[Abandonné] Jealousy is a family thing ft. Maja Rosendahl

La jalousie fait partie intégrante de mon être. C’est ce que je me répète en boucle depuis hier soir, alors que mes pensées sont tiraillée entre la crainte et la colère. La crainte de ne pas être suffisant, de ne pas être à la hauteur dans cette toute nouvelle relation. La crainte que finalement Lucius se rende compte qu’il n’aime pas les hommes, encore moins les hommes comme moi, et qu’il retourne dans les bras d’une demoiselle. La crainte que derrière mon dos, ce soit déjà le cas. La colère, aussi. Celle de ne pas convenir à un homme pourtant issu d’un milieu modeste, lui qui devrait au contraire ramper à mes pieds pour obtenir mes faveurs. La colère de savoir que certains méprisent à ce point ma famille, alors que notre nom devrait briller en lettre d’or dans le ciel d’Edimbourg simplement parce que nous acceptons d’exister et de respirer le même air que ces autres sorciers, cette plèbe qui ne sait pas la chance qu’elle a de nous avoir. La colère envers ma propre arrogance, un trait de caractère dont je ne peux plus me détacher, qui fait partie de moi et qui a déjà mené à de nombreuses batailles. Demandez donc à Ichabod, si vous mettez la main dessus, ce qu’il pense de mon “attitude”. Du moins, s’il n’est pas mort, lui aussi.

Cette jalousie pourrit déjà ma vie alors que nous entamons à peine cette jolie histoire. J’ai bien vu comment il regardait l’écran de son téléphone hier soir, alors que j’étais allongé sur ses genoux à regarder une émission stupide sur son poste de télévision - chose que je ne fais jamais d’ordinaire, d’ailleurs, ayant autre chose à faire de ma vie que regarder des idiots se crêper le chignon pour faire de l’audience. Je ne lui ai rien dit, mais je l’ai observé. Cette façon de sourire, de taper très vite sur son écran comme s’il ne pouvait perdre une seule seconde sans répondre à cette personne mystérieuse…il n’en fallait pas plus pour déclencher toutes mes insécurités, et le ciel seul sait qu’elles sont nombreuses.

J’ai attendu sagement que Lucius s’endorme sur le canapé, ce qui n’a pas vraiment tardé, mon petit ami ayant quelques soucis de…narcolepsie, il me semble que c’est le mot. Quoi qu’il en soit, une fois certain qu’il était bel et bien assoupi, j’ai récupéré son téléphone et utilisé sa main ramollie pour déverrouiller l’objet grâce à son empreinte digitale. Ce que j’ai trouvé ne semblait certes pas compromettant…mais ça ne m’a pas rassuré pour autant.

La demoiselle à laquelle il parlait ce soir-là semble répondre rapidement, elle aussi. N’est-ce pas un signe que quelque chose de sérieux est en train de se construire entre eux ? La mâchoire serrée, je tente d’écrire un message sur le même ton qu’utiliserait Lucius.

Dis, j’ai une idée ! Ca te dit qu’on aille boire un café demain après-midi ? On pourrait discuter tous les deux comme ça ! C’est plus simple qu’un SMS, non ?

Ah…trop poli peut-être, mon cher petit ami n’est pas du genre à prendre des pincettes par message. Pas assez de smileys non plus. Voyons voir…

Hé, tu veux boire un café avec moi demain? Je taf pas et je préfère parler en vrai quand même

Voilà. Un coeur pour agrémenter le tout, et le message peut être envoyé. Mon coeur bat la chamade, je crains déjà la réponse, comme si la demoiselle allait lui répondre avec une photo dénudée comme certaines savent si bien le faire…mais au lieu de ça, c’est en quelques secondes que je reçois une réponse positive. Bien. Je m’occupe de lui donner une heure et un lieu de rendez-vous, attends sagement la réponse et supprime l’ensemble de notre échange, ni vu ni connu.

C’est pas très gentil ce que tu fais quand même.
Ferme-la ! Tu serais content que je l’éloigne des autres menaces, non ?!
Pas si c’est pour être vilain avec ses copine-euh !

Je lève les yeux au ciel sur les pensées puériles de Thanikos, et repose simplement le portable de Lucius dans sa main. Puis, innocemment, j’embrasse sa joue et la lui caresse doucement. Je dois le mener jusqu’à son lit tout de même, il ne va pas dormir ici, si ? Freja, elle, se nettoie les plumes dans un coin et ne fait absolument pas attention à nous. Nuggets dort déjà dans la chambre. Ah…personne n’a été témoin de mon action. Bien.

Je suis rentré chez moi tôt dans la matinée, après avoir cogité toute la nuit sans parvenir à trouver le repos. Tout de noir vêtu, des rangers jusqu’au blouson en cuir, j’approche d’un pas décidé de notre lieu de rendez-vous : un café plutôt sympathique et surtout loin des lieux fréquentés par les gens que je connais, un endroit où je pourrai discuter tranquillement sans risquer d’attirer des oreilles indiscrètes…et donc de risquer ma peau. Freja sur mes épaules n’a pas tellement compris pourquoi j’avais décidé d’agir ainsi, mais ne m’en a pas pour autant dissuadé ; depuis le temps, elle doit savoir que rien ne peut m’empêcher d’assurer mes arrières.

