[Terminé] I'm so terribly lost ft. Albius

Les doigts encore sur ses lèvres, à faire les cents pas dans l'herbe fraîche devant sa voiture toujours garée, Jager se questionne. Ses méninges gambergent, ça fait déjà bien une vingtaine de minutes que l'Aéromancien a quitté les lieux pour une urgence professionnelle. Vingt minutes à se demander ce qu'il vient de se passer et ce qu'il vient de lui arriver. Oh, à son âge, à vingt huit ans tout de même... Ce n'est pas la première fois qu'on l'attrape pour l'embrasser à la fin d'un date. C'est généralement que la rencontre s'est bien passée, que le courant est établi et qu'elle a envie de le revoir une deuxième fois pour remettre ça et éventuellement établir une relation. Mais ce n'est pas une elle. C'est un il. Lucius il n'avait clairement pas prévu ça ce soir. Pensait juste qu'ils allaient boire un coup entre gars, pour discuter, éventuellement devenir amis. Parce que c'est généralement ce qu'il se passe entre deux hommes. Ou tout du moins, de son expérience personnelle. Aller boire un coup avec un copain ou un futur copain dans ce cas-là, ça lui est arrivé plus d'une fois. Embrasser le type après par contre, c'est la première fois.

C'est donc tout logiquement qu'il s'agisait en réalité d'un date. S'il avait su, Lucius aurait probablement prévenu en amont qu'il n'était pas homosexuel. Ou bisexuel. Quoi que. Maintenant qu'il y pense, le cul enfin posé contre son capot pour arrêter de s'agiter, le vagabond se demande s'il ne l'est pas peut-être un peu. Aucun moyen de le savoir, il n'y a jamais réfléchi. Les femmes c'était comme une évidence pour lui. Il les apprécie, les demoiselles. Brunes, blondes, rousses... Peu lui importe, il n'a pas spécialement de genre et préfère généralement les filles qui ont un caractère plus marqué que le sien. Parce qu'il faut bien un équilibre en soit. Que lui n'est pas forcément du genre à prendre des décisions par peur de merder, alors... C'est souvent mieux d'avoir une copine plus déterminée et sure d'elle même que lui, d'un naturel plus passif.

Il y en a une qui ne semble jamais douter de rien, c'est Alba. Pourtant, contrairement à ce que beaucoup de gens ont pu penser -et pensent encore- il n'y a jamais rien eu du tout entre eux deux. Des rumeurs qui les disent amants, il y en a eu tout un tas. Mais en soit, ça lui a toujours permis de pouvoir faire un tri dans ses copines. Quand il y en a une qui ne comprenait pas leur amitié, qui était trop jalouse et qui lui demandais de choisir : C'est Alba ou c'est moi. Lucius bien qu'il peine souvent à se décider n'a jamais hésité à cette question, choisissant toujours la pyromancienne. Il sait que c'est la même chose de son côté à elle, quand il y en a qui lui ont donné le même genre d'ultimatum. C'est toujours Lucius plutôt que le copain ou la copine. Parce qu'ils sont certains tout les deux, que l'autre sera toujours là quoi qu'il advienne dans la vie. Tandis qu'un.e partenaire... Cinquante pourcent des mariages terminent en divorce. Et ça ne vaut pas la peine d'abandonner sa meilleure amie pour une jolie fille qui finiras peut-être par le plaquer à un moment donné.

L'Oniromancien qui fouille ses poches, sort son portable et cherche dans son répertoire. La sonnerie qui arrive. Une fois. Deux fois. Trois fois. Il ne lui laisse pas le temps de parler à Alba et annonce tout de suite :

« Alba, faut qu'on fasses une réunion de crise chez toi, j'ai besoin de te parler de mon date de ce soir. Parce que je savais pas que c'était un date en fait, je croyais qu'on allait juste boire un coup. J'suis perdu et confus là, faut que je te raconte tout et que tu me tires les cartes peut-être je sais pas. Au moins une séance de psy dans tout les cas, parce que j'ai besoin de savoir si je suis bisexuel ou pas. Parce que ouais, c'était un gars et pas une fille alors je comprends plus rien... »

Le silence l'angoisse. Il a lâché une longue tirade, plus bavard qu'à l'accoutumée à cause du stress qui lui donne des palpitations au cœur. Sans se douter un seul instant de sa bêtise. La panique, ça ne lui réussit vraiment pas à Jager. Quelle idée de merde aussi il a eu, d'enregistrer "Alba Radio" juste en dessous de "Alba". Un doigt qui rippe, les yeux qui se croisent et le voilà à déballer sa vie sentimentale devant tout les auditeurices de l'émission du soir de Leith FM.
Crédits ; joyexe & noahsebstian

Alba elle a toujours aimé son métier. Déjà parce qu’elle n’a plus besoin de vivre et travailler avec papa maman, et à 27 ans, il faut avouer que c’est quand même assez libérateur, surtout que ces derniers ont tendance à être surprotecteurs. Elle l’aime aussi parce qu’il ne lui prend qu’une partie de la soirée, quatre heures, tous les jours. Alors certes, ça ne lui rapporte pas une fortune, elle ne roule pas sur l’or, Alba, elle est loin de vivre dans un palace orné de dorures et verreries comme on en voit tant chez les autres pyromanciens de Stockbridge et Cannonmills. Elle s’en contente allégrement, est loin de se trouver à plaindre. Mais ce qu’elle préfère, dans son travail, c’est d’échanger avec des inconnus aux histoires parfois complètement incongrues.

