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:: ✦ Archives :: ✧RPs[Terminé] Sometimes you have to take a step back to move forward (Moira)
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Sometimes you have to take a step back to move forward
Fin Août 2022
ft. Haesik et Moïra
- La gardienne des écrits du coven hydromancien ?
Eoghan : Le courrier est arrivé hier matin. Elle est restée vague sur les motifs de sa visite, mais ça paraissait important.
- Très bien… je la recevrai dans la semaine. Je vais lui faire porter une réponse immédiatement.
***
La rencontre avait été prévue trois jours plus tard. Désireux de faire bonne impression pour son premier contact inter-covens officiel en tant que mystique des essaims, Haesik avait soigné son apparence, abandonnant son habituelle tenue de travail au profit d’une chemise blanche impeccablement repassée et d’un jean, pour ne pas paraître trop formel.
Pour qu’elles ne risquent pas d’être surprises par une potentielle agitation inhabituelle autour de leurs ruches ou par des demandes qui chambouleraient quelque peu leur organisation, le coréen s’était entretenu avec les abeilles quelques heures avant l’arrivée de leur invitée.
Fort heureusement, contrairement à d’autres espèces animales, ces insectes sociables et habitués à une coopération nécessaire à leur survie étaient plutôt adaptables, bien qu’ils demeuraient relativement méfiants et territoriaux. Leur gardien savait qu’ils ne lui poseraient aucun problème et cela l’épargnait d’une bonne dose de stress.
Pour des questions logistiques et parce que les raisons de sa venue demeuraient assez obscures, Haesik avait convenu avec la gardienne des écrits qu’ils ne se retrouveraient pas directement dans les champs, mais dans le vaste local qui lui servait à la fois de bureau, de boutique et d’atelier de bricolage.
Puisqu’il le partageait toujours avec son prédécesseur, qui mettait un point d’honneur à lui donner un coup de main - et qui s’ennuyait profondément depuis qu’il était à la retraite -, ce lieu était dans un désordre constant, ce qu’il trouvait à la fois agréablement chaleureux et terriblement irritant.
Dalsoon : Laisse ça tranquille et assieds toi quelque part si tu ne veux pas dégouliner de transpiration au moment où ton rendez-vous arrivera !
La louve avait raison. A force de chercher à remettre de l’ordre dans les affaires du vieillard, il risquait de surcroît de se tâcher, ce qui ferait mauvais genre. Quelle idée, aussi, d’avoir, en plein mois d’Août, opté pour un haut certes élégant mais doté de manches longues et bien trop fragile pour l'environnement dans lequel il évoluait au quotidien ??
Il venait de se tranquilliser pour s’installer sur sa chaise lorsqu’on avait frappé à la porte. Tourné en direction de l’entrée, le familier de l’asiatique avait activé sa truffe avant de se figer, surpris par la fragrance perçue.
Lorsque son sorcier avait activé la poignée et dévoilé le visage de la personne qu’ils attendaient, lui non plus n’avait pas su cacher sa surprise.
- … Moira ??
La belle brune n’avait daigné lui donner aucune nouvelle depuis “son sauvetage”, deux semaines plus tôt, il paraissait donc fort peu probable qu’elle se présente aujourd’hui pour une visite amicale.
Ne restait donc qu’une seule théorie valide : elle était la gardienne des écrits, et c’était avec elle qu’il allait devoir passer l’intégralité de son après-midi…
Le courrier qu’elle avait adressé à Eoghan, ignorant sans doute qu’il avait passé le flambeau, était très probablement signé. Ce vieux briscard l’avait donc volontairement poussé dans un piège…
Son vieil ami avait semblé particulièrement déçu en comprenant qu’il s’était fait des idées sur la nature de leur relation mais ses sens de zoomancien ne l’avaient pas trompé. Il avait deviné sans mal qu’il en pinçait pour l’héritière des Auchincloss, mais Haesik était bien loin de penser qu’il se mettrait en tête de jouer les entremetteurs à la première occasion venue.
Imaginer le visage extatique qu’il arborerait le soir au moment de leurs retrouvailles avait crispé le coréen mais, malgré la trahison dont il se sentait victime, il était trop tard pour reculer. En dépit de son trouble, il allait devoir donner le change et se montrer digne de ses responsabilités nouvelles…
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Après avoir parcouru les archives jusqu’à en avoir mal à la tête, Moira avait fini par rejeter la tête en arrière sur son fauteuil.
Entourée de centaines d’ouvrages plus épais les uns que les autres, de vieux parchemins liés par des nœuds bleus, la jeune fille trouvait la tâche insurmontable. Sa prédécesseuse avait tenu sa position de Gardienne des écrits avec brio, mais le travail semblait infini. Malgré des années de formation et un rangement constant, la toute nouvelle détentrice du titre cherchait encore à se familiariser avec ces lignes qui seraient ses compagnes jusqu’à la fin de sa carrière.
A l’abri des regards, au fond de cette grotte sous-marine aménagée par la magie et le goût de tous ceux et celles l’ayant précédé, Moira commençait à fatiguer. Sùmaid profitait de ces longues journées pour dormir ou batifoler dans l’eau salée qui les entourait, et l’hydromancienne se sentait donc très seule. L’avantage était que cet isolement la poussait à se plonger corps et âme dans les archives dont elle avait la charge.
Elle s’apprêtait à partir, lorsqu’une missive perdue au milieu de dizaines d’autres documentations attira son attention. Datée du début du siècle dernier, la jeune femme haussa un sourcil en lisant la lettre, rédigée de la main du Mystique des essaims de l’époque. La missive informait seulement que le responsable des abeilles acceptait de transmettre l’information demandée.
Le manque d’explication et de contexte avait intrigué la jeune femme, qui avait par la suite trouvées d’autres documents similaires. Elle n’avait vu passer aucune mention d’échange de messages par le biais d’un autre Coven – le mode opératoire était hautement inhabituel. Pour quelle raison le Gardien des écrits des années 1900 aurait-il choisi de passer par un tiers ? De plus, aucun registre officiel n’avait été rempli.
Tout ce mystère piqua sa curiosité, et l’inquiéta. Jouissant d’une grande autonomie au quotidien, le Gardien des écrits rendait peu de compte de ses activités, finalement. Bien sûr, tout était plus ou moins contrôlé, mais si une telle information avait échappé à la surveillance générale… Cela posait un certain nombre de questions : qui était le destinataire des messages, quelle avait été la teneur des échanges, et pourquoi passer par ce moyen détourné ? La collaboration entre Coven n’était certes pas interdite – au contraire, parfois – mais tout cela était trop inhabituel à son goût.
Avec un peu de chance, il ne s’agissait de rien du tout, et elle s’en faisait pour rien. Mais elle aurait été bien négligente de ne pas vérifier qu’aucune information confidentielle du Coven n’ait fuité.
L’incident ayant eut lieu si longtemps auparavant, elle doutait que le vieil Eoghan en sache beaucoup plus, mais peut-être avait-il eu vent de cette histoire…
Une fois chez elle, Moira avait ainsi pris la plume pour lui demander une entrevue dès que possible, seul à seul. Elle y avait apposé le sceau familial, ainsi que celui de son office.
La jeune femme n’avait rien contre le vieillard que sa famille fréquentait depuis des années, mais ses manières rustres et parfois malicieuses la mettait mal à l’aise. D’autant plus que la dernière fois qu’elle l’avait aperçu, elle sortait littéralement du lit de son apprenti…
Dans un soupir, Moira envoya la lettre. Haesik faisait parfois irruption dans ses pensées bien rangées, et la honte qu’elle ressentait à chaque fois qu’elle se souvenait de cette soirée la rendait rouge tomate. Elle s’apprêtait déjà à subir les quolibets de son enseignant, mais cela serait toujours moins gênant que le revoir lui…
***
Le jour du rendez-vous avait été fixé. Après un long trajet au volant de sa berline, Moira arriva devant le territoire des amis des abeilles. Professionnelle, elle s’était vêtue d’un tailleur bleu marine élégant et strict. Ses cheveux étaient soigneusement plaqués en une queue de cheval tirée à l’extrême. Seule fantaisie accordée : son rouge à lèvres pétant pour rehausser le tout.
Elle espérait sincèrement que le vieillard aurait des réponses à ses questions. Elle se doutait que la recherche d’informations pourrait durer un moment, surtout son interlocuteur se montrait peu coopératif. Pour l’heure, afin de n’inquiéter personne, l’affaire devait rester entre eux. Bien qu’adepte du mensonge, Moira n’aimait pas se trouver dans ce genre de situation.
Elle détestait ne pas se sentir en contrôle d’absolument tout.
Saisissant le bocal en bandoulière de Sùmaid, Moira s’extirpa de la voiture pour se diriger vers le local où Eoghan lui avait promis qu’il l’attendrait. Consciente qu’elle risquait de se trouver en terrain difficile si elle devait approcher des reines des lieux, la jeune femme avait eu la bonne idée de revêtir des bottines légères pour ne ralentir personne.
Son tailleur lui tenait un peu trop chaud, elle était bien contente de se trouver en débardeur léger sous sa veste, qu’elle comptait retirer une fois les introductions faites.
Après avoir toqué à la porte, Moira prit quelques instants pour examiner son environnement. Elle avait passé tellement d’heure sous l’eau ces derniers temps, elle en avait presque oublié la sensation de se trouver en pleine nature.
Sa contemplation arriva à son terme quand la porte commença à s’ouvrir, et Moira plaça légèrement sa tête en arrière, menton relevé dans une moue suffisante qui était son apparence par défaut.
Cet air disparu immédiatement alors qu’elle se décomposait en écarquillant les yeux.
Moira ??
Elle n'en croyait pas ses yeux, mais il s'agissait bien de lui. Rhee Haesik, vêtu d'une chemise qui lui donnait un air plus distingué que ses pulls et autre t-shirt. Haesik, qui avait visiblement fait des efforts pour s'apprêter, et qui avait l'air aussi surpris qu'elle qu'ils se croisent de nouveau.
Qu’est-ce qu’il faisait là ?! Elle avait bien précisé à Eoghan qu’elle voulait le voir seul à seul ! Le vieux avait même approuvé, en lui assurant que tout serait fait selon sa volonté. Elle s’était montrée très cordiale, concise et surtout : claire. Elle ne pouvait pas se permettre de recroiser le coréen depuis leur dernière interaction.
Alors, pourquoi l’apprenti se trouvait-il devant elle ?!
A moins que…
Moira se souvint avec effroi des paroles précises du fossile vivant – le Mystique des essaims attendra dans le local.
Que lui avait dit Haesik dix ans auparavant ? Qu’il souhaitait reprendre cette activité, s’il travaillait assez dur et qu’on le lui permettait ?...
Dix ans, et il était déjà employé à ce service. Si ses études duraient aussi longtemps que les siennes, cela voulait dire que…
Oh non.
Elle allait tuer quelqu’un.
- Bonjour, Haesik ! chantonna Sùmaid dans son bocal, visiblement ravi. Moira lui jeta un regard noir.
Dans une tentative désespérée, Moira reprit son air hautain, qui dissimulait ainsi la nervosité qu’elle ressentait à l’idée de passer des heures en la compagnie de sa vieille connaissance.
-
Quand il lui confirma qu’il s’agissait bien de lui, Moira ne put que croiser les bras pour ne pas se frapper son propre front de dépit.
