[Terminé] I hear them chant, "Burn the witch" - ft. Isaac

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Ce jour finirait par arriver tôt ou tard, inévitablement.

L'Ordre de Saint Patrick a toujours fait partie de la vie de Lazarus, et ce depuis avant même sa propre naissance. L'un de ses ancêtres fut une éminence en son temps, un grand-père si lointain que le jeune homme n'est même pas certain du prénom de ce dernier. Lord Matthews, le titre que l'on se passe de père en fils depuis la nuit des temps - c'est du moins ce que l'on raconte. Lui n'est que fils de pasteur. A première vue, son père est un homme de dieu sans histoire. Un prêtre souriant et moderne, toujours prêt à aider les membres de sa paroisse mais aussi les populations plus éloignées dans le besoin. Chez les Matthews père et fils, on suit les enseignements de Jésus Christ et en particulier, celui d'aider son prochain.

Alors il est plutôt paradoxal, de les retrouver ici en cette nuit d'Août particulièrement chaude. Nullement dérangé par la saison estivale, Lazarus dans son costume serre des mains en souriant aux côtés de son paternel. La rolex au poignet, dont il ne se sépare plus depuis qu'elle lui a été offerte par son grand père à ses dix huit ans. Une bague d'or blanc avec un diamant au doigt sur la main gauche, seul vestige de sa mère également reçu à sa majorité. Ving quatre ans, c'est un bel âge. Lazarus est un jeune homme poli et bien élevé : on n'en attendrait pas moins d'un Matthews. L'argent n'est pas nouveau, si bien que ni père ni fils ne jugent nécessaire de trop l'étaler. Ils vivent confortablement, bien que simplement. Leurs costumes sont d'une bonne qualité, mais dureront des années. Mieux vaut investir dans des bonnes choses que de racheter continuellement; mieux vaut avoir des vêtements atemporels que de suivre les tendances par vanité. C'est d'ailleurs un pêcher. En dehors des costumes, il se fournit donc chez H&M, un peu comme tout le monde. Porte toujours des chemises au travail, où il expertise le prix des pierres précieuses et semi précieuses. Mais aujourd'hui, c'est le costume des grandes occasions. Celui qu'on sort pour les mariages, les baptêmes, les enterrements et les choses spéciales. Comme la messe de Noël, celle de pâques ou... Pour rejoindre la garde de l'Ordre de Saint Patrick.

Ce soir, Lazarus sait que l'attention sera portée sur lui. Parce qu'il rejoint les rangs de l'ordre. Mais aussi et surtout car il est un Matthews. Le jeune homme a conscience de ce qu'implique son nom de famille. Du poids de son patronyme. C'est à son tour de servir, comme tout les Matthews avant lui et ceux qui viendront. ll n'y a que sa tante Sarah, qui ne soit pas impliquée. Son père n'a jamais trop voulu en parler et Lazarus lui, a toujours su quand arrêter de poser des questions. Des Matthews précédents, il n'a jamais cherché à en savoir plus non plus sur les deux aînés partis trop tôt, bien avant qu'il ne naisse. S'est contenté de hocher la tête quand on leur a dit qu'eux aussi étaient au ciel et de poser des fleurs sur la tombe. Des cavaux il y en a bien trop dans la vie d'un garçon de son âge. Déjà trois, deux autres finiront par suivre d'ici peu de temps, ses grands parents étant assez âgés. ça fait tout de même déjà beaucoup de monde au ciel dans son entourage. Si bien qu'il a parfois, presque hâte de les rejoindre à son tour. Lazarus tait pourtant ce genre de pensées mélancoliques, en vers cette mère qu'il n'a pas connu. Et dont il n'a jamais fleuri la tombe : papa lui a indiqué qu'elle avait été enterrée en France par sa famille, de l'autre côté de la manche. Là aussi, Lazarus a cessé de poser des questions.

Il en a pourtant tout un tas, des questionnements. D'ordre moral surtout. Un mal pour un bien, c'est ainsi que la garde est présentée. Des soldats de dieux, ici pour purger le monde des forces maléfiques qui se manifestent dans la magie des sorciers. Mais que faire, si une fois devant le fait accompli, il n'en est pas capable ? Jésus a dit de tendre l'autre joue.

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Les préparatifs étaient terminés depuis belle lurette. Chaque petit détail avait été pensé et repensé, plan A, plan B, même un plan C au cas où. Une cérémonie comme celle qui allait avoir lieu au coeur même du Château d'Edimbourg était toujours un événement dans l'Ordre, mais celle-ci l'était encore davantage pour Isaac. La fierté paternelle réchauffait son coeur de glace, celle de voir son fils placé sur le devant de la scène. Ce n'était pas le genre de la famille que d'être ainsi sous le feu des projecteurs, les Matthews préférant généralement l'obscurité à la lumière ; cependant il ne pouvait qu'admettre que parfois, la lumière avait quelque chose de bon. Lui-même se baignait encore dedans il y a quelques années, lorsqu'il devait mettre à profit son charisme pour rassembler de nouvelles recrues. Oh, pas qu'il avait abandonné ledit charisme depuis son ascension en tant que Conseiller ; mais il n'avait plus besoin de faire son petit spectacle, laissait désormais ce soin à ceux qui avaient repris les rênes.