Car Alba ne fait pas qu’annoncer quelle chanson va passer, donner la météo et un petit point infos par heure. Non, non, la rubrique du soir accueillent les plaintes et questionnements de nombreux auditeurs auxquels la pyromancienne répond tantôt grâce à sa jugeotte personnelle, tantôt grâce à un tirage de tarot. Et il faut bien avouer que cette dernière attraction fait fureur auprès des ondes, et est sûrement, avec sa gouille, l’une des principales raisons pour laquelle elle est toujours membre de la station. On raffole de sa nonchalance jamais méchante et de son innocente impertinence.

Alba est la seule présentatrice, entre 21h et 1h. Quand elle arrive, elle prend la place de l’équipe de divertissement de début de soirée, et quand elle repart, c’est un oniromancien qui prend la relève pour les programmes de la nuit. Alors elle garde toujours la porte du studio d’enregistrement ouverte, histoire, en off, de pouvoir échanger avec les techniciens. Guadalupe est là aussi, lovée autour de son coup. Elle-même se permet parfois des remarques persifflantes quand personne ne peut l’entendre.

Et c’était Spellbound de Siouxsies and the Banshees ! Petit point météo : enfilez une petite veste si vous sortez ce soir, un vent venu des côtes de la Mer du Nord traversera la ville dans nuit. Il risque d’ailleurs de nous apporter quelques gouttes en début de matinée. Le reste de la journée s’annonce nuageux mais chaud, alors vous pourrez en sortir en paix mais attention amis Vagabonds, ne négligez pas la crème solaire pour autant ! Un coup d’oeil en direction de son collègue qui lui fait signe qu’un appel est en attente. Et il semblerait qu’un nouvel auditeur souhaite nous rejoindre à l’antenne, dit-elle en faisant signe du doigt au technicien de connecter l’interlocuteur. Accueillons le comme il se doit ! Mais avant même qu’elle est le temps d’introduire l’appelant en bonne et due forme, une voix qu’elle ne connait que trop bien se met à débiter un flot de paroles désespérées à un rythme inarrêtable. Alba, faut qu'on fasses une réunion de crise chez toi, j'ai besoin de te parler de mon date de ce soir. Mais pourquoi est-ce qu’il l’appelle sur cette ligne ? Elle le connait, il n’est pas du genre à s’afficher en public, Lucius, alors pourquoi il veut en parler à l’antenne ? Parce que je savais pas que c'était un date en fait, je croyais qu'on allait juste boire un coup. J'suis perdu et confus là, faut que je te raconte tout et que tu me tires les cartes peut-être je sais pas. D’accord, c’est définitivement une erreur de sa part. Mais Alba n’a pas le temps d’en placer une que Lucius enfonce déjà le dernier clou dans son propre cercueil. Au moins une séance de psy dans tout les cas, parce que j'ai besoin de savoir si je suis bisexuel ou pas. Parce que ouais, c'était un gars et pas une fille alors je comprends plus rien…

Pyroluxion soit damné, mais qu’est ce qu’il s’est passé ce soir et avec qui pour que cette buse d’oniromancien soit déboussolé au point de se taper une honte pareille aux oreilles de la moitié d’Edimbourg ! Le silence règne sur le plateau. Guadalupe lui assène un coup de queue sur le bras pour la sortir de sa torpeur : Qu’est-cccccce que t’attends pour lui ssssssauver la missssse ? Alba se reprend et après un petit rire gêné se saisit de son micro. Mais dis donc, il semblerait que notre cher auditeur soit complètement chamboulé ! Elle regarde du côté des techniciens qui la fixent avec des yeux ronds comme des soucoupes et agite sa main au niveau de son coup de manière frénétique. Laissons lui le temps d’une courte pause publicitaire pour se remettre de ses émotions et tirer les choses au clair, qu’en pensez-vous ? Une fois la pub lancée, elle retire son casque puis pose Guadalupe sur la table avant de se lever et de se précipiter vers le téléphone de la station.

Un des techniciens est en train d’expliquer à Lucius qu’Alba va reprendre son appel en privé quand cette dernière arrive et lui arrache pratiquement le téléphone des mains pour passer un savon à Lucius. Mais qu’est-ce qui tourne pas rond chez toi à te taper l’affiche comme ça, espèce de… de… głupi kretyn ! Je bosse jusqu’à 1h, pas jusqu’à minuit ! Tu veux me faire virer ou quoi ? Tu sais que j’ai pas le droit de recevoir d’appel personnel à part en cas d’extrême urgence. Tu m’excuseras mais je t’ai pas noté comme contact d’urgence pour que tu me racontes tes déboires amoureux en prime time. Elle inspire puis expire fort, histoire de se calmer. Lucius est sensible, lui crier dessus (même s’il en a clairement l’habitude) ne sert à rien, excepté le faire paniquer plus encore. Et puis depuis quand il sort avec des mecs… Bon. Clairement j’ai loupé un épisode ou alors tu m’as caché des trucs ! Retrouve moi à mon appartement à une heure et demi. Et prends un café pour pas roupiller, j’ai pas envie que tu t’effondres encore pendant une séance ! Elle lui laisse brièvement le temps de répondre avant de raccrocher et de rapidement clôturer l’émission. Oh, elle ne lui en veut pas vraiment. Il en faut plus que ça pour les brouiller ! Par contre, elle est indéniablement intriguée par ce qu’il a à lui raconter. Il n’a pas intérêt à lésiner sur les détails !
Crédits ; joyexe & noahsebstian

Oh la boulette. La terrible et énorme gourde de Lucius, qui immédiatement s'en veut quand Alba lui rappelle au téléphone qu'il ne doit pas l'appeler sur la ligne du travail. Les joues de l'Oniromancien qui s'empourprent de honte de l'autre côté du combiné. Premièrement parce qu'il a déballé toute sa vie sentimentale devant les oreilles grandes ouvertes des auditeurices de Leith FM. Il sait l'émission assez populaire et écoutée, alors... Combien de personnes inconnues, au juste, l'ont entendu parler de ses déboires ? Deuxièmement, parce qu'il s'en veut profondément de risquer d'attirer des ennuis à Alba.