Elle qui détestait la perte de contrôle, elle était servie…
Tout au fond d’elle, elle éprouva une pointe de fierté malvenue, au milieu de sa panique. Il y était parvenu. Il avait réussi à se hisser à la position qu’il convoitait tout ce temps auparavant. Moira lui avait dit qu’elle ne doutait pas de son succès, à l’époque. Elle était satisfaite de ne pas s’être trompée.
Au moins l’un d’eux avait respecté sa promesse d’enfant.
Cela lui rappela la jeune adolescente un peu rêveuse qui aspirait à une vie d'aventure, et qu'elle avait abandonné presque immédiatement.
Elle secoua rageusement la tête. Haesik avait le chic pour lui remémorer des détails désagréables.
Mais le moment était mal choisi pour la nostalgie, et la jeune Gardienne entra dans le local, notant avec un froncement de nez le désordre environnant. Trop polie pour faire la réflexion, elle demeura légèrement dédaigneuse et clairement sur la défensive.
-
Elle avait la furieuse envie de déguerpir, mais son sens des responsabilités la rattrapa. Elle n’avait pas fait tout ce chemin pour rien, et elle devait au moins essayer d’avoir le fin mot de l’histoire.
A regret, elle présenta sa main d’un mouvement raide.
-
Moira se savait un peu ridicule d’établir autant de distance entre eux, mais que pouvait-elle faire d’autres ? Leurs positions respectives la couvraient un peu et pouvait expliquer ce besoin de sérieux qu’il fallait instaurer. Le fait qu’ils se connaissaient déjà, et que leurs rares rencontres avaient toutes deux étaient plus qu’embarrassantes n’arrangeait rien. Elle n'avait envoyé aucun autre message depuis qu'ils avaient échangé leurs numéros, et elle espérait désormais qu'il ne le lui reproche pas son ingratitude.
Qu'était-elle censée faire d'autre ?!
La cordialité totale devait donc être de mise. Il s'agissait d'un rendez-vous professionnel, rien de plus...
La jeune femme se résigna également à garder sa veste. Hors de question de montrer un centimètre de peau, désormais…
Pourquoi elle, vraiment ?...
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Fin Août 2022
ft. Haesik et Moïra
L’expression suffisante de Moira avait poussé Haesik à froncer légèrement les sourcils. Il ne s’attendait pas à de chaleureuses embrassades car, après tout, ils n’étaient que des inconnus que le destin avait conduit l’un à l’autre deux fois en dix ans d’intervalle, mais il avait espéré un tout petit peu plus de sympathie de sa part au vu des récents évènements.
Ses bras s’étaient croisés sur sa poitrine au moment où elle lui avait fait comprendre qu’elle n’envisageait pas du tout qu’il puisse être le mystique des essaims. Qu’imaginait-elle ? Qu’il avait supplié le vieil homme pour être celui qui l’accueillerait, pour espérer voler quelques secondes de son temps ?!
- Tu l’as devant toi.
Dalsoon s’était rapprochée de la porte en agitant la queue pour saluer la demoiselle mais son air dédaigneux et la main raide qu’elle avait tendue à son sorcier en le vouvoyant de manière pompeuse l’avaient stoppée dans son élan.
Piquée par le comportement de son interlocutrice, l’asiatique avait serré les doigts présentés sans entrain avant de s’incliner devant elle, bras tendu en face de lui comme pour la gratifier d’un baise main. Il avait perdu cette habitude à force de vivre en Ecosse mais si la jeune femme souhaitait se complaire dans un excès de politesse, il allait jouer le même jeu qu’elle.
- Tout l’honneur est pour moi, Miss Auchincloss. Ce n’est pas tous les jours qu’une personne de votre stature réclame mon humble soutien. Je vous prie de bien vouloir m’excuser pour la vétusté de nos locaux.
Un sourire peu naturel avait ponctué sa prise de parole. Si l’environnement dans lequel elle exerçait ses fonctions était aussi luxueux que le manoir dans lequel elle avait grandi, elle devait se trouver fort dépaysée.
Décontenancée par son comportement inhabituel, la louve l’avait légèrement bousculé en se glissant derrière lui.
* Allons, ne fais pas l’enfant ! Elle a raison, il s’agit d’une rencontre officielle après tout ! *
Qui l’hydromancienne cherchait-elle à berner, en l’absence de public attaché à une quelconque étiquette ?
Peu disposé à écouter le conseil de son familier, pourtant avisé, le jeune homme avait repris, toujours aussi cérémonieux :
- Me direz vous ce qui vous amène ? Je suis à votre service.
Nouvelle courbette forcée, petit sourire servile. Après tout, au vu de son attitude actuelle, rien ne lui garantissait que son interlocutrice l’avait jamais considéré comme autre chose qu’un être inférieur, distrayant, mais insignifiant…
La chaleur environnante, déjà difficilement supportable avant l’arrivée de l’héritière, semblait aller en s'accroissant. S’il avait su comment les choses tourneraient, Haesik se serait définitivement passé de s’infliger le port d’une chemise.
Dalsoon : Tu veux peut-être un verre d’eau avant que vous commenciez ?
Le canidé s’était adressé à Moira avec le naturel qui la caractérisait. Elle avait apprécié sa spontanéité et sa sympathie par le passé et elle peinait à croire qu’elles se soient totalement évaporées, même si de l’eau avait coulé sous les ponts depuis la période où elle avait entraîné son bipède à l’aventure.
* Ne va pas la vexer voyons… une coupe de champagne serait plus adaptée… *
Un léger grognement avait salué cette remarque télépathique.
Le coréen n’avait pas pour habitude de se montrer aussi puéril, ni d’accorder autant d’importance à l’attitude dont faisaient preuve les gens à son égard, ni de perdre son sang-froid, surtout aussi rapidement. Pourquoi était-ce différent cette fois-ci ?
Une part de lui connaissait la réponse, l’autre s'efforçait de l’étouffer. Il l’avait toujours su : rien n’était possible entre eux et cette entrevue en était une nouvelle preuve…
… S’il avait toujours été conscient de la réalité, alors pourquoi le bousculait-elle autant ? Poings légèrement serrés, dans un mouvement discret, il avait attendu que son invitée lui confie les motifs de sa venue ou se décide à faire volte face, priant intérieurement pour que la situation gênante dans laquelle ils s’étaient enlisés ne s’éternise pas…
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Mais évidemment qu'il s'agissait du nouveau Mystique des essaims...
Moira s'en était doutée dès qu'il lui avait ouvert la porte. Le viel Eoghan s'était bien privé de l'informer qu'il avait cessé ses fonctions. Si elle l'avait su, l'hydromancienne aurait au moins pu se préparer mentalement à l'idée de revoir son sauveur de la nuit dernière. D'ailleurs, elle n'aurait certainement pas partagé son projet au vieillard si elle avait eu vent de son changement de poste. Il avait beau avoir exercé sa charge avec un sérieux et une efficacité que nul ne pouvait nier, il n'avait pas à connaître l'objet de sa visite.
Encore, qu'il ait lu sa lettre, passe encore. Après tout, le courrier devait encore arriver sur son bureau, visiblement. Mais qu'il ne l'aie pas redirigée vers le destinataire indiqué et laissée dans l'ignorance, cela était indiscutablement incorrect.
Si seulement elle avait été mise au courant !... Enfin, cela aurait-il véritablement changé la donne ? Quelle que soient ses relations avec le jeune homme, il n'en restait pas moins qu'elle avait besoin de réponse concernant ces mystérieux échanges d'un autre temps.
Mais elle n'aurait sans doute pas réagi de la même manière. En apprenant qu'elle s'apprêtait à revoir Haesik, Moira se serait certainement morfondue sur elle-même pendant les jours ayant précédés la rencontre, tournant dans le lit le soir. La pensée de se retrouver de nouveau devant celui qui l'avait vue alcoolisée au-delà de tout espoir de salut était suffisamment humiliant, ne manquait plus que sa gêne intense face à l'effet qu'il provoquait chez elle.
Celui là même qui l'avait saisie lorsqu'il avait ouvert la porte. Son visage d'ange l'avait heurtée comme un coup de poing. En revenant à elle le lendemain de sa soirée de beuverie, Moira n'avait pu que se remettre en tête les changements physiques impressionnants s'étant opérés chez le coréen. Le fait est que ces airs sans défaut remuaient son estomac, et elle parvenait à grand peine à se convaincre qu'il s'agissait simplement d'une admiration purement plastique.
Maintenant qu'elle voyait net, en pleine possession de ses moyens, il était d'autant plus difficile de se conter cette jolie fable.
Voilà autre chose qu'un avertissement aurait pu éviter. Moira aurait ainsi été capable de se montrer impassible devant ces traits fins, cacher ce trouble qui n'avait aucune chance d'échapper à Sùmaid. Celui-ci l'observait d'un air curieux, puis ravi. Il chercha aussitôt le regard de Dalsoon, tentant de voir si les mimiques indéniables mais difficiles à déchiffrer de son humaine avaient été comprises par la louve.
Dernier élément que la Gardienne des écrits aurait souhaité anticiper : ses manières stupides. Prise au dépourvu et soucieuse de garder la tête haute, elle s'était réfugiée derrière ses habitudes mesquines qui l'avaient protégées tant de fois. Elle regretta presque instantanément sa grande froideur – mais à y réfléchir, qu'était-elle censée faire d'autre ? La cordialité avait paru être la meilleure approche sur le moment. Elle avait tenu à féliciter ce compagnon lointain à sa manière, sans paraître trop familière. Montrer du respect et éviter les écueils dangereux.
Visiblement, son interlocuteur n'était pas de son avis.
Haesik, qui restait dans ses souvenirs un garçon timide et charmant, s'était renfrogné d'un coup. Elle était tellement occupée à fixer son visage crispé qu'elle remarqua presque au dernier moment sa main serrer la sienne. Le léger courant qu'elle ressentit fut si bref qu'elle crut le rêver, d'autant plus qu'il semblait ne pas l'avoir perçu.
Tout cela fut bientôt sans importance, puisque le zoomancien choisit de s'incliner devant elle. La jeune femme fut ramenée à des années en arrière, lorsqu'elle l'avait incité à ne pas agir de la sorte, au risque d'essuyer des railleries qu'elle voulait lui éviter. Surprise par le mouvement, Moira resta simplement interdite devant le geste inattendu, droite comme un piquet. Bien qu'elle soit à la recherche de la moindre marque d'attention, l'hydromancienne se trouvait extrêmement gênée par cet élan de politesse excessif. Se rappelant que cela était courant dans les coutumes d'origine d'Haesik, elle se retint de tout commentaire.
Le doute sur les intentions du jeune homme fut levé par ses prochaines paroles. Sa voix plus mielleuse que l’œuvre de ses protégées, ses manières exagérées, ses paroles railleuses...
Il se payait sa tête ?!
Moira resta bouche bée quelques secondes, avant de sentir sa mâchoire se contracter et son pouls pulser dans sa gorge.
A quoi jouait-il ? Il semblait mimer ses bonnes manières – non, les ridiculiser – dans un écho grotesque de sa propre cordialité.
Cela fut aussitôt confirmé par une nouvelle courbette et un ton faussement aimable qui lui firent bouillir le sang.