Cette cérémonie avait également un côté nostalgique pour le Pasteur. La dernière fois qu'un membre de sa famille avait été mis à l'honneur était lorsque sa soeur aînée avait été intronisée dans la Garde, pile un an après l'intronisation de leur aîné à tous. Adam et Eve, menant la voie vers un côté plus sombre de l'Ordre, prêt à tout pour défendre les intérêts de leurs semblables et surtout les protéger de cette magie démoniaque. Avec un pincement au coeur, Isaac réajusta sa cravate, ferma sa veste et esquissa un sourire triste à son propre reflet. Le deuil n'avait pas été totalement fait chez les Matthews. La mort, trop brutale pour être acceptée telle quelle, trop soudaine pour n'être qu'un accident, était toujours sujette aux rumeurs même en-dehors de leurs rangs. Pour Isaac, il était évident qu'il ne s'agissait pas d'un accident. Et cette certitude était le moteur de sa hargne depuis des années.

Revêtant de nouveau l'habit de l'innocent autant que celui de l'autorité (presque) suprême, le Conseiller rejoignit sa progéniture déjà assaillie par de nombreux autres membres de l'Ordre. C'est qu'il est déjà connu dans le milieu, Lazarus ; pas tant pour ses prouesses que pour son ascendance. Être le fils du Conseiller avait un côté prestigieux qui ne les touchait pourtant pas tant que cela, eux qui se savaient supérieurs à tous ici même. Supérieurs certes, mais pas dénués d'humilité ; jamais les Matthews ne montraient cette supériorité, jamais ils ne mentionnaient leur affiliation directe avec une ancienne Eminence, jamais ils ne balançaient leur argent par les fenêtres simplement pour le montrer au monde. C'était cette humilité qui les rendait plus abordables, plus...sincères aux yeux des autres. Cette même humilité qui asseyait leur contrôle sur un organisme toujours plus grand, toujours plus puissant.

Arborant désormais un sourire satisfait sur le visage, Isaac posa une main sur l'épaule de son fils. Il sentait la nervosité chez celui-ci, une nervosité compréhensible de par l'importance du moment qui se déroulait ce soir-là. L'homme se félicitait aussi de l'éducation qu'il lui avait offerte ; c'était certainement celle-ci qui poussait Lazarus à être légèrement mal à l'aise de l'attention tournée vers lui. Aux yeux du Pasteur, mieux valait un certain malaise qu'une complaisance dans cette situation. L'humilité à la Matthews, une fois de plus.

"Nerveux, mon fils ? Ne t'en fais pas. La cérémonie est courte, tout ce qui se déroule ensuite n'est pas tant pour toi que pour ceux qui ont fait le déplacement jusqu'ici."

Ces mots se voulaient rassurants, prononcés d'une voix douce comme il savait si bien y faire. S'il appréciait la nervosité de son enfant, il espérait tout de même que celui-ci saurait tenir ce malaise en public, une fois sur le podium désigné pour l'occasion.

"Tu fais honneur à tes aïeux ce soir, une fois de plus. Sois fier de toi. Ton oncle aurait apprécié ce spectacle, j'en suis certain."

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Nerveux est un euphémisme. Un sourire forcé sur le visage, un hochement de tête docile aux mots de son père, Lazarus tente de feindre une confiance en lui qu'il ne possède pas en cet instant T. Certes, la cérémonie sera courte. Mais les moments déplaisant semblent souvent durer des heures. Un peu comme quand on a très mal quelque part, qu'on attend que les anti douleurs fassent effet. Ou plus sinistrement, quand on meurt noyé ou brûlé vif : c'est en théorie plutôt rapide, mais ça doit sembler bien long aux victimes. Le problème c'est qu'on voit la mort venir, sans possibilité d'arrêter le cours des choses ou d'en finir plus rapidement.

Mais cette situation sera juste au pire, incroyable gênante. On ne meurt pas de honte généralement, du moins, Lazarus ne croit pas que ce soit possible. S'il n'a jamais entendu parler d'un tel cas dans les documentaires de truc crime qu'il regarde parfois, le fils du pasteur espère ne pas être le premier cas de l'histoire.

L'oncle lui, est bel et bien mort. Isaac ne l'évoque que rarement. Le fils sait à quel point il est difficile pour son père d'évoquer les disparus, ceux qui ne sont plus là. Il est surprenant donc, qu'une mention d'Adam soit faite de façon détournée. Mais peut-être parce que lui aussi, a fait partie de la garde ?... Il n'y a plus qu'à espérer que Lazarus ne connaisse pas le même destin funeste, à périr, justement dans les flammes.