« Je suis désolé pardon, j'ai été con, j'ai enregistré Alba radio juste en dessous de Alba dans mon téléphone, je crois que j'ai pas fait attention dans la panique, je vais changer le nom du contact pour pas refaire la bêtise, excuses moi. »

Ohlala mais si elle perd son travail, comment est-ce qu'elle va faire hein ? S'il sait qu'elle a toujours été débrouillarde -bien que ses méthodes ne soient pas les plus légales du monde- Lucius s'inquiète tout de même pour sa meilleure amie. Elle a enfin pu avoir un travail honnête et stable, bien que ça ne paye pas des masses, c'est au moins un petit revenu stable pour elle, peut-être l'espoir qu'elle entre sur le droit chemin. Plus jamais, Lucius n'a envie de sortir en courant d'un magasin en sa compagnie parce que les vigiles l'ont vue mettre un kit de faux ongles dans ses poches. Ils étaient jeunes, ils étaient un peu cons, encore adolescents profitant de leur week end pour traîner ensemble en dehors de l'académie. En dehors de l'Edimbourg sorcier, à flâner dans un Primark parce qu'Alba voulait voir pour y acheter une robe pas trop chère, pour il ne sait plus quelle occasion. Peut-être la remise des diplômes de l'Académie maintenant qu'il y repense ? Quel enfer. En plus avec son asthme, elle n'est vraiment pas faite pour courir et ça l'avait grandement inquiété.

Lucius ferait bien le pire voleur du monde, trop honnête pour réussir à se cacher et à jouer la comédie, ou même songer à partir sans payer ce qu'il doit. Il est du genre à toujours recalculer la monnaie, à signaler qu'on a oublié de lui compter un article au lieu de juste profiter de l'erreur d'un.e employé.e de magasin ou de fast food. Parce qu'il a toujours peur que ça retombe sur la personne, qu'elle soit licenciée ou se fasse disputer. Pire encore, l'Oniromancien a bien trop peur de voir la déception sur le visage de ses parents qui l'ont bien élevé et ont tout fait pour qu'il soit un gentil garçon poli et honnête.

Fort embarrassé donc, une fois le coup de fil terminé, il s'empresse de modifier le nom du contact sur son téléphone pour Radio Leith. Comme ça, il n'y aura plus de risque de se tromper en allant trop vite. Le cœur qui bat toujours la chamade, à cause du baiser de Nero mais en plus de sa bourde, il prend un instant pour se poser et se calmer. Les fesses dans sa voiture, le fleuriste passe chercher deux cafés dans un fast food encore ouvert à cette heure-là, avant d'arriver pile à l'heure devant l'immeuble d'Alba. Il se décide à monter de lui même jusqu'à son appartement, sonne et attend sagement. Pas de réponse. Sans doute qu'elle n'est pas encore arrivée ? Elle ne devrait pas tarder en tout cas, pour s'assurer de ne pas être trop en avance même, dans la voiture, Lucius écoutais Leith Fm pour une fois et l'a entendue dire au revoir un peu avant qu'il n'aille acheter leurs boissons chaudes. Assis sur les marches, les cafés à côté de lui et le portable en main pour scroller sur Instagram pour passer le temps -s'assurant même d'avoir coupé le son pour ne pas risquer de déranger les voisins de la brune qui dormiraient déjà-, Lucius attend donc sagement l'arrivée d'Alba.

Oh, il a beaucoup de choses à lui raconter, pour le coup il ne risque pas de s'endormir au milieu de sa phrase. Quoi que, il aimerait bien plonger dans ses rêves, aller dans son safe space : un endroit rempli de chatons imaginaires, tous plus doux et mignons les uns que les autres. Malheureusement, s'il aimerait bien passer sa vie dans le monde des rêves pour ne plus avoir le moindre stress, il sait que c'est malheureusement impossible. Je suis un adulte responsable. Tu parles, Lucius. Il espère seulement que Party Nuggets ne sera pas trop inquiet de ne pas le voir rentrer à la maison. Probablement qu'il imagineras que son sorcier a terminé trop bourré, qu'un verre s'est transformé en sept ou huit et qu'il a préféré dormir chez quelqu'un plutôt que de rentrer en voiture et risquer un accident. Adulte responsable donc. Si l'on omet le fait qu'avec sa narcolepsie... Il ne devrait même pas prendre le volant, même sobre.
Crédits ; joyexe & noahsebstian

   C'est comme si de rien n’était qu’Alba reprend le micro après la pause pub. Il n’est pas à douter que nombre d’auditeurs vont se demander ce qu’il vient de se passer et où est passé le jeune homme en plein questionnement amoureux, mais la pyromancienne a spécifiquement demandé à ce que les appels soient filtrés. On cache le tas de poussière sous le tapis, espérant qu’il finisse par tomber dans l’oubli.
  Alba termine son service le crâne plein d’interrogations. Elle n’aura pris que quelques autres appels et très peu utiliser son tarot, préférant conserver l’énergie de son troisième œil pour le tirage réservé à Lucius. Quand l’horloge du studio affiche enfin 01h00 et que son collègue, tout sourire, s’installe derrière le micro en face du sien, elle saute presque de son siège pour prendre la poudre d’escampette sans demander son reste. Et c’est déjà la fin de Alba et vos Ebats, les amis. Je vous laisse avec la voix délicate des Doux Rêves de Tev et vous dis à demain, à 21h. Bonne nuit ! Et avec ça, elle est déjà à la porte lançant un au revoir général qui traduit sa hâte, elle qui d’habitude prend soin de toujours considérer chaleureusement ses collègues.

