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Another one bites the dust

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Caleb Reid
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Caleb Reid

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La discordance des temps modernes
Les inarrêtables

Trombinoscope : Another one bites the dust 19d7f1648d4d62518140fe4111f7fdc4f0c90fe2
Face claim : Jensen Ackles
Pronoms RP : Il/He/Him
Âge : 36
Tuer le temps : Protecteur des voies sylvestres
Familier : Témis, une louve grise qui ne le perd jamais de vue.
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Arrivé.e le : 25/09/2024
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Another one bites the dust
27.09.24
Life is pleasant. Death is peaceful. It’s the transition that’s troublesome.
Isaac Asimov



TW : Violence, famille dysfonctionnelle, décès.



Le jour était enfin venu.

Je m’y étais préparé depuis que j’avais reçu le message, le fait de retrouvé ma soeur m’avait même assez rassuré pour que je pense être prêt. J’avais passé toute ma vie à haïr celui que j’allais enterrer aujourd’hui alors, jusqu’à ce que je me réveille, je pensais que tout était parfaitement sous contrôle. Et pourtant…pourtant je n’avais réussi qu’à grappiller deux heures de sommeil cette nuit-là et, depuis, je tournais en rond dans ma chambre, en me passant le scénario de la journée dans la tête. Je savais ce qui était attendu de moi, je savais qu’il y aurait des discours, des hommages à l’homme qu’il était, mais je ne comptais pas être au nombre de ceux qui parleraient de lui en des termes élogieux, devant son cercueil.
Il m’avait tout pris, je ne pouvais pas être plus impatient qu’il soit six pieds sous terre et pourtant…pourtant j’avais l’estomac noué, et le regard que l’autre me rendait dans le miroir était…un mélange de fatigue et de lassitude. Je faisais bonne figure, j’étais présent comme on l’attendait de moi et, aujourd’hui, il en serait également de même. Tout ce que je voulais c’était de m’enfermer dans ma chambre, mon casque sur les oreilles, me réfugiant dans la musique et un pot de glace au chocolat mais je ne le ferai pas car…cette journée était spéciale à plus d’un titre.

Une page se tournait. Tout ce qui allait se passer après aujourd’hui, les prochaines lignes de ces pages seraient les miennes et uniquement les miennes. Mes choix, mes erreurs, mes échecs, mes succès, je ne pourrai plus les mettre sur le dos de celui que nous allions enterrer aujourd’hui. Je me répétais cette vérité encore et encore devant le miroir, alors que j’étalais mes vêtements sur le lit à ma gauche.
Pantalon noir, costume noir, chemise noire et cravatte…noire également. Un ensemble simple mais élégant, qui allait de paire avec l’ambiance sinistre de la journée. J’avais été un mauvais fils, un frère absent, un ami absent mais être présent aujourd’hui…ça, oui, je pouvais le faire.

Assis sur le bord du lit à présent, je passais ma main dans ma crinière en désordre, avant de lâcher un profond soupir. Me penchant en avant, je laissais la même main se glisser sur ma nuque plus raide que jamais, en luttant de toutes mes forces pour ignorer ce noeud à l’estomac. Je ne devais pas faillir, surtout pas ici, surtout pas aujourd’hui. Alors je prenais une profonde respiration, conscient que je n’avais rien réussi à avaler de la matinée, avant d’attraper mes vêtements et enfiler mon sombre costume. J’avais beau me regarder dans le miroir, j’avais beau avoir conscience de ma carrure et de ma musculature, j’avais vraiment perdu l’habitude des vêtements serrés comme celui-ci…je ressemblais vraiment à un pingouin en costume. Enfin c’était ce que je me répétais pour garder les pieds sur terre, car j’étais plus du genre t-shirt et jean que costume cravate mais…maintenant que je renouais avec la civilisation, peut-être était-il temps de revoir ma garde-robe.

Non, ce n’était pas important. Me distraire ne fonctionnerait pas. Ma mère était sans doute déjà partie en avance, pour avoir un moment seule avec son “regretté” époux, enfin c’était ce que je supposais alors que je sortais de ma chambre, conscient du changement radical de look par rapport à avant. Réajustant ma cravate, je descendais et, alors qu’il était temps de partir, je finis par croiser Abigail. Nous avions tous les deux une façon différente d’aborder la situation, mais c’était certain que la journée allait être aussi complexe pour moi que pour elle. Abigail était la raison pour laquelle j’étais revenue alors, en la croisant, je me fendis d’un « Hey. Comment tu te sens ? » Question bête que je regrettais aussitôt mais…trop tard. Je me mordis presque la langue pour me punir, me rappelant que j’allais sans doute devoir garder ma langue dans ma poche, aujourd’hui.

M’approchant de ma sœur, conscient qu’elle voulait probablement en finir autant que moi, j’attrapais doucement sa main gauche dans la mienne, avant de lui glisser un doux regard.
« Bon. On…fait acte de présence, on expédie la cérémonie et, si les autres sont d’attaque, on rentre, je nous fais à bouffer et on picole. Ça te va comme plan ?  » Les autres…cette seule mention me fit légèrement grimacer, alors que le nœud de mon estomac se serrait un peu plus. J’avais envie de voir Adriel et Cassy, mais…arriverais-je à supporter leur regard ? Arriverais-je à passer outre ma culpabilité ? Ou est-ce que j’étais simplement en train de me monter la tête, pour rien ? Je n’avais pas hâte d’avoir la réponse mais il était trop tard pour reculer. J’avais fui, j’étais parti sans me retourner et, aujourd’hui, j’allais devoir faire face aux conséquences de mes choix, comme un homme. Enfin…comme un individu responsable, en somme.

« Allez, en route. » La cérémonie ne tarderait pas à commencer, aussi je proposais à ma soeur de faire le trajet dans ma voiture, pour l’occasion, question de nostalgie, alors que cette page se tournait. Durant le trajet, je me répétais sans cesse de ne pas fuir, ne pas fuir, ne pas fuir, alors que le cimetière se faisait de plus en plus proche. J’allais finir par me garer, couper le moteur et, plutôt que de sortir, je rejetais ma tête en arrière, contre l’appui-tête, tout en fermant les yeux pendant quelques secondes.