Des messes, il en a fait tout un tas. Il est impossible de les compter, tant il s'est rendu au temple au cours de sa vie. On pourrait argumenter que c'est parce que son père est pasteur. Qu'il a été élevé ainsi. Mais à l'âge adulte, nombreux sont ceux et celles qui cessent de venir aussi régulièrement. Lazarus les a regardés déserter les bancs du temple les uns après les autres, au cours des années. Doute que malgré les déménagements de certains, ils se rendent dans leurs paroisses locales. Alors oui, c'est peut-être bien parce qu'il est le fils du pasteur finalement, qu'il croit autant. Mais aussi pour tenter de garder un lien inexistant avec sa mère disparue à sa naissance. Un lien qu'il n'a jamais eu et n'a eu d'autre choix que de construire au travers de la prière et des cierges à la flamme vacillante allumés en sa mémoire.

Aujourd'hui, le service sera en son honneur pour lui assurer la bénédiction de Dieu dans la mission qui lui a été confiée. Lors de sa confirmation et de sa communion, c'était moins stressant. Parce qu'ils étaient tout un petit groupe d'amis, ceux-là même qui ont finit par déserter les bancs du service dominical. Ce soir, il n'y a que lui se tenant face à l'assemblée. L'attention est portée sur lui. Elle l'est toujours un peu, parce qu'il est le fils du pasteur. Lui ne peut pas piquer du nez lors des Matines du dimanche après une soirée au pub la veille contrairement à d'autres. Solennel, Lazarus se tient droit face à son père prêt à recevoir les grâces.

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Mentionner Adam après tant d'années à se cacher derrière le silence est étrangement douloureux pour Isaac, qui retient à grand peine une grimace derrière une expression de tranquille assurance. Oh, il a déjà parlé de sa famille disparue à son fils ; lui a raconté sans détails l'accident, avant de ne plus jamais le mentionner de nouveau. Plus encore que ça, il n'a jamais mentionné quoi que ce soit concernant la malédiction qui pesait sur leur nom et leur descendance, de peur que comme lui, Lazarus se mette à fouiner un peu trop loin et découvre la vérité. Lui qui l'a entouré d'un cocon protecteur depuis sa naissance ne supporterait pas de le voir s'en échapper pour immédiatement se brûler les ailes. Une expression cocasse quand on connaît les déboires de la famille avec les flammes.

La cérémonie commença enfin, et là où un brouhaha incessant bourdonnait dans l'air, le silence se fit presque instantanément dès l'apparition de l'Eminence. C'est plutôt rare que celle-ci se déplace ; à de nombreuses reprises, ses occupations primaires l'empêchaient de faire le voyage jusqu'à Edimbourg pour présider l'une de ces cérémonies, en particulier lorsque celles-ci ne concernaient qu'un seul membre de la Garde. Cependant le chef suprême de l'Ordre était sur place pour d'autres raisons, en particulier celles concernant une certaine Relique, et avait trouvé intéressant de voir un nouveau Matthews rejoindre les rangs des guerriers de Saint Patrick.

"J'ignorais que votre fils avait la carrure d'un soldat, Matthews. Il semble plutôt frêle, et un peu perdu."

Les paroles murmurées manquèrent de faire sursauter Isaac, qui ne s'attendait pas à ce que qui que ce soit ose briser un silence pourtant religieux. Devant eux, l'Opus Dei entamait déjà le discours de début de la cérémonie, pesant chacun de ses mots en s'adressant à la fois à l'assemblée qu'à Lazarus. Un sourire satisfait accroché aux lèvres, le Conseiller se pencha légèrement vers son interlocuteur.

"La Garde est bien plus qu'un rassemblement de soldats sans cervelle. Son intelligence leur sera d'un grand secours, leurs dernières missions n'ont pas toutes été couronnées de succès."

L'homme grimaça à ses côtés. Lui qui était un membre de ladite Garde ne devait pas apprécier d'être dénigré de la sorte, mais n'osait pas répliquer à celui qui l'avait insulté à demi-mot. Il laissa simplement échapper un soupir de frustration et se redressa, croisant les bras là où le Pasteur se concentrait désormais entièrement sur sa progéniture. En soi, le Garde avait raison ; Lazarus était loin d'avoir la carrure idéale pour un tel rôle. Il aurait plutôt eu sa place au milieu des livres, à prendre la relève de l'Archiviste. Ou celle de l'Alchimiste à la limite, cependant Isaac refusait catégoriquement qu'il s'approche de trop près de la magie et faisait toujours en sorte qu'il n'ait pas à descendre au laboratoire. Il ne comprendrait pas ce qu'il se passait dedans, ne comprendrait pas comment ils pouvaient flirter avec des pouvoirs aussi dangereux.

L'Opus Dei demanda à la foule de se lever, et elle se leva. Le nouveau Garde prêtait désormais serment comme il lui avait été demandé, et dans quelques minutes à peine, le brouhaha reprendrait de plus belle. On tisserait de nouveaux liens, chercherait à parler aux trois chefs présents, eux qui n'étaient que rarement rassemblés. Quand on y pensait, c'était tout de même dangereux de les voir ici ensemble ; peut-être pour cette raison que toutes les entrées étaient gardées, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur du bâtiment. Ils réduisaient les risques comme ils pouvaient avec les moyens qui leur étaient confiés, selon les désirs de l'Opus Dei. Isaac, pour sa part, s'était contenté d'être Monsieur Matthews pour ce soir et n'avait rien eu à organiser d'autre que de vérifier le contenu du discours de son collègue.

