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[Abandonné] And my daddy said "Stay away from Juliet" - Haesik

Moira Auchincloss
Isolationniste
Moira Auchincloss

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Trombinoscope : [Abandonné] And my daddy said "Stay away from Juliet" - Haesik 19d7f1648d4d62518140fe4111f7fdc4f0c90fe2
Face claim : Katie McGrath
Pronoms RP : Elle/She/Her
Âge : 27
Tuer le temps : Gardienne des écrits depuis fin 2023, Moira se consacre entièrement à ses nouvelles responsabilités, qu'elle prend très au sérieux malgré le peu d'appétence qu'elle ressent pour sa tâche.

Elle est destinée à hériter d'une fortune conséquente, unique héritière du clan Auchincloss, ses parents espèrent qu'elle apportera honneur et fierté à leur nom, peu importe les désirs de la jeune femme.

Pour échapper à cette pression constante, Moira se réfugie dans la danse et le chant, où elle excelle.

Familier : Sùmaid, le petit hippocampe fuscus violet
Compte en banque : 304
Arrivé.e le : 11/11/2023
Messages : 84

   

And my daddy said "Stay away from Juliet"
25/12/2023



Romeo save me, they're trying to tell me how to feel
TW : Déprime, mariage arrangé, famille toxique

Le temps de changer l’eau de Sùmaid et de s’assurer que ses parents ne trainaient pas dans les couloirs, et Moira était hors de sa chambre. Toujours en robe de soirée, escarpins à la main et parée comme le diamant qu’ils voulaient lui glisser au doigt, elle se glisse silencieusement entre les murs. Son hippocampe l’observe d’un air inquiet contre sa hanche, et pour une fois, il ne se plaint pas du mouvement désagréable.

Une fois dehors, la jeune fille enfile de nouveau ses chaussures, et se dirige vers sa berline, suivant les traces laissées par les invités. Elle n’avait pas pris le temps de se changer, toute à sa hâte de partir très loin d’ici. De toute manière, elle n’aurait jamais pu desserrer sa robe seule, et plutôt mourir que de demander de l’aide à sa mère.

Elle avait bien vu ce que son « assistance » signifiait.

L’hydromancienne s’installe sur le siège conducteur, et ne perd pas de temps avant de démarrer. Le bruit du moteur attirera fatalement l’attention de quelqu’un d’ici peu de temps. Si elle pouvait s’épargner une lutte acharnée pour encore avoir le droit d’aller et venir comme elle l’entendait, ce serait le seul bon point de cette nuit infernale.
Même si une partie d’elle rêve d’une dispute, d’entrer dans un accès de colère qui rentrera dans les annales de la famille Auchincloss.

Ses talons viennent trouver les pédales, et elle s’échappe de la propriété bien trop vite pour que cela soit prudent.

Elle commence le trajet, les yeux rivés sur la route, suivant la lumière des autres phares avec attention. Elle qui n’avait jamais été une conductrice passionnée trouvait désormais un intérêt presque religieux à la route et ses dangers.

Moira sent le regard de son familier sur elle, mais elle l’ignore totalement. Il avait bien essayé de lui exprimer son soutien et son indignation lorsqu’elle l’avait sorti de l’aquarium de la salle de bal, mais il n’avait récolté que son silence. Il avait fini par se taire, voyant qu’il ne provoquait aucune réaction auprès de son humaine. Sa seule option restait donc de la fixer, la mort dans l’âme.

La Gardienne des écrits venait de quitter les rues fréquentées du centre-ville, pour se diriger vers les plaines paisibles de l’Ecosse. Ce paysage qui la détendait en temps normal lui parut image brouillée, peu digne de son attention. Tout ce qui comptait, c’était le goudron sinueux devant elle, et de s’assurer qu’aucune voiture n’arrive devant elle.

Elle conduisait un peu imprudemment, sûrement un peu trop vite. Sans être dans un excès complètement inconscient, son pied appuyait sur l’accélérateur avec beaucoup de zèle. Moira se répétait qu’elle s’autorisait cette folie car personne ne voyageait à cette heure. Un regard sur le panneau de bord lui confirma que la matinée était déjà avancée, heure à laquelle elle était déjà dans son lit en cas de soirée arrosée.

Ce soir, ses yeux la brûlent, mais elle ne les détache pas de son but.
Ses mains serrent le volant à en devenir blanches, la pression si forte qu’elle la ressent jusque dans ses avant-bras.  

Le regard qu’elle croise dans le rétroviseur est froid, impassible. Elle est l’image même du dédain, de la maitrise de soi. Son visage est si fermé qu’elle en a mal, elle sent sa mâchoire contractée à l’extrême, ses dents crisser les unes contre les autres. D’un geste agacé en voyant Sùmaid s’agiter du coin de l’œil, elle active la radio. La musique ne lui parvient pas, mais cela fait un bruit blanc, un fond de paroles inintelligibles pour continuer de se concentrer.

Elle bouge à peine sur son fauteuil, statue rigide ne s’animant qu’en tour de bras et quelques manipulations des jambes. Elle se demande même si elle cligne des yeux – tout en sachant qu’elle effectuait obligatoirement l’action.

Moira se sentait vide. Son monde se résumait à des virages et des lignes droites, les vitres à côtés d’elle ne renvoyaient que sur du brouillard. Plus rien n’existait, à part la certitude qu’elle se rendait là où était sa place. Bien que sa gorge soit nouée, que ses mains soient frustrées de ne saisir aucun cou, elle ignore complètement ces ressentis divers.

Elle devait tenir. Moira n’était pas arrivée jusque là en s’apitoyant sur son sort, et en larmoyant sur la moindre contrariété. Ce qui comptait vraiment était de trouver des solutions. Le reste n’avait guère d’importance.
La brune avait la faiblesse en horreur. S’épancher en grandes déclarations, en gestes dramatiques qu’ils soient amusants, impressionnants ou ridicules, cela ne lui posait aucun problème. Cela lui plaisait, de distraire la galerie, tant que la glace restait solide.

Ce qui se passait derrière le miroir ne regardait qu’elle – si elle prenait la peine de s’y plonger. Ce que, elle l’admettait, elle faisait rarement. L’introspection n’avait jamais constitué son fort, elle s’estimait être une femme d’action, et non de palabres. Que pourrait-il ressortir de bon d’une fête organisée à soi-même, juste pour se donner l’illusion de s’écouter ?

Ressentir, dans ces cas-là, devait partir au second plan. Une telle attitude serait une perte de temps, et c’était ce qu’il lui manquait cruellement pour le moment.

- Moira ?...

Elle entend au loin la voix de l’hippocampe, et continue comme si de rien n’était. Que voulait encore ce poisson de malheur ? Elle savait déjà ce qu’il allait lui dire, et l’envie de le balancer par la vitre passager se faisait sentir. Elle préfère l’ignorer, tracer sa route et une croix sur leur lien pour l’instant.

- Moira ?!

La jeune fille est tentée de monter le son, pour étouffer les intonations plus assurées du fuscus, mais elle se dit que cela serait probablement un peu trop irrespectueux.

En revanche, que l’eau du bocal commence à s’agiter à vue d’œil, cela ne la dérangeait absolument pas…

- Moira, écoute-moi nom de… MOIRA !

- Q U O I ?!!

Elle venait de tourner la tête avec une violence qui avait faite craquer sa nuque, ses yeux lançant des éclairs vers son familier. Elle sait que sa colère est mal dirigée, mais elle n’en a que faire. Il était le seul présent pour le moment, l’être le plus proche qu’elle possédait. S’il voulait vraiment jouer à cela, elle ne voyait aucun inconvénient à se décharger sur lui.

Son visage contorsionné de colère a dû produire son effet, car l’hippocampe referme la bouche, et Moira reporte son attention sur la route, comme il se doit. Pourtant, elle est désormais plus qu’agacée, et elle aimerait que son familier lui offre une paix royale.

- Qu’est-ce que tu vas me dire ? Que tu es désolé pour moi, que mes parents sont des abrutis ? Merci de l’information, mais ta compassion, tu peux te la…

- Moira. Tu as le droit de te laisser aller.

D’un geste aussi soudain que brusque, la voiture part sur le bas-côté d’un mouvement de poignet de la jeune femme. Les roues crissent sur les herbes, et après quelques secousses, la berline proteste avant de marquer un arrêt final.

Tremblante, la jeune femme garde ses mains sur le volant, se tenant à lui comme s’il s’agissait du gouvernail de son existence. Comme si y rester accrochée pouvait l’aider de quelque manière que cela soit. Ses ongles rentrent dans ses paumes tandis que ses doigts blanchissent encore à vue d’œil.