Son sourire qu'elle aurait pu trouver adorable était si tordu qu'il lui donnait envie de grimacer, et la bourgeoise grinça des dents. Elle avait simplement souhaité se montrer respectueuse – certes maladroitement. Bon... elle réalisait bien que sa mine hautaine avait dû créer une dissonance malvenue, mais à quoi s'attendait-il ?
Ils étaient une relation de travail des plus officielles, et elle était telle qu'elle se présentait au monde : une petite peste prétentieuse, et cela était sa marque de fabrique. Elle lui avait parlé le plus naturellement du monde – dans son monde guindé.
Et aussi dans une volonté de distance bienvenue.
Mais il avait décidé de la singer, d'ouvertement la provoquer. Et elle trouvait cela tout simplement impardonnable.
Ils étaient vraiment en train de jouer à cela ? Parfait.
Sa voix était froide, toujours polie mais incisive. Elle fixait Haesik du côté le plus glacial de ses yeux verts. Moira espérait dans un coin de sa tête que la louve ne prenne pas sa sécheresse pour elle. Contrairement à son sorcier, Moira ne voyait aucune raison d'être désagréable avec le familier.
La jeune femme prit tout son temps – vraiment tout son temps – pour glisser sa main dans son sac, faire mine de chercher l'objet de sa venue, d'extraire centimètres par centimètres la lettre roulée sur elle-même, d'en ôter le ruban,
dérouler très lentement le papier,
Puis enfin d'avancer et le tenir du bout des doigts, ouvert, pour qu'Haesik puisse en prendre connaissance.
Lorsqu'Haesik eut saisi le document pour l'étudier, Moira le lâcha aussitôt, comme brûlée au vif. Ce n'était pas tout à fait faux, le coréen l'avait atrocement piquée dans son orgueil.
Le beau visage de l'écossaise s'était considérablement fermé, mais elle mit ses années de pratique à contribution en lui adressant un sourire de convenance.
Bras croisés, elle recula et fit mine d'observer la pièce au fil de ses pas. Elle fut tentée de rebondir sur sa remarque sur leurs locaux, mais elle ne se sentait pas – encore – assez d'humeur pour être si mauvaise.
En revanche, elle était tout à fait disposée à l'être envers son imitateur.
Cependant, elle était là pour des raisons officielles. Aussi se radoucit-elle l'espace d'un instant, la situation était trop sérieuse pour qu'elle se permettre une trop grande moquerie.
Songeuse, elle ajouta en regardant par la fenêtre :
Moira se doutait que les autres Coven ne conservaient pas des archives aussi fournies que celles des hydromanciens. La correspondance était trop ancienne et en apparence trop insignifiante pour avoir fait l'objet de beaucoup d'études.
Mais la perspective de passer à côté de quelque chose tiraillait sa nature perfectionniste. Cela ne l'empêchait pas de déjà dédouaner son partenaire – cela n'était pas de sa faute si l'ancien Gardien avait commis des erreurs.
Sauf que Moira se souvint soudain que le partenaire en question était Haesik, et un nouveau sourire lui vint. Comme il était sincère cette fois, Sùmaid prit aussitôt peur et tapota le bocal avec sa tête contre la hanche de sa liée, dans un espoir de la contenir.
Bien conscient des émotions qui animaient Moira et qu'elle-même semblait ignorer, l'hippocampe détestait la voir se comporter comme une enfant et ainsi potentiellement ruiner l'espoir d'un «peut-être » juste à portée...
Il se donna cette peine pour rien.
Elle porta un main à son cœur, faussement émue, le sourire narquois.
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Fin Août 2022
ft. Haesik et Moïra
Haesik avait dû retenir une grimace lorsque Moira avait refusé la boisson proposée par Dalsoon en soulignant l’impolitesse dont il avait fait preuve à son égard en ne lui proposant pas de se désaltérer avant son familier.
- Milles excuses, madame, je ne voulais pas vous détourner de vos objectifs professionnels avec une demande aussi insignifiante.
Dépitée par la tournure que prenaient les événements, la louve avait échangé un regard entendu avec l’hippocampe avant d’aller s’installer sur un vieux canapé, disposé non loin de là, signalant ainsi à son bipède que puisqu’il s’échinait à ignorer ses conseils, il terminerait son entrevue en s’en passant.
Un soupir plus tard, le jeune homme posait ses yeux en amande sur un parchemin que la gardienne des écrits avait laborieusement extirpé de son sac à main. La missive semblait avoir été écrite à la plume et, au vu des courbes des lettres, de la tournure des phrases et du soin apporté à l’ensemble, probablement par un individu de sexe féminin.
La gardienne des écrits de l’époque donc.
Tout occupé qu’il était à étudier le document et à maudire silencieusement le fait que l’ordre de succession des mystiques des essaims ne lui avait jamais vraiment été enseigné, l’asiatique n’avait pas réagi aux nouvelles provocations de son invitée.
Une abeille, qui était jusqu’alors posée sur l’une des nombreuses fleurs abritées par son “bureau”, avait eu tôt fait de la rejoindre et, placée en vol stationnaire contre sa joue, avait écouté avec attention les quelques mots qu’il lui avait murmuré avant de disparaître par une fenêtre ouverte.
- N’ayez crainte. Vous semblez en douter, mais je suis plein de ressources.
Une poignée de minutes plus tard, sa messagère refaisait son apparition, suivie par une congénère, puis une seconde, puis des dizaines, qui étaient progressivement venues se positionner autour d’eux.
Certaines, curieuses, effleuraient l’hydromancienne au passage, pour capturer sa fragrance et deviner le lien qui l’unissait à leur guide. Ayant constaté que cela la déstabilisait quelque peu, Haesik s’était permis une nouvelle petite pique, déguisée en conseil de sécurité.
- Gardez votre calme, elles sont très sensibles aux émotions négatives…
Jamais il n’aurait souhaité que ses petites protégées s’en prennent à l'Écossaise, ni ne lui provoquent une angoisse réelle, aussi n’était-il pas allé plus loin et avait-il demandé télépathiquement aux insectes de se masser plutôt de son côté, pour assurer son confort.
Littéralement auréolé des minuscules ouvrières noires et jaunes, le zoomancien avait fini par commencer son enquête.
La suite des événements s’était majoritairement résumée à un mélange étonnamment bruyant de murmures et de bourdonnements épars. Bien que l’idée de détenir une information que son interlocutrice ignorait était plutôt séduisante pour le coréen, il s’était refusé à en faire de la rétention, son désir de lui prouver qu’il était un homme capable étant plus fort que celui de voir l’une de ses adorables moues de frustration s’afficher sur son visage pâle.
- La mystique des essaims de l’époque était une femme. Morag Brown.
Il avait laissé les butineuses terminer de rassembler leurs souvenirs, qu’elles se transmettaient de génération en génération, avant de reprendre, sourcils légèrement froncés :
- Aucun événement notable survenu en 1916 ne ressort de notre échange. Aucun, à part la disparition soudaine et inexpliquée de miss Brown, en décembre de la même année.
Le parchemin était daté de Mars. Quelle était donc la mystérieuse information qu’il évoquait ?
Bien conscient du travail titanesque qu’elles avaient à accomplir, Haesik avait remercié ses collaboratrices, qui avaient pris congé, non sans avoir virevolté autour d’eux avec une excitation quelque peu inhabituelle.
Aucune créature, outre les deux sorciers, n’était dupe quant à ce qui se jouait réellement entre eux…
- Si vous souhaitez avoir une chance d’en découvrir un peu plus au sujet de cette affaire, nous allons devoir aller consulter les archives.
Cette idée ne le ravissait pas plus qu’elle ravirait Moira lorsqu’elle devrait se glisser, toute pomponnée, dans le vieil escalier en colimaçon qui menait à la cave poussiéreuse où se trouvaient lesdits documents.
Lui évitait ce lieu confiné autant que possible car il ravivait sa claustrophobie, douloureusement acquise durant son adolescence. Hors de question de se dégonfler devant l’hydromancienne, cependant.
Après lui avoir fait signe de le suivre, il lui avait fait traverser tout le local puis, il avait déverrouillé la première des deux lourdes portes en chêne qui menaient à la mémoire des mystiques des essaims.
- Je vais passer devant. Mais peut-être préférez vous que je descende seul ? Cela m’ennuie de risquer votre toilette…
Dernière petite provocation, pour la route. Sa proposition partait pourtant d’un authentique bon sentiment, à l’origine…
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Moira était parvenue à garder son air suffisant depuis le début de leur entrevue, mais celui-ci disparut aussitôt qu'elle remarqua la petite abeille se baladant près du Mystique des essaims. Désireuse de garder la tête haute, elle observa de loin et avec un intérêt dissimulé l’interaction entre l'animal et son protecteur. Tête penchée, l'hydromancienne fronça les sourcils en voyant les lèvres de son interlocuteur s'animer pour échanger avec la petite créature, captivée par cette conversation à voix basse qui la dépassait.
Quelques instants plus tard, l'abeille avait filé à travers la fenêtre, et le zoomancien ne daigna pas lui accorder plus d'explications, à part affirmer qu'il avait plus d'une corde à son arc. Dubitative, la jeune femme garda les bras croisés en haussant un sourcil, sans rebondir dessus. Le silence qui suivit pendant quelques minutes fut aussi lourd que l'air d'été, mais elle n'osait pas le questionner, de peur de démontrer une impatience malvenue. Elle se doutait bien que la conversation à laquelle elle avait assisté était liée à leur affaire, mais elle avait vu ce que cela donnait de démontrer trop d'intérêt au coréen.
Agacée, Moira envisagea même de rejoindre Dalsoon sur le canapé, aussi ancien soit-il. Elle se ravisa cependant. Si la brune trouvait la louve très attachante, lui offrir de l'attention alors que son lié l'irritait au plus haut point serait contre-productif. Elle se résigna ainsi à rester debout, à se demander ce qu'Haesik lui réservait.
Elle n'eut pas à attendre longtemps, puisque bientôt, une nuée d'abeilles se dirigea vers elle. La jeune femme écarquilla les yeux, de surprise puis d'horreur. Elle cacha son trouble aussi vite que possible, avant de déglutir difficilement lorsque plusieurs petits insectes vinrent la frôler. Elle l'ignorait, mais elles étaient irrémédiablement attirées par ce lien diffus qu'elles percevaient émaner de Moira vers leur ami.
Et aussi entre autre, car la brune s'était figée à l'approche de ce petit essaim.
L'hydromancienne n'avait rien contre les abeilles. Au contraire, elle trouvait ces petites choses fascinantes. Travailleuses, complexes et indispensables, elles éveillaient une profonde sympathie chez l'écossaise. Pourtant, elle resta le plus immobile possible à leur approche. Le bruit assourdissant qu'elles créaient ne lui posait presque aucun problème, et leur nature pacifique ne lui donnait aucune raison de les craindre...
Si ce n'était qu'elle était terriblement allergique aux abeilles.
Moira avait découvert ce fait toute petite, après avoir marché par inadvertance sur un de ces insectes striés de noir mourant et tombé au sol. Fort heureusement, l'infection avait été traitée par sa mère presque immédiatement, mais le souvenir de la douleur aiguë qu'elle avait ressentir, des rougeurs et des gonflements l'avait rendue précautionneuse.