"Tu vois ? Ce n'était pas si terrible. Viens, prenons l'air ensemble."

Enfin Lazarus n'était plus le centre de l'attention, non sans avoir eu à secouer de très - trop - nombreuses mains avant de pouvoir enfin rejoindre son père. Une main sur son épaule, Isaac l'entraîna à travers la foule, cherchant à échapper à la salle principale. Ils rejoignirent le sommet du mur nord, éclairé par de nombreuses lanternes et définitivement moins bondé que l'intérieur. Le Conseiller frissonna en sentant une faible brise caresser son visage ; même en plein mois de juillet, la nuit était fraîche. Il observa la ville en contrebas et soupira longuement.

"C'est une bonne décision que tu as prise d'accepter la Garde. Cependant...les missions risquent d'être difficiles, surtout après ce qu'il s'est passé."

Se détournant du paysage, Matthews regarda son fils, ses yeux clairs brillant à la lueur orangées des lanternes. Il avait tout de même quelques réserves quant à cette nouvelle place pour Lazarus, mais n'aurait pas pu les exprimer autrement.

"Nos ennemis vont probablement redoubler d'efforts pour nous contrer. Nous avons annulé quelques missions hors de la ville pour conserver un maximum de membres autour de nous, mais nous ignorons quand ils frapperont. Je ne suis pas censé partager ce genre d'informations avec toi, mais...je pense que tu es en droit de savoir ce qui t'attend. L'Opus Dei était pressé de faire entrer de nouvelles recrues dans sa petite armée, et l'Eminence projette même de ramener certains membres dispatchés aux quatre coins du pays pour fortifier cet endroit. Ca veut dire que même si tu viens tout juste d'arriver dans leurs rangs, tu seras toi aussi au front."

Ce n'était pas très rassurant comme affirmation juste après avoir assisté à sa cérémonie d'entrée, mais Isaac n'était pas du genre à faire dans la dentelle. Il posa une main sur l'épaule de son fils, et lui offrit un sourire rassurant.

"Mais tu es un Matthews. Malgré tout, tu possèdes plus de valeur que n'importe quel autre Garde de cet Ordre. Temps que je serai dans les parages, tu ne seras pas mis en danger."

Le Conseiller savait se montrer persuasif, quand il le désirait. Il n'avait pas eu le choix quand on lui avait demandé de présenter Lazarus, estimant qu'un Matthews ne pouvait rester simple Adhérent de l'Ordre ; mais cela ne voulait pas dire qu'il allait le lâcher dans le monde comme ça.

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Le poids pesant sur les épaules de Lazarus se fait de plus en plus lourd. Il aurait aimé continuer à observer de loin, encore quelques années, avant de peut-être s'engager. Il aurait aimé avoir le choix, la possibilité de décider par lui-même s'il allait s'investir d'avantage ou non, et à quel niveau. Devenir chasseur de tête lui aurait d'avantage plu : à l'image de son père, de l'homme l'ayant élevé, Lazarus a le contact facile. Il est souriant, n'hésite pas à serrer des mains lors du culte dominical et à prendre des nouvelles des fidèles de l'église. Il s'investit, à la soupe populaire lorsqu'il en a le temps suivant les traces de son père et de son éducation. S'il est d'un tempérament moins aventureux qu'Isaac, qui lui part aux quatre coins du monde lors de missions humanitaires diverses et variées, il n'empêche que le fils croit fermement aux enseignements de Jésus.

Il se juge lui-même trop doux pour la garde. Doute qu'il serait réellement capable de blesser quelqu'un, ou de l'envoyer au près du créateur si c'était nécessaire. Ou plutôt, au près de Satan, étant donné le genre de personnes qu'il auras à affronter dans cette mission. La proposition de prendre l'air est approuvée et lui fait le plus grand bien. Hochant la tête en souriant, reconnaissant en vers son père d'enfin le sortir de là, si Lazarus n'a pas bégayer en prêtant serment, le cœur n'y était pas réellement.

« Dieu a un plan pour chacun d'entre nous. »

Son éducation pieuse pousse le gemmologue à croire que c'est bien entendu, la volonté du seigneur tout puissant que d'avoir mis la garde sur son chemin. Ce n'était pas celui qu'il avait envisagé, mais on ne refuse pas une demande de Dieu.

« Je ne pouvais pas refuser. »

L'ordre vient d'en haut. Il en est certain. Puisque l'on dit que dieu murmure à l'oreille de son éminence, qu'il est celui représentant ses soldats ici bas sur terre, Lazarus ne pouvait décliner.

« Au front ? »

Cette information ne le rassure pas. Appuyé contre les vieilles pierres de la muraille émoussée par le temps qu'il caresse du bout des doigts, penché en avant à observer l'herbe en contre bas, Lazarus soupire avant de se redresser. Il est un Matthews. Son père a raison. Souriant pour le rassurer, pour se rassurer lui aussi en priant que tout iras bien, le fils acquiesce une nouvelle fois.