Je suis en avance, suffisamment pour sélectionner une table au fond du petit établissement et commander un café. Noir. Sans sucre. Mon invité surprise ne devrait pas tarder. Le serveur a pour consigne de la mener jusqu’à moi, cette chère demoiselle “Maja” dont je ne connais pas le nom de famille. Dommage. J’aurais bien voulu faire mes recherches avant de la confronter, histoire d’au moins savoir à qui j’ai affaire.

C’est peut-être elle qui débarque, cette petite blonde qui a l’air de chercher quelqu’un. Ah, si tu t’attendais à voir débarquer un grand dadais au joli minois, c’est raté mademoiselle. Le serveur discute avec elle, prenant certainement son nom, et désigne mon emplacement. Je me lève tel un robot, le visage impassible et mes yeux gris perturbant plongés dans les siens.

“Enchanté, Maja. Je suis Nero, et il me semble que vous ne vous attendiez pas à me voir. Vous aviez rendez-vous avec Lucius, n’est-ce pas ?”

Freja commence à s’agiter sur mon épaule, visiblement irritée par le beau renard qui accompagne la demoiselle. Ah…je sais qu’elle n’aime pas beaucoup les gros mammifères, mais ce n’est qu’un familier comme un autre, après tout.

“Installez-vous, je vous prie. Nous avons beaucoup à discuter, vous et moi.”

TW : Problèmes familiaux, mention de kidnapping, angoisses
La journée avait été éprouvante pour la poupée de cristal. Ulla avait appelé, feignant la volonté de prendre de ses nouvelles. En réalité, Ulla essayait de la joindre de temps à autres pour la surveiller et pour lui balancer deux-trois horreurs au téléphone, histoire de se décharger un peu de ce surplus de culpabilité qui refaisait surface de temps à autre. Maja la haïssait du plus profond de son âme. Elle qui était pourtant si douce et pleine d'empathie envers tout le monde, elle éprouvait une aversion immense pour sa mère, qu'elle ne considérait même pas comme telle.

Ulla était ce qui s'apparentait simplement à une génitrice aux yeux de Maja. Elle lui avait donné la vie mais les choses s'arrêtaient-là. L'innocence longtemps perdue de la Maja enfant, elle n'aurait dorénavant aucune pitié à la laisser sur le bord d'une autoroute en plein hiver et sans téléphone. Le coeur englouti sous des sanglots qu'elle retenait pour une mère qu'elle n'a jamais eue, Maja rentra de sa journée, lasse. Les jambes en coton et les doigts gelés du photoshoot réalisé en pleine forêt, elle fila directement à la douche. Au creux de son âme, Maja pleurait pour Ulla mais rien n'apparaissait au bord de ses yeux.

Après s'être revigorée sous la douche, la belle blonde plongea dans son canapé et attrapa son téléphone. Elle cherchait le numéro de celui qui ne pouvait que trop bien comprendre sa journée.

« Lucius, tu te souviens de Moira, la folle de ce mariage en juin ? J'ai eu Moira 2.0 cet après-midi… »

Maja sourit en repensant à cet évènement de juin où ils avaient noué de vrais liens pour la première fois. Même si elle le connaissait vaguement de l'Académie, Lucius n'avait jamais été réellement quelqu'un qui faisait partie de son cercle d'amis proches. La journée avait été éprouvante en ce mois de juin, certes, mais la matinée avait été égayée par ce fleuriste, amoureux de ses fleurs.

Son téléphone vibra, c'était Lucius qui demandait plus de détails croustillants sur cette fameuse Moira 2.0.

« Elle voulait un photoshoot en pleine forêt pour une ambiance sombre, elle est venue habillée coloré. Quand je lui ai expliqué que ça n'allait pas bien rendre, elle m'a dit “tu pourras le retoucher non ?”, et je t'en passe des vertes et des pas mûres qu'elle m'a sorties. RIP aux heures que je vais perdre à retoucher ses photos . »

La douce déposa son téléphone sur le canapé et s'attela à se préparer à manger. En se levant, elle remarqua que Besky était revenu de sa balade et était posé sur le balcon en train de la regarder avec des yeux de biche. Elle s'étonnait toujours de la façon dont il parvenait à grimper le long de l'arbre qui longeait l'immeuble et qui connectait presque avec son appartement. Elle pressa le pas pour aller lui ouvrir, heureuse de le voir. Il entra, tout pimpant et se mit à tourner autour d'elle. Elle s'abaissa et le prit dans ses bras. Ses longs poils étaient emprunts à une fraîcheur hivernale qui lui fit l'effet d'une bouffée d'air frais. En préparant à manger, Maja se rendit compte du silence qui régnait dans l'atmosphère. Elle était seule.