Soucieuse de ne rien laisser paraître de sa crainte, elle demeurait simplement statue dans l'atelier, sans oser parler. Si elle restait calme et polie, tout irait bien... Elle n'avait aucune intention de heurter la moindre bête, et elle avait bien conscience que les abeilles non plus n'avaient pas d'intérêt à l'attaquer. Cependant, l'inconfort restait le même. Sùmaid, alerté par sa raideur, l'observait d'un air précautionneux. Lui non plus ne pouvait chasser le vague malaise qui l'avait saisi en voyant autant de ces dangereux êtres pour son humaine approcher.
Si Moira était résolue à ne rien laisser paraître de sa gêne, la pique d'Haesik la poussa à lui adresser un regard noir. Émotion négative, émotion négative -
Elle aurait bien aimé le voir se débattre avec un danger mortel qui tournoyait autour de lui. Encore une fois, elle ne pipa mot de son allergie. Hors de question de se ridiculiser en lui apprenant qu'elle avait besoin du seul zoomancien qui maniait précisément ce qui pouvait la tuer en un instant.
Son soulagement fut cependant palpable lorsque les abeilles, satisfaites d'avoir eu la confirmation qu'elles recherchaient au sujet de l'hydromancienne, la laissèrent en paix. Maintenant que les insectes se trouvaient loin d'elle, Moira s'autorisa de nouveau à respirer.
Elle put de nouveau se concentrer sur le seul autre humain de la pièce, qui avait probablement appelé ses protégées à lui. Le risque écarté, la Gardienne des écrits dirigea son attention sur la manière dont Haesik œuvrait dans un concert de bourdonnement et d'entente avec ces charges. Dire qu'elle était subjuguée était un faible mot. Alors que les abeilles volaient élégamment autour de lui et que le coréen les écoutait attentivement, visiblement concentré, Moira ressentit une admiration inédite pour cet art nouveau.
Dix ans auparavant, Haesik l'avait éblouie avec sa capacité à se métamorphoser. Aujourd'hui, il lui présentait un pan des pouvoirs de son Coven, qui leur valait parfois tant de railleries. L'harmonie manifeste qui régnait en ces lieux lui plut, et elle se perdit en contemplation de l'échange sans même s'en rendre compte, sous l’œil satisfait de son familier à sa hanche.
Lorsque le jeune homme traduisit les premiers compte-rendus de ses interlocutrices, Moira revint à elle. Dans un raclement de gorge un peu trop appuyé, elle chercha à se concentrer sur le nom qu'il venait de lui donner.
Et d'absolument dissiper le trouble qui l'avait emportée. Elle valait mieux que cela ! Il lui fallait plus qu'un beau visage pour se laisser aller.
Et puis, il était littéralement le gardien de bestioles qui pouvaient la tuer, avait-elle vraiment besoin d'un autre signe qu'elle devait museler les travers qui l'envahissaient ? Ceux-là même que tous les animaux des environs pouvaient comprendre à des kilomètres à la ronde, à son insu ?
Un point de repère. Il lui fallait un point de repère.
Miss Brown.
Reportant toute son attention sur les informations que lui apportait Haesik, Moira hocha la tête pour finir de se remettre les idées en place.
-
Les révélations suivantes lui firent retrousser les lèvres et porter son index à son menton, songeuse. Voilà qui était intéressant...
-
Cela n'augurait rien de bon pour ses recherches, et elle espérait fortement que les deux affaires n'étaient pas liées. Autrement, si un décès présumé devait se placer au milieu d'une histoire d'échange de courrier mystérieux, Moira craignait de plus en plus pour l'intégrité de son Coven.
-
De ce qu'elle savait, l'ancienne Gardienne avait vécu son existence de manière assez classique. Une femme chargée des archives hydromanciennes, avant de laisser la place à un successeur le moment venu...
Moira fut sortie de ses pensées par les abeilles qui vinrent de nouveau voler autour d'eux, et elle ne put réprimer un petit mouvement de recul inquiet, avant de se fustiger pour sa faiblesse. Dans une tentative de sauver sa dignité, elle les suivit du regard. Ignorant le protocole à adopter et espérant se faire pardonner son mouvement peu courtois, elle lâcha -
-
Elle fut tirée de son embarras par l'annonce qu'il fallait se rendre ailleurs pour en découvrir plus. Surprise, Moira hocha vigoureusement la tête, nettement plus enthousiaste.
Prenant le temps de déposer le bocal de Sùmaid sur la table basse près de Dalsoon, elle emboîta le pas à Haesik, prête à se montrer plus enjouée à la perspective de glaner d'autres informations, lorsque son compagnon décida de se montrer une nouvelle fois désagréable.
Certes, elle ne se réjouissait pas à l'idée de salir son tailleurs, mais sa mission était beaucoup plus importante ! Il ne la voyait vraiment que comme une petite mijaurée précieuse ?!
Vexée, Moira laissa échapper un reniflement méprisant.
-
Elle dut cependant reconnaître que les toiles d'araignée et la poussière du trajet l'ennuyaient au plus au point. Sans un mot, elle épousseta plusieurs fois ses épaules et vérifia sa queue de cheval régulièrement pendant leur descente.
Une fois en bas, Moira se mit aussitôt au travail. Elle ignora royalement la hauteur basse du plafond, l'atmosphère humide et sombre. Elle ne pensait qu'à trouver des réponses à ses questions. Dans le même temps, elle passait ses journées dans l'obscurité relative d'une caverne – certes immense – mais isolée et aux ruissellements constants. Cette cave n'avait rien pour l'effrayer, si ce n'était les éventuelles tâches grises sur le bleu de sa tenue.
Formée par des années de pratique, elle tenta de trouver une étagère correspondant à l'année qu'elle cherchait... avant de comprendre que cela serait peut-être plus ardu que prévu.
-
Elle était sincèrement curieuse de connaître les autres méthodes de stockage que celles qu'elle utilisait au quotidien. Par ailleurs, elle ne se sentait pas assez impolie pour fourrer son nez dans les biens d'un autre Coven aussi éhontément.
-
Sans attendre la réponse, elle sortit deux gants blancs qu'elle gardait toujours au cas où dans son sac en levant les yeux au ciel.
Ils venaient de trouver une piste potentiellement exploitable, lorsqu'un lourd *BONG* se fit entendre.
Après un sursaut, Moira porta un regard en coin à Haesik, légèrement inquiète.
-
Un regard vers l'entrée de la cave lui apprit que le crochet qui retenait la porte venait de céder, provoquant le claquement bruyant de la grille.
Dans une volonté de rester calme et raisonnable, elle questionna du bout des lèvres tout en fixant l'entrée désormais condamnée :
-
Un regard rapide vers Haesik lui apporta sa réponse.
Levant les bras avant de les laisser retomber contre le long de son corps, Moira soupira longuement.
-
Elle commençait à se lancer dans une litanie de complainte, avant de regarder de nouveau son compagnon, et s'interrompre soudainement.
-
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Fin Août 2022
ft. Haesik et Moïra
Les abeilles étaient restées vagues quant aux circonstances de la disparition de Morag, mais leur discours était teinté d’amertume, signe qu’elle avait probablement été soudaine.
Qu’avait-il bien pu pousser une mystique des essaims à rompre un lien aussi privilégié avec ces créatures, sans même un au revoir ?
Pour le découvrir, Haesik avait descendu les escaliers en colimaçon avant Moira, galanterie oblige, même si son attitude du jour l’irritait et, une fois en bas, il avait pris une grande inspiration avant de se saisir d'un carton, plein des archives du siècle dernier.
Un petit sourire amusé était né sur ses lèvres lorsque l’hydromancienne lui avait demandé s’ils avaient une méthode de rangement particulière. Lorsqu’il avait pris son poste, il était à peine possible de mettre un pied devant l’autre dans la cave tant elle était encombrée. Eoghan et sa délicatesse innée y étaient probablement pour quelque chose.
Armé de tout son courage et sa patience, il s’était appliqué à remettre un peu d’ordre dans les documents mais la tâche, titanesque, et compliquée par sa phobie, n’était pas terminée.
- J’ai bien peur que vous soyez tombée au sein d’un coven particulièrement rustique. Je peux toutefois vous indiquer que les archives concernant la période 1910-1920 sont dans ce coin, sous l’escalier.
Tout en parcourant les documents, il observait la demoiselle du coin de soleil, fasciné par les expressions de son visage, qui lui permettaient de penser à autre chose qu’à l’atmosphère pesante, dans tous les sens du terme, qui régnait autour d’eux.
Il avait sursauté en même temps que son invitée lorsqu’un bruit retentissant l’avait abruptement tiré de sa pile de documents et son coeur avait manqué un battement au moment où il avait remarqué que la lourde porte qui les séparait de la sortie venait de se refermer.
Non non. Non non non… Pas ça, pas maintenant.
Sans même prendre le temps de répondre à la question de la gardienne des écrits au sujet de la clé - car son regard dépité parlait pour lui - il s’était dirigé vers la lourde planche de chêne qui les maintenait prisonniers pour tenter de libérer le passage, mais en vain. Même doté d’une force surhumaine, empruntée à un animal bien plus puissant que lui, il ne pourrait pas la faire bouger d’un iota, manquant cruellement de prise pour la tirer dans sa direction.
Tirer, oui, car, puisque visiblement, les zoomanciens aimaient l’originalité, elle avait été montée à l’envers….
Une goutte de sueur avait roulé le long de sa colonne vertébrale, lui rappelant à quel point la chaleur était harassante à l’intérieur du local. Fébrile, il avait déboutonné le col de sa chemise pour tenter de prendre une grande inspiration, voire de bailler, dans l’idéal, mais l’air était resté désespérément bloqué au niveau de sa gorge.
La sensation d'oppression qui était née à l’intérieur de sa poitrine en réaction à cette difficulté à emmagasiner de l’oxygène avait brusquement fait remonter dans sa mémoire un souvenir de la dernière année qu’il avait passée en Corée.
Ne supportant plus d’être pris à parti quotidiennement par ses camarades de l’académie, il avait commencé à se rebiffer. A répondre. A vouloir déconstruire leurs préjugés. A jurer qu’il était différent de ce père parjure auquel ils l’identifiaient injustement.
Bien mal lui en avait pris… Un vendredi soir, une heure environ après le dernier cours de la journée, il avait repris connaissance à l’intérieur d’un conteneur métallique, dont le couvercle était solidement scellé. Bloqué sur le dos, étant confiné dans un espace trop réduit pour faire quoi que ce soit d’autre, il avait martelé la surface qui se trouvait devant lui de toutes ses forces en appelant à l’aide, jusqu’à en faire saigner la jointure de ses mains, mais ses forces et sa voix s’étaient épuisées avant qu’il ait reçu le moindre soutien.
Le désespoir avait alors succédé à la colère et la peur aux larmes qui avaient ruisselé sur son visage, une peur viscérale, qui ressortirait chaque fois qu’il se retrouverait désormais dans un espace trop restreint.
Il avait cru mourir, ce jour là, lorsque ses réserves d’oxygène s’étaient amoindries, le laissant affronter son triste sort, seul, suffoquant et apeuré mais, comme toujours, Dalsoon avait fini par apparaître pour lui sauver la mise.
Le bruit des grandes pattes griffues de son familier, de l’autre côté de la porte, l’avait ramené dans le présent.
