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[Abandonné] Lymbes of memories - Ft. Nero

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Samedi 3 Août 2013, 15h22

Cinquième jour de résidence et tu n'arrêtes pas. A croire que les enfants ont décidé de tous se blesser en même temps. Peut-être la période estivale qui fait pousser des ailes aux plus jeunes, tu ne le sais pas mais en tout cas, tu n'arrêtes pas aux urgences pédiatriques. La plupart du temps, cela reste bénin et l'enfant repart quelques heures plus tard dans d'autres cas - plus rares - ils doivent rester et passer des examens complémentaires voire aller en chirurgie. Spécialité qui ne t'a jamais attirée mais que tu trouves tout aussi intéressante que les urgences pédiatriques. Les différents cas que l'on peut voir chaque jour, les protocoles à intégrer et à appliquer. La chirurgie aurait pu être une spécialité que tu aurais pu prendre s'il n'y avait pas eu les urgences. Bref, ce n'est pas le cas et tant mieux. Tu es bien mieux ici et tu en apprends beaucoup chaque jour. Même si cela ne fait que quelques jours, tu sens que tu as fait le bon choix au niveau de ta résidence.

"Je monte me prendre un café à la cafétéria. Quelqu'un en veut un?" tu demandes à tes collègues avant qu'ils ne te répondent par la négative. Petite pause bien méritée, toi qui es là depuis six heures du matin. Tu savais qu'en te lançant dans ce genre d'études, tu n'aurais pas beaucoup de temps pour toi et encore moins pour ne serait-ce que manger normalement mais c'est un sacrifice que tu es prête à prendre si cela veut dire que tu peux sauver des enfants. Pour espérer que des familles ne vivent pas ce que la tienne a subi il y a onze ans maintenant. La perte d'Eoghan est encore vivre dans ton esprit et très compliqué à supporter mais le temps a des effets sur toi que tu n'aurais jamais pensé. Et puis tu as pu compter sur tes pairs, les hydromanciens, pour apaiser la douleur de la perte. Même si toute la magie du temps ne pourra jamais retirer la douleur et la tristesse que vous subissez depuis la perte de ton frère. "Un café s'il vous plait?" tu demandes alors que tu entends ton biper sonner. "Eh merde" tu lâches, blasée que la pause soit terminée à peine commencée. Tu paies, récupères ton café avant de repartir aux urgences pédiatriques. La journée est loin d'être finie.

@Nero Karlsson keur
Nero Karlsson
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Lymbes of memories
02/08/2013



L’été n’est vraiment pas une bonne période pour moi. J’ai même l’impression que plus les années passent, plus je perds le contrôle de moi-même durant ces quelques mois où la chaleur relative de la saison et surtout ses jours rallongés me rappellent un passé qui est encré en moi de façon plus indélébile encore que la véritable encre sous ma peau.

Août est là, ses orages, ses jours si longs…trop longs…et pourtant, je n’ai pas vu le mois de juillet s’achever. En réalité, j’ai l’impression d’avoir dormi très longtemps. Mais je sais que ce n’est pas le cas, oh non ; je sais qui a pris le relai, qui m’a relégué au fond de mon propre esprit comme si je n’étais pas le propriétaire de ce corps. Cette personne, cet alter-ego, c’est Thanikos.

Thanikos est un fardeau autant qu’il est une bénédiction. C’est grâce à lui que je suis encore vivant, grâce au répit qu’il m’offre au quotidien et qui m’empêche de me foutre en l’air. Tous les étés, lorsqu’il sent que je commence à perdre mes moyens sous une avalanche de sentiments et de souffrance, il ressort et me fait vivre des aventures que je n’oserais pas chercher moi-même. Son optimiste, sa positivité qui frise parfois avec le toxique a au moins le bénéfice de me laisser me reposer. Je ne suis plus sur le qui-vive lorsque je suis endormi, et même certaines voix brouillonnes se calment dans ma tête.

Mais Thanikos est aussi difficile à gérer, en particulier lorsque je ne souhaites surtout pas perdre mes moyens. Depuis quelques temps mon esprit est sens dessus-dessous, et la confusion dans mes sentiments le fait ressortir d’autant plus souvent, comme un trigger complètement déréglé. J’ai eu du mal à garder les pieds sur terre en juillet ; mais depuis hier, j’ai l’impression que les choses sont encore pires. D’ailleurs, c’est en me disputant avec cet alter franchement embarrassant - ou plutôt en lui passant un savon, celui-ci semblant incapable de s’énerver - que j’ai relâché ma garde à la maison.

Madame Karlsson n’apprécie pas de m’entendre crier dans la maison, chose qui n’arrive heureusement pas souvent. Elle aussi est irritable ces dernières semaines, évidemment, comme le reste de la maisonnée. C’est la période qui veut ça, c’est tout. Quoi qu’il en soit, la correction qu’elle m’a asséné était à la hauteur de sa détresse, de sa colère, de son dégoût envers ma personne. Oh, rien que je ne puisse encaisser, bien entendu ; rien qui ne dépasse le cadre de la correction. Mais en me projetant accidentellement contre un mur, et alors que je tentais de me rattraper, j’ai senti mon poignet se tordre et une vive douleur le parcourir. Douleur que j’ai réussi à masquer, mais qui n’a jamais vraiment disparu.