  Elle traverse la nuit d’un pas déterminé. Il lui faut généralement, sans se presser, une demi-heure pour arriver chez elle depuis le studio d’enregistrement de Leith FM. Son appartement se situe à la limite du quartier des pyromanciens, limite qu’elle n’a jamais voulu, su, osé dans le fond franchir, elle qui ne s’est jamais senti réellement à sa place au sein de ce coven. Elle n’en rejette pas complètement les traditions, non - ses grands-mères s’en assurent bien, la traînant presque de force aux différents évènements rituels - mais des années de rejet de la part de ses membres ont forgé en elle une rancœur telle qu’elle ne cherchera jamais à s’intégrer. Elle respecte lea Souverain.e Igné.e et les prédictions des Oracles, mais sa révérence s’arrête là. Pas intéressée par la politique qu’elle trouve dans tous les cas véreuse à souhait, elle n’a jamais voté pour le représentant des Enfants des Volcans. Sentiment indépendant trop ardent pour se rattacher à quelque parti et faire des compromis sur certains de ses avis. Alors elle préfère rester vivre à Leith, parce que c’est là qu’elle a grandi. Quartier qui ne paye pas de mine mais qu’elle connait comme le dos de sa main, où elle a fait - et continue de faire - les quatre cents coups. Grande enfant qui refuse d’assumer ses responsabilités, ferme les yeux sur certaines réalités. Parfois elle en oublie qu’elle est désormais une véritable adulte et qu’on ne la renverra pas dans les jupons de ses parents en cas d’infraction mais que c’est bien elle qui en paiera les frais.
   Heureusement, il y a Lucius. Il y a toujours eu et il y aura toujours Lucius. Si les âmes sœurs existent, il est la sienne à n’en point douter. De manière purement platonique, qu’importe ce que les mauvaises langues - et même leurs propres parents fut un temps - pourraient jacter. Lucius, l’oniromancien toujours la tête dans les étoiles, quand elle n’est pas tout bonnement affalée, endormie sur la première surface qui passe, est sûrement le seul, ou en tout cas le meilleur, quand il s’agit de calmer une Alba constamment tout feu tout flamme. Oh, elle lui en a fait subir, à son pauvre Lulu. Elle ne l’embête plus autant pour faire des bêtises enfantines aujourd’hui, plus notamment depuis qu’elle a un travail alimentaire qui ne lui rend plus nécessaire de tomber dans l’illégalité. Mais aussi parce qu’elle sait qu’il a une peur panique du monde des humains, ce monde qui elle la fascine dans lequel elle ne se permettrait jamais de le tirer, ne serait-ce que de lui demander de l’accompagner. Elle a trouvé d’autres personnes qui ont ce même besoin d’adrénaline alors à présent, Lucius peut un peu se reposer.

    A l’approche de son bâtiment, Alba reconnaît la Kia de Lucius, à l’arrêt, les feux de position encore allumés. Elle s’étonne toujours qu’on lui ait accordé son permis alors qu’à tout moment il peut s’endormir derrière son volant. Elle, elle ne l’a jamais passer - prêtant que c’est une question de volonté, qu’elle préfère marcher. C’est bon pour l’asthme, il parait. Mais c’est encore une fois un problème financier. Elle n’est pas du genre à se morfondre, Alba, elle fait avec.
   A hauteur de la voiture, elle toque sur la vitre arrière côté conducteur pour prévenir Lucius de son arrivée voire, au besoin, le réveiller. Allez-viens, j’espère que t’as pensé au café. Elle se dirige vers son bâtiment à la porte principale grinçante, qui semble prête à tomber en ruine mais dont la serrure et encore bien solide. Elle habite au quatrième étage, sans ascenseur. Autant dire que faire les courses n’est jamais une partie de plaisir et qu’elle passe souvent pas Uber Witch pour qu’elles lui soient livrées au pas de sa porte. Le vingt-cinq mètres carrés ne payent pas de mine à première vue. Elle allume d’un petit geste du poignet les bougies sur la table basse entre le sofa et la petite télé et la pièce principale s’éclaire d’une lumière tamisée et chaleureuse tout de suite plus accueillante. Alors comme ça, Monsieur Lucius Jager bisouille des hommes maintenant ? Je préviens, t’as intérêt à tout me raconter ! Elle pose son sac, duquel sort Guadalupe qui se dirige vers le tas de coussin qui lui sert de nid douillet, et s’installe par terre, en face du sofa, invitant silencieusement Lucius à s’asseoir en face d’elle. Elle commence à battre les cartes tout en l’observant d’un œil inquisiteur et malicieux.
Crédits ; joyexe & noahsebstian

Quand Alba arrive, Lucius se sent soudainement tout penaud. Oh, pas qu'il ait peur d'elle. Pas vraiment. Si elle est parfois très énergique et imprévisible, il sait qu'il ne s'attireras jamais -réellement- les foudres de la pyromancienne. Qu'elle ne pourras jamais rester bien longtemps fâchée après lui, même quand il fait des bêtises. Comme ce soir, en appelant au standard comme un idiot. Lucius qui dépose les tasses de café sur la table basse, qui entame d'ailleurs la sienne immédiatement. Guadalupe qui comme à son habitude s'installe dans son coin au chaud et Lucius qui se triture les mains pendant que la sorcière du boa bat les cartes en lui demandant de tout lui expliquer.