Témis resterait là, avec moi, tout du long. Je le sentais.  =Mon corps tout entier me poussait à être n’importe où sauf ici mais…je ne pouvais pas. J’étais fatigué de fuir. Il était temps de lui faire face une toute dernière fois, et d’enterrer ma noirceur avec lui.
Abigail Reid
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Abigail Reid

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La discordance des temps modernes
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Nano-quoi?
Un petit pas pour l'individu, un grand pas pour le coven

Trombinoscope : Another one bites the dust OfMexh
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Pronoms RP : Elle
Âge : 34 ans
Tuer le temps : Elle vient de demander son transfert comme Préparatrice de Sommeil Éternel suite à son retour à Édimbourg.
Familier : Nyx, une Whippet gracieuse et d’une grande énergie qui fait d’elle une alliée idéale pour aller se dépenser, se vider la tête.
Another one bites the dust GEnJ5po

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Another one bites the dust
27 Septembre 2024



« Every man's life ends the same way. It is only the details of how he lived and how he died that distinguish one man from another. » Ernest Hemingway
TW : Mention de décès, famille dysfonctionnelle

Il nous complique la vie jusqu’au bout, jusqu’à ce qu’on le mette sous terre. Déjà que mon sommeil laisse à désirer, entre une adaptation non faite au fuseau horaire, à des souvenirs désagréables qui remontent à la surface et maintenant ce réveil matinal… Une cérémonie en journée, quel enfer. « Pour que le plus grand nombre puisse venir. » Que m’avait répondu notre mère quand je lui avais demandé ce qu’il lui était passé par la tête. L’Oracle doit être tout aussi ravi que moi.

Les lourds rideaux protègent encore ma chambre des rayons du Soleil, c’est éclairée par des lumières diffuses que je me prépare, assise à ma coiffeuse. Mes yeux sont bouffis, rouges, signe d’une bien mauvaise nuit, des émotions bien trop contradictoires qui m’ont assiégée. Je hais cet homme du plus profond de mon être, n’en garde aucun bon souvenir et pourtant sa mort m’atteint. C’est à n’y rien comprendre. Je le hais d’autant plus pour la peine que sa mort déclenche. Il ne le mérite pas, il ne mérite que crachat et mépris. J’aimerais tellement m’en foutre mais au lieu de ça je dois masquer les larmes qui m’ont échappé pendant que je luttais avec Morphée, pour qu’elle m’emporte, me soulage. La mort fait partie de mon quotidien, j’en ai compris le sens très jeune, en ai fait ma vie. M’occuper de défunt, redonner de la vie sur ces visages qui n’en ont plus, pour faciliter l’acceptation des vivants, des proches… Tout ça, ça me connait. Et pourtant, aujourd’hui, je suis affectée. Déjà la veille, quand je me suis retrouvée seule face à son corps, j’ai craqué. J’ai pleuré comme une petite fille, face à un homme qui ne l’aura jamais aimée comme un père devrait le faire, un homme qui ne l’a jamais protégée de ce que le monde avait de plus sombre. Après avoir réglé les derniers détails, j’étais rentrée, murée dans un mutisme que j’avais mis sur le dos de la fatigue alors qu’il était surtout dû à cette boule dans ma gorge. Ce matin encore je la sens, ce qui pourrait bien me clouer le bec, pour une fois.

Je couvre mon corps au maximum, pour le protéger de la fraicheur écossaise mais surtout des rayons d’automne encore bien trop agressifs pour ma peau d’albâtre. Des collants épais, aux manches longues d’un gilet, seules mes mains, mon cou et mon visage restent exposés. Je détache mes longs cheveux bruns qui encadrent mon visage, cachent ma nuque. Avant de sortir de ma chambre, je récupère le fedora qui viendra compléter cette armure une fois hors de ces murs.

A la question de mon frère, je me contente de lui répondre par un regard fatigué. Je n’ai pas la force de lui mentir ni de lui dire la vérité. J’accepte avec joie cette main et presse mes doigts sur les siens avant d’acquiescer à son plan. Je suis soulagée du rôle qu’il endosse, lui en suis reconnaissante aussi. Je me laisse guider jusqu’à sa voiture, mes yeux désormais cachées derrière de grandes lunettes noires, suivie d’une Nyx toute aussi silencieuse et discrète. Le trajet se fait en silence, mon regard vide perdu à travers la vitre passager. Une fois la voiture à l’arrêt je tourne enfin mon visage vers celui de mon grand frère et prend le temps de l’observer. Je culpabilise aussitôt de me décharger autant sur lui et glisse une nouvelle fois ma main dans la sienne car lui non plus n’est pas seul. Parce que nous allons affronter cette nouvelle épreuve ensemble, comme bon nombre d’autres avant. Et comme les prochaines, sûrement. Parce que nous sommes une famille. Une famille débarrassée du cancer qui la rongeait.

« Allons enterrer ce connard. »

Que je lâche enfin d’une fois éraillée, usée. Et je sors de l’habitacle, le visage fermé, déterminée. J’attends que Caleb me rejoigne et lui prends le bras pour avancer dans l’allée, pour rejoindre la petite foule qui attend le début des festivités.

Adriel Rhodes
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Adriel Rhodes

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Another one bites the dust
27 Septembre 2024



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TW : Mention de décès, famille dysfonctionnelle

Sortant de sa voiture en claquant sa porte, Adriel noua mécaniquement sa cravate tout en prenant le chemin qui menait au cimetière. Non pas qu’il était en retard, mais c'était qu’il préférait la nouer à la dernière minute, bien qu’il aurait pu se passer de cet accessoire. Mais pour Abi et Caleb, sa présence devait être impeccable, repoussant au loin les visions qu’il avait eues durant ces quelques heures de sommeil. Pour la première fois, depuis longtemps, il avait aperçu le visage de son défunt père et se fut en emmurant cette partie de son passé qu’il avança vers la foule qui s'était déjà réuni près du lieu où la famille Reid avait choisi de faire reposer le père pour les sept premières années à venir.