Ne pense pas à Cináed. Ne pense pas à Cináed.
Il ne te mérite pas, Maja. Il se sert de toi.
Douce poupée, ne le laisse pas t'écraser le coeur. Il est déjà assez émietté comme ça.

Cináed. Cela faisait deux semaines qu'elle n'avait plus de nouvelles. Deux semaines qu'il n'avait pas toqué à sa porte à n'importe quelle heure de la journée, les prunelles brillantes et une lueur d'angoisse sur le visage, pour qu'elle manipule ses rêves.
Deux semaines qu'il n'avait pas répondu à son message.
Où était-il ?

La vibration du téléphone la sortit de sa torpeur. C'était Lucius.

« Hé, tu veux boire un café avec moi demain?  Je taf pas et je préfère parler en vrai quand même  »

Son message était étrange. Ils venaient tout juste de se parler et c'était comme s'il ne s'étaient pas écrit depuis quelques jours. Maja balaya d'un revers cette impression, après tout c'était possible que Lucius se soit endormi du fait de sa narcolepsie et qu'il ait perdu la notion de temps ou oublié leur conversation.

« Avec plaisir, on se retrouve en matinée plutôt, j'ai un truc l'aprem. Toujours le même café? »

Maja était contente de revoir Lucius, cela faisait une semaine ou deux qu'elle ne l'avait pas vu. Ils allaient sûrement avoir des choses à se raconter, des anecdotes croustillantes de leurs clients respectifs.
Ce soir-là, Maja s'assoupit, le coeur toujours au bord des lèvres.

Pour ne pas changer.
Tu n'es pas prête à ce qui t'attend demain.


Maja emmena Besky avec elle. Il avait envie de passer du temps avec la douce et puis il appréciait Lucius, il n'y avait donc pas de risque qu'il souhaite sortir les griffes et mettre des coups de pattes. Arrivée au café habituel, elle croisa du regard Alistar, le serveur.

« Hey, tu vas bien ? Tu sais où est Lucius, je ne le vois pas à notre table habituelle ? »
« C'était Lucius que tu devais voir ? C'est bizarre, le gars là-bas m'a dit que tu avais rendez-vous avec lui. »

Maja tourna brusquement la tête en direction du fond de la pièce où pointait Alistar. Son coeur manqua un battement. Un homme qu'elle ne connaissait pas attendait droit comme un pic sur sa chaise. Avec ses cheveux de jais, ses prunelles grises et ses tatouages, il était drôlement impressionnant et affichait une mine impassible.

« C'est qui ? », questionna Maja, les sourcils froncés, méfiante.

Alista haussa les épaules et Maja entreprit de s'avancer vers l'inconnu. Besky, d'un air joyeux et sans une once de méfiance -pour le moment, lança :

« Oh regarde, il y a une chouette avec lui ! »

La poupée de cristal ne rétorqua pas et se positionna à la hauteur de l'homme, qui venait de se lever. Il se présenta comme étant un certain “Nero” et lui demanda de s'installer en prétextant qu'ils avaient beaucoup de choses à se dire. Sur la défensive, Maja se mit à croiser les bras. Qu'est-ce que Lucius tramait ?

« Enchantée, répondit Maja, toujours polie mais soucieuse de savoir comment il connaissait son prénom. Lucius ne m'a rien dit, il va arriver ? »

La chouette semblait s'agiter devant Besky, ce qui commença à le titiller et le mettre sur la défensive également.

« Excusez-moi, je ne suis pas sûre de comprendre… Nero, m'avez-vous dit ? Pourquoi Lucius n'est pas là et comment connaissez-vous mon nom? »

D'instinct, elle se voyait déjà kidnappée dans le coffre d'une voiture, pensant que c'était quelqu'un qui en voulait à sa famille élitiste ou pire, à sa mère, avec qui elle ne voulait avoir aucun lien.

Relaxe, Maja.
Ton coeur qui s'affole s'entend à des kilomètres.

Je ne peux détacher mon regard de son visage alors que nous nous installons tous les deux à cette table. Le dos droit et le visage sans aucune expression, je ne fais pas vraiment d’effort pour la mettre à l’aise. Il faut dire que si je ne me retenais pas, je serais déjà en train de la bombarder de questions afin de savoir si oui ou non elle a une relation avec mon amant. Je dois aussi la jouer fine : elle ne doit pas savoir que je suis avec Lucius, ou ma réputation risque d’en prendre un sacré coup. Réputation qui remonterait aux oreilles de ma famille, et je n’imagine même pas quelle conséquence cela pourrait avoir sur ma vie. Ils m’enverraient sûrement de nouveau en camp, n’est-ce pas ? Rien que d’y songer, j’ai des sueurs froides dans le dos. Ce n’est pas le moment d’être déstabilisé.

“Lucius ne viendra pas.”