Son corps entier est frissonnant, elle a l’impression qu’un bac entier de glaçons lui a été renversé le long du dos. Ses yeux sont dans le vague, alors que sa respiration joue au chat avec elle. Moira entend son souffle erratique, sa poitrine se soulever à un rythme irrégulier.

La phrase de Sùmaid a ouvert une valve en elle, qu’elle gardait pourtant vissée à l’extrême au quotidien. Elle ne semblait attendre que cette autorisation, cette assurance que les flots qu’elle gardait à l’abri pouvaient enfin s’écouler. Et bien que l’hydromancienne oppose une résistance farouche à cette part d’elle-même qui hurlait pour s’exprimer, elle sait que c’est peine perdue. Résister ne fera qu’empirer la situation, le barrage sautera quoi qu’elle entreprenne.

Elle avait juste attendu que quelqu’un lui prouve que ses sentiments étaient légitimes pour qu’elle leur permette une existence tangible.

Moira lâche difficilement le volant, la sensation semblable à un arrachage de peau, restée collée sur le cuir. Elle tente de reprendre contrôle sur son corps, ce grand traitre, en inspirant et expirant profondément, mais rien n’y fait.

Ce qu’elle retient depuis le début de la soirée, depuis l’annonce fatidique, ne peut plus être contenu plus longtemps.

Son poing s’abat sur klaxon, si fort qu’elle sent ses muscles craquer. Un autre coup suit, puis une dizaine, une succession de violence sans vrai destinataire. Le son strident retentit dans le silence alentour, et elle suppose qu’elle a dû effrayer tous les animaux des environs, mais elle continue. A vrai dire, Moira ne sait plus vraiment ce qu’elle fait, aveuglée par une buée étrange.

- Merde, merde, MERDE !!

Jamais elle ne s’était sentie si
En colère. Le mot est faible, on peut parler de rage, de furie dévastatrice.

Comment avaient-ils osé aller aussi loin ? Que ses parents pensent qu’elle était délurée, trop écervelée pour assurer la continuité de leur lignée était une chose. Qu’ils aillent jusqu’à la fiancer dans son dos en était une autre. C’était une injure, un scandale. Moira savait qu’ils ne cherchaient qu’à reproduire le schéma familial, celui qu’ils avaient connu. Mais il était bien connu que parce qu’une génération avait été malheureuse, la suivante devait également l’être. Un traumatisme générationnel, encore et toujours, une boucle sans fin sans personne pour arrêter la roue.

S’ils souhaitaient se venger de leur propre passé en la plaçant en ligne de mire, ils étaient bien plus horribles qu’elle n’avait jamais voulu l’admettre. Comment pouvaient-ils imaginer une opération de la sorte contre leur propre enfant ? Moira se demande s’ils la détestent secrètement, s’ils prennent du plaisir à sa souffrance.

Elle avait toujours reconnu que malgré leur tendance de maniaques du contrôle, leurs idées arriérées, ils la protégeaient à leur manière et n’aspiraient qu’à l’exceptionnel pour elle. Aujourd’hui, elle n’en est plus si certaine. Passe encore qu’ils aient porté leur dévolu sur un prétendant, qu’ils projettent un beau mariage.

Mais ne même pas la prévenir ?...

Elle enrage en réalisant qu’ils ne la considéraient pas plus que du vulgaire bétail. Elle était une créature qu’ils avaient forgé de toutes pièces, ils s’arrogeaient donc le droit de disposer d’elle comme ils l’entendaient. « Tu es à moi », lui avait un jour dit sa mère en lui prenant le menton, et cela avait glacé le sang de la jeune femme. Elle avait vomi l’entièreté de son estomac, tant l’échange l’avait mise mal à l’aise.

Elle était leur propriété à leurs yeux, même pas un individu, même pas une personne. Seulement leur fille. Ils resteraient enferrés dans ces conventions moyenâgeuses, et elle à leur service éternel.

Ils ne la considéraient pas.

Elle bout tellement, elle pourrait les étriper de ses propres mains. Nero n’avait pas totalement tort, ce serait une solution parfaite.
Elle les déteste, elle les hait. Elle ne ressent qu’une vague brûlante de ressentiment.

Ses yeux finissent de l’écorcher, et les larmes tombent enfin, en cascade d’avoir affronté trop de barrières. Larmes de rage, larmes
De désespoir.

Il l’étreint enfin, alors que le contrecoup tombe. Elle avait dû faire bonne figure, se montrer petite fille docile et sourire, mais elle était à bout. Moira commence enfin à réaliser ce qu’il lui arrive.

Ses poings cessent d’être agresseurs, et ils se nouent devant elle pour qu’elle puisse y enfouir sa tête. Ses épaules s’agitent en soubresaut tandis que les sanglots tombent, que les pensées brouillonnes virevoltent dans l’habitacle.

La gravité de la situation s’impose à elle, et toutes les conséquences qui vont avec.

Moira allait devoir épouser un homme qu’elle ne connaissait ni d’Eve ni d’Adam. Elle ignorait tout de ce qui l’animait, s’ils pourraient seulement coexister. Quel sera son quotidien à ses côtés ? Serait-ce un ennui perpétuel, une guerre de positions ou froide ?
Il avait évoqué un accord possible, une forme d’entente cordiale, et elle se dit qu’elle s’en tirerait à plutôt bon compte s’ils en restaient là.
Nero avait promis qu’elle ne l’intéressait pas, et qu’il n’avait aucune envie de partager son lit. Mais ils avaient tous les deux entendu leurs parents, et combien de temps tiendrait-il avant que la pression ne le pousse à revenir sur sa décision ?

L’idée de s’allonger avec un homme qui ne lui plaisait pas, de devoir accomplir une forme de devoir qu’elle ne se sentait absolument pas en obligation de remplir lui donne envie de hurler. Elle place sa main dans sa bouche et mord à sang pour se forcer à garder pied.

Ils exigeaient d’elle de livrer son corps pour le plaisir des autres, et qu’en sorte des marmots dont elle ne voulait aucunement. Une dynastie, rien que cela ! Les uns à la suite des autres, jusqu’à ce qu’elle soit toujours grosse, toujours couchée, toujours accouchée.

Elle comprend enfin ce que cela signifie, qu’elle est sur le point de tout perdre. Son libre-arbitre, son indépendance…
Et pire que tout, l’homme qu’elle aimait.
Comment allait-il réagir en apprenant la nouvelle ? Elle craignait cette entrevue autant qu’elle l’attendait. Moira espère que la douceur qui le caractérise et l’avait séduite sera toujours là lorsqu’elle l’aura atteint. Et c’est en établissant la liste de toutes ses qualités, toutes les raisons qui l’avaient faites tomber éperdument amoureuse de lui que ses pleurs doublent.

Elle ne voulait pas le perdre. Ils avaient mis trop de temps à se rapprocher, elle avait été si têtue ! Une voix mesquine lui souffle qu’elle avait eu raison d’être aussi méfiante. Si elle avait persisté dans son refus et combattu l’attirance irrésistible qu’il y avait entre eux, elle n’aurait pas aussi mal maintenant. La Gardienne aurait presque accepté son sort sans protester, la mort dans l’âme mais le cœur intact. Maintenant, elle plongeait toujours plus profondément en imaginant l’avenir sans lui.

C’était ridicule. Quelques mois à peine, et pourtant… Ils avaient été les meilleurs de son existence. Moira se sentait en sécurité dans ses bras. Elle n’avait jamais à se déguiser, à cacher sa nature exubérante de peur d’être trop pour lui. Elle ne se posait même plus la question. Il la trouvait drôle lorsqu’elle s’énervait, il l’agaçait constamment, si fort qu’elle pouvait l’embrasser à longueur de journée.

Haesik était devenu, dix ans trop tard, celui qu’elle avait toujours attendu.
Et ils voulaient le lui enlever.

Cela serait pénible d’épouser un inconnu, d’être utilisée et faire comme si tout allait bien. Ce serait insupportable sans lui. Et il n’était pas possible pour elle de le ranger à triple tour dans un tiroir et lui imposer une vie de secret et de honte.

Dans cette voiture luxueuse au milieu de nulle part, Moira se laisse aller au défaitisme pendant quelques minutes. Elle ne voit pas d’issue à ce problème, les inconnues étant trop puissantes, trop complexes pour être vaincues. La force implacable de la haute société, de l’influence des Karlsson et le rejet filial lui pendant au nez étaient autant d’opposants que de source de terreur. Elle se noie dans un verre d’eau, sachant que si elle allait à contre-courant, elle serait broyée.