Les mains dans les poches de son costume, lunette sur le nez pour ne pas changer à ses habitudes oniriques, il balaya la foule en espérant apercevoir la cascade rougeoyante de Cass' et de Nelson, un ami proche de leurs pères qui ne manquaient pas l'occasion d'être présent en toute circonstance. Il savait qu’elle non plus, ne manquerait pas d'être aux côtés des Ried aujourd’hui, comme ils avaient été tous là pour le Père Rhodes. On le salua à chaque regard sur lequel il s’accrocha, répondant d’un simple signe du menton sans avoir la moindre envie de parler. Non, cet enterrement soulevait des souvenirs bien trop profonds et qui lui restait en travers de la gorge sans qu’il n’y ait accordé une quelconque importance. Minimiser pour avancer, voilà ce qu’il avait fait, mais c'était clairement un conseil qu’il ne pouvait pas donner à Abi si elle le lui demandait.

Un goût âpre remonta en bouche à l'instant où il remarqua le dos droit de la mère Ried, dont les épaules se secouaient par intermittence légèrement secouée. Et il n’eut qu'à tourner légèrement des talons pour voir Abi et Caleb, tout de noir vêtu, arriver dans l’allée. Un goût de déjà vu, vingt ans plus tard, mais devant lequel il fit en sorte de rester de marbre. Aujourd’hui, c'était pour eux qu’une page se tournait et il serait présent autant de temps que nécessaire. Il accueillit la fratrie à côté, non sans frôler les épaules d’Abi avant de saluer Caleb, qu’il revoyait enfin depuis son retour. Il manquait encore quelques invités, l’Oracle Nécromancien qui faisait l’office n’attendant que l’aval de la famille pour commencer la cérémonie funéraire.

Cassandra Ramsay
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Another one bites the dust
27 Septembre 2024




TW : Mention de décès, famille dysfonctionnelle

L'écarlate fit glisser une énième fois une carte de tarot entre ses doigts fins, aux ongles parfaitement manicurés. Comme pour les précédentes tentative, la même lame ressortait à chaque fois. L'Arcane sans nom. Cassandra ne pouvait s'esquiver. Elle jeta un coup d'oeil dédaigneux à l'une de ses étranges horloges qui mêlaient chiffres romains et symboles antiques. Elle espérait presque être en retard à la procession morbide. Whispers lui jeta un regard désapprobateur. Il détestait quand la sorcière luttait contre l'inévitable. La bataille contre le temps était inutile selon lui, et peut être parce qu'il incarnait à merveille le stéréotype lié à son espèce, il détestait être en retarf. Logique pour un Lapin..

- J'ai compris, concéda t elle en quittant sa demeure. Cachant sa chevelure rousse sous un bibi à voilette. Elle ajusta son tailleur et ses gants élégants. D'un pas décidé, elle prit la direction du lieu où le Paternel Reid allait être honoré.

[...]

Son regard gris aux reflets verts se posa sur l'assemblée qui venait de se compléter. L'héritière Ramsay restait en retrait, à l'ombre d'un peuplier. Peu désireuse d'attirer l'attention sur son arrivée tardive pour ne pas dire retardataire. Elle se sentait obligée d'être là, les cartes avaient bien trop insistées pour que ce ne soit qu'un simple message de l'au delà. Et puis, il y a plus de vingt ans, la même scène s'était produite pour le père Rhodes. Ce sentiment de déjà vu ne plaisait pas à la nécromancienne. Les choses se répétaient jamais dans la nature, si il y avait des similarités cela ne pouvait être que du fait de l'homme. Puis, malgré toutes ses années, elle ne pouvait manquer le retour de la fratrie des Reids.

Cette occasion, aussi tragique qu'elle semble être, est aussi l'opportunité de tous se retrouver. Son oeil fut attiré par la carrure athlétique bien qu'étriqué dans un étrange costume de  @Caleb Reid. Elle retroussa son nez avec humeur, avant de s'adoucir quand elle repéra sous son grand chapeau sa soeur  @Abigail Reid, qui semblait avoir oublié le froid écossais. Il lui fallut peu de temps pour lorgner sur  @Adriel Rhodes qui ajustait une cravate mécontente autour de son cou.  @Nelson Clemence-Churlloyd était il dans la foule ? Se questionna t elle. Il était le seul qu'elle fréquentait régulièrement, un ami de son père depuis toujours. Il avait toujours la délicatesse de passer la voir plusieurs fois dans le mois. Peu bavard mais ce n'était pas pour déplaire à la cartomancienne. Ils partageaient tous deux, une passion pour les thés et autres boissons plus ou moins alcoolisées.

Whispers s'avança un peu plus qu'elle, posant son regard animal sur la foule. Il aimait prendre de l'avance sur sa compagne, et lui rapportait ses observations. Son pelage sombre se détachait de la pelouse verte et humide du cimetière. La cérémonie allait commencer.
Caleb Reid
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27.09.24
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TW : Violence, famille dysfonctionnelle, décès.


L’enterrement était un jour particulier, que chacun accueillait à sa façon. Certains se concentraient sur le vide que le disparu laissait derrière lui, d’autres y voyaient un rappel de notre propre mortalité, de l’aspect temporaire de notre présence sur cette Terre. D’autres, enfin, profitaient de ce jour pour célébrer l’existence du disparu, se remémorant anecdotes et souvenirs heureux, en avançant que le disparu était toujours vivant, quelque part, aussi longtemps qu’on se souviendrait de lui.
Notre mère…j’avais de la pitié pour elle, car elle avait aimé son mari, jadis, j’en étais certain. Son amour avait été la raison pour laquelle elle s’était accrochée à cette famille brisée, alors qu’elle avait eu plus d’une raison de partir. J’aimais à penser qu’elle était restée pour nous mais…non, je n’étais pas naïf à ce point. Elle était restée et avait laissé l’espoir la consumer. L’espoir que son mari verrait un jour la vérité en face, l’espoir qu’il se mette à genoux devant elle et lui demande pardon, l’espoir qu’elle n’aurait plus à avoir peur.