Dalsoon : Je suis là. Je cours chercher le vieil homme, d’accord ? Ça ne sera pas long…
Désireux de conserver un minimum de dignité, Haesik avait pris le temps d’éponger son front avec sa manche avant de se retourner vers sa compagne d’infortune, qui avait prononcé son nom.
- … ça va aller. Continuons nos recherches en attendant…
Afin de dissimuler son mal être le plus efficacement possible, il lui avait tourné le dos pour s’accroupir de nouveau devant la pile de parchemins qui attendaient toujours d’être étudiés.Sa poitrine se soulevait sporadiquement sous l’effet du stress mais, à présent que ses yeux en amande fuyaient ceux de l'écossaise, rien d’autre n’était en mesure de le trahir.
Rien, à part peut-être ses mains légèrement tremblantes et le fait qu’il n’avait pu se contraindre à conserver cette position qui compressait davantage sa cage thoracique qu’une poignée de minutes.
Aussi silencieux que possible, bien que son souffle soit difficile à discipliner, il s’était alors approché du seul minuscule soupirail qui aérait la pièce et en avait rapproché son visage. Malheureusement, l’ouverture avait été grillagée de telle façon qu’aucune créature, même le plus minuscule des insectes, ne puisse s’y introduire, pour des questions de préservation des archives…
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Moira n'était peut-être pas la plus perspicace des compagnes, mais elle n'était pas aveugle. Et privé de sa vue il aurait fallut être pour manquer la détresse évidente du zoomancien à ses côtés. Dès que la porte s'était refermée sur eux, la jeune femme avait observé Haesik se jeter littéralement sur cette fichue grille, et tenter d'en forcer l'ouverture.
Restée en retrait, l'hydromancienne n'avait pu manquer les gouttes perlant soudainement sur la peau de son guide, ni sa nervosité palpable. Le bruit des pattes de Dalsoon, et le ton rassurant qu'elle avait employé avec son humain avaient achevé de confirmer les doutes de la brune : Haesik était tout sauf à l'aise dans cette cave.
Moira devait bien admettre que les conditions n'étaient pas idéales. La température déjà élevée en haut des escaliers transformait leur refuge d'infortune en prison suffocante. La poussière environnante et l'obscurité rendait le tout inhospitalier au possible. D'autant plus qu'elle ne pouvait imaginer le jeune Mystique des essaims particulièrement ravi de se retrouver piégé ainsi en sa compagnie.
Mais les signes de son corps ne trompaient pas, et démontraient bien plus qu'un inconfort passager. Malgré ses tentatives de se comporter aussi normalement que possible, Moira n'était pas dupe. Elle l'avait rejoint, accroupie au sol pour parcourir les documents qu'il avait déniché, mais elle était bien plus intéressée par l'observation discrète de son accompagnateur que par le contenu des archives.
Peu au fait des peurs d'autrui, elle avait tout de même entendu parler de la claustrophobie. Elle admirait sa retenue, quelque part. Cependant, cela était bien inutile lorsqu'il présentait si clairement des signes de son mal-être. Notamment lorsqu'il s'éloigna pour se rapprocher du ridicule soupirail près d'eux.
Malgré elle, Moira sentit une inquiétude indéniable la saisir. Loin d'être aussi insensible que l'on voulait bien le dire, la jeune femme n'éprouvait aucun plaisir à assister à la déchéance silencieuse de sa connaissance. Elle pouvait mettre cela sur le compte de la reconnaissance qu'elle conservait pour son sauvetage de la dernière fois, ou encore du fait de ce moment de complicité échangé dix ans auparavant.
Le fait demeurait qu'elle approcha de lui, sans trop savoir que faire. Il restait cependant hors de question de rester sans agir alors qu'Haesik luttait visiblement pour garder son calme, l'apparence du contrôle et les éléments.
Son regard s'arrêta quelques instants sur le bout de peau dévoilé par sa chemise entrouverte, et elle détourna aussitôt les yeux. Le jeune homme essayait visiblement de respirer, ce n'était certainement pas le moment de se rincer l’œil.
Désireuse de respecter l'honneur du zoomancien mais tout aussi soucieuse de le soulager, Moira émit un soupir pour gagner du temps. Imitant son compagnon, elle retira sa veste de tailleur pour la plier et la poser dans le coin le moins poussiéreux de la pièce, révélant la peau de ses épaules et ses bras. Elle devait avouer qu'elle se sentait mieux ainsi.
Moira était tentée d'inciter Haesik à respirer, mais elle trouva cette idée stupide au moment même où elle effleura son esprit. C'était le pire conseil que l'on pouvait donner à quiconque : personne n'oubliait jamais de respirer, ils le faisaient juste mal dans les instants critiques.
Mais que faire d'autre ?
Hésitante, Moira approcha de nouveau du coréen en difficulté. Après avoir débattu quelques instants avec elle même, elle finit par retirer ses gants pour les placer dans sa poche, et poser sa main sur son épaule.
-
Inconsciente d'être revenue à de meilleures manières, Moira concentra l'intensité de ses yeux verts sur le visage transpirant de son aîné. Mue par une véritable sollicitude qui prenait la préséance sur ses recherches – pourtant priorité absolue - l'hydromancienne décida d'employer les grands moyens.
Usant discrètement de ses pouvoirs, elle porta son attention sur l'eau découlant du sommet du crâne du coréen, et la força à rester à sa place pour ne pas incommoder le jeune homme. Elle ne toucha pas à ce qui parcourait déjà son cou, sa nuque et son torse, mais cela allait au moins l'empêcher de se transformer en fontaine d'ici à ce qu'ils soient remontés. L'action était minime, et Haesik se demanderait sûrement ce qui avait mis ses cheveux dans cet état plus tard, mais c'était déjà cela. Imperceptible et efficace, voilà comment elle aimait intervenir.
Ce petit geste fait, elle se concentra sur une tâche nettement plus importante. Fermant brièvement les yeux, elle essaya de percevoir dans cette marée sombre qu'était le tourbillon humain cette angoisse qui semblait l'étreindre. Elle la découvrit en vagues tenaces et sans relâches, résistibles mais puissantes. Cette frayeur inconnue mais qui transportait Haesik sur des côtes arides, Moira voulait la saisir du bout des doigts. A défaut d'arrêter la tempête, elle pouvait au moins l'apaiser.
Sous l'impulsion de ses talents, elle transforme cette phase désagréable en un retournement de cycle. Elle imagina ces vagues bulles diffuses, toujours présentes mais remontant plus lentement à la surface.
Elle espérait que son action apporterait un peu de répit à Haesik le temps que la situation ne soit réglée.
Faisant mine de saisir un nouveau dossier qui avait l'air assez peu important pour être manipulé sans gants et de le lire en tournant les pages du bout de l'ongle, elle alterna les petits coups d'yeux en sa direction et les lignes qu'elle ignorait royalement.
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Elle agita ensuite les mains, dégoûtée par les tâches grises s'accumulant sur sa peau. Elle ne put réprimer un nouvel air méprisant dirigé vers la poussière.
En attendant, Moira espérait qu'en distrayant suffisamment longtemps Haesik, celui-ci pourrait rester plus ou moins tranquille jusqu'à l'arrivée du vieux et de sa satanée clé.
Son train de pensée fut interrompue par son éternuement de souris, puis d'un deuxième et d'un troisième.
Elle avait aussitôt lâché le dossier pour ne pas l'endommager, et avait placé ses mains en catastrophes devant son nez. Pris d'une petite série, elle secoua la tête en enchaînant les légers spasmes, le son tout bonnement ridicule. Elle détestait ses éternuements, qu'elle jugeait humiliants au possible. Mais rien de bien étonnant lorsque l'on voyait l'état de la cave...
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Secouant la tête, elle soupira longuement lorsqu'elle put enfin s'exprimer normalement. Le claustrophobe et l'enrhumée, ils faisaient la paire...
Moira adressa un nouveau regard compatissant à son compagnon, ces désagréments vite oubliés. Tout ce qui lui importait était qu'il se sente mieux. Ses yeux posaient cette question silencieuse, qu'elle se retenait de lui soumettre pour épargner sa dignité, mais elle cherchait déjà un nouveau sujet de conversation si cela s'avérait nécessaire.
Le temps, le miel, la situation politique actuelle ? N'importe quoi, tant qu'il se reprenait.
Dans sa volonté d'aider, elle ne remarqua pas que, si elle n'avait plus sa main sur son épaule, ils étaient de nouveau tout proche.
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ft. Haesik et Moïra
Les yeux d'Haesik s'étaient élargis lorsque Moira avait posé sa main sur son épaule. Alors qu’elle n’était encore que mépris et froideur quelques secondes auparavant, voici qu’il la retrouvait comme il l’avait quittée adolescente, prévenante et attentive à son bien-être.
Bien qu’il soit gêné que ce rapprochement infime survienne en de pareilles circonstances, une part de lui l’avait accueilli avec joie.
L'intensité du regard que l'Écossaise avait porté sur lui lui avait fait monter le rouge aux joues mais, par chance, elle ne devait pas l’avoir remarqué, la chaleur et le stress lui ayant déjà donné des couleurs au préalable.
L’espace de quelques instants, il s’était perdu dans le vert de ses iris, en oubliant presque son environnement anxiogène. Son coeur, qu’il sentait pulser vigoureusement dans ses tempes depuis que la porte s’était refermée sur eux, avait lentement retrouvé un rythme plus acceptable.
Finalement, il s’était surpris à imiter la jeune femme lorsqu’elle avait fermé les yeux et, à son grand soulagement, il était parvenu à reprendre de grandes inspirations, qui avaient apporté un confort salutaire à son corps.
L’asiatique n’était pas un spécialiste de la magie des hydromanciens mais, alors même qu’elle n’avait quasiment pas ouvert la bouche, il lui semblait que son invitée l’avait hypnotisé, telle une sirène, pour le détacher de sa peur. Elle n’y était pas parvenue à 100% mais force était de reconnaître qu’il était bien moins angoissé qu’avant son intervention.
Lorsqu’elle avait rompu le contact physique qu’elle exerçait sur son épaule, il avait remarqué qu’elle s’était débarrassée de sa veste de tailleur. Ses yeux en amande s’étaient attardés sur sa peau de porcelaine pendant quelques secondes avant de s’en détourner, rapidement, lorsqu’elle lui avait posé une question si éloignée de leurs recherches qu’elle ne pouvait être destinée qu’à lui changer les idées.
- Les abeilles ont des yeux et des oreilles partout… tu serais étonnée par l’étendue de leurs connaissances… ni elles ni moi n’avons l’occasion de nous ennuyer, mais je pense qu’elles seraient ravies si nous recevions davantage de visites. Ce sont des insectes très sociables…
Lui-même regrettait parfois l’isolement dans lequel le maintenait sa fonction, mais… pourquoi évoquait-il ça avec elle, au fait ??
Les petits éternuements de souris de Moira avaient été un prétexte bienvenu pour changer rapidement de sujet. Ses lèvres s’étaient légèrement étirées en un sourire attendri face au contraste entre ces petits sons délicats et le caractère hautain qu’aimait présenter l’héritière mais, ne souhaitant plus se montrer impoli avec elle, il l’avait dissimulé avec autant d’application qu’il l’avait pu.
- Un technicien de surface ? Dans une cave en terre battue ?
L'écossaise avait définitivement de drôles d’idées.
Il avait été tenté de lui demander qui s’occupait du ménage à l’intérieur de sa grotte mais, sa respiration étant encore assez irrégulière, il avait préféré économiser son souffle.
