I'ma say all the words inside my head | Zephyr

J’aime ma liberté plus que tout. C’est ce que je me répète chaque jour qui passe, en remerciant la vie de m’avoir laissé une seconde chance. Moi, le p’tit Zeph, qui a fini dans le caniveau plus de fois que j’aimerais l’avouer, moi qui avais perdu espoir il y a des années de cela. Au final, la vie est tellement belle maintenant que je me suis affranchi des problèmes tant liés à la race humaine ! Pas ou peu de responsabilités, pas de problème d’argent, personne pour entamer ma bonne humeur. Oh, je ne suis pas joyeux à tout instant ; je doute que ce soit possible, et c’est peut-être cette réalité qui me permet d’être aussi bien dans ma peau. Je peux être triste, mélancolique, en colère même parfois, quand bien même ce soit un événement rare qui se compte sur les doigts d’une main. Je valide mes émotions et les émotions des autres. C’est ça qui me rend si heureux dans la vie.

Je me dis qu’il y a quelque chose en rapport avec la nature, que c’est pour cette raison que je suis si heureux alors que la plupart des gens que je croise en ville ont cette mine sinistre sur leur visage. On se moque de mon apparence, de mon comportement, de mes pieds nus sur l’asphalte, et rien que ça rend ma présence importante pour ces pauvres badauds. Parce qu’en me croisant, ils sont heureux d’un seul coup. Parce qu’au fond, ils aiment rire. Parce qu’au fond, tout le monde aspire au bonheur, c’est le but commun de chacun d’entre nous.

Alors parfois, je vais me balader sans but dans les quartiers urbains, simplement pour voir s’il y a quelque chose d’intéressant à faire, d’intéressant à voir. Je tombe parfois sur des petites cérémonies - ma conception du temps est assez floue, j’ai du mal avec les jours et ne sais pas forcément qu’est-ce qui tombe quand - et la surprise vaut souvent le déplacement. Sauf quand je me retrouve au milieu des blocs de pierre et de béton de la zone des pyromanciens ; j’avoue qu’il m’est arrivé plusieurs fois de faire pousser des fleurs discrètement sur les façades ou les trottoirs, simplement parce que je me sentais seul au milieu de tous ces cailloux !

Ma balade se termine très régulièrement vers le parc Holyrood, un endroit vert extrêmement vaste qui n’appartient pourtant pas à mon coven. Oh, j’ai bien vu de nombreux botanomanciens s’occuper des plantes ici ; mais globalement, on peut dire que cet endroit est le poumon vert nécessaire à la vie urbaine, le seul lieu un peu plus tranquille que ce qu’on peut trouver plus au nord, à Leith. Vraiment, j’apprécie cet endroit plus que de raison.

Il fait froid, pourtant je ne porte qu’un sweat, un jean délavé et troué de partout, et mes pieds nus s’enfoncent dans la fine couche de neige qui recouvre l’endroit. “Tu vas finir par perdre un orteil avec tes bêtises, Zephyr !” dirait ma maman si elle me voyait. Je me contenterais de hausser les épaules ; ce n’est pas un peu de glace qui va me faire perdre l’usage de mes membres, hé ! D’autant plus que j’évite généralement les endroits trop froids, comme certaines zone de Leith par exemple. Ah, ces hydro ! Toujours partants pour faire geler toute la ville, hein ?

C’est un sanglot qui attire mon attention, alors que je viens à peine de débarquer dans le parc. Un sanglot étouffé, qui semble provenir de ma droite. En tournant la tête, j’aperçois une jeune femme qui semble totalement en détresse. Allons bon, pourquoi est-elle si triste ? Est-ce que le paysage ne lui plaît pas ? Est-ce qu’elle vient d’apprendre une mauvaise nouvelle ? Je m’approche doucement, ma curiosité à son comble.

“Hey, cutie pie ! Why so sad ?”

Non, ce n’est pas simplement de la tristesse. La pauvre petite semble complètement paumée ! Une moue ridicule sur le visage, je m’accroupis devant elle. Mon regard accroche un bouquin qui semble tombé tout seul ; je le ramasse, tente de le débarrasser de la neige qui le recouvre, et finis par le lui tendre.

“This yours ? Sorry, it’s wet.”

Comme elle ne semble pas réagir, je dépose l’objet à côté d’elle, sur le banc. Puis, ma main droite se rapproche de la sienne, et je la pose doucement dessus.

“What’s going on, sweetie ? Wanna talk about it ? I’m just a normal stranger, and I don’t judge. I’m sure I can help you.”

Il paraît que c’est toujours plus simple de se confier à un étranger plutôt qu’à quelqu’un qu’on connaît. Du moins, c’est ce qu’on m’a déjà dit plusieurs fois, que j’étais “très doué pour écouter”. Je n’ose pas dire à tous que j’oublie tout aussi facilement ce qu’on me raconte, mais je crois qu’ils n’en ont rien à faire.