« Je sais que j'ai dores et déjà l'obligation de m'inscrire au club de tir. C'est en cours, j'ai pris les devants. »

Une cible et un sorcier, ce n'est certainement pas la même chose. Ce ne sont pas les mêmes conditions. Il n'y a pas de question de vie ou de mort, ni de dilemme moral lorsque l'on est au stand de tir.

« C'est promis, je ne ferais rien de stupide. Tu n'as pas à t'inquiéter à ce sujet. »

Si Isaac lui promet de le protéger, Lazarus lui en retour jure de se montrer prudent. De ne rien faire qui soit trop impulsif. Il ne l'est d'ailleurs pas vraiment. Son tempérament est généralement assez réfléchi, les décisions ne sont pas prises à la hâte. Si l'on devait y trouver un défaut au brun, ce serait celui d'être parfois un peu long avant de se décider. A trop analyser la situation pour être certain d'en tirer le meilleur profit, il peine à être d'une nature assez réactive. Parviendra-t-il à gommer ce défaut ? Au sein de la garde, la prise de décision peut s'avérer cruciale. Être la différence entre la vie et la mort.

Donnant une courte étreinte masculine à son père, le jeune Matthews replonge ensuite son regard sur l'Edimbourg qui s'étend.

« J'aurais préféré rester adhérent encore quelques temps. Avoir le loisir d'y réfléchir. La garde, ce n'est pas le poste que j'aurais naturellement choisi pour être honnête. J'aurais préféré être chasseur de têtes, quitte à m'impliquer dans l'Ordre, comme toi autrefois. »

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Lazarus avait raison, et c'était certainement ce qui frustrait le plus son père. Il n'avait pas le droit de refuser la place qu'on lui avait attribué sans même le consulter. L'armée de Dieu avait cruellement besoin de combattants. Isaac s'était longuement demandé s'il aurait pu éviter ce résultat, s'il avait poussé son fils à prendre un autre rôle au sein de l'Ordre. N'importe quoi, pourvu qu'il ne soit pas disponible pour devenir Garde. Bon, n'importe quoi sauf Alchimiste ou son apprenti ; le savoir proche de la magie ne lui plaisait guère.

C'était aussi pour cette raison qu'il n'appréciait pas ce revirement de situation. Les Gardes étaient souvent en contact avec la sorcellerie, puisqu'ils la combattaient avec ferveur. Et si tous ses efforts étaient vains ? Si Lazarus se faisait contaminer d'une manière ou d'une autre, que les gènes de sa sorcière de mère revenaient sur le devant de la scène et le transformaient en monstre ? Le Conseiller se souvenait encore des premières années de vie du bambin. Les nuits sans sommeil, à étudier tout ce qu'il pouvait trouver sur la magie du feu - c'est à dire pas grand-chose, les archives de l'Ordre étant incroyablement vagues sur l'origine des pouvoirs de ceux qu'ils combattaient. Le focus était fait sur la manière de contrer tel ou tel type de sorcier, pas sur son essence. Il avait donc dû plonger plus loin encore, faire étudier son fils dans le plus grand des secrets, espérer que rien n'en ressorte. On lui avait conseillé de l'exposer à la magie pour savoir s'il était réellement souillé par celle-ci, mais jamais encore il n'avait osé passer le pas. Qu'on lui force la main dans un contexte aussi extrêmement tendu ne l'enchantait donc pas le moins du monde.

Lazarus s'était fait une raison depuis l'annonce, pourtant Isaac voyait le doute dans son regard. A moins qu'il n'y voit que son reflet ? Quoi qu'il en fut, son fils cherchait avant tout à le rassurer. L'homme esquissa un sourire attendri ; quand bien même il ne le montrait pas souvent en public, l'amour qu'il portait à cet enfant devenu adulte était bien présent. S'il n'y avait pas cette malédiction qui planait au-dessus de leurs têtes depuis si longtemps, nul doute qu'il se serait moins inquiété et aurait plutôt été fier de le voir faire honneur à son nom. La courte étreinte qu'ils échangèrent ne fit que le conforter dans cette idée que quoi qu'il arrive, il serait là pour l'empêcher de finir dans les flammes.

"Nous avons manqué de temps. Je n'ai été mis au courant des missions de l'Ordre que tard, et n'ai pas eu suffisamment de temps pour en évaluer les conséquences. J'aurais pu te placer ailleurs pour te garder en sécurité. Chasseur de Têtes, oui...ça ferait sens. Tu aurais profité de ton travail pour voyager un peu."

Les regrets ne servaient à rien, ce qui était fait était fait. Isaac balaya lui aussi la ville du regard, et malgré lui, les lumières dorées des rues d'Edimbourg lui firent penser à un gigantesque incendie. Il fronça les sourcils et secoua la tête. Il devait se sortir ces pensées parasites de l'esprit, sous peine de se rendre malade pour rien. Comme son fils le disait si bien, Dieu avait un plan pour chacun d'eux.