Tout ça pour rien.

Nous avions chacun une façon bien à nous d’affronter la mort, de faire face en public et, dés que je sortis de la voiture, je regrettais de ne pas avoir apporté de lunettes de soleil. J’étais doué pour faire face, pour enterrer mes émotions, mais mon regard finissait toujours par me trahir. Retenant un soupir, je sortais de la voiture en réajustant ma cravate, ignorant l’inconfort que je ressentais à porter cette tenue trop…trop. Lentement, je laissais Abi enrouler son bras autour du sien et posait mon autre main sur le sienne, en signe de réconfort. Doucement, juste entre nous deux, je lui rappelais que « Je suis là. Juste là. » Elle avait sa propre façon de gérer la présence de notre père dans sa vie, elle aurait sa propre façon de gérer sa mort et ce n’était pas mon rôle de lui dire quoi ressentir. Je devais juste m’assurer qu’elle n’oublie pas qu’elle n’était pas seule, qu’elle pouvait se reposer sur moi car j’avais les épaules solides, assez pour supporter son chagrin et sa colère, en plus de mes propres démons.
Moi ? Je prendrai le temps, plus tard, de laisser la colère m’envahir. Pour l’heure je devais faire face et devait le forcer à sourire discrètement, lorsque quelques proches et amis de la famille s’approchaient de notre mère, puis de Abi et moi, pour nous présenter leurs condoléances. Je restais poli car “ Tu peux te carrer tes condoléances là où je pense” n’était malheureusement pas socialement acceptable, même si c’était tout ce que j’avais envie de leur répondre, pour le moment. Rester poli…je pouvais au moins essayer de faire ça, jusqu’à ce que j’arrive à court de patience en tout cas.

Bientôt, mon visage dériva vers une silhouette familière, que j’aurai aimé croiser en d’autres circonstances. Adriel, un fidèle ami que je n’avais pas vu, en personne, depuis une éternité et qui avait pris le temps de venir, malgré tout. Nous avions été à l’enterrement de son père alors, de toutes les personnes rassemblées ici, il devait être celui avec la meilleure idée de ce qu’il se passait dans nos têtes. Pour lui je me fendis d’un petit sourire discret, en lui soufflant « C’est bon de te revoir, merci d’être venu. » Ce qui était tout ce que pouvais dire en ces circonstances, à défaut d’une meilleure idée. Je n’étais pas en mesure d’être sociable, pas pour le moment en tout cas, alors que je combattais chaque fibre de mon corps m’indiquant de me barrer dans la direction opposée.

Je balayais la foule à ma gauche et à ma droite à la recherche d’autres têtes connues mais, de là où j’étais, je ne pouvais pas voir ceux où celle que j’espérais voir. C’était un pari risqué depuis le départ, aussi je retenais un soupir de lassitude et me concentrait devant moi, alors que l’oracle contournait la foule par la droite, avant de commencer son discours devant le cercueil. « Que le spectacle commence…» soufflais-je à ma propre attention, comme pour me préparer à ce qui allait suivre. C’était le moment où l’oracle prenait la parole, pour débuter la cérémonie, pour aider l’esprit du défunt à…traverser de l’autre côté du voile sans doute et, pour les plus sensibles, c’était le moment de ressentir la peine et de la laisser les envahir. Moi ? C’était le moment de serrer la mâchoire, car je n’avais plus aucune larme à verser pour cet enfoiré, seulement de la colère avec un soupçon de haine.

Respire…allez, putain, respire.

Quelques minutes et le cauchemar serait terminé.
Abigail Reid
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27 Septembre 2024



« Every man's life ends the same way. It is only the details of how he lived and how he died that distinguish one man from another. » Ernest Hemingway
TW : Mention de décès, famille dysfonctionnelle

J’ai furieusement envie de baisser la tête devant ces regards qui nous observent à notre arrivée, cependant j’avance tel un automate, la tête haute, agrippée au bras de mon frère. Car il n’a pas besoin de me le dire pour que je sache qu’il est présent pour moi. Même dans les périodes les plus compliquées, même quand on se bouffait le nez, même quand on manquait de se rentrer dans le lard parce que l’un avait décapité la tête d’une Barbie alors que l’autre avait sectionné les cordes de la guitare, on était toujours là pour l’autre, par les liens du sang, par les liens du cœur. Je le laisse me guider, me concentre sur mes pas. Je connais la plupart de ces visages qui se tournent vers nous même si, sur le coup, je serais incapable de mettre un nom sur chacun, bien trop focalisée sur mes pas, sur ce bras dans le mien, cette ancre qui me maintient dans l’instant présent. Tout me paraît brumeux malgré les rayons agressifs de l’astre du jour, les sons comme étouffés, ma tête dans du coton quand une pointe de douleur ne perce pas mes tempes. Comme c’est étrange qu’une nuit de larmes soit aussi difficile à encaisser qu’une soirée trop arrosée. Le contrecoup sans le plaisir, quelle arnaque, du Grant tout craché !

Alors qu’on rejoint notre mère, je sens le contact léger d’une main chaleureuse qui m’accueille et offre un pâle sourire à Adriel. Les circonstances sont tellement étranges, tout sonne faux. Ce soleil radieux qui éclaire les mines accablées, les murmures des personnes venues saluer mon paternel pour son dernier voyage, mais surtout nous venant soutenir une mère éplorée… Je pose une main sur l’avant-bras de Rhodes, presse doucement mes doigts en signe de reconnaissance pour sa présence, lui qui a été le premier de nous tous à perdre un être cher, un père. Puis je prends place à la gauche d’Aylin, décidant de mettre mes griefs de côté le temps qu’elle puisse faire ses adieux, n’arrivant pas à rester insensible face à son chagrin bien que cela m’aurait facilité la vie. Ou bien est-ce une certaine déformation professionnelle qui prend le dessus, faisant passer la peine des autres avant mes propres émotions mises en veille ? Alors que je lance un coup d’œil à l’assemblée, cherchant une autre tête connue que je ne trouve pas, je passe un bras autour de ses épaules qui tressaillent avant de s’affaisser.