Il a le regard fuyant, Lulu. Parce qu'il ne sait pas trop par où commencer cette histoire. Jamais ça ne lui est arrivé ce genre de situations. Oh, y a déjà un gars ou deux qui l'a approché, mais il a toujours poliment dit qu'il n'était pas intéressé quand ça a été le cas. Peut-être qu'il l'était finalement ?... Non, pas vraiment. Il ne sait pas.

« Alors, ça a commencé ce matin en fait. »

Oui, parce que avant il n'a jamais bisouillé un autre homme. Alba qui sait tout le sait bien. Elle a connu toutes ses copines, ou au moins a eu les histoires d'un fleuriste au cœur brisé trop vite. Elle connaît ses crush, l'a parfois un peu aidé à essayer de draguer. Surtout au début, quand ils étaient encore des adolescents, qu'il ne comprenais pas comment la drague fonctionnait et comment plaire à une fille.

« J'avais une livraison programmée à l'horizon infini. Rien d'inhabituel, on y va régulièrement pour décorer avec des fleurs, comme dans tous les autres Covens. Bref, j'y vais et y a un gars qui m'interpelle. Il a capté mon accent Américain et ça a attiré son attention. Alors on a un peu discuté comme ça, il est allé aux US pendant un an et ça lui a rappellé des souvenirs. Bref, je lui ai dis Ok pour aller prendre un verre le soir et discuter quand on aurait tout les deux terminé le travail, normal. »

S'il est un brin timide Lucius n'est pas non plus un sauvage. Accepte souvent les invitations, ravi qu'on le fasses à sa place, lui qui n'ose jamais rien demander ni s'imposer à qui que ce soit. Nouvelle gorgée de café, la tasse en carton déjà à moitié vidée par l'Oniromancien. S'il a tendance à s'endormir... Ce soir il n'est pas prêt de trouver le sommeil. Ah, ça doit avoir ses avantages la vie parfois non ? Même si c'est parce que gamberger le tiens éveillé.

« Moi, j'croyais qu'on allait boire un verre entre mecs, pour faire connaissance et peut être devenir potes si ça se passait bien tu vois. Il est assez cool en plus, il aime bien les tatouages lui aussi, ce genre de trucs, on a des choses en commun quoi. Il m'avait donné rendez vous dans un bar côté humains de base. J'étais pas super chaud, tu me connais, mais je me suis dis ça passe pour juste boire un coup. Ensuite on est allé près d'un point d'eau tranquille pour continuer de discuter normalement, pour faire connaissance, parce que le bar a commencé à se remplir. NORMAL un samedi soir, y avait rien de bizarre. Puis après, on l'a appelé pour le travail. Il s'est excusé en disant qu'il devait y aller, qu'on s'capte plus tard tu vois. Moi je lui dis bon bah salut Nero c'était cool ! On s'refait ça quand tu veux j'ai passé une bonne soirée tout ça. Et lui, il m'a embrassé en partant. J't'avoue que j'ai pas su comment réagir je m'y attendais pas, j'ai failli faire un malaise ! »

Pourtant, malgré le choc, Lucius a tout de même eu le réflexe de lui rendre son baiser, à ce fameux Nero. Sans doute parce que c'était la meilleure chose à faire pour ne pas rendre la situation encore plus malaisante.

« Bref, enfin... Tu sais bien que j'ai pas de jugements et que je m'en fiche tant que les gens ils sont heureux. Mais je pensais pas que ça m'arriverais à moi ? Genre. Est-ce que j'ai loupé un truc ? C'était un date et j'ai pas compris ? Parce qu'on a juste discuté en mode normal pour faire connaissance... Fin' tu fais ça aussi pendant un premier date avec une nana remarque. Mais il était pas spécialement sur son 31 ou quoi j'ai l'impression, et... moi non plus ? »

En témoignent la dégaine Jager, en tee shirt et en short, avec l'une de ses fidèles paires de claquettes -pour une fois sans chaussettes en été. S'il avait su que le rendez-vous était romantique, il aurait plutôt opté pour un jean et des baskets histoire de bien présenter et faire une bonne impression. Un date, c'est comme un entretien d'embauche, il n'aime pas y aller habillé n'importe comment. En se regardant d'ailleurs, Lucius remarque qu'il a encore du vernis à ongles noir sur les doigts de pieds. Vestige d'une soirée entre potes où il s'est laissé faire sagement pour faire plaisir à une amie.

« C'est le vernis sur les doigts de pieds tu crois ? J'sais pas, c'est que les homosexuels qui font ça normalement, y a un code ou un truc ? Parce que j'ai rien dis ni rien fais de particulier pour lui laisser sous entendre que j'étais intéressé. »