"Es-tu déjà descendu à la crypte de ce château, Lazarus ? T'a-t-on fait visiter les lieux après ton adhésion ?"

S'il passait beaucoup de temps avec son engeance même à l'âge adulte, Isaac ne savait pas tout de ses activités. Il ne se souvenait plus non plus de ce qu'ils avaient fait lorsqu'il était entré dans l'Ordre, mais doute d'avoir visité quoi que ce soit ; le Conseiller à son époque était paranoïaque, et persuadé que chaque Adhérent cachait en réalité un sorcier espion. Avait-il tort ? Ils avaient après tout évité de justesse quelques coups internes...mais c'était une autre histoire.

"Si tu es dans la Garde, tu devras peut-être t'y rendre pour plusieurs raisons différentes. J'aimerais que tu évites cet endroit, mais...je doute d'avoir mon mot à dire, malheureusement."

Une fois encore, le voilà les mains liées. Si Isaac demandait explicitement à ce que son fils ne soit pas en contact avec les travaux de l'Alchimiste ou les sujets de test conservés sur place, on commencerait à se poser des questions sur eux. Sur la famille Matthews en général. Et les questions, c'était justement ce que le Pasteur cherchait à éviter. Tant de secrets se cachaient sous leurs airs de perfection.

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Le coeur serré aux paroles de son père, Lazarus continue pourtant de sourire. Il n'a pas envie qu'il s'inquiète pour lui. Pas plus qu'il n'a envie de le décevoir. Oh, le fils Matthews sait bien que le pasteur aurait préféré le voir dans un autre rôle. Il confirme même que devenir chasseur de têtes lui irait bien au teint. Malheureusement, le brun décèle du regret dans les paroles de l'autre. Il n'a rien pu y faire.

« Je n'étais pas rentré. »

On lui avait simplement montré la porte, sans pour autant l'ouvrir pour lui en dévoiler le contenu. On s'est contenté de lui dire que cet endroit était réservé aux personnes ayant un poste plus élevé au sein de l'Ordre et qu'il n'avait pas à s'en soucier ni à poser de questions. Ce que Lazarus a fait, ce en quoi il excelle d'ailleurs : le don de ne jamais rien demander qui soit de trop sachant toujours quand s'arrêter pour ne pas mettre son vis à vis mal à l'aise ou s'attirer des ennuis.

« Je... Je tâcherais d'éviter. »

Pourquoi ? Qu'est-ce que la crypte peut-elle contenir de si terrible pour que son père lui demande de s'en tenir éloigné ? Le fils Matthews bien qu'il ne se montre jamais trop curieux n'est pas non plus un jeune homme naïf. Si Isaac s'inquiète, c'est qu'il y a une très bonne raison. Le pasteur Matthews n'est pas le genre d'homme à s'inquiéter inutilement. Même lorsqu'il était enfant et tombait de son vélo en s'ouvrant le genoux, là où certains parents auraient paniqué lui se contentais de désinfecter la plaie et d'y appliquer un pansement -avec des bateaux de pirates ou un super héros, que Lazarus avait le droit de choisir pour sécher ses larmes- en lui recommandant de faire plus attention la prochaine fois.

« Je ne serais jamais livré à moi-même de toute manière. Les gardes sont rarement seuls, surtout au début de ce qu'on m'en a dit. »

Est-ce que ça suffiras à rassurer son père ? Non, certainement pas. On s'inquiète toujours pour l'intégrité et le bien être de son enfant quand on est parent. Qu'importe qu'il ait vingt quatre ans, pour Isaac, Lazarus sera toujours son petit garçon. Il ignore également, tout ce qui pèse sur leur lignée. Sur le terrible secret des Matthews, sur la peine de son père et la véritable situation de sa mère.

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Il avait confiance en son fils, Isaac, mais une petite part de lui craignait toujours pour sa vie. Il avait pourtant tout fait pour conjurer la malédiction, du moins à son échelle : empêcher Lazarus de se mettre en danger, le protéger de près ou de loin, surveiller par le biais de tests que la magie en lui ne se réveille pas. Mais ce qu'il avait appris durant ses recherches, c'est que personne ne peut jamais aller contre une malédiction. Que le seul moyen de la voir disparaître était de laisser la lignée des Matthews s'éteindre, cesser de faire des enfants en espérant que ceux-ci survivent.

Lui-même avait songé à cela, avant ce petit accident avec Mary. Tiraillé entre son devoir familial et cette crainte de perdre le fruit de ses entrailles, le Pasteur avait songé longuement à faire voeu de chasteté. Mais Dieu avait d'autres plans pour lui et lui avait offert un fils, teinté de cette maudite magie. Quel était le message à tirer ? Etait-ce l'ultime épreuve de sa foi ? Il pensait pourtant avoir gagné le respect du divin...et voilà que son engeance était mis en danger. C'était une punition, il n'y avait pas d'autre explication. Une punition pour quoi ? Pour ne pas avoir été suffisamment rapide à éradiquer la sorcellerie ?

