité de leur nom, ils ont adopté la coutume de conserver le matronyme pour que leur nom résonne au fil des générations tout en gardant leurs origines, dont ils sont fiers.
Kae Eun-Ji, une des arrivantes de la famille à Édimbourg, fit preuve de grandes capacités magiques, l’amenant à gravir les échelons du coven en devenant prophétesse des songes. Leurs investissements dans la capitale écossaise en ont fait un nom respecté dans le monde des humains, notamment en rachetant une grande partie des actions d’un groupe d’extraction minière. Par leurs placements et leurs relations, les Kae mettent un point d’honneur à jouer un rôle dans l’essor des plaines oniriques et œuvrent pour son expansion. Traditionnellement, les hommes occupent une grande partie de la vie civile dans le clan Kae. Et les femmes, elles, s’investissent au sein du coven. Bien que quelques mélanges soient notables dans leur arbre généalogique, les Kae sont principalement oniromanciens. La pratique de cet art est entourée de rites et de cérémonies auxquels tous participent. Hors de question de ne pas se plier aux traditions familiales et de ne pas fêter les grands moments des enfants vagabonds. Ceux qui se défilent sont très mal vus au sein du clan.
La prophétesse des songes Eun-Ji, est une mère pour tous les sorciers, quel que soit leur magie et leurs aspirations. Elle a participé à former ses enfants, et ses petits enfants. Tous la respectent, l’admirent comme la plus haute figure de la famille ! Cette femme avait un mari qu’elle aimait plus que tout. Une passion réciproque et réservée. Une symbiose parfaite entre deux oniromanciens qui partageaient tout de leurs vies. Quand ce mari décéda, une part d’Eun-Ji mourut avec lui… Elle tenait encore son rôle, mais sentait que ses pouvoirs devenaient instables. La fin était proche, elle le sentait et préparait son départ. Peut-être un peu trop tôt... Un jour, elle fut retrouvée plongée dans un profond sommeil. Des barrières entravaient son esprit, si bien que les oniromanciens ne pouvaient déceler les songes qui l’entouraient. Les hydromanciens ne pouvaient la soigner d’aucun maux ; ce qui n’allait, c’était son esprit. Comme si elle utilisait toute sa puissance pour s’enfermer dans un rêve sans fin.
Cela fait dix ans que Kae Eun-Ji est plongée dans un sommeil dont elle ne peut et ne veut s’extirper. Dix ans que la famille Kae périclite. Se déchire petit à petit. Le disciple que Eun-Ji avait pris sous son aile fit ses preuves pour prendre sa suite. Mais pour le clan Kae, tout ce que les aïeux ont bâti se consume à petit feu. Dans ce climat plein de tensions, Min-Ah s’estime heureuse d’avoir profité d’une enfance en présence de la merveilleuse femme qu’était sa grand-mère. Elle s’éloigne des autres membres de sa famille pour s’occuper d’Eun-Ji. Et la voir ainsi fermée la pousse à vouloir redoubler d’effort pour améliorer sa magie. Pensant qu’un jour, elle serait capable de la sortir de cet état, de lui venir en aide. Mais la peur l’étreint. Un blocage inconscient l’empêche de développer correctement ses pouvoirs, car au fond d’elle, Min-Ah craint de finir comme Eun-Ji… Ses pouvoirs l’effraient, même si elle est loin de prétendre à la puissance de sa grand-mère.
De tout temps, Min-Ah n’atteignait jamais la perfection aux yeux de ses parents, encore moins le niveau de certains oniromanciens qui bénéficiaient des conseils de la prophétesse. Au sein de sa famille, que ce soit au coven ou dans la vie civile, ses cousins, ses cousines, son frère faisaient toujours mieux. Ses résultats à l'acédémie avaient beau êtres bons, ils n'étaient pas au niveau d'excellence que l'on reconnaît aux Kae. Min-Han, son frère, réussissait dans les affaires, brillait par sa polyvalence, malgré une aspiration à s’investir dans le coven, il se donnait à fond pour sa famille. Leurs parents le citaient toujours comme exemple face à sa grande-sœur “incapable”. Pour autant, il n’a jamais accepté la façon dont leurs parents dépréciaient Min-Ah. À sa manière, il l’encourageait, lui insufflait toujours le petit élan nécessaire pour ne pas baisser les bras. Frère et sœur sont devenus très proches, les meilleurs amis qui soient. Complémentaires, ils ont une synergie telle qu’il leur est possible de se comprendre sans mots ni télépathie.