La phrase ne souffre aucune discussion, prononcée d’un ton sec. Je reste néanmoins poli en apparence et attends qu’elle s’installe pour m’asseoir à mon tour, les mains jointes sur la table et mes prunelles claires ne quittant pas son visage. Le fameux “Karlsson stare”, qui donne l’impression de sonder votre âme. J’aimerais bien que ce soit le cas, pour être honnête ; connaître toute la vérité rien qu’en observant les gens. Ca pourrait être utile.

“Disons que je suis familier avec lui, suffisamment pour l'appeler par son prénom. Quant à votre nom…il est apparu au détour d’une conversation. C’est la curiosité qui m’a poussé à vous donner rendez-vous ici, mademoiselle.”

Un hululement agacé de la part de Freja me fait enfin détacher le regard de mon invitée, pour le poser sur ma chouette qui a quitté mon épaule pour se percher sur le bord de la table. Elle fixe intensément le renard, l’air mauvais. Les sourcils froncés, je tente de la récupérer ; en vain. C’est qu’elle est vive la petite, et je n’ai pas envie de me battre avec.

“Jl’aime pas, lui. Il m’emmerde. On parle pas de ma taille impunément !”
“Freja ! Un peu de tenue ! On n’agresse pas les familiers des inconnus gratuitement.”

Nouvel hululement de la part de la chouette, qui s’envole pour se percher sur le dossier de ma chaise cette fois. Je lève les yeux au plafond, mais me désintéresse vite de ses états d’âme pour reporter mon attention sur la sorcière.

“J’aurais quelques questions à vous poser. Ca risque de prendre un certain temps, alors vous devriez commander un café.”

Ce n’est pas vraiment une demande, plutôt un ordre de ma part. J’ai décidé de la suite de cette après-midi, et je ne souffrirai pas d’une seule contrariété. Me voilà donc qui hèle le serveur afin qu’il prenne sa commande, sans cesser de la fixer des yeux. N’étant pas attiré par les femmes, il m’est parfois difficile de déterminer du sex appeal de l’une de ces individus. Mais j’ai beaucoup lu sur le sujet à une époque lointaine, et il me semble que les moeurs n’ont pas tellement évolué avec le temps. Les femmes blondes, avec des cheveux longs, à la taille fine et aux dents étincelantes sont parmi les plus appréciées de la gente masculine. Un bonus si elles sont pourvues d’une “forte poitrine”, caractéristique qui semblerait faire tourner la tête de bien des hommes. Ah…elle n’est peut-être pas très bien fournie à ce niveau-là par rapport à ce que j’ai pu rencontrer dans ma vie, mais le reste semble être coché. Ce qui ne me rassure pas le moins du monde dans cette histoire, je dois l’avouer.

“Bien. Tout d’abord…depuis quand connaissez-vous Lucius ? Et quelle est la nature de votre relation ?”

TW : Anxiété, mention de meurtre/tueur en série, mention d'un "tout puissant"

Maja s'installe timidement sur la chaise en prenant soin de contrôler chaque mouvement, presque sans respirer, de peur qu'il se mette à lui sauter à la gorge. Elle tente donc vainement de se rassurer en son for intérieur, nous sommes dans un lieu public, il ne va pas m'agresser, si ?… si ?

Son regard suit le sien et Maja se sent peu à peu mise à nue, comme si l'homme cherchait à scruter dans les moindres recoins de son âme pour y sonder l'entièreté de sa personne. Son visage fermé, ses prunelles froides comme de la glace, son visage demeure imperceptible et Maja ne peut y déceler une once de gentillesse - ou même d'un quelconque sentiment. Imperturbable, il rend la douce pourtant perturbée.

Maja au coeur un peu trop fragile,
Prête à chanceler au moindre être socialement peu habile.

Maja aussi se met à le scruter, de ses pupilles chaleureuses et accueillantes, pourtant ici bien déboussolées. Droit comme un pic, de son allure considérable il paraît s'étendre de tout son long vers le ciel. Maja ne sait pas, Maja angoisse. Son thorax s'affaisse, ses poumons se compriment et l'air se fait de plus en plus rare. Telle une souris devant le chat aigris des voisins, Maja se fait toute petite et reste de marbre. Elle aussi se met bien droite, bien haute mais ses épaules relevées et son visage crispé ne font pourtant que la trahir.

« Lucius ne viendra pas. »

Cette phrase résonne dans sa tête en écho, comme s'il était un tout puissant qui lui manifestait une vérité générale et indéfectible. Lucius ne viendra pas. Lucius ne viendra pas.

Et puis ton cerveau se met en marche.
Ton corps crie pour réveiller en toi ton instinct de survie.

Quoi ? Qu'a-t-il fait à Lucius ? Est-ce qu'il l'a…tué ?
Très vite, Nero la sort de sa torpeur, cet état de crise existentielle paranoïaque où son anxiété lui fait croire qu'elle fait face à Jack L'Eventreur.