"Dans une situation normale, oui. C'est pour cette raison qu'il y a des recrutements à tour de bras actuellement. La Garde doit être nombreuse, pour qu'aucun de ses membres soit en danger immédiat. Mais nous ne sommes pas dans une situation normale, le fait d'être en équipe ne te sauvera pas face à ceux qui peuvent te tuer d'un simple regard."

Jamais encore il n'avait eu cette conversation avec Lazarus. Isaac s'était toujours plié en quatre pour le protéger, tout en étant ferme sur la sorcellerie. C'était le mal incarné et eux allaient sauver les pauvres âmes contaminées par celui-ci. Expliquerait-il un jour le lien entre les Matthews et cette abomination ? Pas s'il pouvait l'éviter. Moins Lazarus en savait sur son ascendance, moins il risquait de se détourner du droit chemin.

"La magie brûle, noie, nécrose. La magie peut entrer dans ton esprit et te torturer des heures durant, jusqu'à te rendre fou. La magie peut retourner ton environnement contre toi. Ton ami peut se transformer en ennemi, ton arme peut te blesser toi-même. J'aimerais te dire qu'en tant qu'Hommes nous sommes supérieurs, mais le mal insidieux a plus de pouvoir. Ce qui nous permet de tenir depuis des siècles est notre foi inébranlable. C'est elle, ton arme la plus puissante dans cette guerre."

Croire en ses idées, croire en un Dieu qui les protégeait face au Malin, c'était pour le Conseiller la seule raison pour laquelle l'Ordre avait survécu. Pour sûr, ils avaient aussi le nombre avec eux ; leur propagande internationale avait réussi à leur offrir des combattants acharnés, et des cerveaux intelligents capables de surpasser les esprits sorciers. Mais pour lui, c'était uniquement la foi qui avait conservé les sorciers loin d'eux. Comment justifier que des êtres aussi puissants se trouvent menacés ?

"Dieu ne t'abandonnera pas dans ton combat. Il nous a offert une arme ultime, et lorsque nous parviendrons à l'utiliser, nous pourrons enfin renverser le cours de la bataille. Ton rôle à toi est de survivre jusque là. Survivre..."

Isaac détestait ce mot, et détestait encore davantage qu'il se soit échappé de sa gorge. Lui qui tenait sa fierté d'un contrôle parfait de ses émotions les laissait dicter ses pensées. Ce n'était pas bon. Pourquoi poser sur les épaules de son fils une inquiétude supplémentaire ? Il aurait dû se taire. Un sourire forcé étira ses lèvres, et il posa une main lourde sur l'épaule de Lazarus.

"Mais il n'y a pas de raison pour que tu sois confronté à l'ennemi. Les nouvelles recrues sont rarement placées en combat. Nous devrions nous réjouir de cette soirée en ton honneur, non nous apitoyer sur ce sort."

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L'inquiétude dans la voix de son père est palpable. Le pasteur Matthews est un homme sérieux qui ne parle jamais en vain. Ce n'est pas le genre de son père de mettre en garde si ça n'en vaut pas la peine. Isaac n'a jamais eu à lever la voix, avec Lazarus. Le fils a très vite compris que les rares fois où il avait le droit à une mise en garde sur son comportement dans son enfance, c'est qu'il avait vraiment dépassé une limite ou s'apprêtait à le faire. S'il n'est plus un petit garçon qui teste l'autorité parentale, que son adolescence est terminée, le fils comprend néanmoins toute l'inquiétude de son père. Hochant simplement la tête, lorsque la foi est mentionnée, Lazarus se sent quelque peu rassuré.

Dieu a toujours fait partie de sa vie et ce n'est pas quelque chose qui changeras. La bible tiens une place importante dans son quotidien, tout comme les enseignements divins et la foi inébranlable. Il a déjà douté parfois. Comme tout le monde. Il n'y a pas à avoir honte ou peur de douter, si cela permet de revenir dans le droit chemin. Dieu tout puissant prouveras toute manière qu'il fait partie de votre vie si l'hésitation surgit. Lorsque la mention d'une arme ultime est faite, le fils Matthews relève le regard vers son père sans pour autant oser demander de quoi il s'agit exactement.

Quelque chose pour tous les sauver, purger le monde de sa magie ?... Hormis l'arme atomique, rien ne lui vient en tête. La solution serait radicale, bien qu'efficace mais mettrait en danger trop de civils innocents qui n'ont pas été corrompus par le malin. Si l'Ordre avait une bombe Atomique dans les sous sols du château d'Edimbourg il le saurait non ? Le dispositif avait qui plus est l'air assez gros, dans Oppenheimer. A moins qu'en 2024, on ait pu en réduire la taille ? Qui a les codes dans ce cas-là ? Probablement son éminence. Mais ça ne peut pas être ça. Il s'agit forcément d'autre chose. Ce quelque chose, Lazarus n'a aucune idée de ce que ça peut bien être. La relique, il n'en a que vaguement entendu parler lorsqu'il n'aurait pas dû écouter. Il n'est pas censé savoir. Est-ce qu'elle existe réellement ?...  