Ils l’avaient placée dans un cul-de-sac, s’assurant de son obéissance. Elle ne pourra jamais mettre en péril l’avenir d’une dizaine de personnes dont ses parents pour elle-même, et ils le savaient tous. Ce n’était pas la ruine qu’ils encouraient, mais l’anéantissement. Elle n’était qu’épée contre le vent, l’intensité de ses sentiments lames dans une bourrasque aéromancienne dans laquelle on l’avait jetée.

Et Haesik dans tout cela… si elle était écrasée, lui serait totalement rayé de la carte.
Il sera dévasté, en apprenant la nouvelle. Elle le sait déjà, et savoir qu’elle allait le faire souffrir ajoute à son torrent lacrymal.

Moira ne se souvient pas avoir déjà autant pleuré, mais elle n’avait jamais ressenti une telle détresse auparavant.

Elle rêvait que tout revienne à la normale dans sa relation, se réveiller en espérant le croiser aujourd’hui. Quand la personne à qui elle avait donné son cœur sans vraiment le vouloir était la première chose à laquelle elle pensait en se réveillant, et la dernière avant le coucher. Un temps où sa seule inquiétude était le qu’en dira-t-on, et pas encore le « que nous feront-ils ».

Sa mère lui indiquait de se marier avec un homme riche, que certaines choses ne pouvaient exister, comme l’amour de jeunesse et les vieilles fortunes.
Mais lui… le goût de ses lèvres était le seul luxe dont elle avait besoin.

Elle relève la tête, et se révolte soudainement.
Que faisait-elle à s’apitoyer, à s’improviser loque pathétique sans même essayer ? Ce n’était pas comme cela qu’elle allait obtenir ce qu’elle voulait – ce qui était la conclusion de rigueur en toute circonstance. Si elle désirait être avec Haesik, elle devait se reprendre.

Elle n’avait cessé d’affirmer à Nero qu’elle ne se laisserait pas faire, et c’était un bien mauvais début que de rester là, à pleurnicher.

Moira essuie ses larmes d’un geste rageur. Elle était belle, forte, et personne ne décidait pour elle. Le temps n’était pas en sa faveur, mais elle l’avait gaspillé dix ans auparavant, elle ne leur permettrait pas de s’éloigner de nouveau.

Elle affronte le regard de Sùmaid, qui semblait soulagé qu’elle ait craqué. Regrettant ses paroles précédentes, elle effleure son bocal d’un geste affectueux. L’hippocampe s’approche du verre, puis souffle :

- Ouvre le couvercle.

Comprenant où il voulait en venir, Moira secoua la tête, horrifiée.

- Non, ton eau…

Sa voix cassée la fait grimacer, et elle se racle la gorge. L’hippocampe s’élève juste vers le sommet de son récipient.

- Fais-le, Moira.

Après une petite seconde d’hésitation, l’humaine obtempère, et glisse le bout de sa main par la petite ouverture. Aussitôt, le familier la rejoint, et colle son petit corps à sa peau. Ils ne s’adonnaient presque jamais à cette marque d’affection, qui selon Moira contaminait l’environnement de son ami le plus fidèle. Ils n’avaient pas la chance de pouvoir se soutenir physiquement, n’ayant recours à cette extrémité qu’en cas de situation extrêmement critique. Ce qui était probablement le cas.
Cette ultime preuve d’amour de son compagnon émeut Moira, et elle reste quelques secondes à apprécier le contact spongieux, avant de se dégager et refermer le bocal.

- Merci.

Une fois sûre que Sùmaid était bien installé, elle déplace le rétroviseur vers elle, et grogne en voyant son reflet.
Son maquillage a coulé de partout, ses yeux étaient rouges et gonflés.
Heureusement, elle gardait toujours une trousse de beauté de secours dans la boite à gant. Ce réflexe venait de lui sauver la vie, car elle n’avait apporté absolument aucune affaire avec elle.

Extirpant un peu de fond de teint et de poudre, elle commença à atténuer les dégâts, passant ses doigts sous ses yeux et renversant la tête pour dissiper les traces noires qui ornaient son regard.

Elle prit le temps de tout replacer proprement, présentant un visage de poupée au miroir. Sùmaid reprit son air soucieux.

- Tu sais que ta tête sera le cadet de ses soucis, ma belle…

- Ce n’est pas une raison pour paraitre négligée devant mon petit-ami, très cher.

Une fois satisfaite, elle rangea le tout. Après avoir réajusté les quelques mèches s’étant échappé de son chignon, elle soupira. Elle avait sauvé les meubles, mais impossible de totalement cacher qu’elle avait pleuré. Au moins était-elle présentable.

Sùmaid n’aimait absolument pas cela. Lui qui avait assisté impuissant à l’annonce des fiançailles de sa liée, se sentait de nouveau inutile. Il n’avait jamais autant regretté sa nature que ce soir, et il espérait vraiment qu’Haesik parviendrait là où il avait échoué.

Moira estimait n’avoir besoin de personne, et préférerait se couper une main que d’admettre qu’elle était triste. Elle prétendait être forte, sans émotions sérieuses, et l’hippocampe détestait cette manie qu’elle avait de tout garder pour elle.

La jeune femme quant à elle, redémarra la voiture avec une détermination nouvelle. Ils voulaient les séparer, très bien. Ils souhaitaient la voir à genoux, à accomplir leur volonté au doigt et à l’œil, parfait.

Elle leur fera vivre l’enfer, retournera toute l’Ecosse et au-delà s’il le fallait. Ils ne les sépareraient que si elle abandonnait, et il en était hors de question.
Car le monde ne s’était pas arrêté de tourner, il en donnait juste l’impression.

Après une dernière vérification dans le miroir, elle reprit la route. Elle aimait ce qu’elle avait vu. Ses yeux avaient beau être rougis et bouffis, elle avait retrouvé l’éclat qui la caractérisait.
Elle était une Auchincloss, nom d’un chien.

*

Le cottage fut enfin en vue, et Moira baissa les feux aussi vite que possible, sachant déjà que la lumière avait déjà probablement réveillé son aimé, sans parler du boucan produit par sa berline. Inspirant un grand coup, elle sortit de la voiture avec l’hippocampe sous le bras.

Elle détestait l’idée de déranger Haesik aussi tard, et le faire se lever dans le froid, mais cela était plus que nécessaire. Cas de force majeure, comme on dit.

Après quelques pas hésitants en talons hauts dans la neige, elle finit par arriver devant la porte et toquer tout doucement. S’il dormait encore, elle supposait qu’elle pourrait rester dans la voiture. Mais elle savait également que Dalsoon l’avait forcément entendue de son côté, donc elle ne se faisait pas trop de soucis.

Au moins pour cela, car elle se balançait d’un pied à l’autre de nervosité. Et aussi parce qu’elle était frigorifiée, n’ayant absolument pas embarqué de manteau dans sa fugue. Elle qui était très frileuse, elle était ra-vie.
Elle se demandait comment elle allait présenter la situation, s’il valait mieux arracher le bandage tout de suite ou être délicate – ce qui n’était vraiment pas son fort. Et restait la petite peur de ce qu’il allait dire. Outre la peine, serait-il en colère ? Voudrait-il tout arrêter ? Ce serait bien sa veine, alors qu’elle avait choisi de tout risquer pour lui.

La porte s’ouvrit, et enfin, elle était avec lui.

Moira eut l’impression de pouvoir respirer correctement de nouveau. Le voir devant elle, alors qu’elle l’avait imaginé à ses côtés tout au long de la soirée pour tout supporter valait tout l’or du monde. Elle se blottit aussitôt contre lui, sa tête arrivant au niveau de son torse. Malgré ses talons indécents, il restait bien plus grand qu’elle, et l’hydromancienne apprécia plus que jamais sa taille imposante. Elle se sentit protégée, et dans une illusion parfaite, elle était cachée de tous ces vautours tournoyants au-dessus d’eux. Tout allait bien, rien n’avait changé. Pas de nouvelle à l’effet de bombe, pas de parents encombrants, de fiancé malvenu.

Juste lui et elle, comme toujours.

Elle le serre dans ses bras en essayant de pas trop appuyer pour ne pas révéler son désarroi, et elle doit se faire violence pour se contenir.
Finalement, elle se redresse, toujours contre lui. Moira force un sourire, en partie sincère. Elle est si heureuse de le retrouver, si soulagée. Imaginer le perdre pendant des heures lui avait presque donné l’impression qu’il était déjà parti au loin, qu’elle ne le reverrait jamais.