Crédits : rev-shifts ; moodboard-d

Alors que ce jeune homme semblait vouloir me venir en aide, j'étais en train de suffoquer, enfin pas réellement, l'hyperventilation était totalement un symptôme de crise d'angoisse, on avait l'impression de ne pas pouvoir respirer et du coup l'on respirait beaucoup trop vite, chose qui pouvait mener à un malaise. Je me sentais idiote de me mettre dans un état pareil juste parce que j'avais parlé des obsèques de ma sœur aînée. Qu'allait-il se passer le jour de son enterrement ? J'allais probablement mourir si le moindre bruit, qui était, normalement insignifiant pour la plupart des gens, me mettait dans des états pareils.

Toujours plongée dans un flashback où les vagues me poussaient vers la mort, j'essayais de me concentrer sur mon environnement,  mon livre était tombé au sol, j'étais bonne à devoir le faire sécher sur le radiateur en rentrant. Ma respiration donnait l'impression que je venais de finir un marathon et que je n'arrivais pas à me récupérer. Inquiétant ? Probablement mais les vagues qui claquaient dans ma tête comme si j'étais à nouveau entrain de me noyer à nouveau, ne m'aidaient pas à retrouver mon calme.

J'arrivais enfin à entendre plus ou moins ce que me disait le jeune homme face à moi... Il me demandait ce qui m'arrivait et promettait de ne pas me juger ....

Comment je pouvais lui expliquer tout en suffoquant que j'avais un PTSD dû au tsunami Indonésien et qu'une putain de branche avait trigger mes souvenirs traumatiques ?

J'essayais de retrouver mon souffle et articulais péniblement:

- Panic attack.... PTSD.... Can't Breathe

Bon ce n'était pas une phrase complète mais au moins les informations principales étaient là. Le pourquoi j'étais dans cet état là. Le fait que mon cerveau me faisait revivre l'enfer de ce que j'avais pensé être ma mort, en boucle n'avait pas trop d'importance.

Mes origines irlandaises avaient pris le dessus lors de cette semi-phrase; c'était presque hilarant, la rouquine qui n'arrivait pas à respirer et dont l'accent était une insulte à au moins la moitié du Royaume-Uni. Pourquoi je pensais à ça ? Aucune idée, probablement que mon cerveau tentait sans y arriver de me faire penser à autre chose.



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Ouh là…c’est qu’elle a vraiment l’air de pas être bien, cette petite ! Alors que je croyais vraiment qu’elle allait se calmer, voilà que sa respiration devient incontrôlable, ses larmes également. Oh, Zephyr, qu’est-ce qu’on fait dans ces cas-là ? Comment est-ce qu’on peut aider une damoiselle en détresse quand on est simplement le roi des champignons ? Hmm…AH je sais !

Retirant ma main de la sienne un instant, je la plonge dans la poche de mon pantalon et en sort une poignée de terre. Oh, ce n’est pas n’importe quelle terre, qu’on se le dise ; perdues dedans sont de minuscules spores de champignons, quelques graines aussi dont je ressens l’existence même si elles ne sont pas visibles. Je me concentre dessus, et commence à faire pousser à la fois de tout petits psilocybes entourant deux primevères violettes. Oupsie, bon…je ne suis pas le roi - dieu ! - des champignons pour rien ! Ceux-là par contre, il ne vaut mieux pas les manger en omelette. Un bouquet peu conventionnel j’en conviens, mais que je montre tout de même à la jolie madame avec un sourire tendre.

“Look, this for ye. Y’can take the flowers only, I don’t mind. They’re just for ye, see ?”

Je ne sais pas trop comment réagir, je n’ai jamais eu affaire à qui que ce soit qui est en proie à une crise de PTSD. Déjà c’est quoi “PTSD” ? C’est pas un truc qu’ont les soldats quand ils rentrent d’une guerre ? Est-ce qu’elle a fait la guerre, la madame…? Ah non, ça doit être autre chose. Elle a l’air trop jeune et trop délicate pour être passé sur le champ de bataille, non ? Oh, c’était incroyablement sexiste ça, Zephyr ! Aster serait vraiment pas content.e, et tes parents non plus. C’est pas l’éducation que t’as reçu, espèce de truc là ! Je me gifle mentalement, et viens m’asseoir à côté de la demoiselle, croisant les jambes en tailleurs pour donner du répit à mes petits pieds tout froid. C’est que c’est quand même pas très agréable de marcher dans la neige, peut-être que j’aurais vraiment dû enfiler mes sandales avant de sortir, eh.

“Look love, the park is so nice ! The snow is beautiful, innit ? So white ! Hydros must be so excited ! Can ye imagine what they can do ?”

Plaçant la main au-dessus du sol, paume tournée vers le bas, je me concentre de nouveau et tente d’appeler la terre à moi. Quelques timides pissenlits commencent à percer la neige, jaunir peu à peu pour prendre leur forme habituelle. Non loin d’eux, quelques champignons de Paris pointent le bout de leur nez. J’offre de nouveau un sourire à la jolie demoiselle.