L’Oracle Nocturne arrive enfin, vêtu de sa tenue de cérémonie si noire qu’elle semble avaler la lumière du jour à contrario de son masque, véritable travail d’orfèvre, qui en reflète les rayons. Les chuchotements cessent, les yeux suivent la silhouette qui s’installe derrière le cercueil. Débute alors la cérémonie avec une éloge funèbre rédigée avec soin certainement mais je n’y prête pas attention, je reste focaliser sur le mouvement des épaules de ma mère, sur cette personne qui a toussé à quelques mètres sur ma droite, sur cet oiseau qui se pose sur une branche qui oscille sous son poids… Je suis détachée des paroles autant qu’elles le sont de la personne qu’était vraiment mon père. Pourtant, celles et ceux qui se sont occupés du corps ont bien dû voir, sentir à travers les souvenirs qu’ils en ont tiré. Mais les cérémonies ne sont pas que pour les défunts et nul intérêt que d’entacher leur mémoire aux yeux des vivants. Je perçois des mots qui me font grincer des dents. « Grant Reid était un homme dévoué à sa communauté, à sa famille. Un mari aimant et un père attentionné. » Je tente un regard à Caleb par-dessus la tête de notre génitrice, le voit réagir aussi mal que moi. Nous avons été amenés à tolérer le mensonge si longtemps, à faire bonne figure, à ne rien laisser paraître, mais après une vie loin des sourires de façade c’est difficile d’y être à nouveau confronté. Les phrases classiques, de circonstances sont tellement loin de la réalité… Son texte touche à sa fin quand : « Mrs Reid nous a fait savoir que sa fille voulait ajouter quelques mots sur le sorcier à qui nous venons dire au-revoir. » Mon corps entier se tend alors que je me détache de ma mère.

Intérieurement je hurle alors que je serre les poings, les paupières closes derrière mes lunettes noires. « Je… Je ne pouvais pas et… et tu es celle dont il était le plus proche. Tu es celle qui saura quoi dire. » Me souffle-t-elle d’une voix basse et peu assurée, voire suppliante. Pour que ce soit prévu à la cérémonie c’est que cela avait été décidé depuis plusieurs jours où elle m’avait laissé dans l’ignorance, sachant que jamais je n’aurais accepté de prendre la parole. Mais, maintenant que c’est acté devant toutes ces personnes, devant mon coven… Je lui offre une épaule compatissante et elle me jette en pâture aux lions. N’est-ce pas ce qu’elle a toujours fait, au fond, avec celui qui repose entre quatre planches ?

Morue que j’éructe en pensée alors que je marche avec lenteur jusqu’au cercueil, aussi pressée que si j’allais à l’échafaud. Mon chapeau ne me semble plus assez grand et je me sens bien trop à découvert alors que les prunelles se braquent sur moi. Les miennes s’accrochent à l’étendue du cimetière, aux arbres généreux qui protègent les tombes de leur feuillage roussi quand ils ne commencent pas à se dégarnir. Je repère alors la chevelure rousse à l’ombre de l’un deux qui me redonne un peu de cran. Je m’accroche à la vue de mon amie puis aux regards d’Adriel et de mon frère. Je ne suis pas seule. Je m’éclaircis la gorge mais ma voix reste cassée.  

« Notre père était quelqu’un d’ambitieux. Il a toujours voulu devenir quelqu’un d’important, il ne s’en était jamais caché et y avait travaillé d’arrache-pied depuis son plus jeune âge. ‘’Il faut se donner les moyens de ses ambitions’’, qu’il disait tout le temps. » Notre père aimait se citer en exemple, nous compter ses exploits dans l’espoir que ça nous rentre dans la caboche, que ça réveille quelque chose en nous. Au moins ça me donnait un peu matière à improviser quelque chose d’acceptable pour les oreilles attentives. « Il est parti d’une modeste entreprise de pompes funèbres familiale et en a fait une société florissante, bien implantée que ce soit côté humain ou parmi les siens. Grant est parvenu à s’acheter cette belle maison, celle dont il avait tant rêvé étant enfant et qu’il avait juré avoir un jour. Si grande que celle de son père aurait tenu entière dans le salon, ce qui le rendait fier comme un paon. Il nous a mis à l’abri du besoin, ça on ne peut pas le lui retirer… Il laisse derrière lui une femme qui l’aura aimé jusqu’au bout et qui l’aimera probablement au-delà. Et il y a nous, les trois enfants devenus grands… Jamie n’a malheureusement pas pu se joindre à nous, ce qui doit le faire rager, là-haut. Encore un gamin ingrat. » Je vois ma mère froncer le nez mais ma bouche offre un premier sourire en coin à l’assemblée. « Le fait est que nous n’avions pas la même vision du monde, la même approche. Que nos avis n’ont fait que diverger jusqu’à ce que nos routes se séparent, qu’on s’éparpille sur le globe. Les aléas dans une famille, il paraît. Si nous n’étions pas d’accord avec Grant, il a malgré tout laissé son empreinte sur les adultes que nous sommes devenus. » De celles qu’on aimerait effacer, de celle qui sont tellement imprimée en vous que cela vous brûle comme un tison chauffé à blanc. « Et maintenant, en bon commercial, il doit essayer de se glisser dans les petits papiers de ceux qui gèrent derrière. Pour en tirer un partenariat, des profits... » Quelques rires émanent de ceux qui ont été amené à collaborer avec le défunt, de ceux qui ont connu le requin aux dents affûtées. « Voilà qui était aussi Grant Reid. »

La gorge douloureuse, sèche, je fais un signe de tête respectueux à l’Oracle avant de prendre congé et de retourner vers les miens. En passant devant Caleb, je désigne du menton la silhouette lointaine de l’écarlate. « Cass. » Que je lui souffle avant de continuer mon chemin. Car je ne reprends pas ma place aux côtés d’Aylin que je snobe fièrement, n’étant pas de celles qui tendent l’autre joue, non, je viens me tenir près d’Adriel alors que la dernière prière est dite, que tous baissent la tête pour l’honorer, certains Vagabonds récitant les psaumes avec ferveur. Si cela fait normalement partie de mes habitudes, je reste muette, ayant déjà bien trop donné de ma voix pour quelqu’un qui ne le mérite pas. Mêlée aux autres, mes nerfs retombent et un coup de fatigue me prend, je suis comme vidée par les mots que j’ai dû prononcer. Je glisse une main froide dans celle de mon ami avec une désagréable impression de déjà vu mais savoure la chaleur réconfortante de sa peau sur la mienne. La prière se termine et, lentement, le cercueil est descendu dans la tombe fraichement creusée, disparaissant peu à peu de ma vue.  