Mais elle doit prétendre au moins un peu, pour ne pas l’alarmer. Cela viendra plus tard, elle veut juste savourer l’étreinte. Que le temps soit suspendu, à l’époque où ils se montraient en public après des mois à se courtiser. Que tout soit normal, une dernière fois.

Elle lève le bras pour toucher sa joue de sa main, puis la glisser dans ses cheveux.

- Bonsoir. Je suis si contente de te voir !...

S’obligeant à relever le coin de sa lèvre, elle passe ses yeux sur l’entièreté de son visage, comme pour le marquer à jamais dans sa mémoire. Au cas où, bien sûr.

- Désolée de débarquer aussi tard. Je peux dormir ici ?...

Allez, Moira. Il va bien falloir lui dire à un moment. Pas tout de suite, négocie-t-elle avec elle-même. Encore un tout petit peu de temps, donner le change. Plus rien ne sera pareil une fois que les mots auront passé ses lèvres.

- Tu n’imagines même pas combien tu m’as manquée.


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And my daddy said " Stay away from Juliet"
25/12/2023



TW : Tristesse

Noel. Bien que n’étant pas catholique, Haesik avait toujours apprécié cette fête de fin d’année et la magie qu’elle générait comme nulle autre.

Il ne l’avait jamais vraiment fêtée avant d’arriver en Ecosse mais, bien content de se départir de sa solitude, le vieil Eoghan l’invitait depuis systématiquement avec sa mère pour un repas gargantuesque et cette habitude avait fini par devenir chère à ses yeux.

Cette année pourtant, il n’avait pas le cœur à la fête.

A présent qu’ils étaient enfin en couple, depuis plusieurs mois, il avait espéré que Moira pourrait être à ses côtés en cette soirée si spéciale.

Entendre son petit rire raisonner dans le salon de son mentor, la taquiner en déposant de la crème sur son nez, l’entendre l’incendier parce qu’il risquait de tâcher son élégant chemisier de marque, regarder avec elle la neige tomber paresseusement dans le jardin en attendant minuit, voir le reflet des flammes de la cheminée danser dans ses grands yeux verts...

Immortaliser le sourire radieux qui s’afficherait sur son visage de porcelaine lorsqu’elle se mettrait à battre frénétiquement des mains en ouvrant ses cadeaux et se sentir gêné en découvrant les siens, beaucoup trop onéreux à son goût.

Sentir son corps collé contre le sien à leur retour à la maison, alors qu’ils s’étreindraient devant un film de circonstances jusqu’à ce qu’ils tombent finalement d’épuisement, pleins d’espoir pour l’année à venir.

Malheureusement, l’hydromancienne était retenue ailleurs et, même s’il ne pouvait décemment pas lui en vouloir, sachant qu’elle demeurait éloignée de lui à contrecœur, le coréen se sentait plutôt amer.

Un an plus tôt, ils avaient échangé leur premier baiser. Passionné, mais bref. L’héritière n’était pas encore prête à tout risquer pour accepter de l’aimer publiquement mais cela avait été la preuve qu’il attendait. Leurs familiers avaient vu juste, leurs sentiments étaient bien réciproques.

Ce souvenir, bien que teinté de mélancolie à cause de son absence, lui avait permis de tenir la soirée, de donner le change, bien que son esprit était ailleurs.

Bien sûr, il était heureux de passer du temps en compagnie d’autres êtres chers mais, sans elle… il se sentait creux, incomplet.

Il était un peu plus de minuit lorsqu’il avait regagné son cottage, deux heures du matin quand il avait finalement trouvé le sommeil après s’être longuement retourné sous ses couvertures.

Il n’aurait pas su expliquer pourquoi à ce moment, mais il était habité par un mauvais pressentiment tenace…

***

Sentir Dalsoon se redresser dans le lit l’avait tiré de son sommeil avant qu’il entende des coups timides contre sa porte.

3h15…

Dalsoon : C’est Moira…

Moira ?!

Le jeune homme s’était levé en hâte et, après avoir sauté dans son tee-shirt, était allé ouvrir à sa petite amie.

La détresse qui se dégageait d’elle l’avait heurté de plein fouet…

- …Moira ?

La belle brune s’efforçait de faire bonne figure mais elle ne saurait tromper ses sens de zoomancien.

Elle était magnifique dans son élégante robe de soirée mais elle ne rayonnait pas comme à l’accoutumée. Ses yeux rougis, son sourire de façade et le ton de sa voix étaient des indices de son mal-être autant que les fortes émotions négatives qu’elle propageait autour d’elle.

Tristesse, colère, crainte…

Tendu, le coréen l’avait accueillie au creux de ses bras avec tendresse, l’écoutant sans vraiment prêter attention à ses mots qui masquaient malhabilement une énormité prête à fondre sur lui à tout moment.

Lorsqu’elle s’était tue, il avait rompu leur étreinte et il l’avait brièvement examinée, effleurant son corps de ses doigts fins.

- Ça ne va pas ? Qu’est ce qu’il s’est passé ?

Il était heureux de la voir, bien entendu, mais les circonstances étaient suffisamment étranges pour qu’il s’alarme sérieusement au lieu de profiter de ces retrouvailles inespérées…

- Tu es gelée… rentres… bien sûr que tu peux dormir ici.

Par chance, le feu, qu’il avait ravivé avant de s’assoupir, n’avait pas eu le temps de s’éteindre complètement.

Une fois Moira installée dans le canapé, recouverte par un épais plaid moelleux, il avait rajouté du bois, était venu s’assoir en face d’elle et avait pris sa main dans la sienne, avisant le masque suspect qu’elle avait apposé sur son visage.

- C’est en rapport avec ton bal ? Est-ce que quelqu’un t’a fait du mal ?

Elle aussi préoccupée, Dalsoon était venue poser sa tête sur les genoux de la jeune femme en attendant qu’elle éclaircisse la situation…
Crédits ;
Moira Auchincloss
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Tuer le temps : Gardienne des écrits depuis fin 2023, Moira se consacre entièrement à ses nouvelles responsabilités, qu'elle prend très au sérieux malgré le peu d'appétence qu'elle ressent pour sa tâche.

Elle est destinée à hériter d'une fortune conséquente, unique héritière du clan Auchincloss, ses parents espèrent qu'elle apportera honneur et fierté à leur nom, peu importe les désirs de la jeune femme.

Pour échapper à cette pression constante, Moira se réfugie dans la danse et le chant, où elle excelle.

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And my daddy said "Stay away from Juliet"
25/12/2023



Romeo save me, they're trying to tell me how to feel
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La prévenance d’Haesik avait été une des qualités qui avaient séduites l’hydromancienne. Ça, ainsi que sa douceur sans égale et sa patience à toute épreuve. Moira se complaisait dans l’océan de tendresse qu’il avait fait jaillir de rien, pour l’y plonger toute entière. Elle ne se faisait pas prier pour réclamer ses attentions, enchaîner les faux caprices et fondre devant son air dépité mais déterminé à la rendre heureuse.

Ce soir, cette habitude d’être aux petits soins pour elle la rendait un peu mal à l’aise. Cela s’apparentait presque à de la tromperie, à ses yeux. A chaque nouveau geste amoureux, Moira sentait des galets tomber au fond de son estomac, la nervosité montant à mesure que les pierres se transformaient en montagne. Elle avait cru que le pire était derrière elle, mais maintenant qu’elle se trouvait devant lui avec ses mauvaises nouvelles sur le bout de la langue, elle réalise lentement que le plus difficile reste à venir.

La Gardienne des écrits se demande bien où est-ce qu’elle allait dénicher le courage de lui narrer les événements de la soirée, alors qu’il la fixait d’un air si inquiet. Elle a l’impression d’abuser de ses sentiments, sa loyauté indéfectible envers elle empirant sa culpabilité. Lui qui avait tant fait pour eux jusqu’à présent allait rencontrer un mur qu’aucune de ses formes magiques ne pourraient enfoncer sans y laisser des plumes. Elle s’interroge, un peu bêtement, en imaginant un scénario où il ne serait pas aussi gentil. Peut-être serait-ce plus facile de dévoiler l’affreuse vérité, tandis que là, elle se sentait horriblement mal. Elle suppose qu’il est toujours plus dur de voir les bonnes personnes souffrir plutôt que les mauvaises, en se disant qu’elles ne méritaient clairement pas ce qui leur arrivait.
C’était donc à elle qu’il reviendrait la tâche ingrate de bourreau : il fallait bien qu’elle lui brise le cœur, puisqu’il était trop poli pour briser celui des autres.