Crédits ; joyexe & noahsebstian

   Alba écoute, non, boit les paroles de Lucius tandis que ses mains battent invariablement les cartes. Il a rencontré l'homme ce matin. Dis donc, Lulu, c'est qu'on va vite en besogne, on ne se ménage pas ! Elle sourit tandis qu'il poursuit, mentionnant son accent américain auquel elle est habituée, qu'elle ne remarque même plus avec les années, mais qui a interloqué l'inconnu. Il lui fait part des nombreux points communs qu'ils se sont rapidement découverts et qui les ont sans doute rapprochés sans que Lucius n'en ait conscience, lui qui n'a jamais eu de relation avec un homme auparavant. Est-ce que si ça avait été une belle demoiselle aux bras ornés de dessins il aurait plus aisément su repérer les signaux ? Pas sûr, il a souvent la tête dans les étoiles, à rêver éveillé, l'oniromancien.
   Moi je lui dis bon bah salut Nero c'était cool ! On s'refait ça quand tu veux j'ai passé une bonne soirée tout ça. Et lui, il m'a embrassé en partant. Le sourire d'Alba double de proportion à ces mots. La manière qu'a Lucius de ne jamais se rendre compte de rien a toujours été absolument adorable ; à ses yeux c'est une de ses plus grandes qualités et elle ne doute pas qu'elle fasse partie de celle qui ait plus à ce fameux Nero. Elle note le nom dans un coin de sa tête, mais il ne résonne nulle part. Mais l'homme a voyagé apparemment, alors ce n'est pas étonnant. En tout cas, elle note surtout qu'il est fort entreprenant et que Lucius a dû sacrément lui faire de l'effet : on embrasse rarement spontanément un inconnu. Non pas qu'Alba juge, des inconnu.e.s, elle en a embrassé.e.s à la pelle (sans mauvais jeu de mots) mais complètement éméchée lors de fêtes et autres soirées. Pas après un verre ou deux pour se dire à bientôt. C'est le vernis sur les doigts de pieds tu crois ? J'sais pas, c'est que les homosexuels qui font ça normalement, y a un code ou un truc ?
   Alba cesse de mélanger son tas de cartes pour assener une petite tape sur la tête de Lucius. Non mais d'où tu sors ce genre de conneries ? On est plus dans les années 80 ! J'ai un code couleur, moi, qui dit "je pécho tout ce qui passe, hésitez pas !" peut être ? Enfin, pecho tout ce qui passe. C'est un bien grand mot. Depuis sa séparation avec Ronan, elle n'a pas vraiment eu de relation avec qui que ce soit. Quelques coups d'un soir chez qui elle n'a jamais passé la nuit. Elle se sent encore trop fragile pour faire confiance, se montrer vulnérable avec qui que ce soit. Elle ne veut plus s'ouvrir Alba, pas pour qu'on la laisse tomber du jour au lendemain, pour que les qualités qui ont plu au début deviennent les défauts qui justifient la rupture. Mais ce n'est pas le moment de ressasser le passé. Ce n'est jamais le moment de repenser à Ronan, ça ne mène à rien et elle le sait pertinemment. Surtout qu'elle n'a aucune envie que ces souvenirs viennent lui ramener le moral alors qu'elle est sincèrement enthousiaste et excitée par l'histoire de Lucius. C'est que ça s'annonce croustillant et prometteur.

   Elle recommence à battre les cartes en se concentrant sur le récit de son ami. Elle pense à la connexion instantanée entre les deux hommes, à leur complicité immédiate, à leur longue conversation dans un pub puis visualise comme elle le peut le baiser volé. Elle pense à l'émotion dans la voix de Lucius, son trouble évident mais aussi, clairement, le fait que ça lui ait plu. Où va mener cette relation ? A-t-elle un avenir, pour commencer ? N'est-ce qu'une passade ? Elle se concentre sur les questions tandis qu'elle tire cinq cartes de son paquet.
   Ah ! Elle ne l'a pas vu venir, celle-là. Elle peine à cacher son embarras, Alba, elle qui s'attendait à un tirage allègrement positif. Il y a beaucoup de cartes inversées ou à connotation négative. Comment aborder le sujet, maintenant ? Elles se comptent sur les doigts d'une main, les fois où la pyromancienne se retrouve sans voix, mais c'est qu'elle ne veut pas briser les espoirs de son ami. Alors, euh... déjà on a l'as de coupe, qui est très positif ! Il symbolise le début de quelque chose dans lequel tu vas t'épanouir émotionnellement. Bien, commencer par la bonne nouvelle. Maintenant, que dire ? Le trois d'épée symbolise le rejet et la trahison. Ça veut pas dire que c'est ce que tu vas vivre ! Ça peut être quelque chose que tu as vécu ou que lui - Nero ? - a vécu par le passé. Mais ça va impacter votre relation. Et c'est là que les choses se corsent. D'après les cartes, c'est quelqu'un d'assez renfermé et qui a beaucoup de secrets qui vont nécessairement avoir des répercussions sur votre relation. Elles me disent que c'est quelqu'un avec une certaine autorité, une certaine discipline qui le rendent intransigeant avec lui-même comme avec les autres. J'ai peur que ce soit une personne qui essaye de te contrôler ? Elle n'ose pas aller plus loin, pas tout de suite. Ses yeux restent sur ses cartes. Elle a peur de décevoir Lucius, peur que malgré le choc initial il ait déjà commencé à se projeter avec ce Nero et qu'elle vienne jouer les oiseaux de mauvais augure. Elle attend, attend de voir sa réaction, sa réponse pour moduler la suite. Mais dans son fort intérieur, elle a un très mauvais présentiment.


Crédits ; joyexe & noahsebstian

« AIIIIEEEUUUH !!! »

Il exagère à peine, quand elle lui met une petite tape sur la tête suite à sa réflexion mal éclairée.

« Mais non mais tu me connais en plus tu sais que j'ai pas dit ça méchamment ! Mais y a plein de trucs que je savais pas, comme les ongles courts là tu m'as appris. Alors je sais pas ?? »

Oui, il est bien naïf Lucius. Il a l'habitude de voir Alba avec des ongles longs, sauf de temps en temps quand il y a quelqu'un dans sa vie. L'Oniromancien se rappelle encore du moment gênant ultime ressenti lorsqu'elle lui a expliqué pourquoi c'était nécessaire. Après explications, ça lui a en effet semblé plutôt logique. Mais il n'y aurait pas pensé tout seul, voyez. Se demandant juste pourquoi elle ne mettais plus autant de faux ongles que d'habitude. Heureusement, la dispute ne dure pas. Elle ne dure jamais entre eux. Jager qui boit son café quand elle commence à sortir les cartes du paquet. C'est rouge et doré, c'est joli avec des touches de blanc. Y a tout un tas de dessins, certains ont l'air moins sympathiques que d'autre à première vue et il ne comprend rien. Panique un coup cependant rapidement en voyant un cœur transpercé d'épées, oula, ça pue ça non ? Ils se sont juste fait un p'tit bisou et hop, déjà il lui brise le cœur ce type qu'il connaît à peine ? C'est un peu précipité là non ?