Adriel Rhodes
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La chevelure écarlate de Cass était celle qui se distinguait le plus dans cette assemblée morose, et une impression fugace de déjà-vu traversa rapidement l’esprit de Rhodes, qui déglutit sans même esquisser un sourire. Il se crispa un instant, avant que la main d’Abi ne vienne chercher la sienne. Il expira silencieusement, ramené à la dure réalité à laquelle les Reid étaient confrontés. Pourtant, tous deux tenaient bon, droits comme des piquets, observant les convives et la famille proche, tous venus rendre hommage à un homme respecté dans la communauté.

D’un léger hochement de menton, il salua Caleb, qu’il voyait enfin après un bref échange de messages la veille, lui assurant par un regard qu’il ne serait nulle part ailleurs qu’ici aujourd’hui. Ce n’était pas seulement un devoir de Vagabond, ni même celui d’un proche de la famille, mais surtout parce que ses amis les plus chers venaient de perdre l’une des attaches qui les liait à Édimbourg depuis plus de dix ans.

Alors que l’Oracle présidait la cérémonie avec le soin requis, Adriel fixa un instant le linceul recouvrant le cercueil, sans vraiment le voir. Des souvenirs enfouis resurgirent, plus de trente ans plus tard. Refusant de se laisser toucher par la moindre émotion, il resta impassible face à la mère Reid, qui venait de présenter sa fille au bûcher avant de prononcer quelques mots à l’assemblée. Abi, en prenant la parole avec son habituel détachement professionnel, marqua également une distance personnelle en prononçant plusieurs fois le prénom de leur père. Adriel avait bien noté que les discordes avaient été assez nombreuses pour que la sœur et le frère ne remettent jamais les pieds ici avant aujourd’hui. Il espérait qu’un jour, ils s’ouvriraient et livreraient un récit plus direct sur les véritables raisons de leur départ.

Sans attendre de telles justifications, le chuchoteur se contenta d’observer la foule qui hocha silencieusement la tête, tandis qu’il sentait de nouveau la main d’Abi glisser sous la sienne. D’instinct, il la serra alors que l’Oracle reprenait, ajoutant à l’impression d’un manège sans fin, au vu des regards froids qu’Abi et Caleb arboraient.

La vérité finirait par éclater un jour. Il espérait simplement que les Reid continueraient à leur faire confiance, sachant qu’ils seraient toujours là. Tandis qu’une partie de l’assemblée commençait à se disperser, la famille proche restait près des Reid, prête à se joindre à eux pour la collation prévue après la cérémonie. Il se doutait qu’aucun d’eux n’avait envie de recevoir une file de personnes leur présentant des condoléances tout en félicitant Abi pour son discours. Son regard se posa sur la mère, qui demeura un instant devant la tombe creusée avant de s’éloigner.

Il se tourna vers la fratrie, attendant que Cass les rejoigne, sa main quittant celle d’Abi pour venir se poser sur son dos.
Il était temps d’avancer.

Caleb Reid
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TW : Violence, famille dysfonctionnelle, décès.


Je comprenais l’importance de ce qui se jouait devant moi. Accompagner l’âme du défunt de l’autre côté du voile, célébrer sa vie et pleurer le vide que son absence laisserait, et pourtant je ne pouvais plus me permettre de verser la moindre larme pour lui. A chaque pas, je sentais les regards se poser sur ma soeur et moi, des regards de pitié mêlée de tristesse, des regards qui me filaient la gerbe et pourtant je faisais face, juste aujourd’hui. Demain je pourrai cracher sur sa mémoire, demain je pourrai le détester mais, aujourd’hui, j’étais le fils venu rendre hommage à son père. Cette seule idée me retournait l’estomac mais je n’avais pas le choix, c’était la tradition et c’était ce qu’on attendait de moi. J’accompagnais donc ma soeur à travers la foule, en me demandant ce que tous ces inconnus pouvaient connaître de la vérité…probablement rien, sinon ils ne seraient pas tous là.
Heureusement que Abi était là, sans ça je ne serais probablement pas revenu. Je remerciais également la présence d’Adriel car, malgré notre absence, il avait tenu à être là, comme nous avions été là pour lui, jadis. Nos situations étaient différents, tout comme nos géniteurs, mais le savoir ici m’enlevait un poids des épaules.

Laissant mon regard se perdre à travers la foule d’inconnus, je gardais mes questions pour un autre moment, alors que la cérémonie débutait. Ma mâchoire se serra à la mention du mari aimant et père attentionné, si bien que je fis un effort surhumain pour ne pas éclater de rire, face à l’aspect pathétique et mensonger de cette déclaration. Si seulement ils savaient…mais non, personne ne savait et c’était justement ça le problème. Si mon regard croisa celui de ma soeur, j’hésitais à lui prendre la main et à la ramener vers moi, jusqu’à ce que mes oreilles ne finissent par me jouer un tour. Il devait y avoir une erreur, notre mère ne pouvait pas demander à Abi de faire un discours, pas ici, pas maintenant…non ? Mon regard perçant se tourna vers la silhouette faiblissante de notre génitrice et mon monde entier tourna au rouge, alors que l’indignation se transformait en colère silencieuse. « Putain, j’hallucine… » Non, non, non. Pas elle, pas pour lui, pas ici, pas devant tous ces gens. Elle ne pouvait pas lui demander ça, non. Alors que j’étais sur le point de faire un pas en avant, Abigail eut plus de courage que je n’en eu jamais, acceptant de faire un discours pour l’homme qui l’avait fait souffrir.