Le soulagement trouvé dans ses bras est de courte durée, et elle le savoure aussi longtemps que possible sachant ce qui viendrait plus tard. Moira rêve de l’enlacer pour toujours, de ne plus avoir à affronter ce monde qui souhaite l’écraser.

Il s’éloigne pourtant, et la jeune fille n’a pas l’énergie de lui présenter son habituelle moue boudeuse. Elle ne veut certes pas l’inquiéter, mais le jeu d’actrice a ses limites. Prétendre l’humour et l’enfantillage était peu à propos, elle est trop épuisée. L’héritière se sentait vieille, elle croit avoir pris dix ans en quelques heures – et avec un tel ressenti, comment se comporter comme la gamine qu’elle était habituellement ?

Haesik lui demande si tout va bien, et Moira comprend qu’il voit clair dans ses faux-semblants. Elle ignore si elle doit sourire qu’il la connaisse si bien, ou le maudire de ne pas se contenter du fait qu’ils soient ensemble, se noyer dans ce plaisir simple pendant qu’il en est encore temps.
Elle reste plantée là, à se demander si elle devait tout révéler maintenant ou s’avancer encore un peu dans l’illusion. Les mots meurent sur sa langue, et le choix est fait pour elle alors qu’elle se sent incapable de parler.

Qu’il lise en elle comme dans un livre ouvert achève de la vider de toute force, et elle se laisse guider jusqu’au canapé, après s’être débarrassée de ses escarpins d’un coup de pied dans l'entrée. Un peu indolente, elle dépose Sùmaid sur la table basse, puis s’installe en relevant sa robe de soirée le long de ses jambes pour s’asseoir un peu plus confortablement. Elle relève le plaid qu’il avait posé sur elle contre son nez, dans une tentative de se réchauffer, mais également de s’imprégner de l’odeur du petit cottage. Un parfum apaisant, rassurant. Tout ce qui lui avait manqué récemment.

Moira observe le coréen raviver les flammes juste pour elle, et elle sent ses propres yeux perdre de leur concentration. Prunelles vertes dans le vide, elle divague quelques instants. Son esprit se met en pause, si des pensées lui traversent l’esprit, elle les oublie aussitôt. Sûrement un trop plein d’émotions qui retombe enfin.

Elle n’a plus envie de sourire et de lui mentir, mais se montrer vulnérable est hors de question. Elle n’a d’autre choix que de redevenir la reine des glaces qu’il avait connue, cherchant à se protéger de tout. De ses parents, de ces fiançailles, de ses propres émotions. Et même de lui. Lui et des sentiments qu’il avait provoqués en elle, lui et sa bonne volonté qui était une nouvelle source d’agonie.

Mais il prend sa main, et Moira se doit de relâcher un peu de leste sur la muselière qu’elle s’est imposée. Elle pouvait aisément donner le change, se placer en insensible arrogante, mais elle n’avait pas le droit de lui infliger un tel mépris. Ce serait injuste, et loin de ce qu’elle avait à lui offrir.

La jeune fille serre sa main, mais demeure dans cet entre-deux inconfortable, incapable de lui retourner sa tendresse, tout en se refusant à le repousser ouvertement. Ironique, sachant qu'elle lui avait littéralement sauté dessus à son arrivée. Elle maudit ses manières paradoxes, elle qui n’avait cessé d’imaginer ses bras autour d’elle, et qui voulait se blottir contre lui se trouve maintenant enchaînée par une pudeur qui ne lui ressemble pas. Mais impossible de s’en empêcher : Moira s’était résolue à toujours régler ses problèmes seule, et ne confier ses états d’âme profonds qu’à son hippocampe. Et confier était un bien grand mot, car il devait deviner lui-même lorsqu’elle se sentait malheureuse la plupart du temps. Plus elle était mise à terre, plus elle se renfermait.

Et pour l’heure, elle était au fond du trou.

Elle pose robotiquement sa main libre sur la tête de Dalsoon pour caresser sa fourrure, et si le geste avait toujours eu l’avantage de la rassénérer, il n’en était rien ce soir. La sensation reste agréable, elle perçoit que cela lui plait, mais le ressenti lui vient de loin. Elle est comme dans la mer, la tête immergée. L’univers et les sens lui parviennent, mais ils sont étouffés, distants. Presque imperceptible, et elle ignore si elle veut tendre la main pour les attraper ou les laisser partir.

Haesik pose la question qu’elle attendait depuis le départ, et Moira soupire de dépit. Elle se sent si lasse, elle a envie de dormir pendant une semaine. Mais cela ne changera absolument rien à la situation. Il faut donc prendre son courage à deux mains, et accepter de passer le moment des explications pour ensuite monter un plan.

Elle s’autorise tout de même à abandonner la tête de Dalsoon pour poser sa main sur son visage – légèrement, pour ne pas ruiner son maquillage fraichement réappliqué – avant de la replacer dans les poils blancs.

Un petit reniflement lui vient, amusement sans en être, et elle se tourne enfin vers l’homme qu’elle aimait. Moira reste muette l’espace d’une seconde, la vue de ce visage adoré lui redonnant un peu de couleur et lui ramenant une partie de ses émotions anesthésiées. Elle tenait trop à lui pour lui présenter le masque d’indifférence totale.
D’une pression, elle serre sa main plus fort, et veut aussitôt le rassurer.

- Non, Haesik. On ne m’a pas fait de mal.

La question innocente et concernée de son amant l’avait faite rire, car il se trouvait si proche et à la fois si loin de la vérité. Cela dépendait du point de vue, elle supposait.
Physiquement, elle allait parfaitement bien. A son air, elle en avait déduit qu’il craignait une attaque sous forme de coups, ceux laissant des bleus et des marques rouges. Et en effet, elle n’avait rien à signaler de ce côté-là. Ses parents avaient rarement été violents, de cette manière ci du moins.
En revanche, oui, ils l’avaient mise au supplice. A bien y réfléchir, Moira aurait mille fois préféré une gifle - ou pire -  à que ce qu’ils avaient concocté pour eux. Ils avaient trouvé le moyen de la faire dépérir le plus douloureusement possible sans la toucher, et ça, c’était un exploit.

- Pas comme tu l’entends, en tout cas.

Un nouveau soupir s’échappe de ses lèvres, et les larmes qui lui montent aux yeux la surprennent. Elle les combat de toutes ses forces pour les conserver dans ses orbites, mais la violence des émotions lui revenant au pire moment lui fait pincer les lèvres.

Elle ne craquera pas. Pas devant lui, jamais. Elle était prête à endurer et avaler leurs mensonges et ignominies, mais pas sa propre fierté. Haesik ne l’avait encore jamais vu pleurer, cela n’allait pas commencer ce soir.

Pourtant, c’est la première fois que se retenir de fondre en larmes est aussi difficile. Le torrent est trop puissant, il cherche à l’emporter tandis qu’elle se retient à sa raison et ses nerfs d’acier. Elle continue de ployer, se jurant qu’elle ne rompra pas.

L’envie de s’écrouler n’est pas ce qui lui manque, mais la rage d’être aussi faible et la détermination de dépasser les projets que d’autres avaient organisés devaient être plus fortes.

Alors, lorsqu’elle se sent capable de parler, ayant repoussé la tempête vers d’autres rivages, Moira pousse délicatement Dalsoon. Lâchant la main d’Haesik, toujours enroulée dans le plaid, elle commence à faire les cent pas. Main sur ses lèvres, elle cherche ses mots, les sélectionnant soigneusement.

Par où commencer, comment formuler l’inimaginable ? Elle est comme un animal en cage, mais l’action lui permet de se concentrer. L’hydromancienne ne se voit pas rester inactive, attendre que cela se passe. Elle erre dans le cottage, exténuée mais incapable de se poser. La fébrilité s’est emparée d’elle, et son esprit est en ébullition. Elle échafaude déjà des milliers d’idées folles pour se sortir de là, et dans le même temps, comment présenter son annonce.

Sùmaid cherche quant à lui à capter l’attention de l’autre familier et de son humain. Désespéré en voyant que Moira venait de retomber dans ses travers, il ne savait plus à quel saint se vouer. Quand ses manières et sa voix se firent froides, il secoua fortement la tête, essayant de signifier que ce n’était absolument pas ce qu’elle ressentait au fond d’elle. Qu’elle dissimulait le désespoir comme elle le pouvait.

Après quelques allers et venues, elle lâche enfin :

- Que sais-tu des Karlsson ?

Sa question est peut-être soudaine sans contexte, mais elle attend véritablement une réponse. Quand, sans grande surprise, Haesik se retrouve perdu face à son interrogation, elle recommence sa marche sans but.