“D’ye feel a bit better, love ? D’ye like flowers ? Or shrooms ! I love shrooms, they’re my best friends. That’s why they’re everywhere I go. Look, they’re here…and here…and I have some in my pockets so I’m never alone. What makes you feel less alone ? D’ye have a magic trick for yourself ?”

Lui faire parler d’autre chose, oublier ce qui l’a fait plonger dans de mauvais souvenir, c’est ce que je décide de faire à défaut de réussir à la rassurer sur ce que je ne connais pas. Peut-être qu’une fois calme, nous pourrons parler, qui sait ? Je n’ai pas envie de la traumatiser non plus. Il paraît que je peux faire peur à certaines personnes parfois, parce que je suis “bizarre”. Je sais pas ce qu’ils appellent bizarre, mais ça doit être trop cool ! Je désigne le bouquin posé un peu plus loin.

“T’is what ye use to not feel alone, innit ? Books…ah, I don’t read, like to pretend I dunno how to. What’s this about ?”
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Je suis extrêmement heureux de voir qu’elle reconnait les champignons en question. Mon visage s’illumine, mon sourire s’étire jusqu’aux oreilles et j’écarquille des yeux.

“Ooooh so yer a shroom girl ! That’s so cooooool !”

Je sautille sur place sur le banc, incapable de rester sans bouger. C’est le drame de ma vie, ça ; ou plutôt celui de mes professeurs à l’Académie. Incapable de se tenir, le petit Osbourne, il a des vers au cul ! Ca, c’est pas vrai par contre. J’ai jamais eu de vers dans les fesses. Je ne savais même pas que c’était possible pour les humains ! Enfin les animaux peuvent, donc je suppose que nous aussi ? Ah, j’ai encore fait un arbre de pensées. Je parlais de quoi déjà ? Ah oui !

Mon attention se reporte tant bien que mal sur la demoiselle, et mes sourcils se froncent lors de ses explications. Il y a un truc que j’ai pas totalement capté, là…

“E-du-kay-tur. HA ! Never heard this word before.”

Je suis bienheureux qu’elle se sente mieux, en tout cas. D’ailleurs, le sourire que j’affiche une nouvelle fois est niais, peut-être un peu stupide du point de vue extérieur. Ca, c’est aussi quelque chose qu’on m’a souvent sorti. “Imbécile heureux”. C’est pas une vraie insulte si j’assume, n’est-ce pas ? Je sais que je ne suis pas con-con, mes intérêts divergent (VERGE ! HAHA !) juste des normes sociales.

Je sais que certaines personnes sont plus touchées que d’autres par les fleurs, et mon petit tour ne fonctionne pas sur tout le monde. Heureusement, c’est le cas de ma nouvelle amie ! Nouvelle amie qui d’ailleurs a des histoires bizarres de fantômes. Je ne réagis pas vraiment à cette révélation, mon cerveau ayant un peu de mal à process toutes les informations d’un coup. Au moins je sais qu’elle n’est pas botano ! Je l’aurais rencontrée avant, non ? A une fête ou je sais pas quoi…ou elle serait venu chez moi…enfin pas “chez moi” on s’entend bien hein, mais dans ma boutique. Enfin boutique…BREF elle aurait chopé quelques potions.

Elle a l’air super intéressée par son bouquin, la rouquine, et même si je ne lis pas vraiment, je suis intéressé par son intérêt. C’est une sensation bizarre mais pas désagréable, que d’avoir envie de la suivre dans son petit monde.

“Oh but…how’d she do having magic when her mom’s human ?”

Ok ça c’était à peine anglais, mais l’idée est là ! J’ai un peu de mal à détacher la fiction de la réalité, alors si l’histoire en question parle de sorciers…autant dire que ça me rend encore plus confus.

“She doesn’t go to school ? Like, the Academy ? Lucky girl !”

L’école, c’est vraiment pas fait pour des gens comme moi. Je détestais ça, détestais être enfermé toute la journée et finissais de toute façon par enchaîner les retenues. La faute à une hyperactivité jamais contrôlée, qui ne s’est pas arrangé avec le temps. J’aurais préféré apprendre ma magie seul, sans barrières, dans cette magnifique forêt qui est aujourd’hui mon domaine.

“Does she live with the humans too ? And what do they think of her ? Are they scared ? Or happy ?”

Ok, je crois que je suis beaucoup trop investi dans cette histoire. J’aimerais bien que les sorciers et les humains vivent ensemble en harmonie dans la vraie vie, qu’on arrête de s’éviter ou de se taper sur la gueule. Ah, rien que de penser à ça, voilà que je soupire en rêvassant.

“I’ve heard t’humans love to read about magic sometimes. So maybe, like…they’d be happy to see real magic ? Like, we can help them ! Entertain them ! Oooooh that would be so niiiiice…”

Traduction:

Crédits : rev-shifts ; moodboard-d