Pour ne pas risquer de se laisser envahir une fois de plus par son stress, il s’était de nouveau intéressé aux documents qu’ils étaient venu consulter, priant intérieurement pour que Dalsoon et Eoghan les rejoignent dans les plus brefs délais.
Il s’efforçait de déchiffrer un parchemin fortement détérioré par les années, au contenu des plus banals, lorsqu’il avait remarqué que la page semblait se dédoubler.
Foutu pour foutu…
Aussi délicatement que possible, ses doigts fins s’étaient glissés entre les deux feuilles pour les séparer. Point de second texte derrière le premier, mais un détail avait été mis en évidence par cette manipulation…
Se pourrait-il que…?
- Tu as un stylo ?
Une fois en possession de l’objet, il s’était activé sur un coin du parchemin avant, une dizaine de minutes plus tard, de froncer légèrement les sourcils en se relisant.
Il lui semblait être face à face avec un acrostiche, rédigé dans une langue que les Écossais ne pratiquaient plus, mais, puisqu’il ne maîtrisait pas ce dialecte, il n’avait qu’un seul moyen de s’en assurer…
- Est-ce que ça veut dire quelque chose ?
Si oui, ils tenaient peut-être un début de piste…
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A son grand soulagement, Haesik semblait plus détendu qu’au moment où la porte s’était refermée sur eux. Des signes de l’angoisse ne demeurait qu’une rougeur probablement accentuée par la chaleur ambiante, et Moira devait avouer être elle aussi un peu échauffée par l’atmosphère feutrée de cette cave. L’hydromancienne tapota légèrement son cou et sa nuque pour éponger l’humidité qu’elle sentait couler le long de sa chevelure. Elle resserra sa queue de cheval au passage, tout en se concentrant sur les explications du jeune homme.
La brune ne s’y connaissait pas du tout en matière de faune et de flore dès qu’il s’agissait d’êtres au-dessus de la surface. Aussi, entendre un zoomancien évoquer les créatures qu’il fréquentait était un changement bienvenu. La manière dont Haesik parlait de ses protégées laissa Moira pensive. Après avoir assisté à ce à quoi ressemblait une conversation avec les abeilles, elle se demandait ce qu’il pouvait bien tirer de ce bourdonnement incessant qui n’avait aucun sens pour elle.
Que ces créatures ressentent la solitude n’aurait pas dû l’étonner, et pourtant, elle avait du mal à croire que ces demoiselles souffrent d’un quelconque isolement. Considérant qu’elles vivaient en essaim, et qu’elles disposaient de deux protecteurs, elles étaient bien entourées. Les bêtes pouvaient compter les unes sur les autres au quotient - cela ne pouvait certainement pas s’approcher de sa propre mise à l’écart du monde, au fond de sa grotte.
D’autant plus qu’il n’y avait rien à repêcher du genre humain. Elles avaient bien de la chance d’être tombées sur une personne aussi attentionnée que leur gardien actuel. A son humble avis, elles étaient largement assez bien loties.
Mais elle ne verrait certainement pas les choses sous cet angle à leur place, alors Moira se contenta d’écouter et d’hocher la tête.
Bon, en y réfléchissant, elle supposait qu’il devait être désagréable d’être fuies à chaque fois qu’elles tentaient d’approcher un autre être vivant – elle la première. Leurs piqûres inspiraient la peur, et si elles étaient aussi sociables que le disait Haesik, elles le vivaient probablement aussi bien qu’elle, privée de nombre de soirées depuis son intronisation.
La jeune femme finit par se redresser afin de reprendre son travail. Elle était là pour une raison, et converser sur les abeilles avait beau être intéressant, ce n’était ni le lieu ni le moment de s’y attarder. Sa tâche pouvait se révéler de la plus haute importance, et ils avaient déjà perdu trop de temps à palabrer.
Pourtant, elle mit quelques instants à rejoindre son compagnon dans sa recherche des documents. Elle prit d’abord le temps de soigner un peu son orgueil en gardant ses éternuements sous contrôle. Mais ce petit temps fut surtout mis à profit pour observer Haesik, et s’assurer qu’il aille vraiment mieux avant de reprendre leur petite quête. Vu l’état dans lequel leur enfermement l’avait placé, elle préférait autant éviter qu’il se sente de nouveau en difficulté. Moira ne voulait pas qu’il se croit obligé de faire bonne figure et de se plonger dans ces archives poussiéreuses juste parce que cela relevait de ses fonctions.
Les circonstances étaient assez exceptionnelles comme cela. Jamais elle ne demanderait à quiconque de privilégier des lettres à sa santé.
Cependant, le coréen semblait en état de continuer, aussi se plaça-t-elle à ses côtés pour parcourir quelques dossiers. Elle fut rapidement interrompue par sa demande étrange pour un stylo. Moira s’était retenue de lever les yeux au ciel : sa fonction consistait littéralement à gérer des écrits divers et variés. Bien sûr qu’elle avait toujours un stylo sur elle.
C’est sans formuler son agacement qu’elle farfouilla dans son sac pour lui présenter l’objet demandé.
Bien vite, elle revint à de meilleurs sentiments en voyant Haesik s’activer sur une feuille de papier, qu’il sépara en deux sans qu’elle comprenne exactement ce qu’elle voyait. Elle ne put que se rapprocher de lui pour observer ce qu’il fabriquait, jusqu’à ce qu’il ne lui tende sa trouvaille.
Fronçant les sourcils, elle saisit lentement le bout de parchemin, et de porter toute son attention sur le mystérieux texte. Formée pendant des années à la lecture et la traduction de plusieurs langues – mortes comme vivantes – il lui fallait tout de même un certain temps avant de déchiffrer le moindre texte, afin d’éviter les contre sens.
Mais le peu qu’elle pouvait déceler du premier coup d’œil lui fit écarquiller les yeux.
-
Se baissant de nouveau, elle chercha d’une part une feuille presque vide et un des classeurs comme support. Elle présenta la feuille à son compagnon pour la forme.
-
Elle attendit à peine sa réponse pour commencer à rédiger la traduction sur sa feuille, les sourcils froncés et lèvres mordues sous l’effet de la concentration. Elle était désormais dans son élément, c’était ce pourquoi elle avait travaillé d’arrache-pied pendant des lustres. Oubliés, le sol en terre et l’humidité. Penchée en tailleur sur les deux feuilles, stylo grattant le grain de son brouillon, elle était absorbée par sa tâche. Elle n’était pas aidée par l’usure du temps, qui avait fait des ravages sur les lettres écrites d’une main élégante, mais elle avait vu passer suffisamment de textes en mauvais état pour ne pas se laisser décourager.
Se rappelant de temps à autres qu’elle n’était pas seule, elle commentait sans lever la tête.
-
Heureusement pour eux, le gaélique était l’une des langues les moins difficiles à traduire de son répertoire pour des raisons assez évidentes – fierté écossaise entre autres – mais Moira dut s’attarder plusieurs minutes sur certains mots, de plus en plus confuse.
-
Moira tut que l’adresse se trouvait plutôt près de la grotte où se trouvait les archives hydromanciennes, mais d’autres éléments étaient plus troublants.
-
Moira arrivait à la fin de la lettre, puis écarquilla les yeux sur les dernières phrases.
-
Elle tendit sa traduction à Haesilk avant de se masser les tempes du bout des doigts. Visiblement, les deux femmes étaient amies, mais cela n’expliquait pas les missives cachées, la lettre qu’elle avait trouvé dans la grotte, ou la raison pour laquelle les deux sorcières avaient fait autant de secret.
La correspondance sur laquelle elle avait travaillé fixait simplement un rendez-vous, et Dyce donnait autant de nouvelles personnelles sur sa famille que du beau temps. Les appellations affectives à la fin de la lettre étaient étranges, mais pourquoi pas. Rien qui justifiait d’aller aussi loin dans les cachotteries.
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A eux deux, ils finirent par trouver trois autres papiers étranges tels que celui-ci, eux aussi écrits en gaélique. Moira se mit aussitôt au travail.
Elle passa rapidement sur le premier, qui ne contenait vraiment rien d’intéressant, si ce n’était que confirmer que les deux femmes s’entendaient très bien.
Ce qu’elle comprit être un euphémisme en lisant la deuxième lettre. Elle cessa rapidement d’écrire en avançant dans sa lecture, tournant peu à peu au rouge tomate. Moira était loin d’être prude, mais le contenu passionné qu’elle parcourait commençait à la gêner au plus au point.
Se raclant désespérément la gorge, elle parvint à expliquer d’une voix plus ou moins posée :
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Combattant son trouble, elle se força à lire la lettre jusqu’à la fin. Visiblement, Gwenn avait très envie de revoir sa Morag. Les descriptions étaient un peu trop détaillées à son goût, et il était hors de question qu’elles les retranscrivent.
Encore moins qu’elle les détaille à Haesik. La simple pensée de lui lire les intentions des deux femmes suffisait à la rendre un peu plus écrevisse.
Mettant ladite lettre sur le côté comme si elle l’avait brûlée, elle reporta son attention sur la dernière missive, en évitant volontairement de croiser le regard du coréen. Elle n’aimait pas l’idée qu’il la voit de cette couleur là après avoir lu un passage osé. L’hydromancienne était loin d’être innocente, elle ne devrait pas ressentir un tel malaise pour si peu. Mais cela avait été tellement inattendu qu’elle s’était laissée aller au choc.
Cela commençait à expliquer la discrétion des deux défuntes. Une romance telle que celle-ci, entre deux femmes surtout à l’époque, cela était une source infinie de commérage. La société actuelle n’était pas encore particulièrement tendre avec ce genre d’histoire, elle n’osait même pas imaginer ce qu’il en était de leur temps.
Mais cette découverte soulevait d’autres zones d’ombre : pourquoi avoir demandé à la Mystique de manière officielle de convoyer des messages par le biais des abeilles ? Les dates ne concordaient pas, elles semblaient déjà se fréquenter lorsque Dyce avait envoyé la demande d’aide que Moira avait trouvée.
Ce fut en parcourant la dernière lettre que cela fit un peu plus sens. Ayant repris une couleur plus normale, elle put enfin regarder Haesik, et lui tendre le dernier fruit de son labeur.
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Les Gardiens des écrits avaient beau jouir de beaucoup de liberté, si les deux femmes ne pouvaient pas garder leurs mains l’une de l’autre assez longtemps, des petits écarts aux journée complètes devaient paraitre acceptable à leurs yeux.
Et puis, elles n’étaient pas à un manque de convention près…
Soupirant, Moira devait admettre qu’elle était soulagée. Tout ce mystère pour une simple idylle, cela la rassurait. Pas de rupture du secret hydromancien, pas de communication sur l’emplacement de la grotte… Enfin, il faudrait qu’elle trouve le plus de lettres possibles pour s’en assurer, mais Gwenn semblait aussi attachée qu’elle à son serment de protéger les archives. Elle doutait que l’ancienne gardienne ait été jusqu’à dévoiler des informations confidentielles à son amante, mais on n’était jamais trop prudent.