Ce n'est pourtant rien de tout ça, Maja.
Cette peur du monde te dessert.
Souffle. Un, deux, trois.

Calmement, d'une voix assurée, l'homme en face d'elle lui fait comprendre qu'il connaît Lucius  et qu'il est simplement curieux de la connaître. Maja est soulagée. Pas pour très longtemps, mais suffisamment pour qu'elle se mette à gigoter de nouveau sur son siège.

« Oh, vous connaissez Lucius ? Comment vous le connaissez ? Et puis pas de souci, je suis ravie de rencontrer les amis de Lucius » dit-elle d'une voix guillerette, beaucoup plus enjouée.

Visiblement, même avec toute la volonté du monde et l'obligeance qu'elle essayait de faire transparaître tant bien que mal dans ses mots, Maja ne parvint pourtant pas à détendre l'inconnu en face d'elle. Avant qu'elle ne puisse enchaîner pour tenter d'en découvrir davantage sur Nero, sa chouette, à l'air peu commode, s'approche dangereusement de la table et hulule auprès de Besky.

Mais, qu'est-ce qu'il lui arrive à cette chouette ? Je ne lui ai rien fait.
Nero tente de retenir sa chouette visiblement prénommée Freja, mais sans beaucoup de conviction.

« Oh, Besky est un adorable familier ! Il ne va pas la mordre. »

Quelque chose au fond d'elle lui dit que c'est plutôt sa chouette qui risque de le mordre. La douce pose sa main frêle sur Besky, comme pour le rassurer, pour lui dire Je suis là, tout va bien se passer. La chouette s'envole sur l'épaule de Nero, sans pourtant autant le perturber.

L'attention de Maja se porte de nouveau sur son interlocuteur, tout en gardant un oeil sur cette situation cocasse des deux familiers.

« J’aurais quelques questions à vous poser. Ça risque de prendre un certain temps, alors vous devriez commander un café. »

Cette phrase, aussi droite que sa posture, laisse notre poupée bien décontenancée. Elle crut entendre, l'espace d'un instant, sa mère. Elle a l'impression de se retrouver au milieu d'une série policière comme les humains savent si bien le faire et qu'elle est en plein milieu d'un interrogatoire. Déboussolée mais toujours bien trop aimable, Maja ne se fait pas prier pour commander un thé vert.

« Oui, bien sûr ! Qu'est-ce que vous voulez savoir ? »

Trop peu sûre d'elle pour le questionner davantage sur ses intentions - et puisque de toute manière il ne semble pas vouloir y répondre, le petit bout de femme se dit qu'en coopérant, ça se passe toujours mieux dans les films, non… ?

Elle commande un thé auprès d'Alistar, en lui glissant dans le regard un “au secours” qu'il ne comprend pas vraiment.

Maja qui ne peut s'exprimer avec des mots et qui exprime ses maux par le regard.
Maja qui ne saura jamais laisser en plan qui que ce soit, pas même cet homme bien douteux et mystérieux aux premiers abords.

Elle se sent de nouveau scrutée et ce silence, ce lourd silence pendant cet instant où il semble la détailler minutieusement. Maja détourne le regard et se met à regarder Besky pour se consoler.

Il est bizarre, lui, non ? Qu'est-ce qu'il veut ?

La voix de Nero retentit enfin, brisant ce dur silence qui la pesait étrangement bien plus que des mots douloureux.

« Bien. Tout d’abord…depuis quand connaissez-vous Lucius ? Et quelle est la nature de votre relation ? »

Encore une fois décontenancée. Maja ne comprend pas, Maja ne suit pas. Elle a l'impression d'être hors du temps l'espace de quelques instants. La… nature de notre relation ? Comment ça, la nature de notre relation ?
Dans une tentative, qu'elle sait déjà vaine, Maja essaie l'humour :

« Pourquoi, il vous doit de l'argent Lucius ? » dit-elle avec un rire doux et timide.

La démarche échoue lamentablement et pire, elle semble accentuer les traits rigides de l'homme aux cheveux de jais. Le sourire de la poupée s'efface, son air inquiet ressurgit. Elle se dit qu'il vaut sûrement mieux lui répondre que de le brusquer.

« C'est un ami que j'ai rencontré à un mariage pour nos jobs respectifs, on se connaissait de vue à l'académie. »

Comme pour se rassurer, à la manière d'un objet que l'on conserve lorsqu'on est enfant pour se sentir en sécurité, Maja se met machinalement à faire apparaître une toute petite pendule de la main gauche pendant qu'elle égoutte son sachet de thé de son autre main.

Et doucement, elle te ramène à la réalité.
Tout va bien aller.

Cette apparition ne semble guère convenir à l'inconnu qui se met à froncer les sourcils, sans que Maja ne comprenne pourquoi.

Dans un espoir innocent, elle se dit qu'elle peut peut-être en découvrir davantage sur lui afin de comprendre ce qu'il lui veut et qui il est réellement. Après tout, les gens ne mordent pas ? Ou peut-être que certains si…?