C’est parce que ledit poignet a doublé de volume malgré les glaçons placés dessus par l’une des domestiques que j’ai dû me résigner à aller à l’hôpital ce matin-là. Pas la clinique dans laquelle nous nous faisons généralement soigner, ma famille et moi - la dernière fois que je m’y suis rendu, les questions qu’on me posait étaient gênantes, et je ne compte pas renouveler l’expérience. Non…c’est à Leith que mon chauffeur me dépose, avec interdiction de mentionner ce petit détour à qui que ce soit.

L’attente aux urgences est insupportable, en particulier au milieu de la plèbe qui constitue ce terrible quartier. Le dos droit, tous les muscles tendus et les sens en alerte, je reste debout dans un coin par crainte d’attraper un quelconque microbe transporté par ces horribles gens, le visage caché derrière mes longs cheveux noirs. Je déteste sincèrement les hôpitaux, et n’ai qu’une hâte : m’en aller d’ici.

Je n’ai que trop déambulé dans les couloirs de ce CHU. Trop souvent suis-je venu entre ces murs aux couleurs criardes, trop souvent ai-je entendu les hurlements et gémissements des patients, les pleurs des familles déchirées. Ma famille aussi a été déchirée en ces lieux, et j’aurais préféré ne pas m’en souvenir. Pourtant, une curiosité malsaine commence à naître en moi. Des souvenirs remontent, incomplets, comme si mon esprit tentait à la fois d’y accéder et de les refouler. Est-ce l’oeuvre de Thanikos ? D’un…un nouveau, peut-être ? Allez savoir. J’ai appris récemment qu’il était possible d’avoir plusieurs autres personnes dans sa tête, lorsque l’une d’elle est déjà apparue. Possible également d’ignorer combien existent, si elles refusent de se montrer à l’hôte. Au moins, j’en oublie un instant ce qui m’entoure et me dégoûte au plus haut point.

Quatorze heure trente, et j’ai enfin le droit de voir un médecin. Une consultation qui ne dure que quelques minutes, le temps de faire une radio, se rendre compte qu’il s’agit uniquement d’une entorse et m’envelopper le poignet dans une attelle. Quelques papiers à remplir et je suis libre de partir, ce que je devrais faire immédiatement. Quitter cet établissement bien trop chargé en souvenirs, m’éloigner le plus possible de ce maudit quartier dans lequel j’espérais ne plus jamais mettre les pieds.

Pourtant, sans m’en rendre compte, mes pas me mènent dans l’une des ailes du CHU que je n’imaginais pas retrouver un jour. Par réflexe, peut-être à cause de tout ce qui torture mon esprit depuis plus d’un mois, j’ai rejoint le service qui m’a vu durant si longtemps par le passé. C’est en relevant lentement les yeux vers la plaque au-dessus de la porte que je comprends mon erreur :

Service pédiatrique. Accès restreint.

Je n’ai pas le droit d’être ici. Je n’ai aucune raison de l’être, même. Pourtant, comme si une force m’obligeait à le faire, je pousse la porte battante et entre dans le vaste couloir qui n’a absolument pas changé depuis ma dernière visite il y a dix ans de cela.

Je me souviens encore des visites quotidiennes à Aurelius, à l’époque où nous espérions encore tous qu’il se réveille. Je me souviens du début de l’enfer, des paroles dures que ma famille avait à mon adresse au-dessus de son petit corps maintenu artificiellement en vie. Je me souviens de la peine, la souffrance que je ressentais ; je la ressens toujours, d’ailleurs. Je me souviens de l’horreur alors que les jours, les semaines, les mois passaient. Je me souviens de tout ça…et c’est beaucoup trop pour moi.

Le pas incertain, je marche à travers ce couloir de la mort, guidé par un souvenir qui me fait totalement ignorer ceux qui se trouvent autour de moi. Trois…deux…une…cette porte-là, c’est la sienne. Sa chambre. Je reconnais les stickers placés dessus, comme pour égayer les familles meurtries par la gravité de la situation. Je reconnais la couleur du panneau, qui n’a pas changé en dix ans. Et mon coeur rate un battement, et ma respiration devient de plus en plus irrégulière.

C’est une main sur mon épaule qui me fait revenir sur terre, et je sursaute en me tournant violemment vers l’inconnue. Mes yeux sont écarquillés de terreur, mon visage pâle, ma main abîmée placée sur ma poitrine comme si je pouvais calmer les palpitations. Je ne dois pas…je ne peux pas…il faut que je reprenne le contrôle.

“Je sais. Je n’ai pas le droit…d’être là.”

Parler est plus difficile que prévu. Ma voix est rauque, brisée par des sanglots qui n’éclateront jamais, brisée par une crise de nerfs que je m’efforce de contrôler. Je ne peux pas me montrer si faible, pas en public. Pas devant la plèbe. Je suis un Karlsson. Je dois être fort, je ne dois pas montrer mes émotions.