Mais elle prend le temps d'analyser la chose, de lui expliquer des mots simples. Le tatoué réunit sa concentration, hoche la tête l'air sérieux quand elle déballe le portrait. En gros, elle a vu juste sur quelque chose déjà, alors qu'il ne lui a rien dit de particulier sur Nero.

« Ouais, il est un peu rigide de nature, j'ai eu cette impression. Pas méchant hein, mais ça s'voit qu'il a pas l'habitude de se détendre, j'ai ressenti ça avec lui niveau vibe. Après ça se comprend, il travaille pour son Coven, il a un poste important. »

Détendu pourtant il devait l'être assez pour l'embrasser en partant.

« On verra alors. Le secret c'est peut-être qu'il est dans le placard hein, je sais pas. Si c'est ça c'est pas trop grave, j'ai pas besoin d'aller crier sur tout les toits d'Edimbourg pour annoncer la nouvelle. »

C'est pourtant ce qu'il a fait un peu, en appelant la radio tout à l'heure. Oups. Tant pis ? Il n'a pas donné de prénom à l'antenne, l'identité de l'Aéromancien est préservée. Pourtant, y a son instinct qui lui hurle de dire quelque chose à Alba, là tout de suite :

« J'préfèrerai éviter que ça se saches. Que ça reste entre nous, juste toi et moi, pour les détails... Je crois vraiment que c'est ça le secret: qu'il est dans le placard. »

Est-ce que Nero l'aurait embrassé comme ça s'ils avaient été au milieu d'une rue animée ? Sans doute que non, s'il l'a fait c'est parce qu'ils étaient au milieu de nulle part. S'il l'a invité dans un bar de l'autre côté c'est pour qu'on ne risque pas de le reconnaître. Lucius additionne tous les détails dans sa tête et soudainement ça fait sens.

« Et Lupe. Mais je sais que tu diras rien. »

Il tend d'ailleurs la main pour caresser les écailles du Boa lové dans son coin, un sourire aux lèvres. Si certaines personnes ont peur du familier de son amie, lui s'est habitué très vite. Rassuré dès les premiers instants quand elle lui a promis que son serpent n'allait pas le manger et préférait les souris aux petits garçons.

« Et pour le reste, du coup ? C'est vraiment une relation qui m'attend avec lui ? Non parce que j'essaye de jamais m'emballer après un date, même si... Ouais, j'ai tendance à me projeter quand la fille me plaît vraiment tu me connais. »

Eternel idéaliste et romantique, Lulu la fleur bleue qui veut croire en l'amour. Qui a cette tendance à penser aux prénoms des chats qu'ils adopteront plus tard après le premier date.

« Mais comme c'est nouveau pour moi, je sais même pas si je me sens attiré par lui tu vois ? ça m'a pris un peu de court. J'le trouve sympa après même s'il est un peu bizarre. Parce qu'il est droit comme gars, j'ai pas l'habitude. »

La différence de classe sociale et d'éducation s'est faite ressentir durant leur petite escapade au bar. Si Lucius est un garçon toujours très poli, il n'est pas autant à cheval sur les manières. N'utilise pas des mots aussi complexes et soutenus que ceux de l'Aéromancien. Et pour le coup, il sait que ce n'est pas dû à la magie des Pigeons. Parce qu'il en a connu tout un tas, qui parlaient normalement. C'est vraiment que Nero, il a dû naître dans une famille aisée. On les reconnaît vite, ces gens-là, surtout quand comme Lucius, on a une très bonne intuition.