Elle devait admettre qu’elle trouvait sa prédécesseuse assez inconsciente d’avoir risqué sa réputation de la sorte. Si leur liaison avait été découverte, toutes les deux risquaient gros vu les mœurs de l’époque. Ses sentiments l’avaient visiblement rendue peu précautionneuse, à envoyer de telles lettres. Bien qu’elles aient caché le contenu de leurs échanges, aux vues du secret protégé, Moira trouvait cela bien insuffisant.
-
Son ton désapprobateur parlait pour elle. En soit, Moira n’en avait strictement rien à faire que les deux femmes se soient choisies. Mais elle estimait que le danger ne valait clairement pas de se comporter en deux idiotes.
Heureusement pour elle, rien dans les journaux et archives de l’époque ne faisait mention d’un tel scandale, alors elle supposait que cela avait fonctionné, quelque part.
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Elle releva la tête vers Haesik et se permit un petit sourire, satisfaite qu’apparemment, il ne s’agisse pas du drame qu’elle craignait. Elle s’étira légèrement, engourdie par sa position et se rendant compte pour la première fois de l’inconfort qu’elle ressentait d’être restée penchée ainsi.
-
Cela aurait presque pu l’attendrir.
Presque. Elle espérait ne jamais être aussi aveuglée pour en arriver là un jour.
Elle tendit la main à son compagnon pour qu’il l’aide à se relever.
-
Moira réalisa qu’elle commençait à reprendre de mauvaises habitudes, et hésita à rebaisser sa main, soudainement gênée de s’être laissée aller de la sorte. Probablement encore un peu à l’ouest à cause de sa lecture, sûrement.
Mais cela aurait été beaucoup trop impolie, alors elle continua de sourire, même si elle était un peu raide.
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Fin Août 2022
ft. Haesik et Moïra
Par chance, grâce à sa fonction et une éducation probablement exigeante, Moira était effectivement en capacité de traduire le document qu’il venait de découvrir. Très curieux de savoir ce qu’il contenait, Haesik s’était assis à proximité d’elle afin d’être en mesure de jeter un oeil à la feuille qu’elle noircirait bientôt de mots intelligibles, comptant sur ce suspense nouveau pour le détourner définitivement de ses pensées négatives.
La première page n’avait rien révélé de très intéressant, hormis que les deux femmes étaient amies. La gardienne des écrits de l’époque devait être plus abordable que la belle brune qui lui faisait face.
Le format de leur correspondance secrète étant suffisamment original pour attirer son attention, l’asiatique ne s’était pas fait prier pour en rechercher la suite parmi les centaines de parchemins qui emplissaient la pièce. Par chance, ils avaient fini par mettre la main dessus, étonnamment rapidement.
L'Ecossaise avait immédiatement repris son travail de traduction mais, arrivée au milieu de la troisième missive, elle s’était brusquement interrompue. Penché au-dessus de son épaule, le mystique des essaims avait pu constater qu’elle semblait envahie par une gêne grandissante et il n’avait pas tardé à comprendre pourquoi…
Intimes ??
L’idée que deux femmes puissent l’être ne le dérangeait pas le moins du monde car, pour lui, on tombait amoureux d’une âme plutôt que d’un corps. Toutefois, il n’avait pu s’empêcher d’avoir une petite pensée pour celle qui avait occupé son poste avant lui. Le fait de savoir qu’elle était passionnément amoureuse rendait sa disparition encore plus suspecte qu'auparavant…
Une fois le reste du mystère résolu, il s’était relevé, époussetant le derrière de son pantalon au passage, prenant bien soin de ne pas projeter de poussière en direction du visage de Moira.
Il avait été assez surpris qu’elle lui réclame de l’aide pour se redresser à son tour en lui tendant la main mais, même si elle avait semblé regretter ce geste spontané, l’occasion était trop belle pour qu’il passe à côté.
Dommage que leur doigts aient dû se séparer aussi vite, question de convenances…
Loin de s’émouvoir de l’histoire d’amour interdite dont ils venaient de prendre connaissance, Moira s’était contentée de fustiger les deux amantes pour leur imprudence. Il était sans doute trop romantique et idéaliste, mais il trouvait cette réaction quelque peu sinistre.
- Je les trouve courageuses d’avoir osé faire ce qui leur tenait vraiment à coeur, malgré les circonstances. Peut-être se moquaient-elles des qu’en dira-t-on, au fond…
Il avait regretté d’avoir ouvert la bouche pour partager cette pensée presque aussitôt qu’elle avait été énoncée mais, par chance, le bruit des griffes de Dalsoon avait de nouveau résonné dans les escaliers qui les séparaient de la sortie.
- Tu l’as trouvé ?
Dalsoon : En plein milieu d’une sieste ! J’ai eu tellement de peine à le réveiller que j’ai bien cru qu’il était mort !
Un petit sourire était né sur les lèvres d’Haesik lorsqu’il avait imaginé la louve, dotée d’une délicatesse infinie, excédée de ne pas arriver à ses fins, refermer ses puissantes mâchoires sur les mollets du vieillard pour le faire revenir à lui.
Puisque ce dernier semblait à la traîne, il en avait profité pour dissimuler soigneusement les lettres du couple illicite derrière une pile de cartons, bien décidé à poursuivre l’enquête de son côté un peu plus tard et à s’éviter les quolibets de son mentor au sujet de ses lectures.
Eoghan : Mais bon sang, qu’est-ce que vous êtes allé fabriquer là dedans ??
Le bruit d’une clé que l’on tourne, un grincement appuyé et, enfin, la liberté, à portée de main. Une fois en mesure de passer sa main entre la lourde porte de chêne et son montant, le coréen s’était empressé de la tirer avant de lancer un regard courroucé à l’ancien.
- N’étiez vous pas censé vous occuper du crochet de cette fichue porte ??
Eoghan : J’allais le faire, figure-toi, j’ai juste eu quelques petits contretemps. Je ne pouvais pas prévoir que tu comptais aller batifoler dans la cave…
Soupir…
- Aish…
Désireux de se sortir de ce piège le plus rapidement possible, le jeune homme l’avait bousculé - bien trop légèrement et affectueusement pour lui faire le moindre mal - pour libérer le passage avant de s’engager dans les escaliers en ronchonnant.
Une légère claque avait été portée à l’arrière de sa tête.
Eoghan : Merci quand même, hein ! Petit con !
Embarrassé par ce que son invitée devait prendre pour des enfantillages, il n’avait pas surenchéri.
Une fois de retour dans le bureau, il avait pris une grande inspiration avant de river de nouveau ses yeux en amande sur la demoiselle.
- … avez vous besoin d’autre chose ou souhaitez vous regagner votre véhicule ?
Il avait repris le vouvoiement à regret, observé par un vieillard qui ne faisait aucun effort pour masquer son étonnement face à cette attitude distante.
Il l’avait volontiers provoquée lorsqu’il était seul en sa présence mais, à présent qu’ils avaient du public, il semblait aussi soucieux que l’héritière de préserver son image…
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Fin août 2022
ft. @Rhee Haesik
L’idéalisme du coréen la surprenait. A peine leurs mains s’étaient-elles séparées, Moira avait glissée la sienne dans son dos, dans un réflexe inutile de mettre une distance virtuelle entre eux. Elle avait étiré ses doigts hors de sa vue, comme pour chasser la sensation de leurs paumes mêlées.
C’est là qu’Haesik lui fit part de son opinion sur l’histoire qu’il venait de découvrir, et l’hydromancienne ne put que lever un sourcil délicat en l’entendant. Dans son vocabulaire, courageux n’était qu’un mot parmi tant d’autres pour qualifier l’inconscience. Ou plutôt, les situations appelaient à différentes interprétations. Dans ce cas présent, la jeune femme peinait à le percevoir. Qu’y avait-il de courageux à semer des messages à la volée, risquer la ruine et l’opprobre, pour une idylle sans lendemain ? Il était inconcevable que la romance de leurs prédécesseuses se soient terminées sur une vie heureuse et beaucoup d’enfant, si la disparation de la zoomancienne n’était pas un indice suffisant.
Les rumeurs pouvaient heurter autant que les coups, la chute du piédestal aussi douloureuse que la joue contre le basalte. La manière dont le monde la toisait relevait d’une importance capitale à ses yeux. On avait vu des parvenus se hisser aux plus hautes sphères, en commençant leur ascension sans fortune ni relations. Était-ce leur intelligence, ou leurs connaissances qui les avaient placés où ils avaient atterri ? Probablement que cela y avait contribué, mais qu’on ne la fasse pas rire. La popularité était la clé de tout succès, savoir s’entourer et prétendre de temps à autres constituaient les seuls outils ayant de la valeur.
Sa vision désabusée du contact humain était peut-être triste, elle n’en restait pas moins exacte. Si l’on voulait rester dans le romantisme, Moira pouvait citer nombres de personnages de chair ou de papier pouvant conter les déboires de passions irréfléchies.
L’amour n’emplissait pas les esprits aussi bien que les cœurs. L’héritière avait été trop peu amoureuse dans son existence pour s’attacher à ce sentiment. Elle ne comprenait pas ses congénères qui, à l’instar de Misses Brown et Dyce, misaient tout pour un élan passager. Et même s’il s’agissait d’une affection sincère, destinée à durer, cela valait-il le sacrifice de gâcher tous les autres aspects du quotidien pour une euphorie qui n’avait aucune garantie de perdurer ?
Mais elle devait avouer trouver un petit attrait pour ces récits d’un autre monde. Elle se demandait ce que cela signifiait, aimer à ce point – jusqu’à tout délaisser. La profondeur de cette émotion était une inconnue qu’elle était curieuse de croiser, un jour.
Cependant, ce n’était pas une vie que de se voir en cachette, écrire en message codé et regarder constamment derrière son épaule pour éviter les gros titres et les regards encore plus lourds. Elle ne se sentait pas capable d’endurer pareille condamnation. Les premiers jours devaient être excitants, aisés, jusqu’à ce que la réalité ne pointe son vilain nez.
Une vague de sympathie lui vint tout de même pour les deux anciennes amantes. Bien qu’elle n’approuvât pas leur choix, Moira n’était pas sans cœur. Elle espérait que quelque part, elles avaient trouvé ce qu’elles cherchaient.
Elle préféra garder ses réflexions pour elle, et bien lui en prit. L’arrivée de Dalsoon fut annoncée par les bruits dans l’escalier, et Moira réunit aussitôt ses affaires en tentant de mettre de l’ordre dans ses vêtements. Elle venait de remettre sa veste, voulant à tout prix éviter de nouveaux malentendus auprès de l’ancien Mystique des essaims.
Ce dernier fit enfin son apparition, et Moira fut aussi soulagée qu’Haesik que la porte s’ouvre enfin. L’air devenait lourd, dans cette cage.
Restant en retrait alors que son compagnon se jetait littéralement vers la sortie, sûrement pas mécontent d’être enfin libre, Moira assista à l’échange complice entre les deux admirateurs de la nature d’un air perplexe mais amusé.
Sa propre formatrice, l’ancienne Gardienne, avait été avenante mais stricte avec elle. L’hydromancienne avait toujours éprouvé un grand respect pour sa mentor, et avait développé une amitié empreinte de retenue et de dignité. Jamais elle ne se serait permise de telles familiarités avec elle. Ni avec ses propres parents, d’ailleurs.
L’échange plein d’enfantillages des deux hommes lui tira un léger sourire, leur dynamique affectueuse et naturelle lui offrant un spectacle rare. Faisant comme si de rien n’était, elle s’efforça de retrouver son sérieux en approchant d’eux, une fois qu’Haesik ait commencé à remonter.