« J'aurais aimé que Maman soit là elle aussi. »

Comme à chaque étape importante de sa vie, le fils Matthews pense à celle qu'il n'a pas connu. Celle qui d'après l'histoire qu'on lui a raconté et en la quelle il croit autant qu'à dieu, est morte en lui donnant la vie suite à une complication.

« Tu crois qu'elle aurait été fière de moi ? »

Le sujet maman est rarement abordé. Parce que ça rend papa triste. Pourtant ce soir, le brun ne peut pas s'empêcher de parler d'elle. S'il garde le plus souvent ses pensées pour lui, continuant avec candeur de croire qu'elle est au ciel et aux côtés de Dieu pour se rassurer et rendre la situation plus facile, aujourd'hui, il a besoin de savoir ce qu'elle en aurait pensé de tout ça.

TW : secte religieuse, mention de grossesse, mention de meurtre

Si Isaac était plutôt pâle à l'origine, son visage venait de perdre encore quelques teintes à la mention de sa défunte femme. Ils n'en parlaient pas beaucoup, Lazarus et lui, surtout depuis que l'enfant avait commencé à comprendre tout seul que le sujet mettait son père mal à l'aise. Pas qu'il soit spécialement tabou, donc ; mais c'était mieux ainsi. Dans un souci de préservation, Matthews restait toujours vague dans ses réponses, toujours neutre, sans mentir. Il ne voulait pas blesser son fils, lui donner des traumatismes qui pourraient porter atteinte à son équilibre une fois adulte. C'était déjà suffisamment difficile pour un enfant de devoir vivre sans une mère, de se dire que celle-ci a perdu la vie avant même qu'il puisse la rencontrer. Alors conserver de la douceur était nécessaire.

Silencieux, ne sachant que dire pour l'instant, Isaac fixa la ville en contrebas. Le mensonge n'était pas une option. Pousser Lazarus à quitter la Garde qu'il venait tout juste de rejoindre n'en était pas non plus. Deux univers semblaient entrer en collision, entre l'ombre planante de cette femme et celle de Son Eminence, toujours vigilante. Il soupira longuement, le poids du monde s'abattant sur ses épaules pendant un court instant, avant d'esquisser un pâle sourire.

"Elle serait inquiète également. Mais...je pense qu'elle serait fière de te voir trouver ta voie, découvrir de nouveaux horizons."

Ce n'était pas tant un mensonge que cela, n'est-ce pas ? A la perspective d'avoir un enfant, Mary avait été déjà incroyablement maternelle avec celui-ci. Durant toute la grossesse, elle avait adoré ce petit être qui grandissait dans son ventre, adoré cette preuve d'amour entre eux. Certes, ce n'était pas prévu ; certes, les noces avaient été précipitées. Mais pour autant, le couple avait vu cela comme un signe divin. Tout du moins, c'était ce qu'avait ressenti Isaac, porté par le souffle de la jeunesse.

Il posa le regard sur Lazarus, détaillant son visage encore juvénile qui lui rappelait tant celle qu'il avait aimé - qu'il aimait encore. Et sans savoir pourquoi, leur dernière conversation lui revenait en tête. Ce dernier échange, alors que la pauvre femme était acculée et savait qu'elle ne survivrait pas.

Sacrifierais-tu ton fils à ce dieu si puissant ? Serais-tu capable de voir la vie s'éteindre dans ses yeux pour tes convictions ?
Je ferais ce qui doit être fait s'il est contaminé par ta magie, sorcière.
L'enfer dans lequel tu crois m'envoyer...sera ton tourment éternel, mon amour.

Les poings serrés posés sur le muret, le Conseiller laissa échapper un petit rire sans joie. Malgré tout ce qu'il a si promptement assumé devant celle qui avait partagé sa couche, ses convictions faiblissaient face à Lazarus. Elles avaient faibli également face à Mary, mais sa jeunesse l'avait poussé à agir sans trop réfléchir. Maintenant qu'il était plus vieux, le voilà trop mou pour oser passer le pas. Oh, il continuait ses exorcismes, guidé par cette envie de sauver sa propre engeance de cette maudite magie ; mais jamais il n'oserait toucher à un cheveu de son fils, et c'était en soi un problème à part entière.

"Viens. Il commence à faire froid, et nous ne pouvons nous absenter si longtemps des festivités. Elles sont, après tout, données en ton honneur."

Sa main était peut-être plus possessive que d'habitude, peut-être qu'il le tenait pendant un peu trop longtemps contre lui en passant ce bras sur ses épaules. Peut-être que Lazarus sentait son malaise maintenant qu'il avait mentionné sa pauvre mère. Isaac ne se sentait pas capable de faire disparaître ses doutes. Tout ce qu'il pouvait faire désormais, c'était de le soutenir et de surveiller que rien de mauvais ne lui tombe dessus. C'était la dernière volonté de sa femme, après tout ; que cet enfant survive malgré la malédiction, et qu'il conserve un bon souvenir de celle qu'il n'avait pas connu.