Sentant mes poings se serrer à en faire blanchir mes jointures, je pris une respiration et relevais la tête, en écoutant Abigail prendre la parole. Elle parlait du parcours de cet homme, de son ambition, sa détermination, mais pas une fois elle ne mentionna l’amour que ses enfants avaient pour lui, car celle-ci était inexistante. C’était un discours neutre, sans saveur et, pour cela, je ne pouvais que lui en être reconnaissant, car je n’aurai jamais pu faire preuve de la même retenue. Au milieu du discours, je laissais mon regard furieux se glisser vers notre mère et, faisant un peu en avant, ce fut sur un ton froid, cassant et mauvais que je lui murmurais à l’oreille « J’ai pardonné beaucoup de choses. Ton incompétence et ton absence, pour n’en citer que deux. Mais crois-moi bien quand je te dis que ça, je ne te le pardonnerai jamais. Deuil ou pas deuil. » Je voulais lui dire bien plus, que je la détestais presque autant que Grant en cet instant, que j’étais à deux doigts de la pousser dans la tombe pour rejoindre son mari, qu’elle venait de perdre un fils à cet instant mais je me retins, non pas par compassion mais parce que je savais ce discours inutile. Elle n’avait jamais rien fait pour nous, n’avait fait que détourner le regard sans un mot de réconfort, sans un geste tendre à notre égard alors…non. Elle aussi avait été une victime, ce qui ne rendait ce geste que plus impardonnable à mes yeux.

Mon regard finissait toujours par me trahir, raison pour laquelle je baissais la tête à la fin du discours, jusqu’au moment où Abigail passa à côté de moi, pour me faire part de la présence de celle que je cherchais depuis mon retour ici, sans oser l’affronter. Ma mâchoire serrée, je luttais contre la tempête qui faisait rage dans mon esprit, un mélange de soulagement, de tristesse, de colère et de culpabilité qui me donnait déjà mal au crâne. Je luttais pour me retourner, pour la chercher du regard mais je n’en avais pas la force, pas maintenant, pas alors que ma colère était encore trop intense. Alors, une fois la cérémonie terminée, je pivotais et fut le premier à partir, sans demander mon reste, ignorant le regard des curieux alors que je gardais la posture droite, mes mains serrées réfugiées dans mes poches.

Je glissais un regard à Abigail, venue se réfugier près d’Adriel, et je hochais la tête dans leur direction, afin qu’ils comprennent mes intentions. J’étais reconnaissant à mon ami d’être là pour ma soeur, surtout après l’effort qu’elle venait de fournir, pour faire bonne figure. Voyant Témis m’attendre à l’entrée du cimetière, mon regard balaya la foule à mon passage, jusqu’à ce que mes prunelles perçantes et enragées ne se pose sur cette crinière de feu, bien trop familière. J’aurai voulu aller vers elle, prendre la parole mais…pour dire quoi ? Rien de ce que je pouvais dire ne serait jamais suffisant. Je me préparais déjà à un tonnerre de reproches et, si j’allais les accepter sans broncher, comme un adulte, je ne pouvais pas le faire ici, devant cette foule d’inconnus dont je n’avais que faire. Alors, ne ralentissant pas un instant, mon regard troublé croisa celui de Cassy l’espace d’un instant, avant que je ne le détourne, pour me concentrée sur la silhouette de ma louve. Celle-ci m’accueillit en me soufflant « Caleb…» Je savais ce qu’elle voulait me dire. Que j’aurai pu rester jusqu’au bout, que je devais comprendre que ma mère souffrait mais…non, cela je ne pouvais et ne voulais pas l’entendre.« Je sais. J’ai essayé, mais ça…non. »Soufflais-je à mon amie.
Je pouvais tolérer cette farce qu’était cet enterrement mais, veuve éplorée ou non, demander à sa propre fille de faire un discours au nom de son bourreau était…inacceptable, inhumain même. Et, intérieurement, je m’en voulais de ne pas avoir vu le coup venir, ou de ne pas avoir réagi assez vite pour demander à prendre la place de Abi, mais le mal était fait. La cérémonie touchait à sa fin et c’était le fait pour les proches de réconforter la famille, mais Abigail et moi n’avions plus une seule larme à verser pour celui qui n’avait de père que le titre.

Pivotant à gauche à l’entrée du cimetière, en direction de ma voiture qui nous avait amenés ici, je laissais Témis sauter sur le capot de la voiture pour venir s’y allonger, alors que je m’asseyais sur le rebord, relâchant un profond soupir de…soulagement ? Non, je n’étais pas soulagé, car le pire était encore à venir. Passant une main absente dans ma sombre crinière, mon autre main se porta à ma cravate, pour la desserrer quelque peu, afin que je puisse enfin respirer et ne plus suffoquer. Me penchant en avant, mes avant-bras reposant sur mes cuisses, j’attendis que ma soeur, Adriel et -  je l'espérais, autant que je le redoutais - Cassy n’arrivent, avant que je ne lâche sur un ton cynique « Bon bah ça s’est très bien passé…quelqu'un est chaud pour une pizza ? » Au moins je n’étais pas parti au milieu de la cérémonie, de cela je pouvais au moins me féliciter.


Cassandra Ramsay
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TW : Mention de décès, famille dysfonctionnelle

Le discours de la cadette de la famille, et son talent pour faire passer subtilement la violence de caractère de son paternel pour des défauts et de l'ambition était une prouesse que Cassandra ne pouvait qu'admirer. Tout comme la colère partiellement dissimulée qui s'échappait du contour parfait de la machoire de Caleb. Son regard rencontra celui d'Adriel, minutieux et transperçant. Il était le plus clairvoyant du groupe. Du moins dans le passé.