« Et vous, comment vous connaissez Lucius ? C'est un ami à vous aussi ? »

Elle se veut abordable Maja, aimable et intéressée, même si au fond d'elle réside une légère angoisse. Parviendra-t-elle à obtenir une esquisse de réponse viable ?

Elle n’est pas à l’aise, cette demoiselle, et intérieurement je me sens bien supérieur de la voir aussi timide. Parce que je sais que c’est à cause de mon charisme, parce qu’elle craint sûrement d’avoir fait des bêtises qui méritent l’attention d’un être tel que moi. Oh, je ne dévoilerai pas mon nom de famille - elle devrait déjà le connaître, et si ce n’est pas le cas, disons que c’est mieux ainsi - mais mon attitude hurle mon appartenance à une famille haut placée. Je ne fais pas partie de la plèbe mais de l’élite, et tout dans ma prestance et ma tenue le prouve.

Son enthousiasme apparent ne me plaît pas. Je fronce d’ailleurs les sourcils alors qu’elle me demande comment je connais notre ami commun. Est-elle en train de m’évaluer à son tour ? Peut-être compte-t-elle dévoiler cette information à son coven, peut-être qu’elle a bel et bien deviné qui j’étais. Ce n’est pas une bonne nouvelle pour moi, mais je n’ai pas besoin de répondre, n’est-ce pas ? C’est moi qui pose les questions, aujourd’hui. Elle n’a pas à en connaître davantage sur mon compte. J’ignore donc sa demande, notant tout de même que “les amis de Lucius” vient au pluriel. Combien de personnes gravitent autour de mon petit fleuriste ? Sont-ils également à surveiller ? Sont-ils des menaces pour lui, pour moi, pour notre couple en devenir ? Bien évidemment. Je note mentalement qu’il me faudra vérifier son portable dans les jours à venir, voire peut-être le faire suivre par l’un des domestiques. Ils sont capables de tenir leur langue, le font déjà au quotidien pour mes escapades nocturnes. Alors ils ne dévoileraient rien à la famille si je fais surveiller un pauvre type issu d’une couche sociale si éloignée de la mienne, n’est-ce pas ?

Freja se manifeste une fois encore par un hululement agacé, elle qui s’apprêtait à attaquer le familier de la demoiselle. “Besky”, comme elle l’appelle, ne fait pas vraiment d’effort pour désescalader la situation. Des excuses seraient appréciables, mais je ne suis pas là pour m’occuper des deux animaux. Le visage impassible, je secoue la tête et reporte mon attention sur mon invité du jour.

La première question fuse, et est presque immédiatement suivie d’une autre question de sa part. Mes sourcils se froncent, une fois encore ; comment ça, Lucius me devrait de l’argent ? Quelle est la nature de cette question ? A-t-elle déjà été approchée par le passé par quelqu’un qui aurait prêté de l’argent à mon amant ? Celui-ci aurait-il des contacts avec des gens peu recommandables ? Je sais déjà qu’il a vécu dans le quartier de Leith, mais ne suis pas au courant de sa vie là-bas. Je sais également qu’il a tendance à traîner un peu trop souvent avec une jeune femme du nom d’Alba, nom de famille inconnu pour le moment, jeune femme qui, de ce que j’ai compris, est une très mauvaise influence en plus d’être incroyablement pauvre. Ah. Mon cher amant a le don pour attirer les cas désespéré à lui…et je ne m’inclus certainement pas dans cette appellation.

Elle répond enfin, après avoir tourné autour du pot pendant un trop long moment pour que cela soit innocent. Est-ce la vérité, dans ce cas ? Elle semble sincère, mais je ne suis pas très doué pour détecter les mensonges malgré mes efforts allant dans ce sens. Le temps qu’elle a mis à trouver quoi répliquer est-il suffisant pour croire qu’elle me ment ? Aurait-elle plutôt dû réfléchir en amont sur un potentiel interrogatoire comme je lui fais ici ? Le mensonge n’est pas quelque chose de spontané chez tout le monde. Qui sait ? Peut-être qu’elle est juste un peu trop stressé de m’avoir en face, ou peut-être qu’elle joue la comédie. Parfois, j’aimerais être capable de lire les pensées.

Alors que je m’apprêtai à lui laisser le bénéfice du doute, voilà qu’elle fait l’étalage de ses pouvoirs. Et à cet instant précis, une alarme retentit dans mon esprit. Ce qu’elle fait…ce sont des illusions. Elle est donc oniromancienne, manipulant l’une des magies les plus dangereuses au monde ; du moins, de mon point de vue. Je me redresse d’un seul coup, comme frappé en pleine poitrine, mais conserve ce visage impassible malgré tout.

Sa question passe à la trappe, une nouvelle fois. Déjà parce que je n’ai pas à lui répondre - surtout après avoir appris son appartenance au coven des Enfants Vagabonds - mais également parce que je commence à sérieusement me méfier de cette demoiselle. Comment savoir si elle est réellement niaise et pas simplement en train de se jouer de moi ? Je tente de me détendre en sirotant une gorgée de café.