- C’est une famille influente, du Coven des aéromanciens. Le genre puissant, évidemment richissime, et à qui ne sait pas ce que « non » signifie.

Un résumé assez fidèle, selon elle. Elle épargne les détails inutiles au zoomancien, il saisissait l’idée générale.

Venait donc le cœur du sujet, et Moira se retrouve de nouveau démunie dans son récit. Serrant le poing contre sa bouche, le souvenir de leur récente sortie en société lui revient, et lui offre une transition un peu moins abrupte qu’envisagée.

- Tu te souviens de l’homme qui nous a envoyé des boules de neige à la fête de l’hiver ? C’est Nero, l’un des fils de la famille. Lui et ses parents étaient là ce soir.

Et maintenant… maintenant il ne restait plus qu’à se jeter à l’eau. Plus aucun moyen de retarder l’inévitable, et Moira s’arrête enfin. Elle s’obstine cependant à fixer un point au loin. Le mobilier, le vide, la fenêtre. Tout sauf celui dont elle craignait la réaction plus que tout. Elle veut se jeter dans ses bras, le supplier de lui promettre que tout ira bien, mais elle reste éloignée. Elle ne sait même pas pourquoi elle s’entête, mais elle le fait.
Elle avait toujours agi ainsi.

Sa voix se fait trainante, excessivement lente. Chaque mot lui écorchait les lèvres, ils étaient prononcés avec une difficulté visible.

- Nos familles ont annoncé
Mes fiançailles avec lui, devant tout le monde, tout à l’heure.
Je n’en savais rien, et lui non plus d’ailleurs.


Voilà, c’était dit. Le souvenir de ce moment, qui restera un traumatisme pour le reste de sa vie lui tire des frissons malgré le feu qui avait commencé à la réchauffer. De l’effroi pur, cette peur lancinante qui ne l’avait pas quittée depuis son départ et qu’elle combattait aussi vaillamment qu’elle le pouvait depuis.

Aussi rapidement qu’elle s’était étendue précédemment, elle poursuit, ses phrases presque inintelligibles tant elle parle vite. Le besoin de donner son point de vue, son opposition totale la consume. Elle doit le signaler au plus vite, ne pas laisser de fausses idées s'installer.

- Je n’ai aucune intention de l’épouser. Nero ne le veut pas non plus, il me l’a dit. Je ne les laisserai pas faire.

Ses derniers mots avaient été martelés avec une colère à peine contenue, une assurance qu’elle était loin de ressentir mais qu’elle voulait mettre en œuvre.

Et tout ce temps, elle n’ose pas le regarder. Parce que si la perspective d’être unie pour toujours à un inconnu la terrifiait, rien ne l’effrayait plus que
L’idée qu’Haesik soit en colère. Qu’il se sente trahi ou la déteste.
Ou qu’elle le rende triste, qu’elle blesse cette âme qu’elle aimait tant, si profondément qu’elle ne se le pardonnerait jamais.
Dans les deux cas, elle était fautive, d’une certaine façon. Elle était la cause du désarroi comme de l’indignation. Elle espère sincèrement qu’il ne pensera pas qu’elle lui ment, qu’elle a participé à cette mascarade et n’a fait que jouer avec lui. Ça serait le pire.

Non, le pire, serait qu’il lui demande de partir, qu’il baisse les bras. Et elle ne pourrait pas lui en vouloir. Enfin, elle le maudirait, serait furieuse, mais ce serait une réaction assez compréhensible. Ca ne lui ressemble pas, elle ne le voit pas abandonner si facilement. Mais impossible d'en être certaine, la situation est trop énorme, trop inattendue. Personne ne souhaitait se retrouver dans un bourbier tel que celui-ci.

Quelque soit la manière dont il prendrait la nouvelle, Moira attendait, la boule au ventre et dans l’impossibilité de se tourner vers lui. Elle qui veut aller contre le vent, défiant toute la haute société s’il le fallait, se sentait trop faible pour vérifier l’effet de ses mots sur un illustre inconnu des cercles huppés qui lui avait ravi son cœur.

S’il réagissait mal, tout cela n’aura de toute façon plus d’importance…

Pétrie de doute, souffrant en silence sans pouvoir exprimer sa peine, frustrée et en colère, Moira ose légèrement tourner la tête vers lui, tout en restant trop lâche pour croiser son regard.
Honteuse et inquiète. C’était ce qui ressortait le plus sur son visage, dans ce maelstrom d’émotion, où l’appréhension régnait en maitre.

Et enfin, sa voix se brise, et laisse transparaitre ce qu'elle a contenu jusqu'alors. Cette nécessité vitale d'être rassurée, protégée. Le masque se craquèle, et elle en tient les morceaux tant bien que mal à deux mains, fantôme d'un opéra rigide.

- Dis quelque chose, s’il-te-plait…

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25/12/2023



TW : Tristesse

Moira était mutique et son regard, habituellement pétillant ou plein d’assurance, était froid, éteint.

Quel genre d’information pouvait donc bien la mettre dans cet état et pourquoi la retenait-elle au lieu de la partager avec lui pour se libérer du poids démesuré qui semblait peser sur ses épaules ?

Inquiet, Haesik avait pris sa main dans la sienne pour l’assurer de son indéfectible soutien mais il s’était heurté à un mur de glace.

Le temps où la jeune femme le repoussait était censé être derrière eux… pourquoi, alors qu’ils évoluaient sous un ciel sans nuages depuis plusieurs mois, recommençait-elle à le mettre à distance ?

Il ne pouvait pas croire qu’une seule soirée, une seule rencontre éphémère ait suffit à mettre en péril leur relation. Par ailleurs, il lui vouait une confiance absolue, aussi ne l’avait-il pas un instant suspectée de tromperie.

Il demeurait néanmoins que le comportement de la belle était anormal et que devoir en imaginer la cause était une torture à laquelle il espérait qu’elle mettrait bientôt fin.

L’Ecossaise avait repris la parole en lui assurant qu’on ne lui avait pas fait de mal mais en apportant bien vite une précision qui l’avait contredite. « Pas comme tu l’entends » ?!

Comment, alors ? L’idée qu’elle ait pu subir la moindre violence, même psychologique, lui était difficilement supportable…

Son angoisse était montée d’un cran lorsqu’elle avait quitté le canapé dans lequel il l’avait invitée à s’installer pour commencer à faire les cent pas à l’intérieur de son salon.

Que savait-il des Karlson ? Il avait légèrement froncé les sourcils. Ce nom lui disait quelque chose mais il ne savait rien de cette famille, qu’il devinait pourtant importante au sein de la communauté magique.

L’influence et la fortune confirmées par Moira, il s’était interrogé : qu’avaient-ils à voir dans l’affaire ?

Lorsque sa petite amie avait poursuivi en évoquant un certain Nero, figure sinistre et hautaine croisée lors de la fête de l’hiver, son cœur avait manqué un battement. Doté de cette donnée nouvelle, il avait compris, avant même que la brune énonce les faits, qu’il accueillerait comme un coup de poignard…

Son visage s’était fermé à son tour alors que Dalsoon plaquait brusquement ses oreilles sur le haut de sa tête en agitant nerveusement la queue et en grognant légèrement.

Il lui semblait désormais difficile de respirer, plus encore que lorsqu’ils s’étaient retrouvés confinés ensemble dans la cave attenante à son bureau. A choisir, il aurait préféré retourner dans la malle où ses camarades l’avaient enfermé adolescent plutôt que de ressentir la vague de désespoir qui venait de le submerger.

Ses yeux en amande rivés sur le sol, il sentait ses pensées se bousculer à l’intérieur de son crâne, en proie à une tempête incontrôlable.

Comment, en 2024, était-il possible qu’une famille traite sa fille de la sorte ?

Comment des parents pouvaient-ils prétendre aimer leur unique enfant et l’utiliser ainsi, pour servir leurs desseins, comme une monnaie d’échange, sans aucune considération pour ses sentiments et ses aspirations propres ?

Pendant de nombreuses années, il s’était lui-même dit qu’il n’était pas le gendre idéal, son nom ayant été entaché par un scandale dans son pays natal mais, bien qu’il ne pourrait effectivement prétendre la maintenir dans l’aisance matérielle dans laquelle elle avait grandi, il aimait sincèrement Moira, plus qu’aucun mari de convenance ne pourrait jamais le faire.

Et maintenant, après tous les efforts qu’il avait fournis pour gagner son cœur, voici qu’on souhaitait l’arracher à ses bras ?