-
Redevenue l’image même de la politesse froide, elle se hâta de revenir à la surface, et trouva son hippocampe frétillant en la revoyant. Mais le regard malicieux qu’il lui jeta ne lui disait rien qui vaille…
Elle venait tout juste de le replacer en bandoulière qu’Haesik s’adressa à elle avec la même attitude distante qu’à son arrivée. Au moins, le sarcasme n’y était plus.
Moira le remercia intérieurement de sa discrétion, mais après tout, peut-être que lui-aussi voulait garder ce qui s’était passé à la cave sous leurs pieds. Sûrement embarrassé par son angoisse précédente, il devait être tout aussi heureux qu’elle de revenir à des manières plus appropriées.
Mais elle mentirait si elle affirmait qu’elle ne le regrettait pas.
Un petit peu.
La chaleur, sans doute.
Ignorant l’air entendu que jetait Sùmaid à la louve blanche, elle se contenta d’hocher la tête.
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Sans surprise, Haesik lui emboîta le pas pour la raccompagner, et Moira prit seulement le temps de présenter ses hommages à Eoghan avant de se diriger vers sa voiture.
La petite marche qu’il leur fallut la laissa extrêmement gênée, sans trop savoir quoi dire. Elle voulait lui demander comment il se sentait, mais cela semblait si étrange qu’elle préféra se taire. Le soleil tapait fort sur leurs têtes, mais rien que le fait d’être dehors après être resté privée de lumière lui fit un bien fou. Cela ne lui permit pas d’oublier qu’elle avançait sur des œufs, à se comporter de manière si ambivalente avec sa vieille connaissance.
Préférant se réfugier derrière le factuel, elle se décida à prendre la parole pour un peu de badinage :
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Eviter les pronoms, tourner ses phrases différemment, cela lui sonnait comme une alternative idéale. Un peu de politesse pour couronner l’ensemble. Tout pour éviter un faux pas en abusant de familiarité par le tutoiement, et l’ingratitude du vouvoiement.
Parce qu’elle ne se voyait pas vraiment revenir à tant de mondanité, désormais. Surtout quand ils n’étaient que deux.
Devant sa berline, elle se tourna vers lui en commençant à chercher ses clés dans son sac.
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Maintenant qu’elle savait que sa panique avait été injustifiée, provoquée par une histoire d’amour somme toute assez inoffensive, Moira voulait s’assurer que le secret de la grotte n’ait pas échappé à Miss Dyce pendant une soirée un peu trop mouvementée. Aucune tentative de pénétrer dans l’antre sacrée des Gardiens depuis des années n'avait été notée, ce qui tendait à prouver que Morag n’en avait jamais rien su. Mais elle ne pouvait se montrer trop prudente. Avec la disparition de la sorcière, et avec elle de ses secrets, il était possible que l’information soit passée entre de mauvaises mains si elle avait été mise dans la confidence.
Mais si intrusion il y avait dû y avoir depuis tout ce temps, cela serait déjà fait. Parler de deux mortes ne pourrait plus leur faire de mal, après tout. Cette histoire ne ternirait que leurs images si cela devait se savoir, et non pas celles de leurs Covens. Moira voulait faire confiance à l’ancienne Gardienne, qu’elle ait respecté son serment. Elle n’était certainement pas la première de leur lignée à avoir eu des aventures et avoir respecté son serment. Aucune raison qu’il en soit autrement.
Haesik ne lui paraissait pas le genre de personne à colporter des ragots. Sur ce point-là, elle se montrait plutôt sûre d’elle. Elle avait proposé cela plus par respect des défuntes que pour le mettre en garde.
Alternant d’un pied à l’autre, sans trop savoir comment se positionner vis-à-vis de lui, elle trouva une distraction en se souvenant d’un détail.
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La brune se dirigea vers le coffre, et revint avec un sac soigné dans la main. En l’ouvrant, elle sortit le pull qu’il lui avait prêté dix ans plus tôt, en parfait état. Il avait été entretenu, toujours bien plié et forcément lavé suite à leur escapade à la mer. Délaissé, mais jamais assez négligé pour prendre trop la poussière.
Bien qu’elle se soit attendue à trouver Eoghan et qu’elle espérait ne pas tomber de nouveau le coréen, Moira l’avait emporté. Au cas où. Elle n’allait pas à Green Bank tous les jours, alors peut-être qu’une autre occasion ne se présenterait jamais.
Evitant de croiser son regard, elle se racla la gorge. Elle se demandait si le vêtement lui allait toujours, mais qu’importe.
Cela lui faisait bizarre, de se séparer de cet objet après tout ce temps. Elle qui avait cru ne jamais revoir cette comète qui avait traversé son adolescence, elle avait été décidée à lui rendre son bien un jour ou l’autre, si possible.
Et ce jour était arrivé. Moira ne savait trop quoi en penser.
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Fin Août 2022
ft. Haesik et Moïra
Haesik s’était douté que Moira souhaiterait mettre fin à leur entrevue au plus vite, aussi n’avait-il pas été étonné par sa réponse.
Silencieux, presque morne, il l’avait laissée faire ses au revoir à son prédécesseur en ignorant volontairement le regard appuyé que Dalsoon posait sur lui puis, il lui avait emboîté le pas pour la raccompagner jusqu’à sa voiture.
Elle aurait sans doute retrouvé son chemin sans son assistance mais il voyait dans ce geste de politesse une opportunité de passer quelques secondes de plus en sa compagnie.
Maudissant ses pensées d’adolescent en crush et sa réserve naturelle, il s’était immobilisé à une distance suffisamment importante de sa portière pour ne pas sembler intrusif avant de réagir à ses commentaires au sujet de leurs découvertes du jour.
- Ne t’en fais pas. Le secret sera bien gardé. Je suis néanmoins curieux de savoir ce qu’il est advenu de Morag… Je vais faire quelques recherches supplémentaires et je reviendrai vers toi si je trouve quelque chose.
Il était revenu au tutoiement sans même y penser, sans doute dans une tentative de réduire la distance qu’il ressentait entre eux et qu’il déplorait tant.
Alors qu’il était convaincu que leur échange allait s’arrêter là, la belle brune était allée chercher quelque chose dans son coffre et le coréen était resté bouche bée en découvrant de quoi il s’agissait.
Son pull, prêté dix ans plus tôt pour la protéger du froid qui les avait mordus après leur baignade.
La véhémence dont les Auchincloss avaient fait preuve à son égard ce jour-là après leur escapade l’avait poussé à fuir sans demander son reste et bien qu’il manquait cruellement de moyens à l’époque, il n’aurait jamais songé à venir réclamer son bien.
Jusqu’à présent, il était convaincu qu’il avait dû terminer dans les ordures ou, au mieux, dans la cheminée. Sa surprise avait donc été grande en apprenant que Moira l’avait conservé tout ce temps, plus encore en constatant qu’elle semblait en avoir pris soin.
Un petit sourire s’était spontanément affiché sur ses lèvres au moment où il l’avait réceptionné mais il s’était contraint à retrouver rapidement un air plus neutre, peu désireux de laisser les sentiments que ce geste aussi inattendu qu’attendrissant avait fait naître en lui transparaître.
- Merci de l’avoir gardé… je t’avoue que je ne pensais pas le revoir un jour.
Quelques instants plus tard, ils se disaient au revoir, un peu gauchement, et il regardait la grosse berline s’éloigner d’un air songeur.
La gardienne des écrits était-elle aussi indifférente qu’elle le prétendait ou était-elle tout simplement plus douée que lui pour masquer son trouble ?
Dalsoon : Ça ne t’intéresse probablement pas mais j’ai eu l’occasion d’avoir une conversation très intéressante avec Sumaid avant que vous vous retrouviez bloqués dans la cave…
Pendant quelques secondes, Haesik avait effectivement feint de ne pas accorder d’importance à cette information mais, comme la louve l’avait prédit, sa curiosité naturelle avait très rapidement pris le dessus.
- … à quel sujet ?
Dalsoon : A ton avis, idiot ?
Un soupir s’était échappé de la bouche du jeune homme.
- Vous vous faites tous les deux des illusions. Il n’y a jamais rien eu et il n’y aura jamais rien entre nous. Elle tient bien trop à sa réputation et à son statut.
Pourquoi s’encombrerait-elle d’un compagnon comme lui lorsqu’elle pouvait prétendre à une union qui lui apporterait renommée, admiration et fortune ? Elle était faite pour briller en société, ce qui n’avait jamais été son cas. Elle était belle, là où lui se trouvait au mieux banal.
Il aimait tout de sa personne, y compris son air hautain qui l’aurait irrité chez n’importe qui d’autre, mais il ne voyait pas ce qu’elle pourrait aimer chez lui. Au mieux trouverait-elle sa maladresse relationnelle divertissante...
Dalsoon : Penses ce que tu veux.
Le canidé savait qu’elle n’avait pas besoin d’en dire plus. Malgré le défaitisme dont il faisait preuve, elle savait que sa brève intervention avait suffit à semer un doute suffisant dans l’esprit de son sorcier pour qu’il ne se départisse pas de la petite lueur d’espoir qui était née dans son cœur.
- J’ai besoin d’une douche.
Couper court aux conversations gênantes, voilà un sport dans lequel Haesik excellait.
Une fois propre, il n'avait su résister à la tentation de porter le vêtement qui lui avait été rendu jusqu'à son nez pour en capturer les effluves, qui lui rappelleraient l'objet de ses pensées.
Ce pull, pourtant des plus banals, venait soudainement de devenir son favori...
***
Le lendemain, l'asiatique était allé trouver ses abeilles et avait insisté pour prolonger leur discussion au sujet de la disparue.
Mais alors que les insectes avaient toujours fait preuve de transparence à son égard, il avait eu la curieuse impression qu’ils faisaient cette fois de la rétention d’informations quant au sort de leur ancienne gardienne.
Alors qu’il s’apprêtait à les quitter et à regagner son domicile pour la nuit, l’une des minuscules ouvrières jaunes et noires s’était finalement décidée à coopérer.
Lorsqu’elle s’était arrêtée au bord d’une imposante falaise, il avait deviné ce qu’il s’était passé sans avoir besoin de mots.
Le sujet était devenu tabou chez les butineuses, qui se sentaient coupables de ne pas avoir enrayé ce funeste destin. Morag ne s’était confiée à personne au sujet des motifs de son acte désespéré et cela ajoutait un poids conséquent à ce drame inattendu.
Haesik, lui-même, bien qu’il n’était pas né à la période où elle était survenue, s’était senti étrangement affecté par cette fin tragique.
Le surlendemain, il revenait au bord du précipice avec les courriers qui tenaient tant à coeur à l’amante secrète de miss Dyce et il les enterrait là, soigneusement protégés dans un plastique, estimant que leur place était davantage auprès de feu leur propriétaire qu’oubliés au fond d’une cave, à la merci de regards curieux.
Au fond de lui, il espérait que l’ancienne mystique des essaims trouverait ainsi une forme de paix.
Contrairement à ce qu’il lui avait “ promis “, il n’avait pas touché mot à Moira de ce dénouement malheureux, jugeant cela peu pertinent.
Si leurs chemins venaient à se recroiser, il espérait qu’ils auraient des choses plus agréables à échanger…
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