“Vous êtes oniromancienne.”

Nouvelle gorgée de café, avant de reposer la tasse pour joindre les deux mains sur la table. A nos côtés, les deux familiers semblent toujours en pleine prise de bec, pourtant je les ignore royalement. Je me contente de la fixer du regard, suspicieux.

“Je ne sais pas si je peux faire confiance à vos réponses. Vous autres oniromanciens sachez très bien masquer la réalité. J’imagine que le mensonge devient une seconde nature lorsqu’on manipule les illusions.”

Je sais, Lucius est également dans le même cas de figure. Mais j’ignore pourquoi, je lui fais confiance, à lui. Du moins suffisamment pour dormir à ses côtés en sachant bien qu’il peut entrer dans mes rêves et découvrir des choses que j’aimerais cacher au monde entier, des traumatismes passés qu’il n’a aucun droit d’observer. Les autres oniro, par contre ? C’est une autre histoire.

“Vous avez dit le connaître de l’académie. Ca fait donc un petit moment, maintenant. Et vous faites partie du même coven. Puis, vous vous êtes retrouvés dans le cadre de votre travail. Quel est ce travail ? Et depuis combien de temps avez-vous renoué ?”

Est-ce qu’elle fait partie de ces femmes qu’il a vu durant notre break involontaire ? Est-ce qu’elle a partagé ses draps un soir, et reste ainsi près de lui, dans l’espoir peut-être qu’il lui redonne une chance ? Est-ce que les oniromanciens sont immunisés à leur propre magie…? Tant de questions sans réponses, et personne de confiance à qui les demander.

« Vous êtes oniromancienne. »

Cette phrase résonne au creux de ses oreilles, pénétrant les replis les plus intimes de son être, la figeant de ton son saoul. Pourtant si modeste et brève, cette phrase si innocente pourtant énoncée avec une telle froideur que Maja ne peut y rester insensible. En ces trois mots se dissimulent une multitude de significations, des silences chargés, des allusions dissimulant tous les reproches du monde.

« Je… oui, oui je suis oniromancienne. »

C'est presque si Maja n'ose l'énoncer. Le dire incombe d'affirmer ses propos et, peut-être implicitement lui donner raison. Le temps s'étire, les secondes se métamorphosent en minutes et l'air se fait si soudainement lourd. Est-ce lui qui pèse ainsi l'atmosphère ?
Les accusations ne tardent pas à se défaire de ce voile qui les dissimulaient sous ces mots. Masquer, mensonge, manipuler. L'esprit de Maja s'accroche sur ce qu'elle vient d'entendre et ne le comprend d'abord pas. Mentir, manipuler ? Simplement en raison de sa nature oniromancienne ?
Rien ne fait sens, tout se heure à tel point qu'elle se retrouve incapable de répondre, trop intimement troublée par celui qui l'accuse d'actes sans la connaître véritablement. Mais qui est-il, au juste ?

Au sein de cette valse infernale, où la douce se retrouve enserrée par les mots accusateurs, l'intrépide qui se dresse devant elle comme une pointe, Maja demeure ébranlée par cette situation qui jamais n'avait croisé son chemin.

Les questions s'amplifient, tel un interrogatoire judiciaire implacable. Piégée dans un étau se resserrant inexorablement, Maja a l'impression d'avoir commis une faute, voire pire, que Lucius soit empêtré dans des démêlés judiciaires.

« Euh…écoutez… je… je ne sais pas trop quoi vous dire. On s'est rencontrés au travail, je suis photographe, il est fleuriste, c'était à un mariage. Mais je ne comprends pas toutes ces questions. Je suis oniromancienne oui mais ça ne fait pas de moi quelqu'un de mauvais. » Elle le déclare d'une traite, comme si elle cherchait à mettre un terme à tout cela, tel un pansement qu'on retire rapidement pour minimiser la douleur.

« Lucius a des problèmes avec la justice ? Est-ce qu'il a fait quelque chose de mal ? »

Elle enlace une mèche de ses cheveux autour de ses doigts, signe d'une anxiété grandissante qu'elle peine à contenir.

« Si vous êtes représentant de la loi, vous devez me décliner votre identité. Je doute qu'un interrogatoire non annoncé soit légal », lance-t-elle, feignant une assurance alors que ses jambes déjà vacillent.

En quête de refuge, Maja pose délicatement sa main sur Besky, transmettant à l'animal frémissant tout le poids du stress qui l'envahit graduellement. Ses poils se dressent, transformant l'habituel docile en une silhouette plus imposante. La poupée scrute les environs, cherchant une issue prompte, une source de réconfort, se convaincant qu'en cas de besoin, elle peut s'échapper. Ses yeux cherchent assistance dans le regard du serveur, mais échouent à s'y accrocher.