Crédits ; joyexe & noahsebstian

   Elle reprend la tasse en carton et avale quelques gorgées de café, cherche ses mots, comment expliquer à Lucius ce que les cartes lui disent le plus sincèrement possible sans pour autant venir complètement miner ses espoirs. De son côté, l'oniromancien réfléchit aussi, à voix haute - envisage ce que pourrait être ce fameux secret que dissimule l'homme qu'il vient de rencontrer. Est-ce qu'il est toujours dans le placard ? Non, c'est pas ça. C'est plus gros, comme fardeau. Quelque chose qu'il te cachera même à toi jusqu'à ce qu'il se retrouve dos au mur. Mais comment le lui dire sans qu'il ne prenne peur ? Fichues cartes et leurs messages cryptiques ! Si seulement elle pouvait savoir clairement ce qui cloche avec ce Nero ! Ca serait plus simple, elle pourrait mettre en garde Lucius correctement. Est-ce qu'il ment sur qui il est ? Est-ce qu'il est déjà engagé auprès de quelqu'un d'autre ? Est-ce qu'il a fait du mal à des gens ?
   C'est vraiment une relation qui m'attend avec lui ? Alba relève la tête et plonge son regard dans celui de son meilleur ami. Oui. La réponse est sincère, nette, ne se fait pas attendre. Sur ce point les cartes ne lésinent pas. Il y a vraiment quelque chose de fort entre vous - enfin peut-être pas tout de suite, mais ça va se construire, c'est évident. Et ça ne va rendre la chute que plus douloureuse. Oh, il faut qu'elle lui dise, elle le sait ! Mais elle a si peur de le décevoir. Son cher Lucius, lui qui a le cœur si perméable à l'amour, lui qui est encore si innocent par bien des aspects. La gêne déforme son visage et sûrement, sûrement qu'il le voit, qu'il le devine qu'il y a quelque chose qui cloche, qui ne va pas. Guadalupe aussi, semble le sentir. Il sort de son nid et s'enroule doucement autour du bras de l'oniromancien qui le caressait dans une étreinte de réconfort tout en fixant sa sorcière d'un regard sévère comme pour lui dire Qu'est ce que t'attends ? Plus tu lambines, plus le pansement sera difficile à arracher.
   Alors Alba attrape la main de Lucius pour être sûre d'avoir toute son attention. Ecoute moi. Je peux pas te dire de pas aller plus loin avec lui parce que c'est déjà écrit qu'il se passera quelque chose de fort entre vous. Mais fort... ça veut pas nécessairement dire positif. Il y a ces secrets mais je vois aussi un énorme obstacle, je vois que des éléments extérieurs vont jouer contre vous. C'est pas une relation qui va te faire que du bien, Lucius. La peine déforme son visage. Elle sait qu'elle ne peut rien y faire. Pas besoin des cartes, elle l'entend dans sa voix qu'il en craque déjà pour son mystérieux éphèbe. Elle voudrait lui dire de le bloquer, de ne plus jamais lui parler, mais pourquoi ? Elle sait que ça serait vain. Alors, de son impuissance et de sa détresse, c'est de la colère qui jaillit. Une rage contre celui à cause de qui son ami va inévitablement souffrir. Oh, elle ne le connait pas, et elle lui souhaite de ne jamais la croiser, parce qu'elle a décidé de le détester, lui qui traîne tant de peine sur son chemin. Sa prise autour de la main de l'oniromancien se resserre comme un étau. Lucius, s'il te plait, fais attention. Sa voix s'éraille sans qu'elle ne le veuille. Elle s'imagine déjà devoir essuyer les larmes sur ses joues, le réconforter après, que sais-je, une dispute ? Une tromperie ? Des coups ? Je veux pas qu'il te blesse. Relation toxique qu'elle regrette tant pour lui que pour sa conscience d'avoir découverte.

Crédits ; joyexe & noahsebstian

Les présages ne sont pas très bons. Lupe autour de son bras, Lucius écoute pourtant Alba. Elle lui prédit des épreuves difficiles. Une relation qui ne sera pas simple, mais tout de même forte. Un peu perdu par toute cette histoire, l'Oniromancien soupire en serrant en retour la main de son amie de toujours.

« On verra bien je suppose. »

Gorgée de café de son côté à lui aussi. C'est difficile de se projeter. Encore plus d'imaginer ce qui va lui faire du mal dans cette histoire. Parce que Nero au final, il ne connaît à peine. Si ça se trouve les cartes d'Alba racontent n'importe quoi, il n'y aura rien entre les deux hommes et un deuxième date n'arriveras jamais. Il pourrait refuser maintenant qu'il sait. Eviter tout ce merdier qu'on lui a prédit avec quelques bouts de cartons ornés de jolis dessins.

« C'est la vie, non ?... C'est pas toujours facile et on y peut rien, mais tu me connais. Tu sais que j'essaye toujours de voir le bon côté des choses. »

Un sale optimisme qui perdure chez Lucius. Parce que dans le fond sa vie n'est pas si compliquée que ça. Elle aurait pu être pire, étant donné la manière dont ça a commencé : une mère célibataire un peu trop jeune, pas de figure paternelle présente. Il aurait pu mal tourner dans d'autres circonstances, être triste de ne pas avoir une famille normale et extérioriser ces sentiments de manière négative en devenant un criminel ou un drogué, ou au moins, un adolescent à problèmes. Mais non, rien de tout ça pour le jeune Jager qui hormis quelques petites bêtises n'a jamais été un soucis pour ses parents. Même avec sa maladie, sa narcolepsie qui lui a fait lâcher l'école, il a réussi à obtenir son diplôme et à trouver sa voix dans un métier stable et honnête. Fleuriste, c'est pas la chose la plus ambitieuse du siècle mais au moins ce n'est pas trop stressant pour lui. ça rapporte pas non plus des milles et des cents, mais ça lui suffit largement à lui qui vit simplement. Non, vraiment, objectivement parlant quand il y réfléchit, Lucius constate que sa vie n'est pas compliquée. Qu'il est heureux. Tout ce qu'il manque à la limite -et encore- c'est quelqu'un avec qui la partager. Une partenaire de vie. Ou un. Une belle romance, en somme... Une histoire d'amour que Nero va lui offrir avec tout un tas de problèmes à priori.

Pour ne pas s'embourber dans des pensées négatives, l'Américain adresse un sourire à Alba en sortant son portable qu'il lui jette dans les mains :

« Prends toi des sushi en guise de rémunération pour le tirage va. C'est pour moi. »

Que les ancêtres bénissent les quelques restaurants ouverts durant la nuit à Edimbourg. Il connaît déjà celui-ci qui livre des sushi jusqu'à quatre heures du matin. C'est parfois un peu long, le temps de trouver un.e livreur.euse uberwitch disponible... Mais puisque c'est déjà froid, ça ne posera pas de problème si la livraison prend un certain temps. Lorsque la sorcière a effectué sa commande, il passe également la sienne qu'il ajoute au panier sur son application et choisit l'adresse de la base secrète, déjà pré enregistrée.

« Faudra que je me lave bien les mains avant de rentrer, sinon y en a un qui va me culpabiliser de pas lui avoir gardé un bout de poisson et d'avoir mangé des sushis sans lui. »

Crédits ; joyexe & noahsebstian