Haesik n’était pas dupe. Le citoyen insignifiant qu’il était ne ferait jamais le poids seul contre deux familles puissantes déterminées à renforcer leurs acquis. Moira elle-même risquerait gros si elle se mettait en tête de s’opposer à la volonté de ses géniteurs et de sa future belle famille.

La solution la plus sage serait de renoncer. De se résigner, de faire le choix d’oublier leur idylle, de passer à autre chose.  Lui demeurerait en dehors des ennuis qu’il s’était évertué à éviter depuis son arrivée sur le territoire et elle éviterait de tomber en disgrâce, de se voir déchue de ses privilèges.

Elle n’aurait probablement pas la relation dont elle avait rêvé mais elle parviendrait sûrement à trouver de bons côtés à cette vie bien rangée, à l’abri du besoin et du déclassement social. Quant à lui, il ne retrouverait peut-être jamais une telle alchimie avec une autre personne, mais au moins vivrait-il en paix…

*Dalsoon : Haesik…*

L’œil unique de la louve, rivé dans les siens, lui avait rappelé une vérité qu’il avait été tenté d’oublier, submergé par son fatalisme passager : ils savaient encaisser et, malgré les épreuves qu’ils avaient pu traverser, ils s’étaient toujours relevés.

Oui, tout abandonner serait plus simple, mais ce n’était pas ce qu’il souhaitait. Ce n’était pas dans sa nature.

L’amour qui le liait à Moira, bien que nuisible et insignifiant aux yeux de certains, était trop puissant pour être étouffé d’un revers de main comme la flamme d’une bougie, et bien trop précieux pour faire l’objet d’une capitulation si rapide.

La fourrure du canidé s’était ébouriffée sur son dos alors que l’asiatique se redressait sur ses pieds pour rejoindre sa compagne, qui l’avait enjoint à réagir avec une voix tremblante.

Ne sachant trop comment exprimer à voix haute la profondeur de son ressenti, il s’était à nouveau saisi de ses mains, avec une détermination qu’elle ne lui connaissait pas encore.

- Dis-moi ce que je peux faire pour contribuer à empêcher ça. N’importe quoi.

Moira lui avait annoncé son intention de ne pas se laisser faire et il ne l’aimait que davantage pour lui offrir une si belle preuve de son attachement, s’il en fallait une, même si une part de lui aurait préféré qu’elle le sacrifie plutôt que de prendre le risque de tout perdre.

Si elle souhaitait réécrire les étoiles, lui n’avait pas le droit de baisser les bras. Ils feraient face ensemble, quelles qu’en soient les conséquences, jusqu’à ce que tout espoir ait définitivement été balayé, ou davantage encore…

- Je t’aime, Moira. Je t’aime et je ne laisserai personne d’autre que toi me dire si j’en ai le droit ou non.

N’étant pas ni stupide, ni naïf, il avait conscience que la lutte serait des plus rudes mais à cœur vaillant, rien d’impossible, disait le dicton…

Il se battrait jusqu’aux dernières limites et, si cela s’avérait insuffisant, il lui proposerait des mesures plus radicales…

- Ça va aller… on pourra même partir, si c’est notre dernière option. Tu choisiras la destination, je te suivrai où tu voudras…

Il connaissait le poids d’un tel déracinement mais, même s’il préférerait qu’ils puissent s’épargner une solution aussi extrême, il n’hésiterait pas une seule seconde à tout déconstruire pour rebâtir sur un territoire neutre et sécuritaire si cela s’avérait nécessaire…

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Moira Auchincloss
Isolationniste
Moira Auchincloss

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Trombinoscope : [Abandonné] And my daddy said "Stay away from Juliet" - Haesik 19d7f1648d4d62518140fe4111f7fdc4f0c90fe2
Face claim : Katie McGrath
Pronoms RP : Elle/She/Her
Âge : 27
Tuer le temps : Gardienne des écrits depuis fin 2023, Moira se consacre entièrement à ses nouvelles responsabilités, qu'elle prend très au sérieux malgré le peu d'appétence qu'elle ressent pour sa tâche.

Elle est destinée à hériter d'une fortune conséquente, unique héritière du clan Auchincloss, ses parents espèrent qu'elle apportera honneur et fierté à leur nom, peu importe les désirs de la jeune femme.

Pour échapper à cette pression constante, Moira se réfugie dans la danse et le chant, où elle excelle.

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Etrangement, le silence était bien pire que tous les scénarios catastrophiques qu’elle avait imaginés. Il s’était installé entre eux, un monstre énorme et gras du rire de la foule, tandis que le salon demeurait terriblement démuni des leurs. Cette créature invisible avait envahi l’espace, si lourde que Moira la sentait dans ses os, s’insinuer sous sa peau comme entre eux. L’air manquait, aspiré par la soirée précédente. Ils s’étaient accaparé leurs souffles, les retenant pantelants dans l’angoisse et l’attente.

Haesik était désormais plongé dans ses réflexions, et Moira était au supplice. Ses traits d’ordinaire si doux étaient désormais teintés d’une obscurité qu’elle n’avait encore jamais contemplé, un précipice sombre dont elle ne distinguait pas de fond. L’injustice est d’autant plus intolérable qu’il était censé être l’ancre calme de leur duo, la lumière paisible. Extravertie, l’hydromancienne était une tornade, balançant entre le rire et les larmes. Il était d’ordinaire son éclat de lumière dans une pluie de minuit, et ce soir, il se trouvait incapable de briller derrière les cordes qu’on leur enroulait autour de la tête.

Cet homme lui manquait terriblement, tout en sachant qu’il se tenait à quelques pas d’elle. Mais il semblait si différent… La jeune femme avait l’impression de se trouver tête immergée, à observer un reflet de ce qu’ils étaient, identiques et pourtant à l’opposé. Des ombres d’eux-mêmes, dansant en symboles sur les murs – singés par d’autres volontés.

Son petit-ami ne disait absolument rien, et Moira n’osait imaginer ce qui lui passait par la tête. Elle aurait préféré qu’il se mette en colère, qu’il hurle, qu’il l’insulte. Cette peine là serait au moins tangible, au moins la ressentirait-elle. Tant que les mots restent enfermés derrière les lèvres du coréen, elle ignore totalement ce qu’il ressent, ce qu’il compte faire.

La colère serait une option si agréable oui, en comparaison. Elle saurait enfin à quoi se tenir, comment réagir. Elle pourrait s’insurger contre ses accusations et se défendre, ou au contraire implorer son pardon. Moira pourrait agir, enfin – puisque tout le monde voulait le lui interdire. Sa famille, les Karlsson, la société, Nero… Et maintenant Haesik, qui lui privait de son opportunité d’arranger la situation, d’avoir du poids sur les événements.

Son mutisme accroit son angoisse à chaque seconde passée, et elle se dit qu’elle l’a perdu. Que, tout d’abord, elle lui a fait trop de mal. Elle le remarque sans difficulté, cela est inscrit sur ses lèvres et ses joues, la tension dans son cou. Et elle en veut au monde entier, mais surtout à elle-même de lui infliger cela. Il n’y avait pas d’innocents dans son milieu, seulement des mains moins rougies que d’autres. Haesik, lui, était le seul être dépourvu de vices dans son quotidien, elle dont l’entourage pourrissait un peu plus chaque jour. Haesik, qui n’avait rien demandé, et se retrouvait au centre de jeu pervers qu’il avait en horreur.

Était-ce cette détestation qui allait le pousser à renoncer ? C’est ainsi qu’elle interprète sa réaction, cette inertie hors de caractère et qui la terrifie. Un peu plus, et elle allait se mettre à hurler. A lui crier de réagir, de s’énerver ou de rire, même. N’importe quelle preuve d’émotion, tout sauf ce silence qui la laissait dans le brouillard.

Sa poitrine se comprime de nouveau, et Moira fait appel à toute sa concentration pour ne pas suffoquer. Le temps a cessé de tourner, le moment lui semble interminable. Elle hoquète presque, perdue dans un univers sans lui, une vision où il l’aurait déjà quittée. Et ce qu’elle voit à de quoi la faire tomber à genoux, à sangloter pour le reste de ses jours.

Et le doute, évidemment. Elle aussi a conscience qu’il serait plus facile de baisser les bras. Que sa mère n’a pas tout à fait tort de l’inciter à épouser un homme riche, que son père a raison dans une certaine mesure de vouloir installer sa fille à la tête d’un royaume, peu importe l’homme. Mais elle avait attiré l’œil d’Haesik et lui son attention, et elle était à même d’estimer de quoi sera fait la richesse qu’elle désirait. Ses coffres forts se passeront de bijoux et d’approbation.