Min-Ah s’intéresse à beaucoup de choses. L’art, en particulier la musique, le sport, les mythes et légendes. Les matières plus terre-à-terre l’ennuient… comme l’économie, la gestion, les finances, la politique. Sans ambitions autres que son épanouissement personnel et la protection de ses proches, Min-Ah sortait du lot et même si elle n’avait pas de pouvoirs exceptionnels, sa grand-mère l’a toujours encouragée. De fait, elle avait plus de complicité avec son aïeule qu’avec ses propres parents… Ces derniers lui reprochaient de faire perdre son temps à la prophétesse des songes. Une source de tensions qui passait sous les radars d’Eun-Ji. Min-Ah était assez douée pour laisser son linge sale à la maison et faire bonne figure en toute circonstance.
Toutes les semaines depuis que Kae Eun-Ji est dans cet état catatonique, Min-Ah lui rend visite. Lui met de la musique ; ses symphonies préférées, dans l’espoir que cela puisse apaiser son esprit. Même en gagnant en puissance avec l’âge, Min-Ah ne parvient pas à voir les rêves de sa grand-mère, mais elle a acquis assez d’expérience pour comprendre comment apaiser les esprits, même les moins coopératifs. L’interprétation des signes et de la symbolique lui tenait à cœur, si bien qu’elle obtint le rôle d’Oracle nocturne. Mais ça ne suffisait pas pour aider concrètement Eun-Ji. Ce n’est pas une question de ne pas le vouloir, ni de ne pas être assez forte : de temps à autre, des oniromanciens tentent de percer les barrière que l’ancienne prophétesse a érigé.
Mais il y a peu, Min-Ah a entraperçu les songes de sa grand-mère, comme si elle lui avait ouvert les portes de son esprit un bref instant. Elle se remémorait son mari, mais dans un cauchemar où la culpabilité l’envahissait. Elle s’infligeait inlassablement la mort de son mari. Une tragédie dont elle ne s’était jamais remise. Était-ce de cela qu’était fait son rêve depuis dix ans déjà ? Cette seule idée traumatisait Min-Ah… Elle tentait de se rassurer en se disant que peut-être, les premières années étaient faites de rêves plus doux. Mais qu’à s’enfermer dans ce passé et cet avenir qui n’a pu se profiler, Eun-Ji s’est plongée dans cette torpeur. Min-Ah ressentit alors une telle empathie pour sa grand-mère qu’à sa visite suivante, elle monta le son de la musique. Son morceau préféré. Elle prononça des mots doux, rassurants. Lui demandait d’écouter la musique, de se concentrer sur la musique. Toujours. La musique. Min-Ah s’épuisa à dénouer les songes de Eun-Ji, mais tous les signes s’alignaient : elle lui réclamait de mettre fin à cette souffrance qui lui était devenue insoutenable, une absence qui lui a creusé le cœur au point de ne plus vouloir de cette vie pourtant bien remplie. Le nœud de sa peine, si complexe et ancré, fut la dernière supplique. Dans un élan harmonieux, Min-Ah se munit d’une seringue scellée. Le simple échantillon de ricine dilué dans de l’eau allait se frayer un chemin dans les artères de la grand-mère âgée de 75 ans. Une tétanie, et petit à petit : la fin.
Les vautours allaient se jeter sur les restes, déchiqueter tout ce qui avait fait de cette femme une icône si remarquable de leur famille. Mais peu importait l’héritage et la politique : Min-Ah était persuadée de n’avoir fait qu’exécuter le souhait de sa grand-mère. La tristesse de Kae Eun-Ji n’était un secret pour personne depuis la disparition de son époux. Une douleur dont elle était parvenue à masquer l’étendue. Jusqu’à ce que ce soit trop lourd à porter… Que la vie perdre de sa saveur et de tout intérêt. Elle avait formé un disciple qui serait capable de prendre sa relève, considérait avoir fait son devoir, le devoir de sa vie. Et mériter le repos éternel après toutes ces années passées dans le silence.
Personne ne soupçonne l’impact que représente la mort de Kae Eun-Ji sur l’âme de sa petite-fille. Son état dépressif est mis sur le coup d’un deuil trop difficile à porter. Qui pourrait imaginer que Min-Ah ait porté le coup fatal envers sa halmeoni adorée ? Les rapaces s’arrachent les legs tandis que Min-Ah rompt ses fiançailles, quitte son logement pour retrouver celui de sa grand-mère, s’éloigne de ses amis, s’isole petit à petit. Comme si le monde n’avait plus aucune saveur… Le seul être qui puisse la comprendre, c’est Min-Dae, son familier, témoin de chaque jour et chaque pensée. Son plus grand réconfort après son frère. L’oracle nocturne semble être devenue une ombre. Ses pouvoirs ne progressent plus, et elle sent même qu’ils s’affaiblissent. Par mémoire pour sa grand-mère, Min-Ah tient à sa place au coven. Mais elle a besoin d’aide… Une aide qu’elle se sent encore incapable de demander.