L'écarlate s'échappa dans une étrange mélancolie. Comment pouvaient ils de nouveau se définir en tant que groupe, ou même amis àl'orée ded cette dixième année sans se fréquenter. Dix ans qu'ils étaient séparés par la décision d'une seule personne. L'ainé des Reids avait fait volé en éclat leur promesse. Celle de ne jamais se désunir, de toujours être ensemble. La veille encore, Cassandra s'était endormie dans les bras du guitariste de la famille, après une enième soirée à refaire le, ou les mondes. Ils étaient constamment ensemble, se retrouvant dans des lieux emblématiques qui avaient vu éclore leurs rêves d'adolescent. Et du jour au lendemain, tout avait disparu.

Elle se souvint de l'incompréhension, de la douleur, de la colère et de la rancoeur. Les semaines qui avaient suivies étaient floues, sa mère ne s'était pas gênée pour lui rappeler qu'ils n'appartenaient pas au même " rang social " qu'elle. Qu'on ne pouvait pas attendre grand chose des enfants d'un tel homme. Elle n'avait jamais compris les réflexions faites par sa génitrice, en particulier à propos des paternels de ses amis. Sans doute, une réflexion d'épouse qui ne faisait pas sens pour une enfant.

Whispers, se perdit dans la foule. Se glissant discrètement entre l'herbe grasse et tendre et les jambes des convives. Il reniflait la foule, tirant des conclusions sur les apparences ou mêmes les intentions de chacun. Le géant des Flandres jetta un regard glacial à la louve de l'ainé, avant de reprendre sa place aux côtés de sa sorcière.

- Il y a là, bien du monde.. pour un tel homme. Susurra le lapin avec un mouvement des moustaches. Le paternel Reids n'était pas apprécié pour son caractère, mais c'était en effet une personne d'ambition et dont l'entreprise florissante avait été un modèle de réussite pour bien des âmes.

[...]

Un mouvement de foule indiqua à l'héritière que le discours venait de prendre fin, et la silhouette empressée de Caleb la poussa à quitter son Peuplier pour fendre le cimitière et rejoindre le petit groupe en dehors de celui-ci. Elle ignora les appels et regards de certains des convives, son humeur n'était pas à la discussion.

Comme à son habitude c'est Whispers qui ouvrit les hostilités. Le lapin du haut de son mètre impressionnant toisa le prédateur prélassé sur le capot de la voiture.
- Me voilà bien étonné de votre présence, auriez vous renoncé à fuir toi et ton sorcier, Siffla t il autant à la Louve Témis qu'à Caleb. L'écarlate fit claquer sa langue avec humeur, lui ordonnant de battre en retraite. Même si elle était d'accord avec les propos de son compagnon à fourrure, elle ne cautionnait pas le manque de manière de celui-ci.

- Bonjour Caleb, déclara t elle avec une voix controlée pour ne pas refroidir l'ambiance déjà glaciale du au père... décédé. Abi, Adriel, ça fait un ... moment ajouta la sorcière en leur accordant un regard moins virulent. Ils avaient tant changés, et pourtant elle devinait les jeunes adultes qu'ils avaient été, les amis d'enfance, une autre famille.




Abigail Reid
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Caleb m’avait avertie qu’il risquait de s’éclipser rapidement, alors quand il file dès la cérémonie terminée je le suis des yeux mais ne lui cours pas derrière, lui laissant ce moment pour souffler, pour peut-être faire tomber le masque loin des regards. Le mien reste fixé à mon visage alors que j’accueille en silence les mots qui se veulent réconfortant de la part de ceux qui quitte le cimetière. De ma main libre j’en sers d’autres, j’effleure des bras mais maintiens une distance voulue, me contente de leur adresser un sourire de façade, concentrée sur le soutien palpable autour de mes doigts, cette main qui me prouve une fois encore que je ne suis pas seule. Aylin s’éloigne à son tour pour des derniers adieux à son époux avant de suivre ses accompagnatrices, ces pleureuses semi professionnelles qui vont se nourrir une fois encore de ses larmes, de son chagrin, en l’attisant par leurs commentaires, leurs questions.

Au contact dans mon dos je bats des paupières, perdue. Comme c’est étrange d’être de ce côté quand on est habitué à faire partie de ceux qui encadrent, qui soutiennent les familles des défunts. Si dans mon métier je connais le déroulement des choses, suis le procédé comme un musicien suit sa partition, là je n’en demeure pas moins déboussolée. Et maintenant quoi ? La mort fait partie de mon quotidien, mais pas cet instant. J’avance vers la sortie du cimetière, plongée dans ces pensées, ces questions. Retourner à ma vie ? Mais quelle vie ? Encore une fois j’ai sous-estimé les émotions qui naitraient de cette journée, l’impact que ça aurait. Je me laisse guider jusqu’à la voiture de Caleb.

« Et après on dit que c’est moi qui suis obsédée par la nourriture… » que je lâche d’une voix plus faible qu’à l’accoutumée à la plaisanterie de mon frère. Celle de Whispers, en revanche… C’est étrangement réconfortant qu’il ne prenne pas de pincettes et cela me tirerait un sourire amusé si je ne craignais pas que mon grand frère ne soit pas, lui, dans un état de stress avec une telle approche. Surtout quand Cassandra arrive à son tour. Une boule se forme dans ma gorge à la vue de la femme élégante que j’ai sous les yeux. Fatiguée des faux semblants, je franchis en quelques pas la distance qui nous sépare et la prends dans mes bras, sans un mot, les yeux clos. Je déglutis, ravale des larmes invisibles alors que je m’écarte, l’admire une nouvelle fois, émue. Heureuse qu’on soit de nouveau tous ensemble mais furieuse à la fois que ce soit dans ces conditions.

« Ça fait bien trop longtemps. » que j’ajoute à sa remarque alors que mes prunelles les observent un à un derrière mes lunettes noires. Dix ans. Dix longues années que je n’avais pas vu ces visages réunis ! « Je ne suis pas pressée de rentrer, il va sûrement y avoir un comité... Et je vais peut-être en étonner certains mais je n’ai pas faim. Par contre, je ne serais pas contre une boisson chaude. » Je resserre les pans de ma veste avant de croiser les bras sur ma poitrine.

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