Son regard revient inévitablement sur celui qui se tient devant elle. Si c'est une plaisanterie, elle manque cruellement d'humour. Et si cet homme n'est pas un représentant de la loi, pourquoi l'accable-t-il de questions ? Pourquoi reste-t-il muet face aux siennes ? Comment a-t-il pu avoir accès au téléphone de Lucius ? Et s'il connaît réellement Lucius, pourquoi ce dernier fréquente-t-il de telles personnes ?

Son visage, aux traits tendus, droits, et des yeux aussi froids que l'hiver, suffisent à intimider Maja, déjà mal à l'aise dans les interactions sociales. Son instinct de survie s'éveille, et elle tente, dans un ultime élan, de prononcer des mots feignant une assurance qui trahissent rapidement un manque de confiance profond en elle.

« Si vous avez des questions à poser à Lucius, je pense qu'il peut vous répondre. Je ne suis pas très à l'aise là tout de suite, je pense que je vais y aller… »

“Je suis oniromancienne oui mais ça ne fait pas de moi quelqu'un de mauvais.”
J’ai du mal à avaler cette histoire, même si le visage de mon interlocutrice semble suffisamment doux pour laisser passer une personnalité effacée. Pourquoi cette méfiance ? Parce que le pouvoir même des oniromanciens est sournois, les rendant eux aussi naturellement sournois à leur tour. Ce n’est pas leur faute, c’est ainsi qu’ils sont nés. Mais c’est aussi ce qui me pousse à la paranoïa lorsque j’en rencontre un ou une, pensant immédiatement à cette capacité qu’ils ont de rentrer dans la tête des autres. Pour un homme tel que moi, possédant tant de secrets qui ne doivent absolument pas être dévoilés, savoir qu’un inconnu serait capable de me percer à jour me donne des frissons dans le dos.

D’un coup, je me demande si cette pensée est considérée comme du racisme. Après tout, je place toute une catégorie de personne dans des cases clichées, et…non, ça n’est pas du racisme, j’en suis persuadé. N’est-ce pas prouvé que les oniromanciens sont tous vicieux ? Ce n’est pas qu’un préjugé, c’est même la raison pour laquelle beaucoup de personnes cherchent à s’attirer leurs faveurs et leur demander d’espionner l’ennemi. Ce n’est donc pas raciste, pas un simple cliché. Les preuves sont là, non ? Dans le pire des cas, ce n’est pas à moi de me justifier, mais à eux.

“Avec la justice ?”

Je suis pris de court par la question, ne comprenant vraiment pas comment la conversation a pu dériver par là. Mais ce qu’elle ajoute ensuite…ah, mademoiselle croit que je suis policier, et que j’enquête potentiellement sur Jager. Drôle de réflexion, celle d’une personne moyenne n’ayant visiblement jamais eu affaire à la justice. Bien que je reste en apparence extrêmement stoïque, cette situation m’amuse plus que je n’ose l’avouer. Freja par contre, n’étant pas la plus discrète des chouettes, éclate d’un rire mêlé de piaillement.

“Imagine si t’étais vraiment flic !”
“Freja.”
“Non mais c’est super drôle quand même ! Avec ton petit uniforme, ton petit badge…”
“Un jour, tu vas finir en nuggets.”

C’est une menace courante que je profère à son adresse, la comparant régulièrement à un poulet pour la mettre dans tous ses états. Au moins, cette réflexion a le mérite de l’arrêter dans ses piaillements, une expression sévère se dessinant désormais sur son visage plumeux.

En voyant mon invitée s’agiter, je comprends qu’elle souhaite s’en aller le plus vite possible. Mon visage se fend d’un sourire - rien qui soit très rassurant, j’en conviens. Lorsque je montre ce genre d’expression, souvent, mes interlocuteurs craignent pour leur vie. Ce n’est pas forcément volontaire, mais il paraît que voir autre chose qu’un visage neutre et inexpressif chez moi est effrayant.

“Nous n’en avons pas terminé, mademoiselle. Pourquoi voulez-vous fuir ? Nous ne faisons que discuter autour d’un café.”

J’insiste sur ce dernier mot pour qu’elle se réinstalle d’elle-même, et croise les doigts sur la table. Puisque la politesse ne fonctionne pas, il va falloir tenter une nouvelle approche. Ah, j’aurais aimé ne pas en arriver là, mais…

“Je vais être plus direct, puisque vous semblez peiner à cerner le problème. Avez-vous déjà eu des relations sexuelles avec Jager ?”

Va-t-elle enfin répondre à cette question ? Le prendre mal peut-être ? C'est que pour la plupart des gens, le sexe est un tabou à ne pas mentionner en public. Mais même si nous sommes en public, le manque de clients autour de nous et le fait que le serveur vaque à ses occupations nous donne une intimité suffisante pour discuter de telles chose. N'est-ce pas ? Alors qu'elle ne soit pas prude avec moi, je n'attends qu'un "oui" ou un "non".