Mais voudrait-il seulement lui offrir la fortune que représentaient ses baisers, ou devra-t-elle se contenter de l’or ?

Elle en était là de ses réflexions, agonie de vide, quand il se lève soudainement. Moira le voit approcher, le cœur battant, en se disant qu’il allait peut-être lui annoncer la fin d’une ère, et qu’elle devait reprendre la route.
Oh, elle se souviendrait de cette nuit, de cette bourrasque au milieu de l'hiver – 3 heures du matin et plus,
Quand tout s’était échappé de ses mains, de ses choix. Elle pourrait courir ici et maintenant, pleurer tout son saoul si elle n’avait pas sa fierté. Moira se targuait de son aplomb, mais au petit jour, son courage l’abandonnait, tandis qu’elle se préparait aux adieux. Elle s’y était attendu depuis le début de cette relation, de toute manière, la voyant vouée à l’échec avant même qu’ils ne se soient trouvés.

Mais évidemment, il bouleverse sa perception du monde, en prenant ses mains, et en lui signifiant
Qu’il ne la laisserait jamais seule.
Alors qu’il lui demande ce qu’il peut faire pour empêcher ce sombre dessin, la tension se relâche enfin, et Moira doit de nouveau se retenir de toutes ses forces pour que les larmes ne coulent pas. Elle écarquille simplement les yeux, ne croyant ni ses oreilles ni sa chance.

Il avait décidé de se battre. Pour eux, pour elle, et il était sûr de lui. Plus encore que tous leurs serments amoureux au réveil, ou ses mots doux. Sa voix n’avait pas flanché, et ses yeux sombres renvoyaient une résolution inébranlable.

Elle peine encore à y croire jusqu’à ce qu’il ne renouvèle ses souhaits, et ne lui assure de ses sentiments. Pendant qu’il échafaude leur fuite, Moira n’y tient plus et se jette dans ses bras.

Ses réserves tombent, et tout ce qu’elle veut à présent, c’est se lover auprès de celui qui ne la trahira jamais. Elle respire pour la première fois depuis le début de cet enfer, ses bras se referment de toutes leurs forces autour de celui qu’elle choisit envers et contre tous. Elle ne limite pas son besoin cette fois-ci, et le serre avec autant d’intensité qu’elle le désire. Ses yeux se ferment avec violence pour repousser ses pleurs, et elle use de son pouvoir pour retenir l’eau salée perlant aux agates.

Il avait scellé leurs destins en lui demandant de rester, et elle pourra ainsi lui demander à son tour de l’attendre, afin de se libérer de tous ces parasites.

Le soulagement est une prison en lui-même, une cellule où tout ce qui avait semblé insurmontable auparavant parait léger, et c’est un danger redoutable. Mais pendant quelques secondes, Moira se complait enchaînée, car au moins, elle a la certitude d’être avec lui.

Elle a conscience de l’étreindre trop fort, de paraitre immature et au bord de la névrose, mais elle abandonne sa dignité si précieuse pour un moment de sincérité.

En relevant la tête vers lui, l’inquiétude revient peu à peu, mais elle n’est plus une entité divine. Elle est une montagne, certes impressionnante, mais qu’ils pourront gravir.

Refermant ses doigts sur les siens, Moira met encore quelques secondes avant de retrouver l’usage de sa voix, avant de secouer la tête. Ce n’est pas un refus, au contraire. Seulement un ajustement.

- Nous devons trouver un moyen de pousser l’une de nos familles à annuler les fiançailles, sans ruiner la réputation de l’autre. Trop de personnes seraient impactées de mon côté si nous sommes pointés du doigt ou trop direct. Il y a toute la famille éloignée…

Elle ne rentre pas dans les détails sur le fonctionnement de la haute société, ne voulant pas lui partager ses propres considérations égoïstes. Elle se voyait mal lui exposer la manière dont ses cousins et tous les autres membres du clan Auchincloss couraient à leur perte si elle suivait ses envies. Cela ne concernait pas Haesik, ce n’était pas son poids à porter.

Mais elle devait lui laisser un aperçu de la raison la poussant à se montrer prudente. La dernière chose qu’elle craignait était qu’il ait la fausse idée qu’elle refusait de prendre des risques, ou ne voulait pas réellement s’opposer à cette union. Au contraire.

Soupirant, elle joue un moment avec leurs doigts enlacés, prenant de l’assurance au fur et à mesure.

- Ce serait plus facile de faire porter le chapeau aux Karlsson, mais Nero n’y est pour rien. Et puis je doute que nous puissions noyer un poisson aussi gros.

Cette famille était trop influente pour attaquer de front sans mettre sa tête sous la hache. Et puis, elle se voyait mal jeter son fiancé – involontaire – sous le bus. Elle n’avait aucune forme d’affection particulière pour son promis, mais ils étaient unis par leur statut de victimes, et cela le lui rendait sympathique malgré tout.

Prenant sa main, elle dénicha un des calepins d’Haesik et un stylo. S’assurant qu’il n’y avait rien d’important dessus, elle les réinstalla dans le canapé, elle contre lui.
Le contraste entre sa distance passée et son besoin irrépressible d’être auprès de lui était frappant, et Moira réalise qu’elle avait eu besoin d’être rassurée avant d’entamer quoi que cela soit. Maintenant qu’il avait assuré qu’il était prêt à tout, elle se sentait un peu plus sereine – sans pour autant se détendre.

Moins expansive sur l’expression de ses sentiments enflammés que lui, bien qu’ils soient parfaitement réciproques, l’écossaise hésite à l’interroger, pour lui demander s’il était sûr de lui. Il se doutait que rien ne serait aisé, et que ces monts qu’ils prétendaient escalader étaient des murs infranchissables, en théorie. Qu’une fois sortis de cette maison, il réalisera peut-être que tout cela avait été sans espoir, après tout.

Mais Moira est trop égoïste pour s’avancer autant, se contentant de la certitude qu’elle voulait seulement tomber avec lui, aussi dure soit la chute.

- Je ne peux pas partir comme ça.

Elle commença à créer des petits points sur le carnet, avant de s’arrêter pour préciser, yeux rivés dans les siens :

- Mais si c’était possible, je n’hésiterai pas une seule seconde.

Elle ignore si elle ne ment pas un peu. Toute sa vie était ici, sa famille, son emploi, ses habitudes. Profondément intéressée par sa propre personne, Moira aurait bien du mal à repartir de zéro, à tout laisser derrière elle, peu importe ses sentiments pour Haesik. Alors, ses promesses sont peut-être vaines.

Mais en cet instant, elle pense ce qu’elle dit, parce que la perspective d’être séparée de lui est plus terrible que celle de demeurer dans son confort. S’il lui demandait, et que ses proches (prétexte !) n’étaient pas en danger, elle le suivrait.

Griffonnant ses idées sur le papier, elle commença à énumérer, totalement absorbée par sa tâche et la volonté de rester libre.

- J’avais pensé à dire que j’étais stérile – comme ça personne ne pourra rien dire. Pas de reproche, pas de mariage… Mais même si je trouve un médecin acceptant de dire ça, il y aura sûrement un deuxième examen demandé par mes parents et là… et si j’ai un enfant un jour, difficile de crier au miracle… A moins que je l’évite toute ma vie mais bon.

Elle n’avait jamais réfléchi à l’idée d’être mère, et elle ignorait si Haesik en voudrait de son côté. Il était beaucoup trop tôt pour y songer à ce stade de leur relation. Peut-être que cela n’avait même pas traversé l’esprit de son petit-ami. Si c’était le cas et qu’elle en venait à l’extrémité de rayer les enfants de leurs projets, cela allait poser problème.
Et s’il en voulait… ils trouveraient une autre option. Dans le cas contraire, elle préférait une vie sans enfants que sans lui.

Mais tout cela était très secondaire pour Moira, qui ne réfléchissait plus qu’à ses plans.

- Je pourrais aussi dire que les affaires de mon père ne vont pas fort en ce moment… cela nous nuirait à court terme, mais peut-être suffisamment longtemps pour que les Karlsson jettent leur dévolu sur une autre jeune héritière. Pas idéal, mais pas si pire…

Elle notait tout fébrilement, comme prise de fièvre. Se sentant soutenue, elle tombait dans un nouvel excès, déterminée à les sortir de tout ceci.

Mais la vérité qu’elle refusait de considérer finit par revenir au bout de quelques idées, et c’est à regret qu’elle posa son front contre le sien.

- Nous allons devoir être discrets, maintenant. Encore.
Je suis désolée.


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